Dans son édito, Mathieu Bock-Côté revient sur les violences de l'ultragauche

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Dans son édito, Mathieu Bock-Côté revient sur les violences de l'ultragauche lors de l'émission Face à l'Info le 27/03/2023.

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00:00 Il y a plusieurs éléments là-dedans. Je dirais qu'il y a la découverte tardive, tardive
00:04 d'une évidence qui était pourtant visible comme le nez au milieu du visage depuis longtemps.
00:09 C'est l'existence d'un courant radical de gauche qui flirte avec la violence, qui
00:15 même a une tendance à la violence et qui cherche à radicaliser et à pousser vers
00:20 la violence des gens qui sont, je dirais, idéologiquement radicaux, mais qui jusqu'ici
00:24 respectaient le droit. Donc, il y a une tendance et qu'on tenait à nommer. Il y a encore
00:29 quelques jours, le président de la République, parlant de ces gens, parle des factieux et
00:33 des factions. Mais ça ne veut rien dire. On parle des casseurs quelquefois. Les casseurs,
00:37 ça ne veut rien dire. C'est comme quand on disait le terrorisme. Il fallait dire le
00:41 terrorisme islamiste à l'époque. Là, on savait qu'on parlait des casseurs pour des
00:44 casseurs, ça ne veut rien dire. Il faut dire des casseurs d'ultra-gauche. Et là, le crime
00:47 est signé. Mais des factieux. Mais des factieux, quels factieux? Dans quelle logique? Alors,
00:52 ce qu'on découvre finalement, c'est ce mouvement, cette mouvance qui était visible depuis
00:56 longtemps et qui aujourd'hui frappe tellement fort qu'on est obligé même de temps en temps
01:01 de la nommer. Alors, de qui parle-t-on? De quoi parle-t-on? Globalement, il y a trois
01:06 tendances qui se dégagent. On va surtout parler des deux premières. Les antifas. Les
01:10 antifas, ce qui est une milice paramilitaire, je reviendrai dans un instant, qui aujourd'hui
01:15 se spécialise dans l'affrontement, mais direct avec les forces de l'ordre. Il y a les écolos
01:20 radicaux qui sont davantage portés sur la destruction des biens. Et une mouvance, je
01:25 l'évoque simplement parce qu'elle est très visible, les transactivistes radicaux qui,
01:28 eux, cherchent aujourd'hui à faire taire publiquement, à interdire tous les événements
01:32 qui remettent en question la théorie du genre. Mais d'abord, les antifas. Alors, de quoi
01:37 parlons-nous? On parle d'une mouvance qui existe depuis, bon, certainement on pourrait
01:41 dire contemporaine de l'histoire du fascisme et qui n'a plus rien à voir avec la lutte
01:44 contre le fascisme réel. C'est une mouvance qui s'est reconstituée au début des années
01:48 80, ensuite 90, et qui réapparaît, et qui est réapparue cette fois-là au milieu des
01:52 années 2000-2010, et qui assimile au fascisme tout ce qui est globalement à droite du centre-gauche.
01:59 Il faut garder ça à l'esprit. Quand ils ont dit « on est antifas », quelle est votre
02:02 définition du « fa » en question du fascisme? Et pour eux, le conservatisme, même la gauche
02:06 républicaine, conduisent au fascisme, donc doivent être combattus. Surtout, il s'agit
02:11 d'une milice paramilitaire qui se spécialise, au-delà de ses spéculations théoriques,
02:15 dans l'affrontement de rue avec les forces de l'ordre. L'affrontement de rue, on l'a
02:20 vu, l'affrontement sur un terrain rural, mais il y a l'idée d'un affrontement direct
02:24 avec les forces de l'ordre, dans cette idée qu'il faut pousser la société jusqu'à
02:28 un point extrême de tension, pour que soudainement la société puisse basculer dans une forme
02:33 de chaos révolutionnaire. Et ces gens-là ont des stratégies militaires, ou paramilitaires
02:38 si vous préférez, ont l'uniforme qu'il faut, ils sont entraînés au combat, et ça
02:41 sort complètement de notre univers mental. Parce que globalement, qu'est-ce qu'on se
02:44 dit? On se dit que c'est des casseurs, on a l'impression que c'est des jeunes intoxiqués
02:47 mentaux, des jeunes fous, des jeunes déréglés. Non, ce sont des militants qui sont prêts,
02:53 je dirais, non, à risquer leur vie peut-être, mais surtout à risquer celle des policiers.
02:56 Et pour eux, dans leur esprit, quand un policier est handicapé, quand un policier est blessé,
03:01 quand un policier risque sa vie, quand un policier est blessé, c'est une victoire,
03:05 c'est un prion.
03:06 - 891 policiers et gendarmes blessés depuis le début de la manifestation.
