Volodymyr Zelensky rencontrera ce jeudi les dirigeants européens jeudi à Bruxelles, avec Emmanuel Macron qui l'accompagne : Lukas Aubin, directeur de recherche à l'institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) auteur de Géopolitique de la Russie (La Découverte 2022) est notre invité. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-09-fevrier-2023-9719915
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00:00 France Inter, Mathilde Munoz, le 5/7.
00:08 Il est 6h20, on s'arrête maintenant sur la mini-tournée européenne de Volodymyr Zelensky.
00:13 Londres et Paris hier, Bruxelles aujourd'hui.
00:15 Bonjour Lucas Aubin.
00:16 Bonjour.
00:17 Vous êtes directeur de recherche à l'IRIS, l'Institut de Relations Internationales et
00:20 Stratégiques.
00:21 Vous avez écrit notamment « Géopolitique de la Russie », un livre paru l'an dernier.
00:25 Le président ukrainien était à l'Élysée hier soir, donc c'est la première fois qu'il
00:29 vient en France depuis le début de la guerre, il y a un an.
00:31 C'est une vraie surprise ?
00:32 Alors c'est une demi-surprise.
00:34 C'est-à-dire qu'effectivement, on savait qu'il allait venir à un moment donné, puisqu'il
00:39 était à Washington en décembre dernier, puisqu'il était à Londres hier aussi, hier
00:44 midi, hier après-midi.
00:45 Néanmoins, évidemment, en raison de la guerre, on ne sait jamais en avance combien de temps
00:51 il va rester, s'il va venir, à quel moment, etc.
00:53 Et tout est très confidentiel aussi, pour des raisons de sécurité.
00:56 Voilà, tout à fait, pour des raisons qu'on imagine très concrètes, forcément.
01:00 Il ne faut pas quitter son poste trop longtemps, sous peine de potentiellement avoir des troubles
01:04 dans son pays en interne.
01:05 Néanmoins, voilà, comme je le disais, on savait qu'il allait venir.
01:09 C'était impossible d'imaginer ça autrement, puisqu'il a besoin en ce moment de la France,
01:14 de l'Union européenne, pour pouvoir obtenir des aides militaires et économiques.
01:18 Et c'est le signe aussi que ça va mieux entre les deux hommes, entre Emmanuel Macron
01:21 et lui, parce que ce n'était pas le cas depuis le début de la guerre.
01:24 Il y avait quelques tensions.
01:25 Exactement, en tout cas, c'est ce que dit Volodymyr Zelensky.
01:27 C'est ce qu'il a dit hier, qu'Emmanuel Macron avait changé, qu'il avait finalement changé
01:32 son fusil d'épaule et qu'il avait compris, entre guillemets, évidemment, qu'on ne pouvait
01:36 pas actuellement négocier justement avec Vladimir Poutine.
01:39 On savait qu'Emmanuel Macron aurait aimé, jusqu'à présent, en tout cas faire l'intermédiaire
01:44 entre les deux hommes, aurait aimé trouver une porte de sortie à Vladimir Poutine.
01:48 Pour le moment, il ne l'a pas trouvé.
01:50 On sait qu'entre les deux hommes, entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, les relations
01:54 se sont distendues.
01:55 En tout cas, il y a beaucoup moins d'échanges en ce moment, alors qu'avant, effectivement,
01:59 c'était peut-être l'interlocuteur principal de Vladimir Poutine, Emmanuel Macron.
02:03 Ce n'est plus le cas aujourd'hui, pour des raisons qu'on comprend également, étant
02:07 donné que la guerre continue, que Vladimir Poutine n'a pas changé d'un iota son objectif
02:12 sur le terrain.
02:13 De fait, Emmanuel Macron se rapproche de Volodymyr Zelensky.
02:16 Alors, ce n'était pas un tête-à-tête.
02:17 Hier soir, à l'Elysée, il y avait aussi Olaf Scholz, le chancelier allemand.
02:20 C'était important que Volodymyr Zelensky soit accueilli par le tandem franco-allemand ?
