Quel est le point commun entre JCVD, Street Fighter et Michael Jordan ? Ce sont des légendes !
Entouré d’experts triés sur le volet, Sébastien Abdelhamid vous invite Dans La Légende.
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00:00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans La Légende.
00:00:02 Dans La Légende, c'est l'émission qui retrace l'histoire de vos émotions.
00:00:06 On parle de manga, de cinéma, de musique, de littérature, bref, on parle de culture.
00:00:11 Et aujourd'hui, on s'attaque à un poids lourd de la culture, de la pop culture, de la contre-culture,
00:00:16 bref, de la culture Matrix.
00:00:20 [Générique]
00:00:31 Et pour parler de Matrix, j'ai avec moi des invités qui sont déjà dans la Matrix, on est dedans, ça y est.
00:00:37 Maximilien, tu es journaliste à Allociné.
00:00:41 Et je suis très content de t'avoir avec nous sur ce plateau-là, c'est la première fois puisque tu es déjà venu nous voir.
00:00:46 Ah non, c'est la deuxième fois sur celui-ci ?
00:00:48 Non, sur ce plateau vraiment précis, ce nouveau plateau, non, c'est la première fois.
00:00:53 Et je suis fasciné par ces petites lettres qui défilent, j'ai l'impression d'être Keanu Reeves depuis tout à l'heure.
00:00:57 Si jamais je me mets à faire du kung-fu au milieu du plateau...
00:01:00 Physiquement, tu es très proche.
00:01:01 Exactement, c'est pour ça que vous m'avez invité d'ailleurs.
00:01:03 Exactement, sosie non officielle mais presque officielle.
00:01:06 Bien sûr, officieux, on va dire.
00:01:08 C'est ça. À côté de toi, Erwan, bonjour et bienvenue.
00:01:12 C'est un nouveau livre de critique cinéma et auteur de Lily et Lana Wachowski, "La grande émancipation".
00:01:19 Un joli bouquin que j'ai eu le plaisir de parcourir, pas en version physique mais en PDF.
00:01:25 Et oui, dans la matrice.
00:01:27 Et dans la matrice, exactement.
00:01:29 Et nous avons Laurent, également critique et historien du cinéma avec ésotérisme et cinéma.
00:01:37 Alors là, on est complètement dedans, on ne va pas se mentir.
00:01:41 Mais aussi, on va pouvoir parler ésotérisme et même définir ce qu'est l'ésotérisme
00:01:45 puisque c'est un terme un petit peu confus pour beaucoup.
00:01:49 Messieurs, on a un travail titanesque, j'ai envie de dire, pour aborder ce monument,
00:01:55 quand je dis ce, c'est en tout cas la saga, on va dire, "Matrix" qui a révolutionné,
00:02:01 pas une génération de cinéma mais tout le cinéma, on peut le dire, on va y revenir.
00:02:05 Mais commençons par le début, les débuts de la matrice, les réalisatrices, les Wachowski.
00:02:11 Messieurs, commençons par le début, comme je le disais, par les réalisatrices.
00:02:21 Qui sont-elles à cette époque ? On le rappelle, "Matrix" est 99, la date de sortie.
00:02:27 À la base, que font les Wachowski ? Qui sont-elles ?
00:02:32 Elles se font surtout connaître comme scénaristes puisqu'en 1994,
00:02:36 elles vendent à un producteur qui s'appelle Lorenzo di Bonaventura
00:02:40 le scénario d'un film qui deviendra "Assassin", le film de Richard Donner
00:02:44 avec Sylvester Stallone et Antonio Banderas, exactement.
00:02:47 Et dans la foulée, ce producteur met la main sur leurs deux autres scénarios,
00:02:51 un film qui s'appelle "Bound", qui est un petit polar et une histoire d'amour lesbienne,
00:02:56 et un film de science-fiction assez ambitieux qui s'appelle "Matrix".
00:03:00 Sauf que les Wachowski, l'expérience de "Assassin",
00:03:05 elles le vivent très mal parce qu'elles considèrent que leur scénario
00:03:09 a été complètement massacré par la Warner, qui produira "Matrix" après,
00:03:12 c'est assez ironique, et par le réalisateur, et également par Sylvester Stallone.
00:03:16 On ne retouche pas à Stallone, c'est pas de ça.
00:03:18 En tout cas, malheureusement, les choix qui ont été faits ont complètement dénaturé
00:03:22 ce qu'elles avaient écrit.
00:03:24 Il faut dire que "Assassin" avait été accueilli de manière un peu tiède.
00:03:29 Ce qui en plus n'a pas aidé dans leur ressenti.
00:03:34 Alors que le film, au demeurant, est pas si mal que ça.
00:03:37 Quand on le revoit récemment, j'avais un a priori, je dérive totalement,
00:03:42 mais c'est pas un si mauvais film.
00:03:44 C'est vrai que c'est un film qui n'a pas marché,
00:03:46 et en plus qui ne ressemble pas du tout à ce que les Wachowski voulaient faire.
00:03:50 Du coup, elles se disent, nos prochains films, on aimerait bien les réaliser nous-mêmes,
00:03:55 à commencer par "Matrix" qui est vraiment leur bébé,
00:03:57 qui est vraiment le fruit de toutes leurs influences.
00:04:00 S'ils doivent ne faire qu'un seul film dans leur vie, c'est celui-ci.
00:04:03 Sauf qu'à l'époque, ils ne sont pas connus.
00:04:06 Parce qu'évidemment, "Assassin", on a retenu que les stars et le réalisateur.
00:04:09 Et personne ne veut leur confier un budget aussi conséquent pour un premier film
00:04:15 que beaucoup de gens ne comprennent pas.
00:04:17 À l'écran, ce n'était pas facile. Sur le papier, ça l'était encore moins.
00:04:20 - On reviendra un petit peu après. Personne n'y croit.
00:04:23 - C'est totalement ça.
00:04:25 Du coup, comme beaucoup de réalisateurs à Hollywood et même en France,
00:04:29 elles se disent, on va réaliser d'abord "Bound", qui est un beaucoup plus petit film,
00:04:33 qui va nous servir de carte de visite pour montrer un petit peu ce qu'on sait faire
00:04:36 et ensuite permettre, si possible, de débloquer des fonds pour réaliser "Matrix".
00:04:40 Mais ça s'est fait en quelques années, donc ça a été assez rapide
00:04:44 et pas aussi chaotique qu'on pourrait l'imaginer, mais ça n'a pas été simple.
00:04:49 - "Bound", moi quand tu me parles de "Bound", je ne vois même pas ce que c'est.
00:04:53 - C'est un petit film indépendant d'auteur qui coûte dix fois moins que "Matrix",
00:04:58 donc franchement, on n'est pas du tout sur la même échelle.
