Christel Bories, PDG de ERAMET : "La Chine a compris bien avant l'Europe que la bataille de la transition énergétique allait être une bataille des métaux".

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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, l'invité éco s'envole demain avec Emmanuel Macron vers l'Afrique.
00:10 Bonsoir Christelle Bory.
00:12 Bonsoir.
00:13 PDG, vous êtes PDG d'Oramet, groupe minier français.
00:16 Vous exploitez notamment du nickel, du cobalt, du lithium.
00:19 Vous allez donc suivre le président de la République dans sa tournée africaine.
00:23 Il y a encore des mines à exploiter sur le continent africain pour assurer notamment la souveraineté industrielle de l'Europe où la Chine a déjà tout convoité.
00:33 Alors la Chine clairement a pris pied bien avant nous sur le continent africain.
00:39 Et je crois que la Chine a compris avant l'Europe, bien avant l'Europe, que la bataille de la transition énergétique allait être avant tout une bataille des métaux.
00:48 Puisque pour faire cette transition énergétique, on a besoin d'énormément de métaux pour construire des éoliennes, pour faire des réseaux électriques il faut du cuivre, pour faire des batteries il faut du nickel, du lithium et du cobalt, etc.
01:03 Et donc ces métaux, la Chine ne les possède pas, pas plus que l'Europe d'ailleurs, mais elle a compris qu'il fallait les posséder pour maîtriser la chaîne de valeur.
01:12 Et donc elle est allée en dehors de son territoire, en Afrique, en Amérique latine, acheter des mines, exploiter des mines et elle a mis effectivement la main sur beaucoup de gisements.
01:23 Mais vous en avez aussi des gisements ?
01:25 Le continent africain est riche, est très riche en matières premières.
01:29 Et donc il y a d'abord des gisements qui existaient avant et effectivement Eramet opère en Afrique, au Gabon et au Sénégal.
01:38 Donc au Gabon, la plus grosse mine de manganèse au monde est une mine opérée par Eramet.
01:43 Et puis au Sénégal c'est une mine de sable minéralisé.
01:47 Mais l'Afrique a aussi des gisements qui sont encore non exploités et notamment, effectivement, il y a du lithium rocheux en Afrique qui va être exploité dans les prochaines années.
01:59 Et donc il y a encore une place à prendre ?
02:03 Il y a encore une place à prendre absolument en Afrique.
02:05 Et Eramet a sa carte à jouer ?
02:07 Alors Eramet a clairement une carte à jouer.
02:10 D'abord nous savons opérer en Afrique et nous avons surtout une carte majeure qui est celle de la mine responsable.
02:18 Et ça n'est pas un vain mot, je pense de plus en plus c'est le droit d'opérer.
02:22 Et c'est d'ailleurs une des choses que les pays africains ont commencé à comprendre.
02:26 C'est que la façon d'opérer les Chinois n'était pas forcément celle qui leur apportait le plus en termes de formation pour leur propre population,
02:38 en termes de développement économique, en termes aussi de protection de l'environnement et de la biodiversité.
02:44 La façon dont opère Eramet, qui a vraiment la RSE au centre de son modèle, c'est de la mine responsable, de la mine qui préserve la biodiversité, qui préserve l'eau, etc.
02:53 Et donc ce n'est pas trop tard ?
02:54 Alors ça n'est pas trop tard et surtout il y a un certain nombre de gisements aujourd'hui que les Chinois exploitent.
03:00 Et les pays africains se posent la question d'ailleurs de les réallouer à d'autres mineurs dans le monde qui pourraient les exploiter de façon plus responsable.
03:08 Alors concernant le lithium maintenant, qui est indispensable on le sait pour les batteries des voitures électriques,
03:15 vous disiez ici même il y a un an que la Chine avait mis la main sur 40% des réserves mondiales. Est-ce qu'aujourd'hui c'est davantage ?
03:21 Alors elle continue effectivement à mettre la main sur les réserves.
03:26 Les réserves augmentent et elle augmente avec.
03:29 Elle a surtout aujourd'hui la plus grosse capacité de raffinage, c'est-à-dire que même si elle ne possède pas les mines,
03:36 tous les minerais vont en Chine et aujourd'hui entre 70 et 80% des capacités de raffinage du lithium sont en Chine.
03:46 Donc en fait effectivement elle draine toute cette industrie parce qu'elle a commencé beaucoup plus tôt que les autres à bâtir une chaîne de valeur batterie
03:55 et la construction des batteries elle-même en Chine.
03:58 Et là-dessus, sur ce point Christelle Boury, est-ce que c'est trop tard ?
04:02 Alors ça n'est pas trop tard. Donc Eramet en Argentine a le troisième plus gros gisement de lithium au monde.
