• l’année dernière
Pouvoir parler de sexualité avec ses parents : un tabou pour certains, une chance pour d’autres : imaginez que vos parents soient si ouverts sur ces sujets qu'ils choisissent d’en faire leur métier, quel impact cela aurait-il sur l’enfant que l’on est et l’adulte que l’on deviendra ?

Un métier atypique qui ne correspond pas aux codes de la société actuelle et qui renvoie une image pas toujours évidente à porter. Entre incompréhension, pudeur ou honte, avoir un parent qui travaille au sein d’un univers qui clive les mentalités peut être complexe à assumer en tant qu’enfant.

Alors comment appréhender sa propre sexualité lorsqu’on grandit avec une vision si particulière de celle-ci ?

Cyriel nous raconte son histoire.

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😹
Amusant
Transcription
00:00 Je suis la fille de qui ?
00:01 Je suis la fille d'un macro.
00:03 Je suis juste la fille du tenancier du bordel.
00:06 Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que mon père m'y emmenait
00:09 parce que pour lui, c'était son commerce.
00:13 J'écoutais et je regardais beaucoup.
00:14 Et elles m'ont appris quelques trucs, quand même.
00:17 Mon père était cascadeur, mais ça se passait l'été.
00:19 Donc, il faisait des spectacles de cascade.
00:22 L'hiver, c'est un peu comme tous les spectacles itinérants.
00:28 L'hiver, c'est la saison creuse.
00:29 Du coup, pour se faire de l'argent,
00:32 il avait décidé d'être animateur de spectacles érotiques,
00:36 de festivals érotiques, plus exactement.
00:38 Donc, moi, je savais ce que c'était déjà, un festival érotique.
00:42 Je savais qu'il y avait des femmes.
00:43 Je parle un peu comme une enfant, là, mais mon père m'a dit,
00:45 "Il y a des femmes qui font des stripteases, qui se déshabillent."
00:49 Je savais à 7-8 ans que l'homosexualité existait.
00:53 Je savais que les travestis existaient.
00:56 C'est vrai que c'était compliqué, parce que quand j'arrivais à l'école
00:58 le lundi matin en disant, "Vous savez que des hommes peuvent aller avec des hommes
01:01 et que des femmes peuvent aller avec des femmes ?"
01:02 Ils me disaient, "Elle est folle, celle-là."
01:04 Et en fait, non, je n'étais pas folle.
01:06 C'est juste que je savais des choses que des enfants de mon âge ne savaient pas.
01:09 Et donc, en fait, mon père, avec des mots d'enfant,
01:13 arrivait à me faire comprendre toute une ouverture sur l'asexualité
01:18 que peu d'enfants avaient.
01:19 Et un jour, il avait acheté une maison sur une route en Belgique
01:23 qui s'appelle la Brochesteenweg, qui relie Courtre-et-Bruge.
01:27 Et sur cette route, il n'y avait pas grand-chose à faire
01:30 à part soit vendre des voitures, soit ouvrir un bordel.
01:33 Et donc, à la base, il voulait y habiter et vendre des voitures,
01:35 sauf qu'à côté, il y a une baraque à frites.
01:38 Et donc, il se dit, "Non, mais attends, moi, je ne vais pas habiter là
01:40 et sentir les frites du matin au soir.
01:43 C'est mort." Il regarde à gauche, il regarde à droite.
01:45 Il se dit, "Je vais ouvrir un bordel."
01:48 Donc, moi, j'y suis allée très vite, dès l'ouverture.
01:52 Je suis allée dans les coulisses.
01:53 Moi, je n'allais pas voir ce qui se passait dans les chambres ni au bar.
01:57 En fait, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que mon père m'y emmenait
02:01 parce que pour lui, c'était son commerce.
02:05 C'est comme s'il était épicier, boulanger, pâtissier.
02:08 Bon, il faut passer au bar pour voir combien il reste.