00:05:00 C'est un petit polar noir qui se déroule en 3-4 décors avec deux héroïnes
00:05:04 jouées par des actrices relativement connues, mais pas non plus extrêmement connues.
00:05:07 - On peut citer... - C'est Jennifer Tilly et Gina Gershon.
00:05:10 Habitués à des second rôles, Gina Gershon, par exemple, on l'a vu dans "Volte face".
00:05:14 C'est un petit film, c'est un petit budget, un petit film d'auteur, d'autrice, finalement,
00:05:19 qui ne donne pas du tout l'impression que trois ans plus tard, les mêmes personnes vont pouvoir faire "Matrix",
00:05:24 d'autant plus qu'on parlait des problèmes sur "Assassin", mais "Bound" aussi a eu une production difficile,
00:05:28 puisque vous proposer un film sur des lesbiennes à Hollywood, forcément, tout de suite...
00:05:33 - Surtout à l'époque, on le rappelle, au milieu des années 90. - Voilà, ça allume certains néons,
00:05:37 que les Vachowski ne voulaient pas du tout suivre, disaient "Non, non, nous on va faire un film sérieux,
00:05:41 avec une histoire d'amour et tout", donc ça s'est très mal passé avec les producteurs,
00:05:44 et trois ans plus tard, elles reviennent à la Warner en disant "Bon, maintenant,
00:05:47 vous nous donnez plusieurs dizaines de millions de dollars pour faire ce scénario que vous ne comprenez pas,
00:05:51 et vous nous faites confiance, surtout s'il vous plaît".
00:05:53 - Il faut voir que "Bound", même si c'est un petit film, c'est quand même l'exemple type du cinéma indépendant,
00:05:58 dans le bon sens du terme américain, c'est-à-dire quelque chose de fait,
00:06:01 pour pas beaucoup de budget, mais quand même très bien réalisé, qui s'est vendu dans le monde entier,
00:06:06 donc qui a été très rentable, et donc qui peut, exactement dans le plan des Vachowski,
00:06:10 servir de carte de visite, en disant "Voilà, on peut faire un film, vous ne perdez pas d'argent,
00:06:15 vous allez en gagner proportionnellement à la mise de fond", et ça a très bien marché pour "Bound",
00:06:20 donc le pari était parfaitement réussi.
00:06:22 - Et après "Bound", la Warner est convaincue ?
00:06:26 - Il faut la convaincre, parce qu'en fait, c'est là qu'il y a un producteur qui est à son importance,
00:06:31 qui s'appelle Joel Silver, qui a produit notamment "L'Arme fatale",
00:06:33 c'est vraiment un des grands noms du cinéma des années 80-90 à Hollywood,
00:06:37 et c'est vraiment lui qui va convaincre la Warner d'investir sur "Matrix",
00:06:41 parce que quasiment tous les studios ont refusé, comme on disait,
00:06:45 les gens ne comprennent pas forcément le scénario, ne voient pas le potentiel,
00:06:49 et puis il faut se rendre compte aussi que c'est de la science-fiction,
00:06:52 la science-fiction, on a une idée un peu reçue de la science-fiction,
00:06:55 comme quoi ce ne seraient que des succès, et en fait non,
00:06:58 on regarde "Blade Runner", qui est aujourd'hui la référence absolue,
00:07:00 c'est un énorme échec en salles.
00:07:02 - Surtout que, pour recontextualiser, je le disais, "Bound", milieu des années 90,
00:07:07 ils essayent de vendre "Matrix" à cette époque-là,
00:07:09 à cette époque-là, on est encore sur des actionneurs,
00:07:12 on voit que "Stallone" est sur le déclin,
00:07:14 mais on est encore sur une grande période avec "Schwarzenegger",
00:07:19 qui a sorti "Last Action Hero" quelques années plus tôt, etc.,
00:07:22 et ça va décliner à ce moment-là, mais les studios, ils veulent encore ce type de films.
00:07:26 - Oui, et ce qui fonctionne aussi à l'époque, aussi beaucoup,
00:07:28 ce sont les films catastrophes, type "Independence Day",
00:07:30 "Armageddon" qui sort... - "Le Pic de Dante", "Twister"...
00:07:33 - Oui, mais en même temps, on est quand même dans la période du cyberpunk,
00:07:38 c'est-à-dire que le cyberpunk, le genre spécifique du cyberpunk,
00:07:41 a fini par infuser dans le cinéma, il y a eu d'autres essais avant,
00:07:45 comme "Dark City", par exemple, qui est une des références absolues maintenant,
00:07:48 c'était aussi un film indépendant, relativement budget moyen,
00:07:51 mais ce genre littéraire, avant tout, du cyberpunk,
00:07:55 a fini par infuser progressivement dans le cinéma hollywoodien,
00:07:58 et sur ce plan-là, "Matrix" est arrivé au bon moment,
00:08:01 c'est-à-dire où c'était vraiment l'apogée du cyberpunk,
00:08:04 et aussi bientôt son déclin, mais en tout cas,
00:08:06 c'était vraiment le bon moment pour faire quelque chose comme "Matrix".
00:08:09 - Et quel est le film cyberpunk, on parlait de "Dark City",
00:08:12 un très très bon film d'auteur, mais qui est aussi un peu difficile à comprendre
00:08:16 sous certains aspects, qu'est-ce qui fait que les studios se disent
00:08:20 qu'il y a de la rentabilité éventuelle derrière ?
00:08:23 - C'est déjà tout le cinéma, ce que j'appellerais moi le cinéma dickien,
00:08:26 c'est-à-dire pas forcément les adaptations littéraires ou littérales de Dick,
00:08:30 mais enfin l'esprit et l'hiver des simulacres dickiens, ça, ça y est,
00:08:35 c'est commencé vraiment à rentrer dans le cinéma de science-fiction mainstream.
00:08:38 "Blade Runner", il a fait son chemin, progressivement,
00:08:41 et ça y est, maintenant, on commence à comprendre ce que c'est que ce genre spécifique,
00:08:45 donc à ce moment-là, il n'y a pas un film particulier,
00:08:49 mais c'est vrai que de Spielberg à d'autres,
00:08:52 tous les adaptations de Dick sont finies par arriver,
00:08:55 et tout le cinéma néo-dickien a commencé vraiment à émerger,
00:08:58 donc on est dans cette mouvance quand même du cyberpunk cinématographique,
00:09:02 toujours avec un temps de retard, ça c'est typiquement dans l'histoire du cinéma,
00:09:06 avec les productions littéraires, il y a toujours au moins 20 ans de retard
00:09:10 entre un genre littéraire en science-fiction et sa transcription cinématographique à Hollywood.
