• l’année dernière
Rencontre ce lundi entre Xi Jinping et Vladimir Poutine à Moscou : Claude Blanchemaison ancien ambassadeur de France en Russie, auteur de Vivre avec Poutine éditions Temporis, 2018 est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-20-mars-2023-4329078

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Il est 6h20, Xi Jinping et Vladimir Poutine en tête à tête aujourd'hui à Moscou.
00:04 Le dirigeant chinois entame une visite d'État de trois jours en Russie.
00:07 Bonjour Claude Blanchemaison.
00:08 Bonjour.
00:09 Vous avez été ambassadeur de France en Russie au début des années 2000,
00:12 c'est-à-dire au moment où Vladimir Poutine est entré au Kremlin.
00:14 Que va faire Xi Jinping en Russie ?
00:16 Eh bien, je crois que Xi Jinping et Vladimir Poutine vont avoir à cœur
00:22 de montrer une bonne entente.
00:24 En tout cas, c'est l'image qu'ils vont vouloir projeter,
00:26 plus d'ailleurs du côté de Poutine que du côté de Xi Jinping.
00:29 Ils ne se sont pas vus depuis six mois.
00:31 La dernière fois, c'était à Samarkand,
00:33 au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai.
00:36 Et ça ne s'est pas si bien passé que ça.
00:38 Parce qu'à l'époque, la Chine, l'Inde et d'autres participants
00:42 à l'Organisation de coopération de Shanghai disaient
00:44 "Cette guerre en Ukraine, ça perturbe tous les circuits économiques,
00:48 ça nous dérange, ça suffit, il faut y mettre fin".
00:51 Et d'ailleurs, Poutine y avait fait écho à l'époque dans sa conférence de presse.
00:55 Donc là, en réalité, je pense que ce que Xi Jinping va faire,
01:00 c'est dire "Nous avons beaucoup de points communs".
01:02 D'abord, nous avons bien sûr une énorme frontière commune
01:06 de 4200 et quelques kilomètres,
01:08 où tous les conflits de frontières ont été résolus au début des années 2000,
01:13 d'ailleurs par Poutine, par une négociation avec la Chine.
01:16 En plus, nous souhaitons tous à moyen terme
01:20 modifier l'équilibre de l'ordre international,
01:23 modifier la gouvernance mondiale.
01:25 Mais nous, Chinois, nous souhaitons le faire à moyen terme, à long terme
01:29 en utilisant les moyens que le système actuel nous donne,
01:31 et pas le faire par la guerre.
01:33 Donc il faut arrêter cette guerre, là-dessus nous avons un différent,
01:36 et il faut arrêter cette guerre.
01:37 Simplement, cette guerre ne peut pas être arrêtée naturellement
01:40 aujourd'hui, il ne peut pas y avoir un cessez-le-fou aujourd'hui,
01:42 puisque ce serait nécessairement aux conditions russes,
01:45 ce qui est inacceptable par l'Occident, ce qui est inacceptable par l'Ukraine.
01:49 - Si Xi Jinping a récemment proposé un plan de paix, il a une chance d'aboutir ou pas du tout ?
01:52 - 12 points qui sont des points plutôt généraux de principe.
01:57 Ce n'est pas vraiment un plan de paix articulé avec une dynamique
02:01 qui permettrait d'arriver à une paix, mais en effet,
02:04 il a énuméré un certain nombre de points, dont 12,
02:08 dont la souveraineté territoriale, l'intégrité territoriale,
02:12 qui sont des points très importants, très importants pour l'Ukraine,
02:15 importants pour la Chine aussi, puisque pour elle, Taïwan fait partie de la Chine.
02:19 Et donc, effectivement, il va dire à Poutine, peut-être peut-on
02:23 cheminer sur ce terrain-là.
02:25 Il a aussi proposé un cessez-le-feu.
02:27 Il a aussi proposé que les sanctions soient effacées.
02:32 Mais tout ça n'est possible qu'en effet, si la condition préalable est réunie,
02:36 c'est-à-dire si l'intégrité territoriale de l'Ukraine est en vue.
02:40 - Aujourd'hui, les relations entre la Chine et la Russie,
02:43 est-ce qu'elles sont équilibrées ou est-ce que l'un des deux a plus besoin de l'autre ?
02:46 - Alors, c'est d'abord un très grand pays qui est la deuxième économie du monde,
02:52 qui rend visite à un pays qui est très affaibli.
02:56 L'économie russe aujourd'hui, c'est à peu près l'économie de l'Italie.
02:59 Donc, par ailleurs, effectivement, la Chine a besoin du pétrole et du gaz russe,
03:06 mais elle pourrait l'acheter ailleurs.
03:07 Elle pourrait l'acheter au Proche-Orient ou dans d'autres pays.
03:09 Elle en achète beaucoup à la Russie, avec un fort discount.
03:14 C'est-à-dire que Poutine s'adime à son suzerain
03:19 en acceptant une réduction du prix du pétrole et du gaz considérable.
03:24 Et voilà quels sont leurs rapports.
03:26 C'est-à-dire que c'est un petit peu le rapport du suzerain à l'obligé, en réalité,
03:31 même s'ils sont dans le même camp à long terme, pour modifier l'ordre international.
03:34 - Et vous évoquiez tout à l'heure cette recomposition de l'ordre mondial.
03:38 Est-ce que ces deux pays, en gros, leur point commun, c'est quoi ?
03:41 C'est le fait de partager la même vision du monde
03:43 pour objectif de marginaliser l'Occident, c'est ça ?
