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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte l’histoire d’une maison close berlinoise au service des nazis. En 1933, Katharina Zammit crée le Salon Kitty, un établissement bientôt fréquenté par la cour et la ville. Menacée par la SS, la tenancière devra transformer son bordel en officine de renseignement et les prostituées qui y travaillent, en espionnes.
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Transcription
00:00 dans l'intimité de l'histoire.
00:02 - Aujourd'hui Clémentine avec vous du cul et des nazis.
00:07 Et oui, puisque c'est ce que vous aimez le plus au monde, vous nous racontez l'histoire
00:12 d'un drôle de lieu qui n'était pas que drôle, le salon Kittin, maison close berlinoise au service des nazis.
00:19 - Oui Stéphane, parce que je vous ai déjà parlé ici même du Chabanet, vous en souvenez-vous ?
00:25 - Oui bien sûr, où Edouard Senne venait.
00:26 - Le Chabanet, vous connaissez Jean-Luc, l'une des plus célèbres maisons close parisiennes.
00:30 Bon, eh bien le salon Kittin à Berlin, c'était le même genre.
00:34 Canapés profonds,
00:36 tentures, tapisseries, pianos à queue et tableaux de maître.
00:41 Oui, et la tenancière de cet établissement s'appelait
00:44 Katharina Zamit et se faisait appeler Kitty Schmidt.
00:48 Elle avait la cinquantaine.
00:50 A l'origine elle était aide coiffeuse et puis elle a rencontré un monsieur d'un certain âge très fortuné
00:56 qui l'a laissé tomber et donc elle a sombré dans la prostitution
01:01 quand il l'a abandonné ce monsieur.
01:05 Elle a créé une première pension Schmidt et
01:08 avant la fameuse, la très célèbre qui a été prise en main par les nazis, elle avait déjà ouvert deux bordels.
01:16 Donc début 33, elle crée cette pension au troisième étage d'un immeuble discret et ça fonctionne très très bien.
01:22 Elle a beaucoup de clients, son établissement est fréquenté par la cour et la ville
01:26 et ça lui permet, Kitty Schmidt, de mettre pas mal d'argent de côté.
01:31 Alors à partir de 34, elle se met à transférer tous ses bénéfices dans une banque londonienne
01:36 où elle a ouvert un compte et elle envoie régulièrement à Nantes
01:40 ses pensionnaires qui cachent des liasses de billets dans leur soutien-gorge et leur petite culotte
01:46 fourré de billets de banque et qui vont alimenter le compte en banque londonien de Kitty Schmidt.
01:53 Parce que Kitty Schmidt, quand les nazis arrivent au pouvoir, elle se dit qu'elle va quitter l'Allemagne et partir en Angleterre.
01:59 Mais la police a remarqué qu'elle échange de nombreux télégrammes avec un ami londonien,
02:05 un ancien client des salons de Kitty qui est bien connu dans le monde du spectacle et qui s'appelle Sam Levin.
02:11 Donc elle décide de partir à Londres où elle aura de quoi vivre puisqu'elle a bien alimenté son compte en banque.
02:17 Elle prend le train le 29 juin 1939
02:19 parce qu'elle ne sait pas c'est qu'elle est suivie par un agent du service de sécurité de la SS.
02:25 On la laisse imaginer qu'elle va pouvoir filer et arriver à la frontière hollandaise
02:30 et bien on l'arrête et on la ramène à Berlin sous bonne garde.
02:34 Là on l'a fait mariner pendant deux semaines en cellule pour qu'elle soit bien préparée psychologiquement
02:40 et après quoi un certain Schellenberg, l'adjoint d'Heidrich de sinistre mémoire, lui met un marché en main.
02:47 Écoutez maintenant où vous travaillez pour nous, pour le SD, le service de sécurité de la SS,
02:52 où c'est le camp de concentration tout de suite ?
02:54 Alors évidemment...
02:56 - Là vous réfléchissez pas.
02:58 - Vous réfléchissez pas et c'est comme ça que le salon Kitty, la maison close de Kitty Schmidt,
03:02 devient une officine de renseignement et c'est Reiner Heidrich qui supervise toute l'opération.
