Les Belles Figures de l'Histoire du 01/04/2023

  • l’année dernière
Retour chronologique sur les grands personnages de l'histoire

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Bonjour à tous, bienvenue dans les belles figures de l'histoire,
00:03 juive et philosophe, puis chrétienne et religieuse,
00:06 telle est en résumé la vie d'Edith Stein,
00:08 devenue sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix en religion.
00:12 Passionnée de psychologie, femme éprise d'absolu,
00:16 elle était d'origine juive, mais son amour de la vérité
00:19 l'a conduite jusqu'à la foi catholique,
00:21 et ce, au mépris du danger,
00:23 puisqu'elle est morte dans les camps à Auschwitz.
00:25 Car cette philosophe crucifiée, comme on a pu l'appeler,
00:28 a développé une science de la Croix,
00:31 qui est en fait une science de l'amour,
00:33 c'est le grand mystère de la vie d'Edith Stein,
00:35 dont nous parlons aujourd'hui avec le père Jean-François Thomas.
00:38 Bonjour mon père.
00:39 Bonjour Aymeric.
00:40 Vous êtes, je le rappelle, jésuite,
00:41 et puis l'auteur d'un chemin de Croix illustré,
00:44 publié chez Via Romana,
00:46 et toujours évidemment avec Véronique Jacquier.
00:48 Bonjour Véronique.
00:50 Bonjour à tous.
00:51 Pour cette émission, je le rappelle,
00:53 qui est en partenariat avec l'hebdomadaire France Catholique.
00:56 Alors Véronique, la vie d'Edith Stein
00:59 commence évidemment par une enfance baignée dans le judaïsme.
01:03 Elle est née dans une famille juive,
01:04 et elle sera marquée aussi par plusieurs événements dans son enfance.
01:09 Oui, alors la première chose qui marque dans la vie d'Edith Stein,
01:11 c'est qu'elle est née le jour de Yom Kippur,
01:14 puisqu'elle est née dans une famille juive,
01:15 et c'est une date très très importante.
01:17 C'est le jour de jeûne et de pénitence,
01:19 où le peuple élu demande pardon à Dieu pour ses péchés.
01:23 Elle naît le 12 octobre 1891 à Breslau,
01:26 aujourd'hui c'est Woklaw en Pologne,
01:28 et pour sa maman c'est vraiment un signe d'accueillir cette petite fille,
01:32 ce jour-là, ce jour qui est si important pour le peuple juif.
01:37 Elle sera ensuite marquée à l'âge de 2 ans par la perte de son père,
01:40 qui meurt d'une insolation.
01:43 Edith Stein est la dernière d'une fratrie de 11 enfants.
01:46 C'est dire à quel point c'est bien entendu un drame épouvantable
01:49 pour toute la famille. On va y revenir, Emric.
01:51 On va regarder cet extrait d'un biopic
01:55 qui sort dans quelques temps sur Edith Stein,
01:58 intitulé "Une rose à Auschwitz" de Joshua Sinclair.
02:02 C'est un film qui est distribué en France par Sage Distribution
02:05 et qui sera bientôt disponible en e-cinéma.
02:08 Regardez cette mort du père d'Edith Stein.
02:12 (musique)
02:15 (paroles en allemand)
02:18 (paroles en allemand)
02:22 (paroles en allemand)
02:25 (paroles en allemand)
02:28 (paroles en allemand)
02:31 (paroles en allemand)
02:34 (paroles en allemand)
02:37 (paroles en allemand)
02:40 (paroles en allemand)
02:43 (paroles en allemand)
02:46 (paroles en allemand)
02:49 Personne ne pouvait réparer ça.
02:52 Personne sur terre et personne au paradis.
02:56 J'avais perdu mon père et ma mère croulait sous le travail.
03:02 Je n'avais aucun point de repère.
03:05 C'est pourquoi j'avais besoin de Dieu.
03:08 Voilà, donc, elle a été marquée par cette mort.
03:11 Je précise aussi que les autres illustrations de cette émission
03:14 seront là aussi tirées de ce film documentaire sur Edith Stein.
03:17 Véronique, comment a-t-elle...
03:19 Comment ont été les conséquences de cette mort de son père pour Edith Stein ?
03:22 Elle a été marquée par la mort du père
03:24 parce que, bien entendu, ce n'est pas évident de se construire
03:27 avec cette béance quand on est un enfant.
03:29 Mais il y a aussi tout le contexte familial qui change
03:32 parce que qui dit perte du père
03:34 dit que la maman Augusta va reprendre le commerce de bois de son mari
03:37 et qu'elle va se retrouver seule à élever 11 enfants.
03:40 Et Edith Stein va dire, nous l'avons un petit peu entendu là,
03:43 dans le documentaire,
03:45 "Nous voyons notre mère travailler du matin au soir
03:48 et nous n'exprimions que des désirs modestes".
03:50 Edith, elle va garder toute sa vie cette modestie et cette simplicité
03:54 qui émanent de cette vie d'orpheline,
03:56 de cette vie quand même de souffrance, bien entendu,
03:58 même si ses aînés prennent soin d'elle
04:01 et que très tôt, elle les suit.
04:03 C'est-à-dire qu'elle est très très intelligente,
04:05 elle a beaucoup de capacités intellectuelles.
04:07 Donc à l'école, elle se débrouille très très bien.
04:09 Elle demande d'ailleurs pour ses 6 ans comme cadeau d'anniversaire
04:12 de pouvoir aller à l'école.
04:14 Donc elle a vraiment cette appétence pour apprendre.
04:17 Mais malgré ses excellents résultats,
04:19 elle n'est jamais récompensée à cause de l'antisémitisme du directeur.
04:23 On va évoquer bien entendu le contexte de cette époque.