02:13 C'est une logistique, en fait, pour voir combien il reste de bouteilles de champagne,
02:15 pour voir si toutes les serviettes sont nettoyées,
02:17 pour voir s'il y a un lit qui a pété, donc il faut réparer le pied.
02:22 Comme moi, je passais du temps avec mon papa comme toute petite fille qui se respecte,
02:25 comme tout ado, il me disait, "Il faut passer au bordel."
02:27 -OK.
02:28 -Donc, j'y allais, et là, je suis dans les coulisses,
02:31 et là, je suis avec les filles et je les vois qui font leur vie en attendant,
02:36 qui disent voici, qui se font les ongles,
02:39 qui appellent leur famille, leurs enfants, leurs copains,
02:45 qui se font à bouffer.
02:46 Et puis après, il y a un client qui débarque,
02:49 donc là, elles vont se présenter,
02:52 et puis il y a un client qui la choisit,
02:55 et là, on voit si ça continue ou pas.
02:59 Donc après, il y a une prestation,
03:00 et puis tout dépend de la nature de la prestation,
03:03 est-ce que c'est la totale, pas la totale ?
03:06 Et donc après, on va la voir venir, 45 minutes après, une heure après,
03:11 comme si de rien n'était, je sais pas,
03:13 mais en tout cas, il s'est passé quelque chose.
03:15 En réalité, je savais ce que ça voulait dire,
03:18 une maison close et un bordel.
03:19 Je savais très très bien ce que c'était,
03:21 parce que mon père me l'avait déjà expliqué,
03:26 que j'avais déjà vu la rue d'Arscot à Bruxelles,
03:30 les filles en vitrine.
03:32 Je savais très bien ce que c'était une prostituée.
03:35 J'ai très très bien compris ce que mon père me disait,
03:37 il fallait pas qu'il me le dise deux fois.
03:38 En revanche, ce que je n'ai pas mesuré,
03:41 c'était l'ampleur que ça allait prendre dans ma vie d'adolescente et de femme.
03:45 Inévitablement, ça a eu une conséquence sur ma façon de me voir,
03:50 de m'habiller, de m'apprêter.
03:52 Ça a eu un rapport, ça a eu un...
03:54 Par exemple, il y a des trucs que je pouvais pas mettre,
03:56 des barésies, du rouge à lèvres rouge,
03:59 parce que c'est ce qu'elles portaient et parce que je me disais...
04:03 En fait, c'était pas que je voulais tant cacher ce qui se passe,
04:07 mais c'est que je me disais, ça, ça se passe dans les bordels,
04:10 ça se passe pas dans la vie.
04:12 Pareil pour le ***, ça, ça se passe dans les bordels,
04:14 ça se passe pas dans la vie.
04:15 Donc, du coup, pour moi, c'était un peu compliqué.
04:18 En plus de ça, je faisais de la danse classique, alors en termes de...
04:22 Ouais, ouais, ouais.
04:23 Et au conservatoire, j'avais des très, très gros problèmes sur le corps.
04:26 J'étais très coincée.
04:28 En fait, les profs venaient me voir en me disant "on comprend pas".
04:30 Il y a un truc chez toi, on n'arrive pas à savoir.
04:33 Moi, je savais.
04:34 Je savais pourquoi j'étais comme ça, parce que mon père était ***.
04:37 Je savais que je devais,
04:40 je pensais que je devais défendre une autre image.
04:44 Pour justement pas qu'on dise "ah bah tu vois, c'est la fille du procto,
04:48 c'est bien la fille de son père".
04:49 Et ça, pour moi, c'était d'une douleur incroyable.
04:53 Je suis la fille de qui ?
04:54 Je suis la fille d'un macro.
04:58 Moi, mon rêve, c'était...
04:59 Moi, j'ai toujours dit, moi, mon rêve, c'était que mon père soit,
05:02 je sais pas, comptable, prof, instinct.
05:04 Mon rêve, c'était qu'il soit prof.
