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00:00 Pour en parler avec nous, sa cousine, Shabnan Khosravi, bonjour, merci d'être avec nous.
00:04 Vous vivez en France depuis l'âge de 12 ans, vous avez immigré en 1987.
00:08 Merci d'être avec nous.
00:09 - Merci.
00:10 - A vos côtés, l'avocat de Toumach Salehi, bonjour.
00:12 Maître Dilan Slamah, vous avez déposé une plainte au nom de votre client auprès de
00:17 la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.
00:19 Merci également.
00:20 Et puis également avec nous, l'artiste iranienne Marjan Satrapi, bien connue ici en France
00:24 et dans le reste du monde pour notamment la bande dessinée Persepolis et puis les films
00:29 que vous avez réalisés, dont d'ailleurs l'adaptation de Persepolis.
00:32 Mais pas seulement, il y a aussi la bande des Jotas, The Voices et puis Radioactive.
00:36 Merci d'être avec nous.
00:38 On va revenir évidemment pour ceux qui ne connaissent pas bien sûr le parcours de Toumach
00:42 Salehi sur à la fois ses propos, son œuvre, mais revenons d'abord sur sa situation aujourd'hui.
00:50 Shabnam, vous êtes sa cousine.
00:51 Que savez-vous aujourd'hui du lieu dans lequel se trouve Toumach, des conditions de son incarceration?
00:57 Toumach, d'abord, quand il a été arrêté pendant plusieurs semaines après son arrestation,
01:03 on n'avait pas de nouvelles.
01:04 On ne savait pas où il était.
01:05 On ne savait même pas s'il était vivant, dans quelles conditions il se trouvait.
01:09 Et ensuite, on a appris qu'il était en isolement.
01:11 Il est toujours en isolement.
01:13 Ça fait maintenant 152 jours exactement qu'il est en isolement.
01:17 Et il a été évidemment sujet à des tortures pour essayer de lui faire tirer des faux
01:26 aveux.
01:27 C'est un jeune homme, il faut le dire, au moment de son incarceration en pleine santé,
01:33 il fréquentait assidûment un club de boxe.
01:34 Il était, on voit d'ailleurs, il a un physique effectivement assez imposant.
01:38 Et aujourd'hui, eh bien, il est en chaise roulante.
01:40 On lui a également brisé les doigts.
01:42 Alors, il a eu des fractures qui nécessitent des soins médicaux.
01:47 Autrement, il aurait des séquelles irréversibles.
01:49 Donc ça, c'est très important.
01:52 Et de toute façon, l'isolement en soi, c'est aussi une forme de torture.
01:56 Rappelons que selon les conventions des Nations unies, 15 jours d'isolement, c'est une forme
02:01 de torture en soi.
02:02 Or, tout match, ça fait 152 jours qu'il est en isolement.
02:06 Et il pourrait en courir jusqu'à la peine de mort ?
02:09 Alors, il a plusieurs chefs d'accusation, dont deux qui peuvent être sujets à de graves
02:19 sanctions.
02:20 Corruption sur terre et incitation aux troubles publics ?
02:22 Corruption sur terre et notamment collaboration avec les gouvernements étrangers.
02:27 Maître Dilan Slama, où en est-on aujourd'hui des efforts entrepris pour obtenir la liberté
02:37 de Touma Chalehi ?
02:38 J'ai déposé effectivement au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, c'est-à-dire
02:42 à Genève, une plainte pour alerter non seulement le Conseil des droits de l'homme sur la situation
02:46 de Touma.
02:47 On a parlé de lui.
02:48 C'est un jeune homme extrêmement courageux.
02:50 Il se bat pour son peuple et pour son pays.
02:52 J'ai déposé cette plainte en espérant que, assez rapidement, ça puisse susciter
02:57 une mobilisation du côté de l'Occident et pourquoi pas même à échelle mondiale.
03:01 Je pense qu'on a l'occasion là, bien sûr, de sauver potentiellement la vie de ce jeune
03:05 homme, mais aussi d'avoir un effet très important sur le destin de ce pays.
03:10 Le peuple essaye de reprendre en main son destin, mais c'est très difficile.
03:13 Donc, je pense que cette plainte, c'est aussi le moyen d'essayer d'activer et de mobiliser
03:17 des institutionnels ou peut-être d'autres intervenants en France ou ailleurs, en Europe
03:22 en tout cas, pour leur dire qu'on peut faire quelque chose et que nous ne pouvons pas nous
03:26 dédouaner de notre responsabilité à l'égard de l'Iran, mais surtout, effectivement, à
03:29 l'égard de Toumaj, qui a en cours, vous l'avez dit, la peine capitale, qui est très courageux
03:33 et qui se bat avec des mots, simplement avec des mots, pour essayer de faire progresser
03:37 les droits de ses concitoyens.