02:25 Oui, c'était effectivement très important parce que déjà, cette visite n'était
02:30 pas prévue à l'origine.
02:31 En tout cas, c'est ce que dit Volodymyr Zelensky.
02:32 Il lui dit que normalement, il aurait dû aller directement à Bruxelles.
02:36 De Londres à Bruxelles.
02:37 De Londres à Bruxelles.
02:38 En l'occurrence, il a fait ça, entre guillemets, sur un coup de tête.
02:41 Évidemment, c'est aussi un coup de com' bien sûr.
02:43 Néanmoins, on sait que l'Allemagne est le troisième fournisseur en Europe, enfin,
02:50 troisième fournisseur dans le monde d'armes et d'argent, de manière générale, à l'Ukraine
02:57 depuis le début de cette guerre.
02:58 Effectivement, si uniquement la France avait été présente, ça aurait pu être perçu
03:03 comme, non pas un affront, mais en tout cas, comme un manque de respect à l'Allemagne
03:08 dans ce contexte-là.
03:09 Le vrai allié, finalement, c'est le Royaume-Uni ?
03:11 Évidemment, en Europe, le vrai allié, c'est le Royaume-Uni.
03:14 C'est pour ça que Woldemir Zelsky est allé à Londres en premier ?
03:17 Tout à fait.
03:18 Parce que Londres représente en réalité l'OTAN en Europe.
03:23 Et évidemment, Londres ne fait plus partie de l'Union Européenne.
03:26 Donc, il n'y a plus cette alliance qui existait jusqu'à présent.
03:30 Finalement, il y a cette idée qu'en se rapprochant de Londres, potentiellement,
03:35 Woldemir Zelsky pourra avoir davantage d'armes, ce qu'il demande.
03:37 En l'occurrence, il a demandé des avions, une aide aérienne, ce à quoi le Premier
03:43 ministre britannique a répondu "pourquoi pas", ce qui est quand même une avancée
03:46 évidemment majeure en l'occurrence.
03:48 Et il y a évidemment aussi cette idée que depuis le début de la guerre, Londres est
03:53 en Europe le premier partenaire, le premier fournisseur en termes d'armes et en termes
03:57 d'argent à l'échelle de la planète.
03:59 En numéro un, c'est les États-Unis, en deux l'Angleterre, enfin le Royaume-Uni,
04:02 et en trois l'Allemagne, c'est ça ?
04:03 Exactement.
04:04 On a vu d'ailleurs, Woldemir Zelensky, cette visite à Londres.
04:08 Chez nous, c'était juste à l'Elysée.
04:10 A Londres, il a vu le Premier ministre, il a vu le roi, il a parlé au Parlement.
04:14 C'était beaucoup plus majestueux que ce qui s'est passé en France.
04:18 Ça montre aussi cette importance.
04:19 Bien sûr, il y a un côté effectivement en Europe beaucoup plus important vis-à-vis
04:25 de Londres.
04:26 On comprend bien cette idée qu'il faut davantage obtenir d'armes.
04:30 On sait très bien que du côté de l'Union Européenne, on est plutôt dans une logique
04:34 diplomatique.
04:35 On a évidemment une dimension militaire, mais la logique est d'intégrer l'Union Européenne.
04:39 Néanmoins, actuellement, Woldemir Zelensky a besoin d'une alliance militaire au-delà
04:44 de la diplomatie.
04:45 Il a besoin d'une action concrète sur le terrain.
04:47 Il a besoin d'armes, en l'occurrence offensives, c'est ce qu'il demande.
04:50 Après les temps qu'il demande maintenant des avions, peut-être pourra-t-il les obtenir.
04:55 Alors, on va voir ce qui va se passer aujourd'hui à Bruxelles.
04:59 On ne sait pas exactement encore s'il va parler devant le Parlement, qui il va rencontrer.
05:03 Comme d'habitude, c'est le mystère sur son agenda.
05:05 Ce qu'on sait, c'est qu'il va dire merci pour toute l'aide déjà fournie.
