Journée des droits des femmes : le fléau du sexisme dans le sport
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00:00 nous pour revenir sur cette journée. La sociologue du sport Béatrice Barbus,
00:03 bonjour. Vous êtes vice-président déléguée de la Fédération française de
00:06 handball, auteur du "Sexisme dans le sport". On va en parler du sexisme dans le sport
00:09 mais vous réagissiez aux propos d'Emmanuel Macron. Ça vous semble être
00:12 une bonne mesure, inscrire dans la Constitution ce droit des femmes à
00:16 l'interruption volontaire de grossesse ? - Bien sûr, j'ai une pensée très émue
00:21 pour Gisèle Halimi, qui effectivement s'est battue durant les années 60, 70, 80
00:28 dans de nombreux procès pour défendre des femmes qui avaient avorté, qui allaient
00:32 être condamnées. Donc je crois qu'aujourd'hui, de là-haut, elle doit être
00:35 super contente. - Vous ne partagez pas les réticences de certains, son fils
00:39 notamment, qui estimait que ce n'était peut-être pas le bon moment aujourd'hui
00:41 pour célébrer la mémoire de Gisèle Halimi en cette journée, qui est aussi
00:45 une nouvelle journée de grève contre la réforme des retraites ? - Ça c'est une
00:48 autre question. Je ne me permettrai pas d'y répondre. Je laisse les fils de Gisèle
00:53 Halimi, qui sont beaucoup mieux placés pour moi, pour y répondre. Mais je pense...
00:56 - Parce que pour ceux qui nous regardent, il faut le dire, Gisèle Halimi, c'était la féminisme,
00:59 mais aussi l'engagement à gauche. - Bien évidemment. Je pense qu'aujourd'hui, elle
01:02 aurait été dans la rue, auprès des femmes. - Auprès des femmes. C'est important
01:07 de le préciser. Vous avez été vous-même la première femme en France à être
01:11 présidente d'un club sportif professionnel masculin. C'est l'US Ivry-Hanbal.
01:15 C'était de 2008 à 2012, c'est bien ça ? - 2006 à 2012. - 2006 à 2012.
01:20 Aujourd'hui encore, ça reste une exception, une femme dirigeante d'une
01:24 équipe ou d'un club sportif masculin. - Oui, vous pouvez m'en citer une ?
01:30 - C'est pour ça que je vous pose la question. - Bah oui, c'est une... - Parce qu'à l'inverse,
01:32 je pourrais vous citer beaucoup d'exemples d'hommes en traîneurs ou dirigeants des clubs
01:37 ou des équipes sportives féminines. - Oui, bien sûr que c'est extrêmement marginal.
01:41 Et aujourd'hui, effectivement, c'est très rare quand ça arrive. Et ce n'est pas
01:46 seulement rare en France, c'est rare en Europe, même dans le monde, très certainement.
01:51 - C'est donc pas spécifiquement un problème français ? - Ah non, pas du tout.
01:54 - On a vu des femmes entraîner des hommes dans certains sports, dans certaines disciplines,
01:58 le tennis par exemple, Amélie Morisseau a entraîné en dimeuré. - Oui, mais c'est une exception.
02:02 En général, on est capable d'en citer quelques-unes, comme Amélie Morisseau,
02:05 mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Donc oui, il y en a au basket et aussi en NBA,
02:09 enfin aux Etats-Unis, mais c'est extrêmement rare. Donc aujourd'hui, il y a effectivement un
02:16 retard, on peut dire, dans le monde sportif par rapport, par exemple, au monde de l'entreprise
02:22 ou au monde de la politique où on avance sur des postes importants. - Lorsqu'un pays comme
02:27 l'Espagne, par exemple, veut imposer 40% de femmes dans les conseils d'administration,
02:30 mais aussi dans la composition des assemblées électives, des ONG, des associations aussi,
02:38 vous trouvez que ça, c'est nécessaire ? Il faut le promouvoir par des quotas, d'une certaine manière ?