03:38 Après son arrestation, le régime a fait circuler une vidéo dans laquelle il s'excuse publiquement.
03:44 Comment interpréter ses propos et est-ce qu'ils peuvent avoir une quelconque incidence
03:50 sur son sort judiciaire ?
03:51 Alors, c'est assez difficile de savoir très précisément ce qu'il en est.
03:54 En revanche, ce qu'on peut dire, c'est qu'on a toutes les raisons de penser qu'il peut
03:57 s'agir d'aveux qui sont extorqués, d'aveux qui sont soutirés sous une forme de pression
04:03 physique ou de pression morale.
04:04 On n'en sait pas plus.
04:05 Ce qu'on peut dire, c'est qu'en tout cas, les aveux qui sont extorqués de cette manière-là
04:09 ou d'une autre, normalement, ils n'ont pas de valeur juridique.
04:12 Normalement, ça ne peut pas permettre une condamnation.
04:14 En droit international, c'est constant.
04:15 Maintenant, malheureusement, on a des précédents qui indiquent que ces aveux peuvent être
04:20 utilisés et manipulés.
04:21 Et donc, nous, c'est aussi pour ça qu'on se bat.
04:23 Et c'est aussi pour ça que j'ai déposé cette plainte, pour qu'on puisse alerter l'opinion
04:26 et surtout les institutionnels qui, je pense, ont un rôle à jouer pour dire que non, des
04:30 déclarations qui sont prononcées dans ce contexte-là ne peuvent pas permettre une
04:34 condamnation et a fortiori une condamnation à la peine de mort pour l'artiste Toumaj.
04:38 Marjane Satrapi, vous connaissiez Toumaj Salih avant d'être vous-même approché
04:41 par la famille.
04:42 Absolument.
04:43 En fait, je commençais à le connaître quand la révolution a commencé en Iran.
04:48 J'étais parce que j'écoutais toujours un peu du rap iranien, mais lui, c'est le seul
04:52 rappeur iranien qui parle vraiment des classes ouvrières, qui parle vraiment des problèmes
04:59 des gens défavorisés et qui sait exercer son politique et la manière dont il a manié
05:06 la langue persane.
05:07 Il le fait comme personne.
05:09 C'est un poète.
05:10 C'est excessivement engagé, mais c'est très, très beau.
05:14 Ça ne nous appelle jamais à la violence, mais ça appelle au réveil.
05:17 Toumaj, il est très populaire.
05:20 Il ne faut pas oublier qu'il est très, très populaire en Iran.
05:23 Il est aussi un symbole pour… ce n'est même pas pour toute une génération, pour
05:28 tout un pays.
05:29 La libération de Toumaj, ça voudrait dire la libération de la parole en Iran.
05:34 De la même façon que ces filles qui ont brûlé leur voile, ce n'était pas juste
05:39 la fille qui brûle son voile en le mettant dans le feu.
05:42 Ce n'est pas juste si elle brûle le voile.
05:44 Ça veut dire que c'est tout le symbole de la République islamique qui tombe.
05:47 Donc la libération de Toumaj, pour la liberté de l'expression, ça va être quelque chose
05:52 d'immense.
05:53 Et puis après, pour ses valeurs humanistes, pour la personne qu'il est, il va de mon
05:58 devoir d'être là et d'être aux côtés de sa famille.
06:02 Chef d'âme, c'est justement la contribution de Toumaj à cette liberté d'expression,
06:07 ses paroles très fortes envers le régime qui ont conduit à son incarcération.
06:11 Sa libération, on l'a compris de ce que nous dit Marjan Sattrapi, aurait une résonance
06:16 très forte et serait inévitablement interprétée comme un geste de la part du régime.
06:20 Est-ce que ce n'est pas justement aujourd'hui le principal obstacle à cette libération ?
06:23 Alors exactement.
06:24 Il faut savoir qu'au Toumaj, comme l'a précisé Marjan à travers sa musique, il
06:30 a exprimé le mal-être de la société iranienne, l'injustice sociale, la condition des femmes
06:36 iraniennes.
06:37 Toumaj est devenu en quelque sorte le symbole de ce mouvement Femme, Vie, Liberté.
06:43 Et il est de notre devoir aussi, comme l'a précisé Maître Slamah, de porter la voix
06:49 de Toumaj pour qu'il puisse être libéré.
