L'interview d'actualité - Adel Louafi
Le Syndicat National de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique a lancé cette semaine une alerte concernant les dangers des injections illégales dans une tribune publiée par Le Parisien, signée par pas moins de 200 praticiens. Dans ce texte, ces chirurgiens esthétiques mettent en garde contre ces pratiques à risque qui détournent l’acide hyaluronique pour combler les rides, augmenter le volume des lèvres ou des fesses et corriger les imperfections. Face à cette épidémie d’injections illégales, c’est le docteur Adel Louafi qui est venu nous parler des dérives de la chirurgie esthétique telle qu’elle est pratiquée par de faux médecins. Quels sont les risques sur notre santé ? La réponse avec le docteur Louafi.
Category
📺
TVTranscription
00:00 On va parler de cette thématique.
00:02 Il est 8h13 avec votre invité, Maya.
00:05 Vous rejoignez le Dr Adèle Loafy,
00:07 chirurgien plasticien et esthétique
00:09 et secrétaire générale de la SNC-PRE.
00:12 C'est le syndicat national de chirurgie plastique,
00:14 reconstructrice et esthétique.
00:16 -Bonjour, Adèle Loafy.
00:18 Merci d'être avec nous.
00:19 Votre syndicat est à l'origine d'une tribune
00:22 publiée dans Le Parisien cette semaine,
00:24 signée par 200 de vos confrères,
00:25 dans laquelle vous alertez sur les dangers
00:28 d'une injection illégale d'acide hyaluronique
00:30 pour combler les rides,
00:32 augmenter le volume des lèvres, des fesses, etc.
00:34 Diriez-vous qu'il y a une forme d'épidémie
00:38 d'injection illégale en ce moment ?
00:39 -Exactement. Le terme est très bien choisi.
00:42 Cette épidémie a fait suite à la pandémie.
00:44 C'est arrivé juste après le confinement.
00:46 On a vu une explosion des injections illégales.
00:49 Qu'est-ce qu'une injection illégale ?
00:51 C'est une injection d'acide hyaluronique
00:53 qui est faite par quelqu'un qui n'est pas chirurgien,
00:56 qui n'est pas médecin. Pourquoi ça pose problème ?
00:59 Parce que quand on injecte dans un visage,
01:01 il y a des vaisseaux, des artères, des nerfs.
01:03 Si on ne connaît pas l'anatomie,
01:05 ce qui est le cas de ces injectrices illégales,
01:08 qui peuvent être des coiffeuses, des masseuses,
01:10 des esthéticiennes... -Des prothésistes ongulaires.
01:13 -Des prothésistes ongulaires,
01:15 des personnes sans qualification, des particuliers.
01:18 Si on ne connaît pas l'anatomie du visage,
01:20 eh bien, on peut boucher une artère,
01:24 on peut entraîner une nécrose,
01:26 et l'acide hyaluronique, qui en lui-même n'est pas dangereux,
01:29 c'est quelque chose qui existe naturellement.
01:31 -C'est l'argument de ces injecteurs illégaux.
01:34 Les injectrices, ce sont plutôt des femmes...
01:36 -99,9 % des cas, ce sont des femmes.
01:39 -Et l'un des arguments pour convaincre les patients,
01:43 c'est de dire que l'acide hyaluronique
01:45 est quelque chose de naturel.
01:47 -L'acide hyaluronique n'est pas dangereux,
01:50 les injections de produits de pompe de menthe,
01:52 ça fait 40 ans qu'on en fait en France,
01:55 mais effectivement, c'est la technique d'injection
01:57 qui est dangereuse.
01:59 Si on ne connaît pas les artères et les nerfs,
02:01 si on l'injecte, on bouche l'artère, ça fait une nécrose.
02:04 -On va parler des conséquences.
02:06 A-t-on une idée du nombre d'injectrices illégales ?
02:10 -On les estime à plusieurs centaines.
02:12 Pour vous donner une idée, j'ai fait un test,
02:14 j'ai tapé Russian Lips, Paris,
02:16 c'est une technique d'injection des lèvres,
02:18 sur Instagram. -C'est effrayant.
02:21 -C'est effrayant, effectivement.
02:23 20 premiers comptes qui sortent sur Instagram
02:26 sont des comptes de fake injectors.
02:29 J'en appelle d'ailleurs à la responsabilité
02:31 des directions générales de ces plateformes,
02:34 Snapchat, Instagram, TikTok,
02:36 pour mettre en place des algorithmes
02:38 qui empêchent ces fake injectors de proposer leur service.
02:42 -Qui sont les clients ou victimes de ces injectrices ?
02:46 -Les clients et à la fois victimes, effectivement,
02:48 ce sont essentiellement des jeunes femmes.
02:51 On a des mineurs, j'ai vu des jeunes femmes de 16 ans, 17 ans,
02:55 injectées au niveau des lèvres,
02:56 alors qu'il y a un règlement dans l'Union européenne
03:00 qui interdit l'injection,
03:01 les injections de produits comblements chez les mineurs.
03:04 Il y a des...
03:05 C'est des jeunes femmes jusqu'à 25 ans,
03:08 mais il y a parfois des femmes ou des hommes
03:10 qui ont 30 ans, 35 ans, j'ai vu même 40 ans,
03:13 des personnes qui se sont faites avoir par ces charlatans.
03:16 -Qu'est-ce qui les attire ? Le prix ?