00:09:14 - Je me permets une question, excusez-moi,
00:09:16 est-ce que le jeu vidéo, parce qu'à l'époque, le jeu vidéo est très permissif,
00:09:20 et on arrive à des technologies qui deviennent de plus en plus comparables,
00:09:26 en tout cas pour la narration avec le cinéma,
00:09:29 est-ce que le jeu vidéo a eu une importance dans ce genre-là au cinéma ?
00:09:33 Parce qu'on voit dans le jeu vidéo, à cette époque-là,
00:09:35 on a beaucoup de titres qui sont dans cet univers cyberpunk,
00:09:38 et ça se développe assez facilement.
00:09:40 Est-ce qu'on voit déjà un rapprochement ou pas du tout ?
00:09:44 - Ça commence, mais c'est encore très balbutiant,
00:09:47 typiquement quelques années avant Matrix, le gros film de jeu vidéo,
00:09:50 c'est le Super Mario que tout le monde préfère oublier,
00:09:52 donc déjà le jeu vidéo est encore dans une période d'adolescence.
00:09:58 - Et Street Fighter, tu vois, j'allais carrément oublier Street Fighter,
00:10:01 avec Jean-Claude Van Damme et Kylie Minogue, magnifique.
00:10:03 Et donc le jeu vidéo, déjà, est seulement en train de...
00:10:06 Dans son adolescence, la PlayStation et les consoles en 3D,
00:10:08 ça arrive seulement au milieu des années 90,
00:10:10 donc même les jeux vidéo commencent seulement à percer.
00:10:12 Donc je pense que Matrix, à la limite, presque a été le tremplin pour ça,
00:10:16 comme pour beaucoup d'autres choses, pour faire comprendre à Hollywood
00:10:18 qu'il y avait quelque chose à faire dans tous ces aspects univers virtuels,
00:10:21 mélanger le jeu vidéo et le cinéma, alors que je pense qu'Hollywood,
00:10:24 à ce moment-là, était très frileux à cause des expériences comme Super Mario.
00:10:27 - C'est ça, parce qu'on a eu une adaptation aussi d'un jeu un peu...
00:10:33 Je dirais pas cyberpunk, mais qui est, on va dire, fantastique, futuriste,
00:10:37 avec Bruce Willis, Apocalypse, je crois, où il doublait le personnage, etc.,
00:10:44 qui devait être à la base une adaptation du cinquième élément, etc.
00:10:47 Donc il y avait déjà eu des petits trucs, et je me posais la question,
00:10:50 est-ce que les studios hollywoodiens voyaient un potentiel financier dedans ?
00:10:56 Parce qu'on va pas se mentir, les premiers potentiels qu'ils voient, c'était...
00:10:59 - Je crois que ça a pu s'infuser d'une autre manière sur la construction scénaristique.
00:11:03 C'est-à-dire que, par le jeu vidéo, on a commencé à faire des scénarios
00:11:06 dans lesquels le héros se plongeait dans un autre univers,
00:11:08 de la même manière que le joueur, avec son joystick, pouvait se plonger
00:11:13 dans un autre univers et passer d'un univers à l'autre,
00:11:16 et également dans une construction de scénario qui va être un peu différente,
00:11:19 une construction en niveau. - Oui.
00:11:21 - On passe d'une vie à l'autre, on peut rejouer sa vie, et là c'est quelque chose...
00:11:24 - Un peu comme Existence. - Exactement, comme Existence,
00:11:27 encore une fois une production indépendante, là on est chez Cronenberg,
00:11:29 mais avant même, il y avait Videodrome, il y avait d'autres films comme ça,
00:11:33 donc cette idée, non pas des adaptations directes littérales de jeux vidéo,
00:11:37 mais un postulat scénaristique dans lequel on pouvait passer d'une réalité à une autre.
00:11:41 Et ça, ça a commencé à infuser.
00:11:43 - C'était exactement là où je voulais en venir, plus que dans l'adaptation directe.
00:11:50 On le disait, il faut convaincre la Warner, qu'est-ce qui va faire que la Warner est convaincue ?
00:11:58 - Encore, comme tu l'as dit, vraiment la personne clé à cette époque-là,
00:12:02 et même les Wachowskis, c'est Joel Silver.
00:12:04 Franchement, lui, il a cru en elle depuis le début.
00:12:06 - Lui, il croit en Matrix depuis le départ.
00:12:08 - Il croit en les Wachowskis depuis le départ, il est persuadé qu'il a un diamant brut entre les mains,
00:12:11 et il est prêt à les suivre n'importe où, même dans Matrix.
00:12:14 Donc je pense vraiment, et même elles le disent et le répètent depuis des années,
00:12:18 que ça doit être vrai, parce que pour garder des relations comme ça à Hollywood,
00:12:21 c'est qu'il y a un fond de vérité.
00:12:22 C'est vraiment, c'est Joel Silver qui a passé son temps à dire,
00:12:25 "Elles, on peut miser sur elles, c'est sûr qu'elles vont faire un truc énorme."
00:12:28 - Et la création de Matrix, à proprement parler, on va mettre un petit jingle,
00:12:33 la création de Matrix, maintenant.
00:12:35 La création de Matrix, elle remonte à bien avant, du coup.
00:12:47 Elle remonte à des années, l'écriture, le scénario des Wachowskis.
00:12:51 Il remonte à quand ? C'est venu comment ?
00:12:53 - Il n'y a pas énormément d'informations sur la jeunesse de Matrix,
00:12:57 parce que je pense que le succès a pris tout le monde par surprise.
00:12:59 Et en plus, les Wachowskis sont connues quand même pour être extrêmement secrètes,
00:13:03 elles ne font pas d'interviews, donc il n'y a pas énormément d'éléments.
00:13:06 On sait que c'est quelque chose qui est...
00:13:08 C'est un agrégat d'idées qu'elles ont depuis leur vingtaine,
00:13:11 quand elles font Matrix, elles ont 35 ans et 33, quelque chose comme ça.
00:13:13 Donc c'est un agrégat de toute leur culture adolescente, pré-adulte,
00:13:17 de science-fiction, d'animés japonais, de kung-fu.
00:13:19 En gros, elles ont mis tout ce qu'elles adoraient,
00:13:21 et vraiment en aspect comme les premiers albums en musique,
00:13:23 on met toutes les influences, et si on a du talent,
00:13:25 ça donne quelque chose de génial.
00:13:27 Je pense que ça remonte à quand elles avaient 15, 16 ans,
00:13:29 qu'elles disaient du Philippe Caddy, comme tu disais, Laurent,
00:13:32 qu'elles voyaient des animés japonais,
00:13:34 qui, en plus, à l'époque, il y avait l'excitation
00:13:37 de ce que ça se passait sous le manteau.