03:46 - Leur point commun, c'est d'éviter de se sentir encerclé par le monde.
03:52 La Chine a le sentiment que l'objectif essentiel de la politique étrangère américaine,
03:58 c'est de l'encercler, de la contenir.
04:02 Et bien entendu, Poutine a un peu le même sentiment vis-à-vis des pays occidentaux.
04:07 Donc ça, c'est leur point commun.
04:08 Leur deuxième point commun, c'est de vouloir modifier la gouvernance mondiale à terme.
04:12 Mais bien entendu, les Chinois, eux, ont le temps.
04:15 Poutine n'a pas le temps. Poutine raisonne à court terme.
04:18 - Comment ce manifeste s'exerce l'activisme diplomatique chinois ?
04:22 Et dans quelle région du monde, aujourd'hui ?
04:23 Parce qu'on le sait, l'Afrique noire, ça fait des décennies.
04:25 Est-ce qu'actuellement, la Chine a d'autres cibles ?
04:28 - Oui, avec un succès diplomatique récent,
04:30 qui est en effet la rétablissement des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie saoudite.
04:35 La diplomatie chinoise a été très habile,
04:38 puisqu'elle a choisi un moment où, dans le fond,
04:40 les Saoudiens avaient envie de rétablir ces relations diplomatiques.
04:43 Ce qui ne veut pas dire que ce soit l'amour fou entre l'Iran et l'Arabie saoudite,
04:46 mais des relations normales.
04:48 Et c'est la diplomatie chinoise qui a servi de médiateur pour aboutir à ce résultat.
04:53 - Ça, c'est une vraie victoire.
04:54 - C'est un succès, en effet.
04:55 Et la Chine a en effet une diplomatie très active de par le monde.
04:59 Elle a en plus, naturellement, son entreprise des routes de la soie,
05:02 qui consiste à investir dans des infrastructures,
05:07 notamment les infrastructures de transport,
05:08 - Chemin de fer, port, aéroport. - Un peu partout.
05:10 Et naturellement, elle s'inscrit là aussi, dans l'avenir,
05:14 pour la reconstruction de l'Ukraine.
05:16 La Chine voudra participer à la reconstruction de l'Ukraine.
05:19 Et c'est certainement un des points qui sera évoqué avec Volodymyr Zelensky,
05:23 si ce fameux coup de téléphone a lieu dans les jours qui viennent.
05:26 - Il y a une autre zone qui est particulièrement importante pour la Chine,
05:29 c'est la zone indo-pacifique,
05:30 où là, c'est vraiment une grosse zone de tension en ce moment.
05:33 - Une grosse zone de tension, alors par la faute de la Chine,
05:36 puisque la Chine considère que la mer de Chine du Sud,
05:38 que les Vietnamiens appellent la mer de l'Est,
05:41 est leur Méditerranée à eux,
05:44 alors que pas du tout, c'est en effet une zone internationale,
05:48 par laquelle passe une grande partie du commerce international d'ailleurs.
05:52 Donc il est très important qu'il y ait une liberté de circulation dans cette zone,
05:56 à laquelle la présence chinoise sur un certain nombre d'îlots commence à...
06:01 finit par gêner.
06:03 Les Chinois ont construit des pistes aériennes sur un certain nombre d'îlots,
06:07 ce sont autant de porte-avions fixes dans cette zone.
06:10 Donc c'est une zone d'extrême tension, on parle toujours de Taïwan,
06:13 il est possible qu'un conflit éclate avant en mer de Chine du Sud.
06:16 - Et l'Inde, est-ce que c'est un pays qui fait peur à la Chine ?
06:19 Je vous pose cette question parce que vous avez récemment écrit un livre sur l'Inde,
06:22 qui est paru l'année dernière.
06:24 - Écoutez, l'Inde et la Chine essaient de réduire leurs difficultés,
06:29 eux n'ont pas résolu leurs difficultés de frontières,
06:31 il y a encore de différents importants entre l'Inde et la Chine,
06:34 il y a d'ailleurs régulièrement des batailles rangées,
06:37 je dis bataille rangée parce que, à l'asiatique,
06:40 ils ont réduit le niveau du conflit possible,
06:43 puisque les patrouilles ne sont pas armées,
06:46 ne sont pas armées, ils n'ont pas de fusils,
06:48 et par conséquent ils se battent à main nue,
06:50 avec des gourdins, un peu comme au Moyen-Âge, ou comme même avant le Moyen-Âge,
06:54 et ça fait quelques morts, mais pas beaucoup.
06:57 Et il y a toujours ces différents qui ne sont pas réglés,
06:59 mais les Indiens considèrent que
07:03 on n'est pas ou alliés ou ennemis,
07:05 on peut coopérer sur certains domaines, dans certains secteurs,
07:09 et être en désaccord sur d'autres secteurs.
07:11 C'est un petit peu la spécificité aujourd'hui de la diplomatie indienne,
07:15 qui est un petit peu multisectorielle, si l'on veut,
07:17 avec des coopérations diversifiées avec un très grand nombre de pays.
07:22 - "L'Inde contre vents et marées", c'est le titre du livre qui est paru l'an dernier,
07:26 de votre livre qui est paru l'an dernier,
07:27 vous avez écrit aussi "Vivre avec Poutine",
07:29 c'est deux livres sortis chez Temporis.
07:31 Merci beaucoup Claude Blanchemaison,
07:33 ancien ambassadeur de France en Russie,
07:35 vous étiez l'invité du 5/7.

Recommandations