04:25 Alors, à l'âge de 10 ans, elle est marquée par d'autres deuils.
04:28 Ceux des suicides successifs de deux de ses oncles.
04:32 Pour cette enfant, ça fait vraiment beaucoup.
04:34 Et elle écrira plus tard, avoir perdu à ce moment-là la foi de son enfance,
04:38 ne trouvant nulle part de réconfort pour vivre cette épreuve.
04:41 Elle dit "J'ai cessé de prier de façon délibérée.
04:45 Ma seule prière était ma soif de vérité".
04:48 Voilà, ça ce sera le programme de vie d'Edinstein.
04:51 Père Thomas, en fait la petite Edith, très jeune, vit une crise de foi.
04:55 Est-ce que c'est dire qu'elle avait déjà une forme de maturité spirituelle ?
04:59 Maturité, oui, mais aussi une grande fragilité.
05:03 Et la figure de sa mère demeurera toujours très importante pour elle.
05:08 Elle écrira dans son livre où elle raconte ses souvenirs,
05:12 donc la vie d'une famille juive,
05:15 que sa mère a toujours eu une foi d'enfant
05:18 et que toute sa vie a été une vie de sacrifice.
05:20 Donc sa mère demeurera un modèle,
05:23 même si ensuite il y aura évidemment les tensions
05:26 dues à la conversion d'Edith Stein au catholicisme.
05:31 Mais on voit bien qu'Edith Stein,
05:34 même lorsqu'elle est très éloignée du domaine religieux,
05:39 demeure travaillée par une soif d'absolu,
05:43 même si elle n'est pas encore capable de remettre des mots sur cet absolu.
05:47 On va y revenir bien sûr, mais juste avant, rappelez-nous le contexte de l'époque.
05:51 Véronique nous disait, effectivement, cette montée de l'antisémitisme.
05:54 Nous sommes en Allemagne à la fin du 19e, au début du 20e.
05:58 Quel est le contexte à cette époque-là ?
06:01 C'est le contexte d'un empire allemand qui est relativement récent,
06:05 et qui désire renouer avec la tradition du Saint-Empire romain germanique.
06:10 Elle visitera un jour la cathédrale de Francfort,
06:13 qui était le lieu du couronnement des empereurs du Saint-Empire romain germanique.
06:21 Donc c'est une période, c'est un âge d'or.
06:26 Et également une période où il y a une émancipation des communautés juives,
06:32 qui vont être reconnues notamment comme banquier.
06:35 C'est la naissance de la famille Rothschild, par exemple.
06:38 Donc il y a à la fois cette émancipation, mais aussi le développement,
06:42 dans le même temps, d'un antisémitisme très populaire.
06:46 Et Edith Stein s'en rendra compte peu à peu.
06:49 Parce qu'à l'époque, quand elle était jeune, et ça jusqu'à la Première Guerre mondiale,
06:54 elle est très bismarckienne, elle est très prussienne.
06:58 Elle est très prussienne dans ses choix politiques.
07:03 Donc elle croit que l'Allemagne a une vocation au sein de l'Europe.
07:08 La grande Allemagne.
07:09 La grande Allemagne.
07:10 Ce n'est que peu à peu qu'elle changera d'attitude, dans ce domaine comme dans d'autres.
07:15 Est-ce qu'on peut dire qu'il y a un bouillonnement religieux à cette période également,
07:19 peut-être plus tardivement quand elle est adolescente,
07:22 mais qui fait qu'autour d'elle, un certain nombre de gens se posent vraiment des questions spirituelles ?
07:27 Oui, bouillonnement religieux qui suit une période de persécution contre le catholicisme.
07:33 Bismarck, c'est un protestant qui désire vraiment mettre à bas l'Église catholique d'Allemagne.
07:39 Sous son gouvernement, les abbayes par exemple sont fermés.
07:45 Et ce n'est que quelques années plus tard qu'il va y avoir un renouveau,
07:50 vraiment un renouveau très important de la foi catholique qui va également rejaillir,
07:55 surtout à partir des abbayes bénédictines,
07:58 mais qui va rejaillir sur tout ce milieu intellectuel qui est épris d'idéal.
08:04 Et pas simplement le milieu intellectuel catholique, mais aussi chez les protestants et chez les juifs.
08:10 Alors, vous nous parlez de ce bouillonnement intellectuel, justement Véronique,
08:14 vous nous avez dit que Hedinstein avait cette soif de vérité en elle,
08:19 c'est cela qui va la conduire à la philosophie ?
08:21 Ma seule prière était ma soif de vérité, oui, effectivement,
08:25 elle va s'engager sur un chemin de recherche en empruntant celui de la philosophie.
08:31 C'est d'abord la découverte à 22 ans des écrits d'Edmund Husserl, le père de la phénoménologie,
08:37 et elle va d'ailleurs devenir son élève, et ce sera plus tard l'obtention d'un doctorat en philosophie,
08:44 ce qui est exceptionnel pour son époque, ce sera la première femme en Allemagne
08:48 à être ainsi docteur en philosophie, on verra plus tard qu'elle ne pourra plus exercer,
08:53 quand les temps deviendront sombres, parce qu'on la reconnaîtra comme juive.
08:58 En tout cas, le prestige et le contenu de telles études ne la nourrissent toujours pas.
09:02 Mais, vous l'avez dit, père Thomas, et on va y venir,
09:05 elle va être entourée petit à petit de gens qui pour certains vont connaître
09:09 un chemin de conversion vers le catholicisme.
09:11 Alors expliquez-nous là encore ce contexte intellectuel, et puis qu'est-ce que la phénoménologie ?
09:16 Alors là, vous posez des questions qui sont plus que complexes,
09:20 notamment en ce qui concerne la phénoménologie, mais j'en dirai un mot, évidemment.