00:13:39 - Bien sûr, surtout aux Etats-Unis, qui n'ont pas la même culture,
00:13:42 qui a eu une culture à rebours sur l'animation japonaise.
00:13:44 - Donc il y avait tout cet aspect contre-culture,
00:13:46 le rock énervé avec Rage Against the Machine,
00:13:49 tout ce qu'elles aimaient depuis qu'elles avaient 10, 12 ans,
00:13:51 j'imagine, elles l'ont mis dans Matrix.
00:13:53 - Donc ça a eu le temps d'infuser.
00:13:55 - Ça, c'est quelque chose qui est très typique aussi
00:13:57 de cette période du cinéma hollywoodien.
00:13:59 Il faut voir aussi qu'on est à la même période
00:14:01 que le cinéma de Tarantino.
00:14:03 C'est très différent, mais quelque part, ça se rejoint.
00:14:05 C'est-à-dire que ce sont des créateurs
00:14:07 qui sont nourris de culture populaire,
00:14:10 de l'underground à la culture mainstream de science-fiction,
00:14:13 qui prennent énormément d'influence de partout.
00:14:16 Ce sont des machines, quasiment, justement,
00:14:19 pas des machines de Matrix, mais c'est l'inverse.
00:14:22 C'est-à-dire que ce sont des gens, des créateurs,
00:14:24 qui prennent de partout, qui ont une culture énorme
00:14:27 et qui parviennent non pas à faire du copiage,
00:14:30 comme on l'a souvent reproché,
00:14:32 mais au contraire à faire des liens.
00:14:34 C'est-à-dire, tiens, on va mettre du kung fu
00:14:36 avec de la science-fiction, avec ceci, avec cela.
00:14:39 Ce sont diverses influences et d'un seul coup,
00:14:41 l'ensemble fait sens.
00:14:42 De la même manière que Tarantino a une culture...
00:14:45 Ces films sont des films de sample, pratiquement,
00:14:47 comme dans la musique, c'est-à-dire qu'on prend
00:14:49 plusieurs pistes et on les met ensemble
00:14:51 et ça fait quelque chose de nouveau et de créatif.
00:14:53 Les Wachowskis ont fonctionné exactement de la même manière.
00:14:55 C'est très intéressant, cette théorie des samples.
00:14:58 Je trouve ça assez pertinent.
00:15:00 On reviendra un petit peu plus en détail
00:15:02 sur les influences un petit peu après,
00:15:05 mais c'est très intéressant.
00:15:07 On voit qu'ils ont leur projet Matrix.
00:15:09 La Warner est donc convaincue.
00:15:11 Est-ce que tout le monde était convaincu ?
00:15:15 C'est compliqué, là encore.
00:15:17 Encore une fois, on a un film très complexe.
00:15:19 Oui.
00:15:20 Sur scénario, je pense que ça doit être encore plus complexe.
00:15:23 C'est exactement ça.
00:15:25 En plus, si tu te dis, l'un des derniers films
00:15:28 de Cyberpunk qu'il y avait eu avant, c'était Johnny Mnemonic,
00:15:30 déjà avec Keno Reeves, et Kitano.
00:15:32 Qui n'était pas une grande réussite artistique et financière.
00:15:36 Il y a plusieurs exemples qui montrent vraiment
00:15:39 à quel point Hollywood avait du mal à y croire.
00:15:41 La première, c'est Will Smith.
00:15:43 La Warner, une fois qu'elle est convaincue,
00:15:45 se dit qu'il nous faut une star.
00:15:47 Il se dit que Brad Pitt a refusé,
00:15:50 que Val Kilmer a refusé le rôle principal de Neo.
00:15:53 Et surtout que Will Smith a refusé
00:15:55 parce qu'il a préféré faire Wild Wild West
00:15:57 avec le réalisateur de Men in Black.
00:15:59 On en rigole beaucoup aujourd'hui,
00:16:01 à commencer par Will Smith, qui reconnaît qu'il s'est planté.
00:16:04 Mais c'est vrai qu'à l'époque,
00:16:06 entre Wild Wild West, c'est-à-dire adaptation de série
00:16:08 dans la lignée de succès de Mission Impossible,
00:16:10 adaptation d'une série culte, en plus,
00:16:12 aux États-Unis, très très populaire.
00:16:14 Reformation du duo acteur-réalisateur de Men in Black.
00:16:17 Et à côté, un film de science-fiction...
00:16:20 - Sachant que Wild Wild West, il y a un côté science-fiction aussi.
00:16:23 - Un petit peu aussi, ça.
00:16:25 Et à côté de ça, un film de science-fiction
00:16:27 dont tu n'es pas sûr du potentiel,
00:16:29 oui, le pari le plus facile, c'était Wild Wild West.
00:16:32 Parce que Matrix, comme tu l'as dit, a pris tout le monde par surprise.
00:16:35 Qu'une star comme Will Smith, qui peut tout se permettre à ce moment-là,
00:16:38 n'y croit pas du tout, c'est un peu compliqué.
00:16:41 Et de la même manière, quand on discute avec la société française,
00:16:46 Buff, qui a fait les effets spéciaux,
00:16:48 et qui est à l'origine de ce qui deviendra l'effet spécial du bullet time,
00:16:52 qu'ils avaient créé dans un clip de Michel Gondry pour les Rolling Stones,
00:16:55 ils disent, on leur a proposé de travailler sur Matrix
00:16:58 pour faire ce qui a été ce fait incroyable
00:17:01 avec la caméra qui tourne autour de Keanu Reeves qui évite les balles.
00:17:04 - Le fameux bullet time.
00:17:07 C'est devenu carrément... - C'est une marque déposée.
00:17:10 Et en fait, quand tu les entends en parler, ils disent,
00:17:13 pour des questions d'un peu étant et autre chose,
00:17:16 on n'a pas pu faire Matrix.
00:17:18 Et dans le "et autre chose", tu comprends qu'eux non plus,
00:17:21 peut-être n'y croyaient pas trop.
00:17:22 Ils se sont dit, déjà, c'était très ambitieux, très complexe à faire
00:17:24 par rapport à ce qu'eux avaient fait pour le clip de Michel Gondry.
00:17:27 Mais tu sens en fait, en creux, que oui...
00:17:30 - Il y avait quelques réticences.
00:17:33 - Voilà, c'était beaucoup d'investissement pour peut-être se rater derrière.
00:17:36 - Alors, tu disais, Maxime Ilia, il y a Will Smith qui refuse.
00:17:40 Comment débarque Keanu Reeves ?
00:17:42 Parce qu'aujourd'hui, on se dit, Neo et Keanu Reeves,
00:17:45 ce sont les mêmes personnes.