03:18 -Évidemment, une injection d'acide hyaluronique
03:21 par un charlatan, c'est une fake injectrice,
03:23 c'est 150 euros en moyenne.
03:25 Par un chirurgien qualifié, un chirurgien esthétique,
03:28 on va dire qu'une fourchette, c'est entre 250 et 500 euros.
03:31 -Il y a le prix, est-ce qu'il y a aussi des gestes
03:34 que ces injectrices acceptent que vous refuseriez ?
03:37 C'est-à-dire qu'on venait au-delà d'une limite
03:39 que vous vous fixeriez ? -Bien sûr !
03:41 J'ai vu des patientes injectées
03:44 de quantités qui sont astronomiques,
03:48 par exemple, sur les lèvres, hier,
03:49 je discutais avec une jeune femme
03:51 qui avait eu 4 ml sur les lèvres.
03:53 Ça fait 15 ans que je fais des injections d'acide hyaluronique,
03:57 j'ai jamais injecté une telle quantité.
03:59 On injecte 1 ml, parfois 2, mais jamais 4 ml en une séance.
04:02 C'est délirant, ça comporte des risques,
04:05 dont on va parler. -Vous le disiez,
04:07 en tapant "acide injection hyaluronique"
04:09 sur les réseaux sociaux,
04:11 aujourd'hui, on tombe sur des sites,
04:13 mais il y a même des cabinets,
04:15 enfin, ça a l'air d'être...
04:17 -Ça commence. -Des endroits légaux.
04:19 A chaque fois, là, c'est du vent,
04:21 quand on trouve ces sites-là sur les réseaux.
04:23 -C'est ça. Il y a 5 red flags, 5 drapeaux rouges
04:26 qui permettent de savoir si on est face à un vrai médecin,
04:29 un vrai chirurgien, ou à un fake injecteur.
04:32 Le premier, c'est qu'un médecin a un nom et un prénom.
04:35 Quand ça commence par "Docteur Paula" ou autre,
04:37 ça commence mal. On a un nom et un prénom.
04:40 Le deuxième, c'est qu'on a une adresse professionnelle.
04:43 Si il faut passer par WhatsApp ou par MP,
04:45 par message privé, pour avoir l'adresse,
04:47 il y a un problème.
04:49 Le troisième, c'est qu'un cabinet médical
04:51 a un numéro de téléphone fixe.
04:53 Pour avoir un numéro de téléphone fixe,
04:55 il faut donner une pièce d'identité.
04:57 S'il n'y a pas de numéro de fixe, c'est un problème.
05:00 Le quatrième red flag, c'est qu'il y a le nom "Docteur",
05:03 s'il y a écrit "cosmétologue" ou "praticienne",
05:06 tout ça, c'est du vent, c'est du bidon,
05:08 ce sont des charlatans.
05:10 Un docteur, c'est un docteur.
05:12 Et le cinquième red flag, c'est qu'on ne doit pas
05:15 vous imposer de régler...
05:18 On doit vous proposer un règlement
05:20 soit par carte bancaire, soit par chèque.
05:22 Vous pouvez régler en numéraire, en espèce,
05:25 mais ça ne peut pas être imposé.
05:27 -On parlait des risques.
05:28 Quels sont-ils aujourd'hui ?
05:30 Qu'est-ce que vous voyez, vous, dans votre cabinet ?
05:32 -On voit des complications gravissimes.
05:35 J'en ai vu au cabinet.
05:36 J'ai vu des jeunes filles qui ont eu des nécroses.
05:39 Une nécrose, c'est une gangrène,
05:41 c'est la peau infectée, nécrosée, qui devient noire.
05:44 On a été obligés d'amputer certaines jeunes femmes.
05:46 C'est de ça dont on parle.
05:48 On les a amputées d'un morceau de nez,
05:50 d'un morceau de lèvres.
05:51 Il y a eu des jeunes femmes
05:53 pour lesquelles on a dû faire des greffes de face.
05:56 Si vous vous rendez compte de la gravité de la chose,
05:59 c'est comme des grands brûlés,
06:00 comme si on avait reçu une marmite d'eau boule,
06:03 d'huile bouillante sur la face.
06:05 On a vu des infections,
06:06 on a vu aussi des infections hépatites C,
06:09 en tout cas, par des réutilisations
06:11 d'aiguilles et de seringues.
06:12 -Aujourd'hui, l'acide hyaluronique est injectable.
06:15 Je peux en recevoir.
06:16 -Vous pouvez aller à la pharmacie du coin,
06:19 en prendre le matériel du parfait clandestin,
06:21 vous repartir avec 10 boîtes d'acide hyaluronique
06:24 ou vous l'achetez en ligne.
06:26 -Ca va plus loin. Je peux aussi, en regardant des tutos,
06:29 injecter. -Vous pouvez regarder
06:31 des pseudo-tutos en ligne et vous faire des auto-injections.
06:34 On en reçoit au cabinet et dans les urgences.
06:37 -Vous demandez quoi ?
06:38 -On veut l'interdiction de la vente libre
06:41 d'acide hyaluronique en France.
06:42 On ne veut même pas que ce soit délivré sur ordonnance.
06:46 Il n'y a aucune raison qu'un patient aille acheter
06:48 des seringues d'acide hyaluronique en pharmacie
06:51 pour les ramener au chirurgien esthétique.
06:54 Il faut que ces produits soient délivrés à son cabinet
06:57 et c'est comme ça que ça doit se faire.
06:59 -Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
07:01 -Merci à tous les deux.