09:24 Oui, c'est tout un milieu qui est un milieu très curieux de tout, et qui désire du changement.
09:33 Donc, avant d'être la disciple préférée de Husserl, elle a commencé par la psychologie,
09:39 et on voit bien qu'y compris dans ses études de philosophie,
09:43 elle reste très marquée par ses études de psychologie,
09:46 puisque sa thèse portera sur l'empathie, l'empathie qui aujourd'hui est très à la mode.
09:50 Elle a écrit sa thèse sur l'empathie, et elle mettra aussi en pratique cette empathie,
09:55 alors qu'elle n'a pas encore soutenu sa thèse, en soignant les blessés de la Première Guerre mondiale.
10:02 Donc, elle se retrouve dans un milieu qui est un milieu essentiellement masculin,
10:08 notamment à l'université, notamment à l'université de Göttingen,
10:13 et aussi ensuite dans d'autres universités.
10:16 Et là, elle lit des amitiés qui sont très fortes,
10:19 notamment avec de jeunes juifs qui sont soit déjà convertis au christianisme,
10:25 protestantisme ou catholicisme, soit qui sont sur la voie de la conversion.
10:29 Mais elle, elle demeure encore très distante.
10:33 Elle regarde avec intérêt, parce qu'elle est habitée par une soif,
10:38 et puis aussi parce qu'en tant que jeune universitaire, elle fait des lectures.
10:43 Et en fait, sa première approche du christianisme,
10:47 c'est la lecture du Notre Père dans sa traduction de vieil allemand.
10:53 Et là, elle est bouleversée par cette prière.
10:56 Et ensuite, des lectures, et notamment Saint Augustin.
10:59 Alors, elle est encore évidemment tout à fait distante.
11:03 Elle n'en est pas au point de se convertir,
11:06 mais elle est marquée par ces messages qu'elle peut recevoir dans ses textes.
11:12 Alors, un mot sur la phénoménologie pour nos téléspectateurs.
11:17 Alors, c'est un mot qui apparaît au début du 18e siècle
11:21 et qui sera utilisé ensuite par un certain nombre de philosophes,
11:24 dont Hegel, évidemment, on pense à la phénoménologie de l'esprit.
11:27 Mais cela demeure simplement une méthode philosophique au sein de la philosophie.
11:33 Il faut attendre Husserl pour que la phénoménologie devienne en fait la philosophie en tant que telle.
11:40 Alors, le phénomène, c'est ce qui apparaît.
11:43 Et la phénoménologie, donc, va s'intéresser à la pensée
11:49 qui s'applique à la conscience et qui s'applique aussi à l'expérience vécue.
11:57 Donc, pour la phénoménologie, c'est la conscience qui fait naître le phénomène.
12:05 Et la conscience est toujours conscience de quelque chose.
12:09 Donc, ceci pour résumer très brièvement, parce que c'est une philosophie,
12:12 c'est un système qui est très complexe.
12:14 Mais donc, c'est un système philosophique qui se veut être un peu une voie médiane
12:19 entre l'idéalisme qui triomphait, notamment avec Hegel, et l'empirisme.
12:26 C'est une voie médiane, mais qui fait bien évidemment tout à fait le sacrifice
12:31 de la métaphysique et le sacrifice aussi du religieux.
12:36 Et c'est sans doute cela qui, peu à peu, va laisser insatisfaits Edith Stein,
12:43 qui au départ est évidemment une disciple de la phénoménologie et la plus brillante du cercle.
12:49 Mais donc, ce qu'on peut dire, c'est que quand même, à un moment donné,
12:52 à travers cette soif de la vérité, elle a aussi perdu la foi en parallèle, sa foi juive.
12:57 Est-ce qu'il fallait dans son itinéraire, on va reparler de sa conversion après la publicité,
13:03 mais est-ce qu'il fallait cette étape, finalement, pour se déprendre de sa foi juive,
13:10 pour ensuite basculer dans le catholicisme ?
13:12 Alors, il fallait sans doute faire le vide, oui.
13:15 Parce qu'à partir du vide, ensuite, il est plus facile de refaire un plein.
13:19 Il y a une sorte de purification.
13:21 Alors, elle n'a jamais bien évidemment considéré qu'il fallait se purifier du judaïsme.
13:27 Non, parce qu'elle demeurera très attachée à la foi de son enfance,
13:31 qu'elle va en fait recouvrer, mais à travers le christianisme.
13:34 Mais en effet, il était nécessaire pour elle qu'il y ait une sorte de dépossession.
13:39 Et parce qu'il y a les témoignages de ses amis d'enfance, et notamment de ses amis de lycée,
13:45 qui disent qu'elle était particulièrement orgueilleuse.
13:48 Elle était éminemment intelligente, c'était un esprit hors du commun.
13:54 Mais donc, il y avait cet orgueil en elle.
13:56 Et c'est ça, sans doute, qui a dû être en partie éradiqué, peu à peu,
14:01 au cours de sa formation philosophique.
14:03 Mais est-ce qu'on peut dire que cette soif de la vérité, qui en quelque sorte constitue un peu le fil rouge de sa vie,
14:09 on va le voir pour la suite, mais pourquoi est-ce que finalement, à un moment donné,
14:14 l'intelligence ou la philosophie ne lui suffit plus dans cette quête de vérité ?
14:20 Ça ne lui suffit plus parce qu'elle ne pouvait pas se contenter d'une vérité abstraite,
14:25 aussi brillante soit-elle.
14:27 Et la phénoménologie, c'est un système en effet qui est très attirant et très brillant.
14:31 Il lui fallait une vérité concrète.