00:17:47 - Ah, mais totalement.
00:17:48 Après, en fait, Keanu Reeves se retrouve.
00:17:50 Après, ce qu'il faut savoir, c'est que sur ces projets-là,
00:17:53 il y a toujours beaucoup de noms d'acteurs et d'actrices qui sortent.
00:17:56 Et souvent, il faut distinguer les acteurs qui sont juste cités par le studio
00:18:02 en mode "on aimerait bien avoir peut-être cet acteur-là"
00:18:05 et les acteurs qui sont vraiment approchés.
00:18:07 Et de ce qui se dit, ça s'est joué entre deux acteurs
00:18:10 qui sont Johnny Depp et Keanu Reeves.
00:18:12 Mais en fait, Keanu Reeves était beaucoup plus à fond et beaucoup plus impliqué.
00:18:15 Et c'est ce qui a convaincu les Wachowski.
00:18:17 Après, je pense qu'il y a toujours différentes versions.
00:18:20 Mais la version qui revient le plus, c'est celle-ci.
00:18:22 Il faut savoir que Keanu Reeves, à l'époque, il avait fait "Speed",
00:18:25 qui était vraiment son grand rôle d'action.
00:18:27 Et comme je disais tout à l'heure, il avait fait "Johnny Mnemonic",
00:18:30 qui laissait entendre que Keanu Reeves, on avait peut-être déjà fait le tour.
00:18:34 - Il avait fait un petit film de braquage aussi.
00:18:37 - "Poursuite". - Non.
00:18:38 - "Point Break". - Oui, mais "Point Break", ça remonte à un an.
00:18:41 En fait, il a fait "Point Break", "Dracula".
00:18:43 - "Poursuite", c'était pas mal.
00:18:46 - Oui, mais en fait, ça n'a pas été un succès.
00:18:48 Donc, en fait, on se disait, est-ce que Keanu Reeves, finalement,
00:18:52 est bon cable pour un projet qu'on va peut-être avoir du mal à vendre ?
00:18:55 - Oui, parce que Keanu Reeves devait aussi passer un cap.
00:18:59 Il était dans des rôles plus cantonnés à l'action, on va dire.
00:19:03 Parfois avec un peu de science-fiction, comme tu disais, avec "Johnny Mnemonic",
00:19:06 qui, pour moi, est un film très étrange, d'ailleurs.
00:19:10 - C'est bien résumé. - Monté bizarrement.
00:19:13 - Et en plus, il est inspiré d'un auteur, William Gibson,
00:19:15 qui a influencé les Watch Dogs, ce qui est pour "Matrix".
00:19:18 - Complètement. On voit, en fait, dans "Johnny Mnemonic",
00:19:20 des liens évidents avec "Matrix".
00:19:24 - Oui, de la même manière que dans "Blade",
00:19:26 le film de super-héros avec Wesley Stamm, sorti en 1998,
00:19:29 tu vois des prémices de ce que va être le "Bullet Time".
00:19:33 C'est que la révolution de "Matrix" a pris tout le monde de court,
00:19:36 mais il y avait des petits indices de ce qu'il allait être.
00:19:39 - Oui, comme on le disait tout à l'heure, ça infusait,
00:19:41 il y avait beaucoup de choses qui se sont inspirées ailleurs.
00:19:44 - Et puis, ce qui a pu jouer en faveur aussi de Keanu Reeves,
00:19:46 c'est sa pratique des arts martiaux, qui est quand même,
00:19:48 par rapport à Johnny Depp, qui est quand même un argument de poids.
00:19:52 Et puis, il est possible que "Johnny Mnemonic",
00:19:54 parce qu'à Hollywood, on aime bien refaire ce qu'on a déjà vu.
00:19:57 Ça, c'est la grande insécurité.
00:19:59 Donc, quelque chose qui n'est pas vraiment réussi,
00:20:02 mais dire "Ah ben oui, ça, ça a déjà été fait,
00:20:04 donc ça fait une sécurité."
00:20:06 C'est vraiment un réflexe quasiment pavlovien
00:20:08 dans le cinéma hollywoodien.
00:20:09 Il faut quelque chose de préexistant, quoi que ce soit,
00:20:12 pour pouvoir passer à quelque chose d'autre,
00:20:14 même si c'est totalement différent.
00:20:15 C'est une sorte de garantie psychologique de sécurité.
00:20:18 Dans le cas présent, ça a été "Johnny Mnemonic",
00:20:20 même si c'est un film qui maintenant est assez oublié,
00:20:21 il faut bien le dire.
00:20:22 - Oui, oui.
00:20:23 Après, il reste la rencontre Kitano-Keanu Reeves.
00:20:26 - Ben voilà, bien sûr.
00:20:27 - On aurait aimé une autre teneur.
00:20:30 - Et qui finalement préfigure la rencontre entre les Wachowskis
00:20:33 et le cinéma d'action asiatique,
00:20:35 avec le chorégraphe Ian Whooping,
00:20:37 qu'ils engagent pour les combats de "The Matrix".
00:20:39 Donc, finalement, en fait, comme on dit, tout ça...
00:20:41 - Oui, oui, ça s'imbrique.
00:20:43 - Ça s'imbrique.
00:20:44 - Alors, peu de gens croient au projet, on va se le dire,
00:20:48 mais même niveau critique, au départ,
00:20:50 quand ça commence à parler du film,
00:20:52 il y a beaucoup d'interrogations.
00:20:54 Vient la sortie,
00:20:56 on va passer dans le vif du sujet maintenant,
00:20:59 vient la sortie, et là, je le rappelle, on est en 99.
00:21:03 Pourquoi je précise encore 99 ?
00:21:05 Parce que c'est la jonction entre les années 90,
00:21:08 le cinéma des années 90 et les années 2000,
00:21:10 ce qui va découler de cet héritage des 2000,
00:21:16 et après 2001, on en parlera, le cinéma post-11 septembre,
00:21:20 là, c'est une révolution directement.
00:21:26 Moi, de souvenir, j'ai souvenir d'un...
00:21:29 Enfin, c'est un raz-de-marée "The Matrix".
00:21:31 Est-ce que vous me confirmez, Laurent ?
00:21:33 - Oui, c'était un raz-de-marée,
00:21:35 et ça a été un des premiers films sur lesquels
00:21:37 on a vraiment vu l'explosion des forums sur Internet.
00:21:40 - Ah oui. Mais oui, parce que...
00:21:42 - Voilà, c'est le début de l'Internet,
00:21:44 le début de comment on parle des films entre soi,
00:21:48 dans les réseaux, alors c'est fascinant,
00:21:50 puisque justement, il y a des questions de réseau dans "The Matrix",
00:21:52 et de pouvoir, comme ça, se glisser dans des interstices du cyberspace,
00:21:57 et précisément, c'est à ce moment-là que "The Matrix" sort,
00:22:01 et les discussions enflammées de fans
00:22:04 qui commencent à s'échanger, des théories,
00:22:06 des explications, des commentaires...
