Jean-Pierre Sueur

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00:00 8h19, Anne Augey, votre invitée ce matin sur France Bleu Orléans, c'est le sénateur socialiste du Loiret, Jean-Pierre Seur.
00:06 Il est avec nous en duplex pour évoquer la réforme des retraites.
00:10 Et essayer de comprendre ensemble ce qui se joue dans la décision du Conseil constitutionnel attendu demain.
00:16 Bonjour Jean-Pierre Seur.
00:18 Bonjour Anne Augey.
00:19 Alors qu'il y a aujourd'hui une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites,
00:22 tous les regards sont en fait braqués sur le Conseil constitutionnel chargé de valider ou de censurer totalement ou en partie
00:29 la loi adoptée le mois dernier.
00:31 Vous qui connaissez bien l'histoire de la Constitution, les arcanes de la politique,
00:36 c'est fréquent et c'est normal qu'on attende autant de cette instance sur une réforme aussi importante ?
00:42 Écoutez, là je crois qu'on attend vraiment beaucoup et peut-être trop du Conseil constitutionnel
00:49 puisque tout le monde est braqué sur ces décisions.
00:52 Je vais vous dire qu'il y a au moins un argument très fort qui pourrait entraîner la non-constitutionnalité de ce projet de loi.
01:04 C'est le recours à l'article 47.1 de la Constitution.
01:08 C'est en fait le choix du gouvernement d'intégrer cette réforme à une loi de financement de la sécurité sociale
01:18 qui d'une certaine façon contraint les débats sur la durée.
01:24 Et là vous pensez qu'il y a lieu de dire que les débats n'ont pas été sincères et ça, ça n'est pas constitutionnel.
01:31 Vous, c'est votre position ?
01:33 Oui, je crois qu'il y a eu un détournement de procédure.
01:37 L'article 47.1, il est fait pour les lois de finance, la loi de finance ordinaire et la loi de finance pour la sécurité sociale.
01:45 En fait, il y a une contrainte temporelle qui est liée au fait que le 31 décembre, les lois de finance doivent être votées.
01:54 Dans les républiques antérieures, on arrêtait les pendules, vous savez.
01:59 Là, il y a des règles pour que l'on vote le budget à l'heure.
02:04 Donc, débats contraints effectivement, mais il y a...
02:07 Ça ne s'applique pas aux lois sociales comme la loi sur les retraites.
02:10 Donc, il y a des constitutionnalistes qui sont effectivement d'accord avec vous.
02:15 Il y en a d'autres qui disent, bon, c'est pas forcément un sujet de censure de cette réforme des retraites.
02:25 On voit bien que jusqu'à demain, tous les pronostics sont ouverts.
02:31 Et c'est gênant pour une réforme de cette ampleur quand même, non ?
02:35 Ça fait peser sur les membres du Conseil constitutionnel peut-être un poids politique qui est trop important ?
02:44 – Oui, c'est-à-dire que les constitutionnalistes ont des points de vue divers.
02:50 Il n'y a qu'à lire les journaux pour voir toutes les tribunes qui sont parues.
02:54 Je crois qu'il faut laisser le Conseil constitutionnel faire son travail.
02:57 Ce que je sais, c'est que dans la plupart des cas, il n'annule pas une loi entière.
03:03 Pourquoi ? Parce que finalement, les membres du Conseil, ils font du droit.
03:09 Mais ce sont aussi des êtres humains qui sont dans un contexte politique.
03:13 Ce sont des gens qui ont fait de la politique et ils font souvent la part des choses.
03:19 C'est ça, la réalité.
03:21 – Et est-ce que ça n'est pas pour tous, à la fois l'exécutif Emmanuel Macron, Elisabeth Borne,
03:28 et pour les syndicats, une sorte de porte de sortie pour le gouvernement,
03:32 surtout cette décision du Conseil constitutionnel ?
03:35 Une façon de dire, bon ben voilà, le Conseil a décidé,
03:37 les sages ont tranché, on se range derrière leur avis.
03:42 – Je ne suis pas sûr.
03:43 Parce que si cette loi subsiste, et notamment le changement de l'âge de départ à la retraite,
03:51 je crois qu'il restera une profonde amertume, une profonde incompréhension.
03:56 Vous savez, au-delà du Conseil constitutionnel,
03:58 il y a quand même l'attitude du Président de la République.
04:01 Ça fait deux mois qu'il est totalement inflexible.
04:04 Souvenez-vous que les syndicats unis, ils n'ont jamais été aussi unis,
04:09 tous les syndicats, sans aucune exception, ont demandé à être reçus.
04:16 Et il n'a jamais fait la moindre ouverture.
04:20 – Donc il y aura des "sages" qui diront la loi, qui diront la Constitution,
04:27 mais ça ne changera rien au sentiment général.
04:31 – Je crains malheureusement qu'il reste cette incompréhension et cette amertume.
04:39 Remarquez, il y a des manières d'en sortir.
04:41 Je vais vous en citer une.
04:43 Il y a l'article 10 de la Constitution, qui permet, ça a déjà été utilisé,
04:48 au Président de la République de demander une seconde lecture de la loi,
04:52 d'une loi avant de la promulguer.
04:54 Ce serait un geste d'apaisement qui permettrait peut-être
04:58 de reprendre l'ensemble du sujet.
05:00 Moi, je crois qu'il y a eu un manque de dialogue.
05:03 D'ailleurs, Mme la Première Ministre s'en est bien rendue compte.
05:07 Quand elle a dit la semaine dernière qu'il fallait de l'apaisement,
05:11 qu'il fallait une convalescence, on a bien senti qu'elle tendait une perche.
05:16 Ce que j'ai regretté, c'est qu'aussitôt, depuis la Chine,
05:19 le Président de la République a eu une attitude à nouveau rude et inflexible.
05:25 Je ne pense pas qu'il faut fonctionner comme ça dans une démocratie comme la nôtre.
05:29 – Merci beaucoup Jean-Pierre Sueur d'avoir apporté votre éclairage
05:33 sur cette décision du Conseil constitutionnel.
05:36 Demain, merci à vous.
05:37 – Merci à vous deux.
05:38 Et la séquence de l'invité, vous la retrouvez en ligne à tout moment.
05:41 Vous pouvez la réécouter sur francebleu.fr et sur l'application ICI.

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