14:34 Et donc, cette vérité concrète, elle la trouve dans la vérité incarnée, qui est notre Seigneur.
14:40 Alors, on va voir cela juste après quelques instants de publicité,
14:45 pour la conversion finalement, effectivement, le chemin de conversion d'Edith Stein,
14:50 qui deviendra sœur Thérèse Bénédicte de la Croix en rentrant au Carmel.
14:55 On voit cela dans un instant, vous restez avec nous.
14:58 De retour dans les belles figures de l'histoire, nous parlons de la figure d'Edith Stein,
15:03 une juive convertie au catholicisme, entrée en religion et morte à Auschwitz.
15:08 Alors Véronique, justement, parlons de cette conversion d'Edith Stein.
15:12 Comment en est-elle venue à adopter, à adhérer à la foi catholique ?
15:17 Alors, cela s'est fait en plusieurs étapes, d'une façon finalement extraordinairement simple,
15:22 avec de jolis symboles.
15:24 Vous l'avez d'ailleurs évoqué, mon père, c'est son appétence pour l'empathie.
15:28 Lors de la Première Guerre mondiale, Edith a 23 ans,
15:31 et elle est infirmière dans un hôpital militaire en Autriche.
15:34 Alors là encore, après la perte de son père, après la perte de deux oncles,
15:38 elle voit de jeunes hommes mourir, et elle se demande comment,
15:43 comment finalement partager la souffrance et la douleur de ces jeunes personnes.
15:48 Comment entrons-nous profondément en contact avec ce que vit autrui ?
15:52 Voilà ce que pense Edith Stein, et ce sera l'objet de sa thèse en 1917,
15:58 qui portera donc sur l'empathie.
15:59 Ça, c'est la première des choses, c'est encore une fois la confrontation avec la mort,
16:03 avec ce qu'elle représente d'incompréhensible quand elle touche de jeunes personnes.
16:08 La seconde, c'est qu'Edith est très amie avec une personne qui s'appelle Adolf Reinhardt,
16:13 qui est un disciple de Husserl, et elle est amie aussi avec son épouse, Anna.
16:19 Or Adolf s'est converti au protestantisme, et il avoue d'ailleurs très humblement
16:24 que pour lui, parti du judaïsme, le protestantisme est une étape
16:29 sur le chemin qui va le mener jusqu'au catholicisme.
16:32 Edith fréquente de plus en plus de chrétiens dans le cercle des philosophes.
16:37 Et puis, ce qui va profondément la marquer, c'est le témoignage de foi d'une femme
16:41 venue prier et se mettre à genoux dans la cathédrale de Francfort.
16:45 Une simple prière devant le Saint-Sacrement, donc déjà,
16:48 elle se dit "mais qu'est-ce qui se passe, comment peut-on se mettre à genoux
16:51 comme ça dans une église ?" Elle est bluffée par le fait de ressentir
16:55 comme une présence, et puis elle est bluffée aussi par le fait qu'on puisse
16:58 s'arrêter dans une église pour simplement prier, ce qui n'existe pas
17:01 dans une synagogue, on ne se réunit que pour des offices.
17:04 Et puis, la mort au front, en 1917, de son grand ami Adolf Reinhardt,
17:11 va là encore l'aider à se mettre sur un chemin de conversion.
17:15 Parce qu'elle va aider sa veuve, Anna, à classer les papiers,
17:18 et elle va être incroyablement surprise par la dignité de la foi de cette veuve.
17:23 Le Reinhardt avait été baptisé quelques mois auparavant.
17:26 Ce fut ma première rencontre avec la croix, avec la force divine
17:30 de ceux qui la portent. Là encore, elle est vraiment bluffée,
17:33 elle se dit "mais qu'est-ce qui se passe chez ces catholiques
17:36 pour qu'ils accueillent la foi avec tant de dignité ?"
17:40 Et donc, elle devient chrétienne de cœur. Voilà le début du chemin
17:43 d'Edith Stein vers la conversion au catholicisme.
17:46 Et c'est à ce moment-là que se produit aussi la découverte
17:49 d'une grande sainte, sainte Thérèse d'Avila.
17:52 On regarde ce nouvel extrait d'une rose à Auschwitz,
17:55 distribuée en France par Sage Distribution, sur la vie d'Edith Stein.
17:58 Regardez.
18:00 Le Christ n'a pas de corps ici-bas, si ce n'est le vôtre.
18:05 Pas de main, ni de pied sur terre, si ce ne sont les vôtres.
18:10 Vous êtes les yeux avec lesquels Il veille avec compassion sur ce monde.
18:15 Vous êtes les pieds avec lesquels Il marche pour faire le bien.
18:20 C'est ce qu'a dit Thérèse d'Avila en parlant du Dieu qui est le gardien de ma foi.
18:26 Thérèse d'Avila ?
18:29 C'était une carmélite du XVIe siècle, une sacrée dame.
18:34 Ses ancêtres étaient juifs.
18:37 C'est elle !
18:40 Au-dessus de l'autel.
18:42 Tout cela est tellement abstrait, Anna.
18:45 Tout comme les mathématiques.
18:48 Jusqu'à ce que l'on doit faire des commissions.
18:51 C'était quelque chose d'entièrement nouveau pour moi.
19:03 En général, les gens se rendaient à la synagogue exclusivement pour le service.
19:07 Mais voilà que cette dame interrompait ses courses quotidiennes pour venir à l'église,
19:12 comme si elle rendait visite à un ami cher.
19:15 Je reviendrai toujours.
19:17 Voilà cet extrait d'une rose à Auschwitz,
19:20 dont sont extraites également les illustrations que vous pourrez découvrir au cours de cette émission.
19:24 Nous sommes toujours en compagnie aussi du père Thomas et de Véronique Jacquet.