03:08 Les prostituées reçoivent une véritable formation d'espionnes, on leur fait suivre des cours spéciaux,
03:14 alors du judo, combat rapproché, secourisme,
03:17 et elles sont censées pouvoir parler une centaine de mots dans différentes langues,
03:22 évidemment anglais, italien, espagnol.
03:26 On leur donne des renseignements classiques qui sont dispensés dans des maisons close,
03:30 c'est-à-dire des renseignements sur les maladies vénériennes, la façon de les éviter,
03:34 la coiffure, le maquillage, l'art de la conversation,
03:37 mais elles doivent être aussi capables d'identifier des grades et tous les insignes.
03:43 Bah oui, est-ce que j'ai couché avec un colonel, un maréchal ou un lieutenant ?
03:47 - Ah bah ça change tout !
03:47 - Bien sûr ! Sur la qualité des renseignements, ça change naturellement tout.
03:52 Et comment savoir recueillir sur l'oreiller et exploiter des renseignements ?
03:56 Toutes ces prostituées, il y a d'ailleurs des femmes du monde, il y a une femme de magistrat,
04:00 c'est pas simplement des femmes qui font le trottoir depuis toujours,
04:04 parce qu'il faut des femmes d'un certain niveau qui parlent leur entrejamble,
04:08 de la conversation et naturellement du sexe, vont savoir tirer les verres du nez à ces messieurs !
04:14 Bon, en plus elles sont dûment fichées ces dames, on sait tout d'elles.
04:19 La maison close devient ainsi un véritable centre d'espionnage,
04:22 derrière chaque mur, chaque tapisserie, il y a une quantité invraisemblable de micros,
04:29 il y a au moins huit micros par salon.
04:31 Et le sous-sol de la maison close est aménagé en une sorte de poste d'écoute, si vous voulez.
04:36 Il y a cinq agents qui en permanence écoutent, font les transcriptions de toutes les conversations.
04:42 Alors quel type de renseignements on obtient ?
04:45 Bon évidemment, ce qui facilite la chose c'est de l'alcool, le désir,
04:50 souvent les messieurs expriment leur opinion sincère sur le régime,
04:55 et comme il y a des clients illustres, ça peut être intéressant.
04:57 Parmi les clients du salon Kitty, Joseph Goebbels, le ministre de la propagande,
05:03 qui semble-t-il aimer regarder les dames faire l'amour, ça c'était sa tasse de thé.
05:08 Il y a eu aussi le comte Ciano, le gendre de Mussolini,
05:11 qui était alors ministre des affaires étrangères de l'Italie fasciste,
05:14 et lui il s'est tout à fait laissé aller en disant "votre Hitler il n'ira pas loin,
05:18 il ne se rend pas compte qu'il va se mettre l'ensemble de l'Europe à dos".
05:21 Donc on peut glaner, savoir un peu ce que pensent les clients.
05:25 Reiner Heydrich lui aussi fréquentait assidûment les lieux,
05:28 mais quand il était là tous les micros devaient être neutralisés,
05:31 ce n'est pas ce qu'on entend de ce qu'il racontait.
05:34 Cette officine d'espionnage a fonctionné jusqu'en 1942,
05:37 date à laquelle elle a été bombardée et complètement démolie.
05:40 Madame Schmitt, elle, est morte en 54 à 71 ans,
05:44 et on estime qu'il y a eu 25 000 enregistrements réalisés dans son établissement pendant la guerre.
05:52 Après elle, son salon a été repris ailleurs bien sûr, mais par sa fille.
05:57 Et puis dans les années 90, l'ancienne maison close a été transformée en maison d'accueil pour demandeurs d'asile.
06:03 Alors là, les voisins ont protesté, et donc ça a dû fermer,
06:08 à croire que les demandeurs d'asile incommodaient manifestement plus que l'activité de prostitution.
06:13 Eh bien je vous laisse messieurs réfléchir à cette intéressante constatation.
06:18 - Bah oui, merci beaucoup Clémentine.
06:20 Allez maintenant c'est le moment de l'émission.