00:22:08 - La bande-annonce ! - La bande-annonce, les images,
00:22:10 les photos, le décryptage, ça va de pair.
00:22:12 Et donc là, la révolution s'est faite à la fois
00:22:14 sur le nombre d'entrées, bien évidemment,
00:22:16 qui a été... Bon, c'était pas le film qui a fait
00:22:18 le plus grand nombre d'entrées de la saison,
00:22:20 mais enfin, il y a eu quand même un succès assez considérable.
00:22:22 - Oui, surtout vu le type de film que c'était.
00:22:24 - Surtout vu le film que c'était, c'est quand même quelque chose d'assez pointu.
00:22:26 - Je vous permet, on l'appréhendait à la base,
00:22:28 après je vous laisse terminer,
00:22:30 à la base, "The Matrix", on nous l'a vendu,
00:22:32 pour certains, comme un film d'action.
00:22:34 - Comme un film d'action, et/ou comme un film de science-fiction,
00:22:37 enfin, comme un film de genre. De toute manière, c'était bien positionné.
00:22:39 D'ailleurs, c'est pour ça qu'il a pu être fait.
00:22:41 Au moins, on pouvait le rattacher à un genre.
00:22:43 Sur un marché, on peut dire "action"
00:22:45 ou "sci-fi", bon voilà, ça marche.
00:22:47 Mais ce film-là a vraiment eu
00:22:49 comme effet d'avoir
00:22:51 une cohorte de fans,
00:22:53 non seulement de fans, mais de gens qui commencent
00:22:55 à discuter entre eux, par les réseaux sociaux,
00:22:58 qui étaient à l'époque assez balbutiants,
00:23:00 comme on le disait au début,
00:23:02 et les deux, encore une fois, ça s'est agrégé.
00:23:04 Et là, il y a quelque chose qui s'est passé
00:23:06 de vraiment fascinant. - Et la notion de "Rademarais",
00:23:08 c'est vraiment une belle image. En plus, en France, à l'époque,
00:23:10 les films sortaient encore plusieurs semaines après les Etats-Unis.
00:23:12 - Oui, plusieurs mois. - C'est sorti deux mois et demi,
00:23:14 il me semble, ou trois mois après les Etats-Unis.
00:23:16 Donc, le "Rademarais", on l'a vu venir. Je me souviens qu'il y avait
00:23:18 la couverture de première, même deux mois avant
00:23:20 la sortie du film, il y avait la bande-annonce, voilà,
00:23:22 sauf qu'on n'avait que la bande-annonce à l'époque.
00:23:24 Internet n'était que balbutiant,
00:23:26 donc on n'avait pas déjà tout le spoil
00:23:28 du synopsis ou des extraits ou autres,
00:23:30 ou des screeners filmés dans la salle, on n'avait que la bande-annonce,
00:23:32 on n'avait que ces deux minutes de bribe d'action
00:23:35 pour rêver pendant deux mois et demi, tout en sachant que le film
00:23:37 avait fait un carton aux Etats-Unis.
00:23:39 Donc, il y avait quelque chose de révolutionnaire. - Il y a eu une excitation.
00:23:42 - On a vu la vague arriver, et quand elle est arrivée,
00:23:44 c'est vrai que c'était à la hauteur
00:23:46 de nos attentes. - Oui, parce que la bande-annonce, c'est vrai qu'elle était
00:23:48 assez énigmatique, il y avait peu de dialogue,
00:23:50 tu voyais vraiment des scènes d'action,
00:23:52 et tu ne voyais pas forcément la révolution que c'était.
00:23:55 C'est bizarre parce qu'on parle d'un film futuriste,
00:23:57 mais on raconte un peu des histoires comme Pierre Castor,
00:24:00 mais c'est vrai qu'à l'époque, en 1999,
00:24:02 comme on disait, l'Internet n'était pas aussi développé,
00:24:05 l'information ne circulait pas aussi vite.
00:24:07 - C'était lent. - C'était les modems 56K.
00:24:09 - C'était très lent, on était au début du téléphone portable.
00:24:12 Tout le monde n'avait pas encore le téléphone portable.
00:24:14 C'est juste pour replacer,
00:24:16 ça va tellement vite, mais replacer,
00:24:18 je déteste le terme "contexte",
00:24:20 mais enfin, l'époque, la situation générale technologique,
00:24:24 quand le film est arrivé, où justement,
00:24:27 on commençait à s'équiper à la fois d'Internet,
00:24:29 de modems, de téléphones cellulaires,
00:24:31 comme on dit aux États-Unis,
00:24:33 tout ça était tout neuf,
00:24:35 donc on était vraiment en plein dedans,
00:24:37 et arrive ce film qui parle de tout ça
00:24:39 dans une esthétique rétro-futuriste,
00:24:41 puisqu'il y a à la fois les téléphones filières,
00:24:45 avec des cadrans, des cabines téléphoniques.
00:24:47 - Surtout le fameux téléphone, justement.
00:24:49 - Le Nokia.
00:24:51 Le Nokia de Néo, qui est un téléphone,
00:24:55 après, tout le monde va vouloir ce téléphone portable.
00:24:59 Comme tu le disais, c'est le début du téléphone portable en France,
00:25:03 c'est encore très cher,
00:25:05 c'est pas accessible à tous,
00:25:07 mais le côté technologique,
00:25:10 contexte, comme on disait, technologique, existant,
00:25:13 le côté techno et cyber de Matrix
00:25:17 vont aussi provoquer un attrait pour le virtuel.
00:25:21 - C'est un film qui nous montre, littéralement par l'image,
00:25:24 ce que va être le monde avec le téléphone portable
00:25:26 et avec Internet, alors qu'on ne sait pas encore ce que c'est,
00:25:29 puisqu'on ne les pratique pas vraiment, on a le Minitel.
00:25:31 - Bien sûr.
00:25:33 - On a le Minitel et le film nous dit ce que va être Internet.
00:25:35 - En France, le Minitel, c'était aussi totalement révolutionnaire,
00:25:37 on était les seuls pays à avoir ce système-là,
00:25:39 et ça a tellement compté pour beaucoup de gens,
00:25:41 justement pour les premiers réseaux,
00:25:43 et le Minitel de nuit,
00:25:45 toutes ces choses qui ont vraiment compté,
00:25:47 donc quelque part, oui, le film a vu le futur,
00:25:50 et on sentait qu'on allait y plonger,
00:25:52 et c'est pour ça que ce film a été tellement raccord avec son temps.