19:28 Alors Véronique, est-ce que c'est la découverte de Thérèse d'Avila,
19:31 de sainte Thérèse d'Avila et de ses écrits qui a conduit Edith Stein au baptême ?
19:36 Oui, c'est la deuxième étape.
19:38 J'ai presque envie de dire que c'est la confirmation sur son chemin de foi.
19:42 Parce qu'elle tombe par hasard dans la bibliothèque d'une amie sur la vie de sainte Thérèse d'Avila.
19:47 Elle est bouleversée.
19:49 "Là est la vérité", dit-elle.
19:51 Et cette vérité devient une présence, la présence du Christ.
19:54 Alors Edith demande le baptême.
19:56 Elle a 30 ans.
19:57 Et dès lors, à partir du moment où elle reçoit le baptême,
20:00 le bouleversement intérieur qu'elle vit, vous allez nous expliquer tout cela, père Thomas,
20:04 elle vit de l'eucharistie quotidienne.
20:06 Donc elle va à la messe quotidiennement.
20:08 Elle traduit en allemand saint Thomas d'Aquin.
20:10 Elle le confronte à la philosophie moderne.
20:12 Elle comprend d'ailleurs à la lecture de saint Thomas
20:14 qu'elle peut mettre sa connaissance, tout son savoir intellectuel, au service de Dieu.
20:19 Donc ça, pour elle, c'est aussi très très important.
20:22 En 1933, Hitler arrive au pouvoir en Allemagne.
20:25 Malgré son baptême catholique, elle est toujours reconnue comme juive.
20:28 Et donc elle a interdiction d'exercer, alors que je vous le rappelle,
20:32 elle est quand même docteur en philosophie,
20:34 première femme en Allemagne à avoir obtenu un tel titre.
20:37 Et devant ses longues heures passées en prière devant le Saint-Sacrement,
20:40 elle comprend que la croix du Christ est désormais posée sur le peuple juif.
20:45 Elle a vraiment cette intuition très profonde.
20:47 Ceux qui le comprennent, dit-elle, doivent prendre la croix sur eux.
20:52 C'est ce que je vais faire.
20:54 Alors père Thomas, il y a deux étapes à analyser.
20:57 Effectivement, son amour pour Sainte Thérèse d'Avila,
21:01 qui l'a fait épouser la croix du Christ.
21:03 Et puis, la façon dont elle se positionne par rapport à la façon
21:08 qui sera pour elle de prendre sur elle sa propre croix,
21:12 emportant finalement le peuple juif.
21:15 Est-ce à dire qu'elle est très lucide sur la montée de la barbarie nazie
21:19 et sur le sacrifice qui l'attend ?
21:22 Elle fait déjà le sacrifice de sa vie en 1930,
21:26 c'est-à-dire très tôt.
21:28 Ceci est dû justement à ce passage par la conversion.
21:34 Il y a une étape dont vous n'avez pas parlé,
21:36 qui est aussi très importante, c'est en 1919,
21:39 c'est-à-dire à la sortie de la Première Guerre mondiale.
21:41 Elle découvre les exercices spirituels de Saint-Ignace
21:44 et elle fait la grande retraite de 30 jours.
21:47 Or, elle n'est pas encore catholique.
21:49 Donc cela la remue, parce que c'est se donner totalement au Christ
21:53 quand on passe par les exercices spirituels.
21:56 Vous savez de quoi vous parlez, vous êtes jésuite, je le rappelle.
21:59 Mais donc, ces étapes, elles sont simplement le couronnement
22:06 de ce qui est présent en elle depuis son enfance.
22:11 Il y a au sein du peuple juif, je pense au sein de tous juifs,
22:15 cette intuition de la présence d'un sacrifice possible
22:21 du jour au lendemain, selon les circonstances, selon les époques.
22:27 Donc ce qu'elle va vivre peu à peu, en découvrant aussi
22:31 l'évolution politique de son pays, c'est qu'elle est faite pour le martyr.
22:38 Et elle est faite pas simplement pour donner sa propre vie,
22:43 mais pour donner sa propre vie pour les autres,
22:46 pour essayer de sauver les autres.
22:48 C'est ce qu'elle fera, c'est ce qu'elle essaiera de faire jusqu'au bout.
22:53 C'est se donner, mais aussi pour le salut, comme elle le dit,
22:57 de son peuple et pour le salut du peuple juif.
23:00 Expliquez-nous aussi cette découverte de Sainte-Thérèse d'Avila,
23:03 en quoi est-ce que ça a constitué un des déclics
23:06 dans sa démarche vers le baptême catholique.
23:10 Je le rappelle, parce qu'effectivement ça a été noté tout à l'heure,
23:13 que Sainte-Thérèse d'Avila était aussi issue d'une famille juive,
23:17 à l'époque, effectivement, le XVIe siècle,
23:20 c'est Conte-Versos qui sont passés du judaïsme au catholicisme.
23:24 Oui, alors le grand-père paternel de Sainte-Thérèse d'Avila était un marran.
23:28 D'ailleurs, il a été à un moment donné puni,
23:31 il a dû faire une pénitence parce qu'il continuait à pratiquer le judaïsme en secret.
23:37 Quoi qu'il en soit, les parents de Sainte-Thérèse d'Avila,
23:40 eux, étaient des catholiques très convaincus
23:43 et l'ont toujours éduquée, notamment dans le culte des martyrs et des saints.
23:50 Donc, l'illustration familiale est un peu différente de celle d'Edith Stein,
23:56 parce que Sainte-Thérèse d'Avila n'a pas vécu dans une famille juive pratiquante.
24:01 Mais en tout cas, chez Sainte-Thérèse d'Avila,
24:03 on trouve également un parcours un peu semblable.