05:05 Et voilà qu'on ait une vie "moins mouvementée",
05:11 parce qu'en plus de ça, il passe à France 2 et à TF1.
05:15 Je veux dire, alors là, il m'avait fait le tiercé gagnant.
05:19 Et je lui avais dit "s'il te plaît, tu te floutes,
05:22 parce que moi, j'ai pas envie qu'on sache que c'est toi".
05:26 Et quand je lui en parlais, elle me disait "ça va, c'est pas grave".
05:29 En fait, lui, il arrivait toujours à changer le truc dans le positif.
05:33 "Rien qu'il y a une bonne façon, c'est pas grave, façon..."
05:35 Attends, je vais te dire, le nombre de clients que j'ai,
05:39 qu'est-ce qui est pire ?
05:40 Celui qui va ou celui qui le fait ?
05:43 Donc, il me mettait face à des interrogations comme ça,
05:46 et il me disait "mais Cyrielle, redescends sur Terre,
05:49 la vie, c'est pas les bisounours".
05:51 Mais quand je lui en parlais, il me disait "tu t'en fous".
05:54 Non, je m'en foutais pas tant que ça.
05:56 Je m'en foutais pas tant que ça, mes grands-parents s'en foutaient pas,
05:59 non plus.
06:00 Personne n'était fier de ce qu'ils faisaient.
06:01 Personne.
06:03 Personne.
06:04 En fait, on avait constamment un dialogue de sourds,
06:06 parce que lui ne voyait pas où était le mal.
06:09 Je trouvais que c'était égoïste, parce que je disais "ouais, mais attends,
06:13 moi, à cause de ça, je dois faire ça, je dois faire ça",
06:15 et il me dit "non mais c'est toi qui t'imposes ça".
06:17 Où est le mal que je tiens d'un bordel ?
06:18 En fait, selon mon père, c'est quoi ?
06:21 C'est quelque chose de très simple, c'est je fournis une maison,
06:24 vous êtes là, la porte d'entrée est surveillée,
06:27 il y a une gérante qui gère toute la logistique,
06:32 vous êtes dans un salon avec une cuisine,
06:34 télé, canapé, cuisine, vous faites ce que vous voulez,
06:38 vous allez faire votre prestation,
06:39 vous avez des préservatifs, vous avez des serviettes.
06:42 Mon père mettait tout ça à disposition, donc c'était encadré.
06:46 Et si elle me disait "moi, je viens que le week-end",
06:49 OK, tu viens que le week-end.
06:50 En fait, t'es free, tu fais ce que tu veux.
06:54 Et en plus de cela, mon père, à l'époque, il payait...
06:57 C'est pour ça que les filles restaient longtemps chez nous,
06:59 c'est que c'était 50/50.
07:01 Donc s'il y avait 100 euros, 50 euros, 50 euros.
07:05 À savoir qu'en Belgique, et c'est ça qui fait aussi que beaucoup de Français...
07:09 Parce que nous, on habite à la frontière française.
07:12 C'est ça qui fait que mon père a eu ces bordels qui marchaient vachement bien,
07:17 parce qu'en Belgique,
07:19 alors la loi est quand même un peu à ta tillon,
07:22 mais ça, ça fait partie de la Belgique, sinon c'est pas drôle et sinon c'est pas nous,
07:26 c'est toléré, c'est pas légal.
07:28 C'est la législation qui dit ça.
07:30 Et maintenant, depuis 2022, je crois,
07:35 c'est légal.
07:36 Donc il n'y a plus de "c'est toléré" et "légal".
07:38 Donc ça, c'est bien.
07:40 Moi, je trouve ça bien parce que ça permet d'encadrer ça
07:44 et ça permet d'éviter aussi une espèce de défi du racolage,
07:49 parce que, bon, quand même, il y a des risques.
07:52 Elles sont là, sur la rue, déjà, bon, le confort de la rue,
07:54 on ne va pas refaire l'histoire,
07:57 mais il y a des risques.
