• l’année dernière
Difficile de passer à côté : tout le monde parle de ChatGPT, l’intelligence artificielle développée par OpenAI. Même si elle se plante encore souvent, et qu’elle répond parfois à côté, on peut imaginer qu’elle continue à apprendre et fasse basculer plein d’emplois dans l’automatisation. Pire : est-ce qu’on ne va pas tous devenir débiles à force de déléguer notre cerveau ?

Alors que faire ? Faut-il se résigner au développement exponentiel de la technologie ? Se dire, comme les économistes libéraux, que des emplois détruits ici, ce sont des emplois créés là-bas ? Ou bien, au contraire, faut-il tenter de « briser la machine » avant qu’elle ne nous brise ?
On tranche ce nouveau dilemme avec Joseph Schumpeter, les luddites et David Graeber.

Retrouvez toute l’actualité, les reportages, les enquêtes, les opinions et les débats de "l’Obs" sur notre site : https://www.nouvelobs.com/

Category

🗞
News
Transcription
00:00 faut-il arrêter d'utiliser chat GPT ?
00:02 Chat GPT, c'est une intelligence artificielle
00:04 avec laquelle vous pouvez presque avoir une conversation.
00:07 Et peut-être que vous vous êtes dit
00:09 "Ce truc-là va faire le boulot à ma place."
00:11 Ou plus grave,
00:12 "Est-ce que je ne vais pas devenir complètement con
00:14 à force de tout déléguer à une machine ?
00:17 Et donc, est-ce qu'il ne faudrait pas détruire ce truc
00:19 avant qu'il ne nous détruise ?"
00:21 Première réaction,
00:22 "Bien sûr que non, on ne freine pas l'innovation."
00:25 C'est sûr, ce truc peut faire une discerne à ma place
00:27 et plein de métiers qui n'ont pas encore été affectés
00:30 par l'automatisation vont l'être.
00:32 Par exemple, si on peut demander à une IA
00:34 de produire des dessins,
00:35 quid des illustrateurs ?
00:37 Face à ça, une première réponse est de dire
00:40 "Déso, mais c'est comme ça."
00:41 Et oui, c'est le mouvement naturel des sociétés.
00:44 On invente des machines,
00:45 elles nous permettent d'aller plus vite,
00:47 de faire moins d'efforts, d'être plus efficaces.
00:49 Alors évidemment, ça détruit des emplois,
00:51 mais bon, c'est comme ça, d'autres se créent ailleurs.
00:53 Vous perdez des illustrateurs,
00:55 mais vous récupérez des programmeurs informatiques.
00:57 C'est ce que l'économiste Joseph Schumpeter
01:00 appelait la "destruction créatrice".
01:03 Dans un livre qui a fait date, écrit en 1942,
01:06 il explique même que c'est la "dynamique fondamentale du capitalisme".
01:10 Cet argument est donc souvent mis en avant
01:13 par les économistes libéraux.
01:14 Mais il y a des gens qui poussent cette logique
01:17 encore un peu plus loin en disant
01:18 que ce n'est pas simplement l'économie qui est en train de muter,
01:21 c'est l'humain.
01:22 Eux, on les appelle les "transhumanistes".
01:25 Et leur chef de file, c'est un type du nom de Ray Kurzweil.
01:29 Et lui, il a proposé un concept qui est devenu très à la mode,
01:32 c'est la singularité.
01:34 Ça désigne le moment où, grâce au progrès exponentiel des technologies,
01:37 et de l'IA en particulier,
01:39 on parviendra à dépasser nos limites biologiques.
01:43 Coloniser l'univers, se nourrir des rayons du soleil,
01:46 produire une énergie infinie.
01:48 Donc, tchat GPT, à côté de tout ça,
01:51 c'est du pipi de chat, il faut mieux s'adapter sans râler.
01:54 Deuxième réponse possible, il faut arrêter ces dingues.
01:58 Évidemment, on a tous vu des films de science-fiction,
02:01 et en général, ça ne se passe pas aussi bien que ça.
02:05 Dans 2001, l'Odyssée de l'espace,
02:07 Stanley Kubrick met en scène une intelligence artificielle
02:09 qui, pour aller au bout de sa mission,
02:12 doit supprimer les humains.
02:13 Et sans aller jusque là,
02:14 on sait que la destruction créatrice,
02:16 c'est une belle idée,
02:18 mais qu'il est un peu naïf de penser
02:20 que les machines vont ne faire que nous libérer
02:23 des tâches les plus répétitives et les plus pénibles.
02:26 Il suffit d'aller dans un entrepôt Amazon
02:28 pour s'apercevoir que la collaboration humain-machine,
02:30 bah, c'est pas si cool que ça.
02:32 Et même quand grâce aux machines,
02:34 on gagne en productivité,
02:35 et bien, au lieu de travailler moins,
02:38 on crée des boulots inutiles.
02:40 C'est ce que l'anthropologue américain David Graeber
02:42 appelait les bullshit jobs,
02:44 c'est-à-dire des boulots qui, non seulement ne servent à rien,
02:46 mais en plus, rendent malheureux ceux qui les font.
02:49 Pour toutes ces raisons, l'histoire est pleine de gens
02:51 qui se sont opposés à l'arrivée des machines.
02:54 Les plus connus, ce sont les luddites,
02:56 des tisserands anglais qui, au début du 19e siècle,
02:59 ont détruit les machines à tisser
03:00 parce qu'elles menaçaient non seulement leur boulot,
03:03 mais aussi leur savoir-faire.
03:04 Souvent, dans ce type de soulèvement,
03:06 il y avait une vraie réflexion
03:07 sur la déshumanisation produite par la machine.
03:11 Mais si on s'efforçait de rester optimiste,
03:14 on ne peut pas nier le fait que l'IA, en général,
03:16 est quand même super utile dans bien des domaines.
03:19 On pense à la médecine, par exemple.
03:20 Généralement, le mieux qu'on puisse faire avec les technologies,
03:23 ce n'est pas de les interdire, c'est de les encadrer.
03:26 Poser des règles techniques, juridiques, éthiques.
03:30 Il faudrait, par exemple, se demander
03:31 quel monde on veut construire avec elles.
03:34 Quand on a commencé à pouvoir travailler toute la nuit,
03:36 il a fallu repenser en profondeur
03:39 les lois qui régissent notre société.
03:41 Et ça a donné le droit du travail.
03:43 Et ça, ce changement profond,
03:44 il faut en discuter tous ensemble.
03:47 Ne pas laisser les ingénieurs et les entreprises
03:49 nous imposer des technologies
03:51 dont on pourrait assez vite regretter l'existence.
03:53 ♪ ♪ ♪

Recommandations