24:09 Elle a toujours été catholique et quand elle entre en religion,
24:13 elle désire faire de son mieux.
24:15 Mais il y a une sorte de médiocrité dans laquelle elle vit qui la rend insatisfaite.
24:21 Et on retrouve exactement la même chose chez Edith Stein.
24:24 Et puis toutes les deux, ce sont des femmes fortes, évidemment.
24:27 Edith Stein, c'est la femme forte de l'Ancien Testament.
24:31 C'est la Judite, l'Esther, d'ailleurs elle se comparera un peu à Esther.
24:36 Et Sainte-Thérèse d'Avila, c'est la femme forte du XVIe siècle.
24:43 Alors il y en a eu d'autres, évidemment.
24:45 Mais ce sont deux caractères bien trempés,
24:48 des caractères qui sont aussi avec leur rugosité
24:52 et qui peu à peu vont être assouplis par cette familiarité avec le Christ.
24:58 Ce qu'il faut souligner aussi, c'est que cette conversion d'Edith Stein
25:02 a supposé une rupture, une certaine forme de rupture avec sa famille,
25:06 avec sa mère notamment, qui n'accepte pas sa conversion.
25:09 Sait-on comment elle a vécu ce passage certainement douloureux ?
25:13 Alors c'est un passage en effet très douloureux,
25:15 d'autant plus qu'une de ses sœurs, Rosa, va la suivre également au Carmel.
25:21 Il faut rappeler que parmi tous les enfants de la famille,
25:25 il y en a quatre qui vont mourir en camp de concentration.
25:28 Rosa va mourir avec elle, sera déportée avec elle.
25:32 Et elle aura aussi un frère et une sœur qui seront déportés
25:36 et qui mourront en camp de concentration.
25:39 Donc elle reste bien évidemment toujours dans cette fidélité filiale envers sa mère.
25:47 Cela a été souligné par plusieurs spécialistes d'Edith Stein.
25:52 Cette fidélité d'Edith Stein envers ses racines, envers sa famille, envers son peuple.
25:59 Et ce n'est pas parce qu'elle se donne totalement au Christ
26:02 qu'elle va renier évidemment ce qu'elle est profondément.
26:06 Alors on va regarder un nouvel extrait de ce film sur la vie d'Edith Stein.
26:11 Une rose à Auschwitz, distribuée par Sage Distribution.
26:15 Regardez, c'est sa prise d'habit, la prise d'habit d'Edith Stein
26:18 et qu'elle prononce ses vœux de religieuse au Carmel.
26:22 Moi, Edith Stein, je promets d'observer pendant toute ma vie
26:33 le Saint-Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ,
26:37 en vivant dans l'obéissance, la pauvreté et la chasteté jusqu'à la mort.
26:47 Voilà donc cet extrait d'Une rose à Auschwitz.
26:56 Alors Véronique, racontez-nous justement cette entrée au Carmel s'agissant d'Edith Stein.
27:01 Alors cela faisait quand même 12 ans qu'elle songeait à rentrer au Carmel.
27:05 Elle est admise au Carmel de Cologne et elle prend l'habit en 1934
27:09 et reçoit le nom de Thérèse Bénédicte de la Croix.
27:13 Et puis juste avant d'entrer au Carmel, puisque je vous ai raconté qu'il y avait évidemment cette montée du nazisme,
27:20 elle écrit au pape Pionce pour lui demander d'écrire une encyclique qui condamne l'antisémitisme.
27:26 Et son combat contre le nazisme la pousse à écrire un livre sur sa famille
27:30 qui puisse servir de témoignage, qui puisse rendre témoignage à ce que c'est de vivre en subissant la haine des Juifs.
27:37 En 1938, c'est la nuit de Kristall en Allemagne où des centaines de synagogues sont incendiées.
27:42 Et elle ne veut pas faire courir de risque à sa communauté.
27:46 Et donc elle part pour le Carmel d'Eschte aux Pays-Bas avec sa sœur, qui vous l'avez dit, Rosa.
27:53 C'est aussi converti au catholicisme.
27:55 Alors ensuite, face à l'étau de la barbarie qui se resserre,
27:58 elle demande à sa supérieure de s'offrir en sacrifice au sacré cœur de Jésus pour la paix véritable.
28:04 Il va falloir nous expliquer, Père Thomas, de quoi il s'agit.
28:07 Le 9 juin 1939, elle rédige son testament où elle implore le Seigneur de prendre sa vie pour la paix du monde et pour le salut des Juifs.
28:17 Et puis en juillet 1942, les évêques catholiques hollandais protestent contre la persécution des Juifs.
28:23 Un télégramme est lu dans toutes les paroisses ainsi que dans tous les temples protestants.
28:28 Et donc par mesure de répression, qu'est-ce qui se passe ?
28:30 Les nazis arrêtent tous les Juifs baptisés de Hollande.
28:34 Ils seront 1200 personnes, dont Edith Stein et sa sœur Rosa.
28:39 Et à partir de là, tout va très vite.
28:41 D'abord le camp de Westerbork et puis ensuite, le convoi arrivera le 9 août à Auschwitz.
28:47 Edith et sa sœur vont périr avec 522 autres Juifs dans les chambres à gaz.
28:52 Alors Père Thomas, expliquez-nous justement, là encore, cette notion d'offrande, d'offrande de sa vie,
29:00 mais aussi pour le peuple juif, cette offrande au Sacré-Cœur de Jésus.
29:05 Cette offrande n'a rien de très original, j'allais dire.
29:10 C'est une offrande que, normalement, toute carmélite, toute religieuse consacrée, contemplative, fait.
29:18 Mais évidemment, chez elle, ça prend une dimension très particulière.