07:59 Tandis que si elles sont dans une maison et qu'elles sont encadrées au chaud,
08:03 donc elles ont tout pour vivre et faire leurs prestations,
08:07 j'allais dire, en bonne et due forme,
08:09 enfin, en toute sécurité, c'est quand même un peu plus rassurant
08:12 que d'être sur le bord d'un trottoir.
08:14 Et j'entends beaucoup de gens dire "oui, mais bon, elles ne sont pas heureuses,
08:18 elles ne sont pas ceci, elles ne sont pas cela".
08:20 Effectivement, il y a des réseaux, il y a des gens qui sont forcés de le faire.
08:23 C'est sûr, c'est acté, on le sait, et il faut combattre ça,
08:28 parce qu'on peut apparenter ça à de l'esclavagisme.
08:31 Et de l'autre côté, mais qui reste très certainement une minorité,
08:34 il y a des gens qui veulent le faire.
08:36 On n'a pas à les juger, on respecte,
08:37 et moi, je les encourage s'ils sont contents de le faire.
08:40 Moi, je ne suis pas là pour parler à leur place,
08:42 parce que je ne suis pas elle,
08:43 et je veux juste raconter mon histoire en tant que fille de maigreau,
08:49 de mon adolescence, comment je vis ça quand j'apprends ça à 16 ans,
08:53 comment j'interprète ça à 16 ans,
08:56 et comment je l'interprète 15 ans plus tard, avec le recul,
08:59 qu'est-ce que ça m'a apporté, à quoi ça m'a servi, en fait.
09:03 Par contre, c'est vrai que moi, j'ai très peu parlé à ces filles-là,
09:07 parce que j'étais assez muette,
09:08 et comme je n'étais pas trop d'accord avec mon père,
09:11 je ne leur ai pas trop parlé.
09:12 Mais j'écoutais et je regardais beaucoup,
09:14 et elles m'ont appris quelques trucs, quand même.
09:17 Au-delà du fait que ma mère m'ait enseigné le nom,
09:20 elles me l'ont enseigné,
09:21 parce qu'en fait, on a toujours tendance à croire
09:25 que les prostitutes sont à la disposition de qui veut l'entendre.
09:30 Mais en fait, non.
09:32 C'est elles qui décident, et c'est elles les plus fortes.
09:35 Même si on pense l'inverse.
09:37 Elles sont beaucoup plus fortes qu'on ne le pense.
09:39 En fait, il ne faut pas croire que le travail d'une prostitute
09:42 est juste de faire une prestation, plus, plus, plus.
09:45 Ce n'est pas ça.
09:46 Le but d'une prostitute, avant tout, c'est une grande psychologue.
09:50 C'est une très, très grande psychologue,
09:51 parce que parfois, le mec veut juste venir pour s'évader,
09:56 et elle va lui faire boire un verre, lui caresser la jambe,
10:01 en lui disant "T'inquiète pas, mon chéri, tout va bien se passer".
10:03 Et il repart tout content.
10:05 Et elle, c'est tout bénef, parce qu'elle ne s'est pas donnée à 100 %, en fait.
10:09 Enfin, à 100 %, voilà, elle n'a pas donné de son corps.
10:16 Si aujourd'hui, je veux bien parler de ça,
10:18 parce que j'ai menti, j'étais une menteuse professionnelle, quand même.
10:21 Si aujourd'hui, je veux bien parler de ça, c'est que je me suis dit
10:24 "En fait, j'en ai marre de mentir".
10:26 Et à un moment donné, ton passé te rattrape toujours,
10:28 parce que quand je suis venue à Paris, je me suis dit
10:30 "La belle vie, maintenant, je peux raconter ce que je veux,
10:33 il n'y a personne qui sait d'où je viens".
10:34 Et en fait, ça vous rattrape.