03:10 - Et pour eux, 891, oura! Il faut comprendre que lorsqu'un policier est blessé, pour
03:14 eux, c'est une victoire. Et si on ne le prend pas au sérieux, on ne comprend pas que c'est
03:18 une stratégie véritablement, parce que l'idée, c'est qu'on veut pousser les policiers tellement
03:22 à bout qu'ils réagiraient avec violence, on accepte violence, et là, ça retournerait
03:27 la population contre les forces de l'ordre, puis là, ça crée le moment révolutionnaire
03:30 idéalisé.
03:31 En passant, je précise que cette mouvance-là, depuis quelques années, a étendu, je le
03:37 disais, sa définition du fascisme sur toutes les questions, justement, de genre, d'identité,
03:42 des questions liées au patriarcat. Donc, c'est une définition de l'antifascisme qui ne cesse
03:46 d'étendre sa définition du fascisme.
03:48 Les écolos radicaux sont un peu différents. Alors, il y en avait deux tendances, pourrait-on
03:52 dire. Il y avait la tendance de ce que j'appelle des « yell aux cheveux bleus » qui vont dans
03:57 les musées, puis on le sait, font l'espèce de grand spectacle, ils ne sont pas nécessairement
04:00 violents, ils pratiquent la désobéissance civile. Mais il y a la mouvance radicalisée
04:05 qui, elle, pratique notamment la destruction du matériel agricole, qui pratique quelquefois
04:10 la volonté de crever les pneus des SUV. Mais on comprend, c'est des véhicules utilitaires
04:14 sport. Et ce n'est pas anodin, cette idée qu'il faut s'en prendre au bien et risquer
04:18 la vie des personnes, qui aussi s'en prend aux entreprises énergétiques et qui cherchent
04:22 à parier, qui théorisent quelquefois l'effet qu'il faut briser, détruire des pipelines,
04:26 des pipelines. Donc, on comprend la psychologie de ces gens.
04:29 L'objectif, dans les deux cas, qu'est-ce que c'est? C'est une action politique violente
04:33 qui est capable de fragiliser la société. Je le disais, la définition du fascisme a
04:38 évolué. Un des principaux théoriciens de la mouvance antifa, Marc Bray, qu'on a déjà
04:42 eu l'occasion de citer ici à quelques reprises, je cite sa définition du combat antifasciste.
04:47 « La seule solution face à la violence fasciste est de saper ses fondements dans la société,
04:54 ceux qui sont ancrés notamment dans la suprématie blanche, mais aussi le validisme, l'hétéronormativité,
04:59 le patriarcat, le nationalisme, la transphobie, la violence de classe. »
05:03 Je traduis. Le fascisme serait le point d'aboutissement du conservatisme, qui serait le point d'aboutissement
05:08 de la civilisation occidentale. Donc, si vous voulez lutter contre le fascisme, vous devez
05:13 détruire, vous devez exercer une forme de terreur pour que tout ce qui relevait autrefois
05:17 du conservatisme, du centre-droite, de la gauche républicaine, du libéralisme, du
05:20 consensus occidental, on ait une telle peur de l'exprimer publiquement qu'on risque
05:24 sa peau d'une manière ou de l'autre. Et j'ajoute une chose, il y a beaucoup d'intellectuels
05:28 qui légitiment cette violence aujourd'hui. On peut lire sur ça des travaux très intéressants
05:35 d'Olivier Vial, qui dirige Le Céru, et qui documentent aujourd'hui ces contributions
05:41 d'intellectuels qui plaident aujourd'hui pour une violence antipoliciaire, qui plaident
05:45 pour le doxing. Le doxing, vous savez, c'est cette idée qu'il faut révéler publiquement
05:48 les coordonnées, les identités qui touchent à la vie privée de quelqu'un pour le désigner
05:53 à l'indicte public et l'intimider et l'amener à se taire à jamais. Et ce sont aussi des
05:57 gens qui théorisent l'action milicienne, l'action violente contre les forces policières.
06:01 Donc ce sont ces gens-là qu'on a devant nous. Ce ne sont pas des casseurs qui ont
06:04 pris un verre de trop, ce ne sont pas des gens qui sont excités soudainement, ce sont
06:08 des milices paramilitaires qu'il faut prendre au sérieux.