29:23 Vous retrouvez le même type d'offrande, par exemple, chez un homme comme Charles de Foucault,
29:28 qui a le désir d'être martyr, ont trouvé également cette offrande dans la vie de Sainte-Thérèse d'Avila,
29:34 puisqu'au départ, elle voulait partir en Afrique pour convertir les musulmans et pour mourir martyr.
29:41 Mais comment comprendre que c'est pour une paix véritable ? Elle dit "je m'offre pour la paix".
29:45 Oui, pour la paix véritable, parce qu'elle a eu, dans sa jeunesse, dans sa prime jeunesse,
29:50 et jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, l'illusion qu'il pourrait y avoir une paix
29:55 avec, sans doute, une grande Allemagne, une Allemagne impériale, etc.
30:00 Elle est tombée de très haut, et dans les années qui ont suivi la Première Guerre mondiale,
30:05 elle a essayé de chercher une autre paix, qui n'était pas cette fois une paix politique.
30:09 Et elle trouve la paix que donne le Christ.
30:12 Lorsque le Christ donne sa paix, on sait très bien que ce n'est pas la paix du monde.
30:16 Donc lorsqu'elle parle de paix véritable, c'est une paix qui n'a rien à voir avec l'absence de guerre.
30:22 Elle a été canonisée en 1998. En quoi est-elle une maître spirituel pour aujourd'hui encore ?
30:32 On n'a pas fini de découvrir la richesse des écrits d'Edith Schan.
30:36 Elle a beaucoup écrit en philosophie.
30:38 Être fini et être éternel, c'est sans doute son œuvre principale en philosophie.
30:44 En ce qui concerne la spiritualité, c'est la science de la croix, son maître ouvrage,
30:48 qu'elle a rédigée jusqu'à ce qu'elle soit déportée lorsqu'elle était au Carmel.
30:53 Donc vraiment à la fin de sa vie.
30:55 À la fin de sa vie.
30:57 C'est une analyse essentiellement de la nuit obscure de saint Jean de la Croix.
31:02 Mais en fait, elle parle d'elle-même.
31:05 C'est la communion, l'adhésion avec la passion du Christ.
31:12 Donc c'est vraiment embrasser la croix totalement, quelles qu'en soient les conséquences.
31:17 On va regarder cette citation qui va s'afficher sur votre écran,
31:21 issue justement de ce maître ouvrage d'Edith Stein, "La science de la croix".
31:26 Voici ce qu'elle dit.
31:27 "Les bras du crucifié sont grands ouverts pour t'attirer contre son cœur."
31:31 Comment le comprendre ?
31:35 Je ne sais pas si on peut le comprendre.
31:37 En tout cas, on peut le vivre si on le choisit.
31:41 Mais on retrouve là toute la tradition contemplative.
31:46 Pas simplement au Carmel, mais qui date de bien avant le Carmel.
31:51 D'être totalement intégré aux souffrances du Christ et entrer dans les plaies du Christ.
31:59 Mais elle dit la science de la croix, c'est une science de l'amour.
32:02 Donc ça veut dire qu'elle rapproche un instrument de scandale, la croix,
32:05 et effectivement le transforme en un acte d'amour.
32:08 Oui, parce qu'elle a vraiment découvert que c'est par la croix en fait
32:11 que l'on peut exprimer l'amour que l'on a pour les autres.
32:15 Et donc c'est par le sacrifice, même si ce n'est pas le sacrifice directement sur une croix,
32:20 c'est par le sacrifice que l'on peut exprimer un amour véritable.
32:25 Et c'est ce qu'elle fait jusqu'à la fin de sa vie.
32:28 Et c'est en cela qu'elle nous enseigne encore aujourd'hui,
32:31 où peut-être on a tendance à diminuer la croix ou la mettre de côté parce que c'est insoutenable.
32:38 Oui, le sacrifice n'a pas bonne presse aujourd'hui.
32:41 On fait tout évidemment pour l'éliminer, même dans la vie ordinaire.
32:44 Même les sacrifices les plus minimes.
32:47 Donc quand on parle du grand sacrifice, bien évidemment, cela n'attire pas beaucoup d'adhérents.
32:55 Alors il nous reste quelques minutes.
32:57 Je voudrais qu'on s'attache, Véronique, à évoquer un aspect d'Edith Stein dont on n'a pas encore parlé ici.
33:05 C'est son caractère féminin, qui est une évidence, mais qu'elle a beaucoup mis en avant
33:11 et sur lequel elle a évolué au cours de sa conversion notamment.
33:17 Oui, on peut dire que c'est une femme qui avait les pieds sur terre et qui avait un sacré tempérament
33:22 et donc qui s'est préoccupée de la condition de la femme à son époque.
33:25 Notamment de son évolution aussi, de sa prise de confiance pour tenir un rôle dans la société.
33:30 Elle était préoccupée par le travail d'éducation nécessaire pour amener les femmes à voter à l'époque.
33:36 Évidemment, c'était une vraie question, elles n'avaient pas le droit de vote.
33:39 Ensuite, quand elle est devenue catholique, elle s'est interrogée sur la complémentarité homme-femme
33:44 et elle donnait beaucoup de conférences sur l'éducation de la femme.
33:48 Elle insistait notamment, ce qui nous paraît maintenant terriblement moderne pour l'époque,
33:53 sur le fait que les jeunes filles devaient avoir une éducation sexuelle.
33:57 Et puis, à la fin de sa vie, quand elle est devenue catholique,
34:01 elle s'est tournée vers le modèle de la Vierge Marie.
34:05 Pour elle, c'était vraiment l'archétique du modèle de maternité, d'amour.
34:10 D'ailleurs, elle définissait pour la féminité quatre piliers qui étaient propres à la femme.