10:35 Ça vous rattrape parce que quand vous passez un moment intime avec quelqu'un,
10:39 que ce soit un date ou même une amie,
10:43 moi, je ne donne pas ma confiance comme ça,
10:45 mais au bout d'une fois, deux fois, trois fois, quatre fois,
10:47 vous avez envie de vous confier.
10:50 Et puis parfois, il est trop tard.
10:51 Tu te dis "Ah oui, mais là, si je le dis maintenant, qu'est-ce qu'il va penser ?
10:54 Si je le dis pas ?"
10:55 Et après, un jour, je me suis dit "Tu sais quoi ?
10:58 Je vais le dire, parce que j'en ai marre de...
11:01 Je suis passée au-dessus de ça.
11:02 Est-ce que c'est l'âge qui a fait ça ? Est-ce que c'est la maturité ?
11:05 Je ne sais pas, mais je me dis "Si on m'aime pas parce que je viens de là,
11:08 tant pis, en fait".
11:09 En fait, toute cette histoire m'a permis aussi de savoir ce que je voulais vraiment.
11:14 Et j'ai tout de suite respecté les choix des autres.
11:17 C'est con.
11:18 Ça peut être même d'ordre général.
11:21 Parfois, je suis un peu dans le jugement.
11:22 Je suis humaine, c'est normal.
11:25 Mais c'est vrai que...
11:27 En fait, le fait de rentrer tout de suite dans la phase trash du sexe,
11:32 quand toi, t'es censée la découvrir de façon cuicui les petits oiseaux,
11:38 en fait, ça te remet direct les idées en place.
11:42 Tu te dis "Ah, mais est-ce que j'ai vraiment envie de faire ça ?
11:45 Est-ce que j'ai vraiment envie de découvrir ça comme ça ?"
11:48 Non.
11:50 Et du coup, j'ai toujours voulu prendre le temps.
11:53 J'avais pas le flow, fait ce que je voulais.
11:58 Donc, à 25 ans, on est plus ou moins en été.
12:01 C'est la veille de mon anniversaire.
12:03 On est le 13 juin.
12:05 J'ai ma meilleure amie qui me demande d'aller chez elle,
12:09 et je veux pas y aller.
12:11 Et elle me dit "Mais si, viens, viens, viens !"
12:13 Et je me dis "Ah, si elle insiste, c'est qu'elle a peut-être quelque chose à me dire,
12:16 je sais pas."
12:17 Et je peine à y aller, je prends un taxi.
12:20 Là, je reçois un premier texto en me disant
12:24 "Toutes mes condoléances, c'était un homme formidable."
12:26 Je dis "Tiens, c'est peut-être mon grand-père qui est mort, bizarre."
12:30 Mais j'avais vu un truc sur Facebook défiler "Mourir la veille de ses 50 ans",
12:34 c'est triste, bon.
12:36 Je suis toujours pas à l'aise.
12:37 Je prends le taxi,
12:38 et je décide d'aller chez ma meilleure pote, dans le 18e,
12:42 et je vais sur Facebook,
12:43 parce que vous avez rien d'autre à faire dans un taxi.
12:45 Et là, je retombe sur ce truc "Mourir la veille de ses 50 ans",
12:49 c'est trop triste et tout.
12:50 Et là, je vais voir les commentaires.
12:51 Et là, je vois le nom de mon père.
12:52 Je fais "OK".
12:56 Donc là, je hurle dans le taxi, et là, je me dis "Mais...
12:59 Attends, attends,
13:01 est-ce qu'on peut la refaire ?
13:02 Juste,
13:03 je suis en train de lire sur Facebook que mon père est mort."
13:07 Donc je hurle, le taxi me dit "Qu'est-ce qu'il y a ?"
13:10 Donc je lui dis.
13:12 Il me dit "Je vais m'arrêter pour vous acheter une bouteille de douche."
13:14 "Non, non, non, surtout pas.
13:16 Ce que vous allez faire, c'est que vous allez appuyer sur le champignon.