02:43 - Hélas, on est obligé un peu de faire de la discrimination positive, c'est ce qu'a fait et
02:47 que prévoit la loi de l'année dernière, de mars 2022, qui avait été prévue également par la loi
02:53 de Najat Belboub el-Kassem en 2015. Donc on met en place des quotas, on est parti de 40%. Avec la
02:58 loi de mars 2022, on va arriver à 50% pour les conseils d'administration des fédérations au
03:04 niveau national en 2024 et en 2028 pour les conseils d'administration légionnaires. Sans quotas,
03:10 en fait, toutes les femmes voudront presque toute la même chose, celles qui en tout cas sont sur
03:15 ces combats-là, c'est qu'on n'est pas fondamentalement pour la mise en place de quotas. On n'est pas
03:20 les Etats-Unis où la discrimination positive est plutôt quelque chose d'habituel, ce n'est pas le
03:23 cas en France. Mais force est de constater que quand il n'y a pas de quotas, eh bien on n'avance pas.
03:27 Et pour la loi de, justement, de 2015 qui a été votée pour mettre en place ces 40%, aujourd'hui,
03:34 on peut voir, grâce aux travaux notamment d'Annabelle Capret, la chercheuse, on a pu voir
03:39 que ça avait eu un effet, c'est-à-dire qu'on a passé quand même un cap. Donc sans discrimination
03:43 positive, sans la mise en place de quotas, eh bien on n'avance pas. On ne peut pas compter sur la
03:49 seule bonne volonté, soit des hommes qui nomment, soit des personnes qui votent si des personnes
03:54 sont élues. On ne peut pas non plus s'appuyer uniquement et compter sur le mouvement spontané
03:59 ou naturel. Non, parce que ça fait plus de je ne sais pas combien de siècles qu'on l'attend et
04:03 que le mouvement naturel et spontané n'arrive toujours pas. Donc on est obligé d'être
04:06 volontariste et le seul volontarisme en la matière, c'est la discrimination positive.
04:10 On évoque là le sommet de la pyramide. Vous dites en gros, il faut imposer des quotas au
04:14 plus haut niveau, que ce soit au niveau professionnel ou dans des instances dirigeantes
04:18 et peut-être par huissellement que ça finira par atteindre effectivement la base. Mais les blocages,
04:21 ils sont bel et bien à la base. On est déjà dans un monde amateur orienté autour des hommes,
04:26 non ? Où les femmes sont défavorisées dans les horaires. Vous le citez d'ailleurs dans vos ouvrages.
04:30 Oui, oui, tout à fait. Bien sûr, au niveau amateur.
04:32 Dans la pratique sportive.
04:33 Oui, tout à l'heure. Je vais vous parler de statistiques. Par exemple, des femmes
04:38 présidentes d'associations, toutes associations confondues, pas seulement dans le sport. On en
04:42 compte à peu près 33-34%. Dans le sport, c'est moins de 20%. Donc on voit bien que le sport...
04:49 Pourquoi ? Parce qu'elles sont défavorisées par...
04:49 Parce que le milieu sportif est un milieu où la domination de l'homme est très importante.
04:55 Mais elles s'exercent sous quelle forme ? De manière très pratique.
04:57 Alors elles s'exercent sur le plan numérique, on vient de le dire, donc ça on passe. Mais elles
05:00 s'exercent aussi cette domination sur le plan qualitatif. Et là, on parle de sexisme et ça va
05:04 du sexisme ordinaire jusqu'à un sexisme qui peut être beaucoup plus violent. Et donc là,
05:08 on parle plutôt de violence sexuelle. Donc il y a un continuum...
05:11 Ce qu'on appelle communément le langage des vestiaires jusqu'à des pratiques délicate.
05:14 Bien sûr, bien sûr, bien sûr, bien évidemment.
05:16 Voire criminel.