05:08 Et on demandait encore plus, notamment, vous le disiez, des avions de combat.
05:11 Mais les avions de combat, ça permettrait quand même à l'Ukraine d'attaquer la Russie.
05:15 Là, on serait dans une autre dimension quand même.
05:17 Oui, effectivement, je crois que personne chez les Alliés ne veut effectivement que
05:21 l'Ukraine attaque le territoire directement de la Fédération de Russie.
05:25 L'objectif, c'est de repousser l'armée russe et Wagner et de manière générale,
05:31 les soldats qui soutiendraient la Russie hors de l'Ukraine.
05:34 Pour le moment, on voit des difficultés sur le terrain.
05:38 On a vu ces dernières semaines, justement, l'armée russe reprendre, regagner du terrain,
05:43 ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps en réalité.
05:45 De fait, Volodymyr Zelensky demande une aide rapide.
05:49 Le problème étant que les tanks ne vont pas arriver tout de suite.
05:52 Ça prend plusieurs mois.
05:53 On pense à un mois, deux mois, trois mois, on ne sait pas exactement.
05:56 Alors, quand sera-t-il évidemment des avions de chasse, si ça devait arriver ?
05:59 Évidemment, ça prendrait beaucoup de temps.
06:01 Il est dans l'urgence, il attend une aide militaire.
06:03 Mais est-ce qu'il peut vraiment attendre quelque chose de ce déplacement à Bruxelles,
06:06 sachant qu'il y a une semaine, il y a déjà eu un sommet Union Européenne-Ukraine à Kiev ?
06:10 Il peut obtenir quelque chose qu'il n'a pas obtenu il y a sept jours ?
06:12 C'est évidemment difficile.
06:15 Néanmoins, on sait que depuis le début de cette guerre, il y a eu une bataille qui se joue.
06:20 C'est la bataille médiatique.
06:21 Volodymyr Zelensky a tout intérêt à se montrer avec ses alliés, en l'occurrence des alliés
06:26 très puissants, l'OTAN, l'Union Européenne, bien entendu.
06:28 Ça représente l'Occident, soit à peu près 60% du PIB mondial, les principales armées du monde.
06:35 Donc, il y a vraiment ce symbole qui est important.
06:38 Et ce symbole, il est médiatique.
06:40 Et quand on compare justement à la médiatisation de Vladimir Poutine et à la façon dont il
06:45 communique depuis le début de la guerre, on se rend compte qu'il y a vraiment un effet
06:48 miroir déformant, c'est-à-dire que Vladimir Poutine a des difficultés à se montrer entouré,
06:53 là où Volodymyr Zelensky est accueilli, en tout cas en Occident, partout en grande pompe.
06:57 Et surtout, il se montre très discret.
06:59 Là, il n'a pas réagi encore, Vladimir Poutine, à cette visite européenne.
07:01 Il n'a pas réagi.
07:02 Néanmoins, d'un point de vue géopolitique, ce qui se passe en même temps, c'est qu'on
07:07 a vu Sergei Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, au Mali il y a deux jours.
07:12 Et il a offert justement les services de la Russie pour combattre notamment les djihadistes
07:17 sur place.
07:18 Ça montre bien qu'il y a une réorganisation géopolitique actuellement.
07:22 On sait que Wagner était très présent en Afrique depuis 2018-2019.
07:26 Aujourd'hui, concrètement, ça se concrétise par une avancée diplomatique sur le terrain.
07:32 Donc, il y a une opposition entre Volodymyr Zelensky d'un côté avec les Occidentaux
07:37 et ses alliés, du coup, et en face, on a effectivement Vladimir Poutine qui, contre
07:42 lui, ses alliés du côté du "Grand Sud", même si ça ne veut pas dire grand-chose comme
07:46 ça, mais en tout cas des pays non occidentaux, à savoir l'Afrique, l'Amérique latine, etc.
07:50 Merci Lucas Aubin pour vos explications.
07:53 Directeur de recherche à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques
07:56 et auteur du livre "Géopolitique de la Russie" qui est paru le lendemain dernier aux éditions