06:10 Le Céru, c'est quoi? Alors, c'est un centre de recherche universitaire
06:14 qui se consacre justement à l'étude de cette nouvelle radicalité idéologique. Vous
06:17 savez, les nouvelles radicalités pour les universitaires, la plupart du temps, c'est
06:21 quand le centre droit décide d'être un peu moins centre et un peu plus à droite. Là,
06:25 on essaie de prendre au sérieux des gens pour qui la violence devient un instrument
06:30 d'action légitime contre l'État. Olivier Vial du Céru, dont vous venez de
06:36 nous parler, vient d'ailleurs de consacrer dans Atlantico une analyse à l'un des penseurs
06:41 qui légitime justement ce retour à la violence. Ah oui, et là, c'est un texte qu'on doit
06:46 lire sur Atlantico aujourd'hui. C'est Andreas Malm, le penseur en question, qui a été
06:51 d'ailleurs invité tout récemment à l'Institut de la Boétie. Vous savez, le Tic-Tac de la
06:55 France insoumise, il est invité comme ça. Alors, Andreas Malm, il développe la nécessité
07:00 d'une stratégie qui permet d'augmenter le seuil de tolérance de nos sociétés à
07:05 la violence. Sa thèse, c'est la suivante. Vu la catastrophe climatique annoncée, plus
07:10 la catastrophe est imminente, plus le seuil de violence pour la combattre sera toléré
07:15 par nos sociétés. Qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut être de plus en plus violent
07:18 et nos sociétés vont s'habituer à l'idée que la violence va faire partie du portrait.
07:23 Alors là, il dit oui, il faut un flanc modéré, il faut une espèce de front modéré-uni,
07:27 mais il y a une tactique, une diversité des tactiques. Il faut des radicaux qui sont
07:30 prêts à briser les biens. Un de ses livres, je crois, si je ne me trompe pas, c'est
07:34 « Comment détruire un pipeline ». C'est clair. Comment s'en prendre physiquement
07:38 ou bien matériel, de différentes manières. Et il pose aussi la question de la violence
07:44 physique contre des individus. Et sa thèse est intéressante, si je puis dire, parce
07:49 qu'il dit « Dans les circonstances actuelles, la violence physique contre les individus
07:55 serait une catastrophe parce que ça pourrait retourner l'opinion contre nous. » Mais
08:00 il ne dit pas en soi la violence contre les individus est condamnable. Il dit « Dans
08:05 les circonstances actuelles, c'est condamnable. » Qu'est-ce qu'on doit comprendre à travers
08:09 tout ça? Eh bien, que si les circonstances l'exigent, la violence contre les individus
08:13 sera permise. Et que font les antifas? Lorsqu'ils décident de cogner sur des policiers, lorsqu'ils
08:19 veulent véritablement blesser les policiers, ou lorsqu'il y a une conférence, on le
08:23 voit quelquefois aux États-Unis aussi, vous avez un conférencier et là, on s'arrange
08:26 pour que la conférence n'ait pas lieu. Et on pourrit la conférence. Et on attaque.
08:29 Et on arrive avec des oranges glacées et des boules de billard et ainsi de suite.
08:33 Mais qu'est-ce qu'on cherche à faire à travers cela? On cherche à empêcher l'attitude
08:36 de la conférence en disant « Si vous y allez, vous risquez d'être blessé. » Ayons cela
08:41 à l'esprit, ce sont ces gens qui défient l'État. Mais j'entends rarement, je précise
08:46 un petit mot sur les leaders politiques de gauche, qu'est-ce qu'ils nous ont dit des
08:50 événements de ce week-end? Mais que c'était formidable. C'est la fête révolutionnaire.
08:53 Rien à se reprocher. D'ailleurs, si les policiers n'étaient pas intervenus, si les
08:56 forces de l'ordre n'étaient pas intervenues, il n'y aurait pas eu de souci. C'est probablement
08:59 pour cela que les antifas sont venus armés et surarmés avec un équipement pour frapper
09:03 sur les forces de l'ordre. Par hasard, on se promène comme ça dans la vie avec des
09:06 armes pour attaquer les policiers. Si les policiers ne sont pas là, ils ne risquent
09:09 rien. C'est l'inversion du rapport de légitimité.
09:12 - Les policiers étaient là pour protéger les méga-bassines. On va voir dans un instant
09:16 le terme « méga-bassines ». Est-ce que tout ça, pour ça, est-ce que ça valait le coup?
09:20 Une dernière question qu'on va développer après avec Charlotte. Si nous savons tout
09:25 cela, pourquoi sommes-nous incapables de combattre cette violence?
09:29 - Parce qu'on a décidé depuis longtemps dans nos sociétés, on le dit souvent ici,
09:33 mais il faut le rappeler, qu'il y a un seul ennemi existentiel légitime, c'est l'extrême-droite.
09:37 C'est les méchants, c'est ce qu'ils appellent l'extrême-droite. Et on l'a vu avec
09:41 Bray et d'autres, là, la définition que donne nos sociétés de l'extrême-droite
09:44 est étendue. Ça n'a aucun sens, ça devient loufoque. Mais on ne prend pas au sérieux
09:49 la menace de l'ultra-gauche. C'est comme une menace secondaire parce que dans une
09:52 hiérarchie ontologique, l'extrême-droite serait au sommet et l'ultra-gauche, c'est
09:57 des enfants turbulents de la bourgeoisie.
09:59 [Musique]
10:02 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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