05:17 Donc ça peut se traduire par des réflexions qui sont quasi quotidiennes, y compris dans le sport
05:22 amateur. Une jeune fille qui fait du football, elle va sans cesse entendre... "Ah, tu sais jouer
05:26 au foot ?" Voilà, des choses comme ça. Donc c'est... Ou le rugby, donc des sports qui sont connotés
05:31 plutôt masculins. Et bien là, c'est compliqué pour un certain nombre de femmes. Mais même dans
05:37 les sports où ce n'est pas connoté masculin, on a des attitudes en face. Et des attitudes,
05:42 attention, je tiens à le dire, des attitudes sexistes de la part des hommes, mais aussi de
05:45 certaines femmes qui ont intériorisé également un certain nombre de réflexes sexistes.
05:49 C'est a priori.
05:49 Bien sûr.
05:50 Vous dites, on a les moins bons créneaux dans les gymnases, par exemple.
05:52 On a les moins bons créneaux dans les gymnases. Avant, on est en matière d'équipement, on donne
05:56 les derniers magnons.
05:56 La gymnastique artistique féminine, par exemple, qui est une discipline quand même très féminine,
05:59 parce qu'il y a beaucoup moins d'hommes qui pratiquent la gymnastique artistique masculine.
06:02 Oui, oui, oui, tout à fait. Tout à fait. Mais pour toutes les disciplines, en général, on a les
06:06 moins bons terrains, les moins bons créneaux, les moins bons entraîneurs. On a les plus mauvais
06:11 équipements. On a des subventions ou des financements qui sont moindres. Et tout, tout,
06:16 tout, tout, sur tous les pans, tout ce que vous pouvez voir. C'était lundi, il y avait un événement
06:23 qui était organisé par la ministre des Sports où ils parlaient d'un truc tout bête, les chaussures
06:28 de football. Les chaussures de football, les équipements entiers, ils les ont pensées pour les
06:31 hommes. Nous n'avons pas les pieds qui sont faits de la même façon, de la même manière que nos
06:36 poids ne sont pas les mêmes. Donc, tout ça agit sur les genoux et les chevilles. Et on s'est
06:41 rendu compte dans le football féminin qu'il y avait beaucoup plus de blessures aux genoux que
06:44 chez les hommes. Et on s'est interrogé. Ça vient en partie des chaussures et des crampons qui ne
06:49 sont pas faits pour les hommes, mais qui sont faits pour les hommes, mais pas pour les femmes.
06:52 Alors ça, c'est un exemple édifiant. Et je voudrais poser une dernière question qui concerne
06:55 justement le milieu du football au plus haut niveau cette fois. Noël Legrette qui démissionne de son
06:59 poste de président de la Fédération française sur les allégations de comportements sexistes et
07:03 inappropriés et qui retrouve un poste à la tête du bureau de Paris, de la FIFA. Ça témoigne de quoi ?
07:09 C'est une persistance d'un biais sexiste dans les instances même internationales ?
07:13 Oui, très clairement. Ça dénote effectivement un entre-soi masculin qui sait très bien s'entraider
07:18 quand il le faut et quand certains sont mis à mal. Bien évidemment, c'est une solidarité dont on a
07:24 l'habitude dans le milieu sportif. On est dans un entre-soi. Donc je perds une place, j'en retrouve
07:28 une autre assez rapidement. Voilà. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Ça dénote aussi,
07:33 au plus haut niveau du football, là en l'occurrence international, tout le bien que l'on pense de la
07:41 femme. C'est une mesure. En tout cas, c'est une situation qui, je crois, a choqué beaucoup de
07:51 monde. Pas seulement moi, bien évidemment, mais je crois que beaucoup de gens se sont exprimés sur
07:54 les réseaux sociaux. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? C'est pathétique. Franchement,
07:59 c'est pathétique. C'est vraiment pathétique. Mais c'est comme ça. C'est notre réalité et on se bat
08:04 pour que cette réalité change, justement. Merci beaucoup, Béatrice Barbus, d'avoir été avec nous
08:08 à l'occasion de cette journée consacrée aux droits des femmes à travers le monde.