06:52 Il n'a fait aucun crime.
06:54 Il a pratiqué son art avec son rap.
06:56 Il a montré la plus belle des armes au monde entier.
06:59 Donc aujourd'hui, oui, peut-être qu'il est sujet de crainte pour le régime islamique,
07:06 mais son arrestation même, elle est complètement injustifiée.
07:12 Donc voilà, en tout cas, nous demandons sa libération immédiate, inconditionnelle et
07:16 inconditionnelle.
07:17 Maître Dilan Slamah, comment à la fois donner une résonance à l'incarcération de Toumaj
07:21 Ali pour ne pas qu'on l'oublie en même temps, éviter justement d'en faire un exemple
07:26 qui, pour le pouvoir iranien, en ferait peut-être un prisonnier impossible à libérer ?
07:31 Eh bien, je pense que justement, il s'agit de mobiliser un certain nombre d'intervenants
07:36 et qu'il puisse y avoir le plus possible de parole publique.
07:39 À un moment, le régime iranien ne pourra pas être sourd et totalement aveugle à ce
07:43 qui se passe.
07:44 C'est pour ça que je pense que nous pouvons faire des choses de l'extérieur.
07:46 Et c'est pour ça que je pense que les Nations Unies doivent agir et doivent agir vite.
07:49 Il est important que cette plainte, elle soit traitée rapidement.
07:52 On sait que parfois, les choses peuvent être longues.
07:53 Mais là, c'est une question non seulement de vie et de mort, mais surtout, c'est une
07:57 question de jours, de semaines, de mois.
07:59 On ne sait pas exactement.
08:00 Mais en tout cas, il faut que ça aille très rapidement.
08:02 D'où l'importance de sensibiliser la communauté internationale.
08:04 Vous appelez également les tensions contre l'Iran.
08:05 Oui, exactement.
08:06 Je pense qu'il faut que ça dépasse, entre guillemets, le sort de la communauté iranienne.
08:09 Ce n'est pas une communauté qui doit se mobiliser.
08:11 Je pense que c'est vraiment la communauté internationale dans son ensemble qui doit
08:13 se mobiliser.
08:14 Et n'oubliez pas, en fait, que seulement en été 1988, il y a entre 4 et 5 000 prisonniers
08:21 politiques âgés entre 19 et 22 ans qui ont été exécutés en Iran, en un mois, et devant
08:28 l'indifférence complète de la communauté internationale.
08:31 Aujourd'hui, pourquoi il n'y a que 4 personnes qui sont exécutées ? C'est parce que la
08:36 communauté internationale s'est réveillée.
08:38 Ils ne sont plus indifférents.
08:39 Les gens dans les parlements allemands, au Sénat français, on en parle.
08:44 Et si ce n'était pas le cas, il n'y aurait pas eu 4 exécutés.
08:48 Il y en aurait eu 400, voire 4000.
08:49 Donc la pression, ça marche ?
08:50 Ah mais bien sûr que ça marche.
08:52 Et puis il y a quelque chose qu'il ne faut pas oublier.
08:54 La République islamique d'Iran n'est pas un État de droit.
08:57 Donc quand vous les attaquez avec la justice internationale, ça leur fait très peur,
09:03 parce que c'est un exercice qu'ils ne savent pas faire, parce qu'ils ne sont respectueux
09:06 de aucune loi, même de leur.
09:08 La constitution iranienne n'est pas appliquée en Iran, puisque un avocat qui va défendre
09:15 un client, il finit en prison.
09:18 Et ça, c'est contre la constitution iranienne.
09:20 Donc cette loi, c'est leur point faible, parce qu'ils ne savent pas le pratiquer.
09:24 Donc c'est là où il faut appuyer.
09:25 L'Iran, et c'est sa force, malgré les difficiles négociations ces dernières années autour
09:30 du nucléaire, n'est pas isolée sur la scène internationale.
09:33 Elle a des alliés, la Syrie, la Russie notamment, la Chine n'est pas loin non plus.
09:37 Ces puissances, elles peuvent faire quelque chose, justement, pour le cas notamment de
09:41 Toumaj, mais pas seulement pour l'ensemble des prisonniers politiques aujourd'hui, des
09:44 détenus de conscience.
09:45 Et je pense que c'est pour ça, c'est là où les intérêts de l'Occident joignent
09:49 les intérêts du peuple iranien.
09:50 C'est justement à cause de ces taxes.
09:53 Chine, Russie, vous savez, c'est le début d'une nouvelle guerre froide.