04:09 10 millions de tonnes de réserves. On est en train de construire la première usine qui va permettre d'exploiter.
04:15 Ça a pris un peu plus de temps que prévu parce qu'effectivement on s'est arrêté au moment du Covid.
04:20 On avait démarré le projet et puis on a dû s'arrêter pendant un peu plus d'un an.
04:27 Et puis on l'a redémarré récemment et donc l'usine sera en exploitation début de l'année prochaine.
04:33 Et avec 24 000 tonnes de lithium dans un premier temps.
04:38 Et puis on prévoit de tripler cette capacité assez rapidement derrière.
04:42 Et on a déjà commencé les études parce que le gisement peut permettre beaucoup plus que ça.
04:46 Et puis nous faisons aussi de l'exploration encore en Argentine mais aussi au Chili,
04:51 qui est le pays voisin qui a beaucoup de réserves et sur lesquels notre technologie peut très bien fonctionner.
04:57 Mais avec quels investissements ? Parce que ça demande des investissements qui sont extrêmement lourds.
05:01 Alors la mine est effectivement un métier très capitalistique.
05:05 Donc ça demande des moyens assez considérables.
05:09 On peut imaginer que les constructeurs français, notamment, qui ont besoin des batteries pour faire fonctionner leurs voitures électriques,
05:15 puissent être intéressés pour participer à ces investissements.
05:18 Absolument, mais c'est très récent. Il y a encore deux ans, on n'arrivait pas à les motiver de mettre directement de l'argent dans les mines.
05:26 Ils pensaient que ça allait se faire tout seul.
05:28 Aujourd'hui, ils ont compris que pour sécuriser leur approvisionnement, être sûr que ça vienne chez eux en Europe
05:33 et que tout ne soit pas dirigé justement vers la Chine,
05:36 il fallait aussi qu'ils puissent mettre des billes et investir directement en amont dans les gisements.
05:43 Et ça, vous pensez que c'est la crise des semi-conducteurs qui leur a fait prendre conscience ?
05:47 Il y a eu plusieurs crises. Il y a eu la crise du Covid qui a montré quelles étaient les interconnexions dans toutes ces chaînes de valeurs.
05:53 Et on s'est trouvé à court de certaines matières premières cryptiques tout à coup.
05:58 On a réalisé que la mondialisation n'était pas aussi simple.
06:01 Et puis derrière, il y a eu la crise des semi-conducteurs où ils se sont retrouvés dans la même situation.
06:06 Et aujourd'hui, ils ont compris qu'effectivement, il y avait un certain nombre de matériaux critiques qu'il fallait absolument maîtriser
06:13 et ne pas les avoir dans son portefeuille avec des chaînes de valeurs qui soient à la fois maîtrisées et responsables,
06:21 que l'on comprend, dont on est capable de tracer les différentes étapes.
06:26 On est capable de vérifier que tout a été fait de façon éthique et responsable.
06:32 C'est extrêmement important parce que sinon, on vend une sorte de rêve écologique qui est un peu, je dirais, un cauchemar et factice
06:43 si la chaîne de valeurs à mon n'a pas été faite de façon responsable.
06:47 Depuis tout à l'heure, on parle d'exploitation en Afrique, en Argentine et en France.
06:52 Parce que vous dites que c'est une exploitation responsable, mais finalement en France, c'est ça, personne n'en veut.
06:57 Ce sera ma dernière question.
06:58 Alors en France, il y a du lithium, un peu, mais pas beaucoup.
07:03 Donc effectivement, on peut faire de la mine responsable en France comme partout ailleurs.
07:08 Ce n'est pas facile quand on est dans des zones très peuplées.
07:12 Il y a la géothermie en Alsace qui permet de pomper des saumures qui contiennent du lithium.
07:19 Et nous sommes en partenariat avec Electricité de Strasbourg pour développer du lithium à partir de la géothermie en Alsace.
07:26 Pas tout de suite.
07:27 Alors, il faut le temps des études et puis il faut le temps des permis.
07:31 Parce que, effectivement, s'insérer dans une zone aussi peuplée que l'Alsace, ce n'est pas toujours tout à fait évident.
07:38 Mais d'ici, je dirais, 2030, on pourrait couvrir 15 à 20% des besoins de la France en lithium.
07:44 Avec ce lithium local très vert, en l'occurrence, parce qu'effectivement, issu de la géothermie, qui n'aura pas voyagé.
07:51 Donc, effectivement, qui sera très très peu chargé en carbone, voire pas du tout.
07:56 Donc avec des mines de lithium à horizon.
07:58 2030, merci beaucoup Christelle Bory, PDG d'Eauramet, invité Echo de France Info ce soir.
08:04 Merci.
08:05 Merci.
08:06 ♪ ♪ ♪

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