13:19 Il faut aller au plus vite rue Bachelet."
13:21 Et j'arrive rue Bachelet,
13:23 et je dis à Alex "Ouvre vite, quoi !"
13:27 Et là, je vois ma mère, et là, je comprends.
13:33 Je comprends que c'est fini, donc j'hallucine, évidemment.
13:37 Il est mort dans sa voiture, dans une embardée,
13:40 on ne sait pas trop ce qui s'est passé, et on ne sait pas ce qui s'est passé.
13:43 Il a téléphoné à sa copine de l'époque en disant
13:46 "Chéri, j'arrive dans un quart d'heure", il n'est jamais rentré.
13:48 On a retrouvé sa voiture 24... Enfin, pas 24 heures plus tard, mais plus ou moins.
13:52 Est-ce que c'est le moteur qui a pété ?
13:54 Est-ce que... Enfin, le moteur, non,
13:55 mais est-ce qu'il y a eu une voiture fantôme ?
13:58 Est-ce qu'il a eu un arrêt cardiaque ?
14:00 Est-ce que... On ne sait pas.
14:02 Est-ce qu'il a eu la rupture d'un névrisme ?
14:05 Mon deuil a duré, je crois, deux ans, trois ans.
14:08 Ça a été très long, parce qu'on était très proches, quoi.
14:12 Mais comme toute personne qui perd quelqu'un de très cher,
14:15 je ne pense pas être quelqu'un d'étrange par rapport à ça, quoi.
14:19 Et aujourd'hui, j'assume complètement, je me suis émancipée,
14:24 vu que sinon, je ne serais pas là.
14:26 Je ne serais pas là pour en parler, et je n'en ferais pas un podcast.
14:29 Mais j'ai tout de suite voulu en parler, à part...
14:33 Deux ans après sa mort, je voulais déjà faire quelque chose,
14:36 sauf que c'était plus douloureux, je n'avais pas la maturité,
14:39 je n'avais pas compris certaines choses.
14:41 Mais j'ai toujours voulu en parler.
14:46 Pourquoi ? Parce que j'avais quand même conscience,
14:50 je pense que j'avais envie de rétablir la vérité, en fait.
14:53 En fait, ça ne me convient pas du tout de mentir.
14:56 Ce n'est pas quelque chose que j'aime bien.
14:58 Donc, je voulais en faire quelque chose.
15:00 J'ai commencé par écrire,
15:02 mais j'ai eu des petits problèmes informatiques.
15:04 De ce fait, j'ai décidé d'en faire un podcast.
15:07 Et pourquoi je le fais ?
15:09 Parce que j'avais envie, j'en avais marre de mentir.
15:13 Et puis aussi pour rétablir une certaine...
15:16 Ouais, pour rétablir une certaine hypocrisie.
15:19 Rétablir, non, mais en tout cas,
15:21 mettre en lumière ce que moi, j'ai vu dans les maisons closes.
15:24 Est-ce que c'est une manière de lui rendre hommage ?
15:26 Je dirais que, quelque part, il avait envoyé un message de...
15:31 "Je ne vois pas ce qu'il y a de mal de faire ça, et tatati, tatata."
15:35 Moi, je l'ai compris au fur et à mesure des années,
15:39 puisque j'ai mûri, j'ai grandi.
15:40 Et...
15:42 Quand j'ai pensé ça, j'ai pensé à lui et je lui ai dit,
15:45 "Papa, ce qu'on a mal interprété,
15:47 je vais essayer que ce soit bien interprété.
15:49 Ce que t'as fait, ce qu'on a perçu,
15:51 pour du noir, je vais essayer de le mettre en lumière."
15:53 Et c'est ça que j'essaye de faire du mieux que je peux.
15:55 Sous-titrage Société Radio-Canada
15:58 C'est quoi, ce film ?
16:00 Enfoiré.
16:01 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
16:04 [SILENCE]

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