09:58 L'Iran, c'est un élément très important.
10:01 Un Iran libre qui ne fait pas partie de ça, c'est bénéfique pour les Occidentaux.
10:05 Moi, je comprends en fait que les pays occidentaux ne veulent pas bouger de petits doigts pour
10:10 l'Iran, parce que chacun pense à ses intérêts.
10:12 Mais il faut souligner que leurs intérêts et nos intérêts sont les mêmes.
10:16 Et c'est pour ça qu'il faut qu'ils nous soutiennent.
10:17 C'est la reprise des négociations sur le nucléaire, sans entrer dans la grande géopolitique
10:21 aujourd'hui, qui fait craindre le risque pour beaucoup de manifestants qu'on oublie le
10:25 vent de contestation qui souffle sur l'Iran.
10:28 Samnam, ou M. Slaman ?
10:30 Oui, moi, non, mais je pense qu'effectivement, il y a aujourd'hui, je ne sais pas ce qui
10:34 se passe à l'international, mais justement, il faut se saisir de chaque opportunité.
10:37 Je pense que chaque opportunité, que ce soit au plan économique, au plan géopolitique,
10:40 au plan artistique, tout ça, ce sont des opportunités de pouvoir intervenir, de pouvoir
10:44 faire entendre la voix de tous les mages et des iraniens à l'international.
10:47 Et je pense que justement, il faut se saisir de ces différentes occasions.
10:50 Vous ne craignez pas que la raison d'État aujourd'hui, qui commande de négocier avec
10:53 l'Iran sur son programme nucléaire, ne fasse passer au second plan les questions d'ordre
10:57 humanitaire ?
10:58 Non, je n'en suis pas sûr.
10:59 Et en tout cas, je ne pense pas que ce soit l'intérêt de l'Occident, et notamment à
11:01 long terme.
11:02 Ça veut dire qu'on peut voir le court terme, mais à moyen terme et long terme, tout cela
11:05 pourrait se retourner, même contre l'Occident, parce qu'on sait qu'il se prépare là-bas
11:07 des choses qui peuvent être dangereuses.
11:08 Il faut se méfier aussi du long terme.
11:11 Et donc, encore une fois, je parle de tous les mages et je parle des iraniens, mais je
11:14 parle plus généralement de la communauté internationale qui ne doit pas se désintéresser
11:17 de ces situations.
11:18 Sinon, ça pourrait revenir en boomerang de manière extrêmement dangereuse.
11:21 Toumaj a 32 ans.
11:22 Il est aujourd'hui suivi par une grande partie de la jeunesse.
11:26 Cet engouement, il illustre la déconnexion avec le pouvoir iranien incarné aujourd'hui
11:31 par un leader de 83 ans.
11:32 Tout à fait.
11:33 En fait, Toumaj reflète très bien la jeunesse iranienne.
11:35 C'est une jeunesse qui n'est pas du tout religieuse, qui a envie de faire la fête,
11:42 de danser, de chanter et qui a envie d'être libre, qui a envie de se détacher de tout
11:48 ce que représente ce régime islamique et qui demande finalement des libertés basiques.
11:55 Et c'est ce que Toumaj réclame à travers ses raps.
11:59 Il réclame très, très bien la voix de toute la jeunesse iranienne.
12:02 Et la jeunesse iranienne aussi se reconnaît en Toumaj.
12:06 Excusez-moi juste pour finir.
12:09 Il ne faut pas oublier qu'en Iran, à part les jeunes, il y a plus de 85 % de la population
12:16 iranienne qui veut une démocratie séculaire.
12:19 Et vous avez une petite minorité qui sont au pouvoir.
12:23 Donc vous avez une population très moderne et vous avez des dirigeants de Moyen Âge.
12:29 Et donc si vous voulez, ce n'est pas de l'émotion, ce n'est pas parce que je prends mes rêves
12:33 pour la réalité.
12:34 D'un point de vue analytique et géopolitique, cette chose-là ne peut pas tenir.
12:38 Donc ce n'est pas une histoire de six mois, mais je peux vous l'assurer que ce n'est
12:43 pas une histoire de six ans non plus.
12:44 Mais c'est tantôt sous peu, nous espérons, le plus rapidement possible.
12:49 Merci Marjane Setrapi d'être venue nous voir aujourd'hui.
12:52 Merci également à vous, un Shabnam Khosravieh.
12:55 Et bien sûr, en vue de la libération de Toumaj Salehi, défendu par maître Dylan
13:01 Slamah qui était également avec nous.
13:02 Merci.