00:25:55 - En fait, c'est vraiment le film qui fait entrer le cinéma
00:25:58 dans le XXIe siècle, y compris dans la façon de le promouvoir,
00:26:01 parce qu'avant, il y avait quelques émissions de cinéma,
00:26:05 tu pouvais voir une bande-annonce au cinéma,
00:26:07 mais celle de Matrix, je me souviens de l'avoir vue à la télé,
00:26:10 dans une émission qui disait, il y a un film qui marche
00:26:12 en ce moment aux États-Unis, qui est un peu connu,
00:26:14 il y avait le fameux CD-ROM du magazine Ciné-Neve,
00:26:17 qui a été mine d'or pour beaucoup d'entre nous,
00:26:20 mais quand on parle d'un buzz aujourd'hui,
00:26:22 ça n'a rien à voir avec ce qui était un buzz à l'époque,
00:26:24 et là, on le voyait, comme tu disais, arriver progressivement,
00:26:27 et puis il faut savoir, on disait, on était en 99,
00:26:30 le film que tout le monde attendait en 99,
00:26:32 c'était Star Wars épisode 1,
00:26:34 et qui, au final, a rapporté beaucoup plus,
00:26:37 a fait beaucoup plus d'entrées,
00:26:39 mais a été beaucoup moins apprécié que Matrix,
00:26:42 que personne n'a vu arriver, et c'est même drôle,
00:26:45 parce que, pour beaucoup, et c'est le sentiment que j'ai eu,
00:26:48 moi j'ai eu le sentiment, en voyant Matrix,
00:26:50 de vivre ce qu'avaient vécu les spectateurs
00:26:52 des anciens Star Wars en 77,
00:26:54 c'est un truc que tu vois arriver de nulle part,
00:26:56 et il se trouve, la symbolique fait que Matrix arrive
00:26:59 l'année où Star Wars revient,
00:27:01 et quelque part, dans l'invention collective.
00:27:03 - Il est conflit, ça, dans... - Mais oui, c'est exactement ça,
00:27:05 dans le souvenir, c'est ça.
00:27:07 - Et curieusement, il arrive en même temps
00:27:09 qu'un autre film, qui pour moi est fondamental,
00:27:11 c'est de Radley Scott, c'est Gladiator.
00:27:13 - Ah oui !
00:27:14 - Et j'ai toujours pensé que la science-fiction et le péplum,
00:27:17 c'était deux genres qui étaient très cousins,
00:27:19 parce qu'on recrée des univers complètement autres.
00:27:21 C'est des...
00:27:23 Il n'y a rien à voir avec l'histoire, quand on fait un péplum,
00:27:25 c'est une recréation complète fantasmatique.
00:27:27 Donc, à le futur de la science-fiction,
00:27:29 et le passé, l'antiquité, vu par les péplums,
00:27:32 pour moi, sont deux univers parallèles,
00:27:34 et les deux viennent au moment où il y a aussi
00:27:36 une nouvelle technologie cinématographique,
00:27:38 c'est-à-dire, où on commence dans le péplum,
00:27:40 Gladiator, c'est un film tourné en partie sur le fond vert.
00:27:43 - Bien sûr.
00:27:44 - C'est fini, les décors en dur.
00:27:46 On est maintenant dans une autre esthétique du film historique,
00:27:49 c'est celle de Gladiator,
00:27:51 avec une reconstitution du Colisée virtuelle.
00:27:53 Et cette reconstitution virtuelle va amener une autre esthétique,
00:27:56 et comme par hasard, il y a quelque chose dans Gladiator
00:27:58 qui m'a toujours plu, c'est quand il y a la fameuse bataille
00:28:01 dans le Colisée.
00:28:03 Ce qu'on oublie parfois de dire,
00:28:05 c'est que c'est présenté comme un spectacle.
00:28:08 C'est-à-dire que le laniste, le présentateur du spectacle,
00:28:11 dit "on va faire un bond dans l'Antiquité",
00:28:13 c'est-à-dire que les Romains se jouent à un péplum,
00:28:16 puisqu'ils vont bien loin dans leur propre passé,
00:28:18 la bataille de Zama,
00:28:20 et qui est reconstituée dans le Colisée.
00:28:22 Sauf que là, c'est Russell Crowe qui va gagner,
00:28:24 alors qu'il devait perdre.
00:28:26 Et l'empereur dit "mes souvenirs sont un peu flous,
00:28:30 mais ce n'est pas nous qui avions gagné la bataille de Zama,
00:28:33 et là on la perd".
00:28:34 Et d'un seul coup, on voit qu'il y a un univers parallèle
00:28:36 qui se met en place, dans la reconstitution d'un film,
00:28:38 qui lui est mettant virtuel, etc.
00:28:40 Mais on est dans le même univers,
00:28:42 on recrée des univers virtuels dans lesquels
00:28:44 on passe d'un niveau de réalité à un autre niveau de réalité.
00:28:46 Les deux, c'est la même année.
00:28:48 C'est super intéressant, parce que, encore une fois,
00:28:51 là on parlait de fond vert,
00:28:52 Matrix va utiliser plein de technologies novatrices,
00:28:55 et c'est tout cet entrecroisement, pour moi,
00:29:00 qui en même temps va fasciner,
00:29:03 en même temps va perdre certains,
00:29:05 puisque Internet, on disait, on ne sait pas trop ce que c'est,
00:29:09 à l'époque, le grand public ne le sait pas,
00:29:11 moi, en 99, je n'ai même pas d'ordinateur,
00:29:15 je ne sais à peine ce que c'est Internet,
00:29:17 on en parle au lycée, mais c'est encore très vague,
00:29:20 je n'ai jamais été sur Internet à cette époque-là.
00:29:23 Il y a quelque chose qui fait qu'on va avoir
00:29:27 un alignement des planètes,
00:29:30 qui va faire que Matrix va marquer son temps, en fait.
00:29:35 Il y a comme un curseur, Matrix, 99,
00:29:39 après le cinéma ne sera plus pareil,
00:29:41 même dans l'esthétique, arrêtez-moi si je me trompe.
00:29:44 - Bien sûr, l'esthétique qui va être mise en place dans Matrix
00:29:47 et dans les autres films de la même période,
00:29:50 par exemple, on va passer, là, on est en vert,
00:29:52 on va passer au cinéma dans les teintes froides,
00:29:56 parce que c'est le numérique.
00:29:57 Dans le cinéma américain des années 50,
00:29:59 le Technicolor, c'était du rouge, du orange,
00:30:01 c'était des couleurs chaudes.
00:30:02 Et progressivement, que ce soit dans l'épée plomb,
00:30:05 dans les films historiques, dans les films de science-fiction,
00:30:07 on va passer dans les teintes froides.