34:17 La réceptivité, la réceptivité à l'amour, la générosité, la dignité et la maternité.
34:23 Mais elle disait qu'il faut concevoir la femme avec ces quatre piliers
34:27 pour qu'elle soit totalement complémentaire de ce qu'est l'homme.
34:30 Fr Thomas, est-ce qu'on peut dire un peu en caricaturant qu'elle a été une féministe chrétienne ?
34:35 Oui. Alors, elle fut féministe.
34:37 Dire féministe chrétienne, sans doute pas, parce que ça n'aurait pas beaucoup de sens pour elle.
34:43 Elle découvre évidemment une nouvelle dimension de la femme
34:47 lorsque elle contemple la bienheureuse Vierge Marie.
34:52 Et elle insiste beaucoup sur cet aspect de maternité
34:55 en précisant que le lien de la mère avec l'enfant n'est pas simplement un lien corporel
35:01 lorsque la mère porte l'enfant, mais c'est le lien entre deux âmes.
35:05 Donc c'est quelque chose qui échappera toujours à l'homme, y compris au père.
35:10 Vous avez travaillé sur le lien entre Simone Veil, une autre philosophe juive, et Edith Stein,
35:19 sous la direction d'Elie Wiesel et préfacée par Gustave Thibon,
35:22 ce qui est quand même pas mal, on peut le dire, on peut le souligner.
35:25 Dites-nous un peu, effectivement, comment ces deux itinéraires au XXe siècle se rejoignent.
35:31 Ce sont deux femmes fascinantes.
35:34 Simone Veil, c'est une chrétienne anonyme, diraient certains théologiens.
35:42 Elle n'est jamais allée jusqu'au bout, elle est toujours restée dans le narthex de l'Église,
35:48 en partie par orgueil, en partie par humilité.
35:51 Toutes les deux, ce sont des vierges farouches.
35:55 Simone Veil, lorsqu'elle était à l'école normale supérieure, avait été surnommée par Sartre,
36:01 qui était son confrère, et d'autres, la vierge rouge.
36:04 À l'époque, elle était évidemment très engagée politiquement à gauche.
36:08 Elle a participé à la guerre d'Espagne du côté républicain.
36:12 Mais chez les deux, on retrouve la même soif d'absolu,
36:17 le rejet de tout ce qui est médiocre, de tout ce qui est artificiel,
36:22 le rejet des modes, des idées toutes faites.
36:26 Ce sont des femmes qui sont essentiellement libres.
36:29 Simone Veil n'a pas le même parcours juif qu'Edith Stein,
36:33 parce que c'est une juive, mais complètement sécularisée,
36:36 et même qui va exprimer bien souvent la haine du judaïsme.
36:41 Mais elle éprouve aussi une haine semblable pour Rome, pour l'Empire romain.
36:47 C'est une antigone, Simone Veil.
36:51 C'est la femme de la Grèce antique, ce qu'on ne retrouve pas chez Edith Stein.
36:57 Et Edith Stein, souvent, on la présente un peu comme une sainte triste.
37:01 C'est vrai que, notamment sur les photos, elle n'apparaît pas comme très joyeuse.
37:06 C'est une sainte qui est grave, parce que l'heure était grave, et toute heure est grave.
37:11 Véronique, que faut-il lire, ou en tout cas des conseils de lecture
37:15 que vous pourriez nous donner pour mieux découvrir cette figure étonnante d'Edith Stein ?
37:19 Bien entendu, ses ouvrages, à commencer par "La puissance de la croix" chez Nouvelle Cité.
37:24 Il y a aussi "La crèche et la croix", très belle réflexion justement sur Noël et le lien avec la croix,
37:30 chez Ad Solem.
37:32 Marion Lucas a écrit un très bel ouvrage consacré à Edith Stein, "Le mystère d'une belle âme",
37:38 chez Artej.
37:40 Une biographie de référence, celle d'Elisabeth de Miribel,
37:44 "Comme l'or purifié par le feu", Edith Stein, un ouvrage qui a été réédité en 2012 au Cerf.
37:53 Le film de sa distribution, bien entendu, dont on avoue les extraits dans l'émission "Une rose à Ophélie".
37:57 Extrait exclusif, je tiens à le préciser.
37:59 Voilà, extrait exclusif et le film va sortir le 21 avril prochain.
38:03 Sans oublier, bien entendu, "France Catholique", qui chaque semaine vous propose des vies de saint
38:08 et que vous pouvez retrouver sur france-catholique.fr.
38:11 Voilà, merci beaucoup Véronique.
38:12 Merci Père Thomas d'avoir éclairé, contribué à éclairer cette belle figure qu'est Edith Stein.
38:18 Quelques mots pour terminer, pour vous dire qu'elle est fêtée le 9 août au calendrier
38:22 et qu'également, on l'a dit, elle a été canonisée en 1998
38:28 par le pape Jean-Paul II.
38:30 C'était alors la première juive convertie à être déclarée sainte.
38:34 Elle est aussi la copatrone de l'Europe.
38:36 Et puis cette citation tirée d'Edith Stein pour terminer,
38:40 "Dieu est la vérité, qui cherche la vérité cherche Dieu, qu'il en soit conscient ou non."
38:45 C'est une lettre qui date de 1938.
38:48 Merci d'avoir suivi cette émission.
38:50 Merci à Martin Guillard et à la réalisation de cette émission.
38:55 Et puis à suivre également demain à 13h, Enquête d'Esprit,
38:58 nous parlerons de la croix puisque nous approchons de la semaine sainte et de Pâques.
39:03 La croix dans l'art à travers les siècles.
39:05 Ce sera donc à suivre à partir de 13h.
39:07 L'info continue sur CNews.
39:10 Merci.

Recommandée