00:30:08 Et ça, ce changement d'esthétique est fondamental.
00:30:11 C'est vraiment quelque chose de très, très particulier.
00:30:13 C'est un marqueur aussi d'époque.
00:30:15 Tout le régime de la photographie, de la création d'images
00:30:18 va être modifié à partir de Matrix.
00:30:20 - Et moi, je me souviens avoir été comme un fou
00:30:24 quand je passais dans des grandes surfaces
00:30:27 ou des magasins d'informatique,
00:30:29 juste voir ce qu'on a là derrière.
00:30:31 L'écran qui défile comme ça.
00:30:34 - Mais qui n'a pas eu ce truc de Matrix, son fond d'écran ?
00:30:37 - Bien sûr, on l'a tous eu à un moment.
00:30:39 - L'économiseur d'écran.
00:30:40 - Et on restait devant à regarder comme ça ce qu'il se passait.
00:30:43 - Bien sûr, c'était incroyable.
00:30:45 - C'était hypnotique.
00:30:46 - La révolution Matrix, ça va se faire aussi, on le disait,
00:30:48 dans les effets spéciaux.
00:30:49 Et on l'a un petit peu amorcé tout à l'heure dans les combats.
00:30:52 On a des chorégraphies incroyables qui sont...
00:30:56 Alors, les Wachowski vont vraiment vers les meilleurs.
00:31:00 Honnêtement, on a eu "Tigre et Dragon", c'est avant ?
00:31:04 - C'est l'année d'après.
00:31:05 - C'est juste après ?
00:31:06 - C'est 2000.
00:31:07 - Mais c'était produit...
00:31:08 - Ça devait être en même temps.
00:31:09 - Il me semble que c'était produit un petit peu avant.
00:31:12 On a des chorégraphies de combats qui sont inconnues à Hollywood,
00:31:17 en tout cas, inconnues quand je dis inconnues,
00:31:19 c'est-à-dire qu'on n'a pas l'habitude de voir dans les productions hollywoodiennes.
00:31:21 - Oui, parce que dans le cinéma de Hong Kong, c'était déjà très connu.
00:31:23 Ce type de chorégraphie, tous les amateurs de cinéma de Hong Kong connaissaient ça,
00:31:27 connaissaient les chorégraphes depuis les "Show Brosers" des années 70.
00:31:31 C'était quelque chose qui était très connu.
00:31:33 Mais c'était esthétique.
00:31:34 On parlait de Tarantino, voilà.
00:31:35 Il y avait seulement quelques réalisateurs très cinéphiles
00:31:38 qui regardaient frénétiquement les VHS dans les vidéoclubs,
00:31:41 qui découvraient ce type de cinéma.
00:31:43 Mais sur le cinéma, on va dire "mainstream" hollywoodien,
00:31:46 ça n'avait pas infusé, encore une fois, ce terme.
00:31:49 Mais c'est toujours pareil.
00:31:50 Le cinéma hollywoodien fonctionne tellement parfois en autarcie
00:31:54 qu'ils sont imperméables à des influences extérieures,
00:31:59 sauf quand des créateurs qui connaissent ça arrivent à les placer.
00:32:03 Après tout, dans les années 60, ils avaient raté "Bruce Lee".
00:32:06 - Bien sûr.
00:32:07 - C'est le même phénomène d'autarcie,
00:32:09 de ne pas comprendre qu'il peut se passer quelque chose ailleurs,
00:32:12 et il y a toujours un temps de retard.
00:32:13 - Il y avait eu la tentative quand même, mais c'était des tentatives
00:32:16 tellement d'intégration, de négation finalement de ces gens-là.
00:32:19 Il y avait Jet Li qui était déjà là, il y avait eu Sui Hark
00:32:21 qui avait été ramené par Jean-Claude Van Damme.
00:32:23 - Merci de le ramener.
00:32:24 Et attention, Sui Hark et également John Woo.
00:32:26 - Et John Woo, voilà.
00:32:27 - Et après, Rick Gollum.
00:32:28 - On essayait de les rendre américains, finalement.
00:32:30 - Complètement.
00:32:31 - De les diluer dans le cinéma hollywoodien.
00:32:32 Alors que les Wachowski, on dit "non, si on prend du kung fu,
00:32:34 il faut faire du kung fu".
00:32:35 C'est ça qui est bien, c'est ça ce film-là qu'on aime,
00:32:37 c'est le film de kung fu, c'est pas du film de kung fu
00:32:39 transformé pour être en film hollywoodien.
00:32:41 - Alors on va aborder maintenant, je pense qu'il est temps,
00:32:45 les influences de "Matrix".
00:32:47 On en parlait, le cinéma hongkongais,
00:32:57 dans la chorégraphie des combats,
00:33:01 c'est imbibé d'influences.
00:33:06 Parfois, on a crié au plagiat, mais on va y revenir tout à l'heure.
00:33:10 Quelles sont pour vous les plus grosses influences de "Matrix"?
00:33:13 - Moi, je pense à "Ghost in the Shell".
00:33:15 - Oui, évidemment.
00:33:17 - Rien que le fond vert, c'est "Ghost in the Shell".
00:33:20 - Avec la chute, avec le générique, avec l'univers en général.
00:33:26 - Parfois même des scènes complètes, plan par plan,
00:33:28 c'est "Ghost in the Shell".
00:33:30 - Cinématographiquement, bien sûr, "Ghost in the Shell"
00:33:32 et certains animés japonais, bien évidemment.
00:33:35 - Philippe Kadic.
00:33:36 - Philippe Kadic, évidemment, pour l'ère des simulatres.
00:33:39 Alors ça, c'est vraiment quelque chose de...
00:33:43 Et puis le côté un peu paranoïaque de Philippe Kadic,
00:33:46 les entreprises qui contrôlent, les machines qui prennent le pouvoir
00:33:50 et les différents plans de réalité.
00:33:52 Alors ça, c'est vraiment quelque chose de parfaitement dikin,
00:33:55 mais c'est depuis les années 60, il a fallu du temps.
00:33:58 Et on va dire le genre du cyberpunk en général,
00:34:02 le cinéma de kung fu avec câbles,
00:34:05 c'est-à-dire pas le cinéma tellement de Bruce Lee,
00:34:07 mais plus le cinéma, le "Wish-Upon", le cinéma de sabre,
00:34:10 beaucoup plus spectaculaire, plus "King Who"
00:34:13 que d'autres réalisateurs, donc très, très, très spectaculaire.
00:34:18 Et puis toute la contre-culture américaine.
00:34:21 Alors là, il faut le comprendre.
00:34:23 Par exemple, le film est très influencé par "Alice au Pays des Merveilles".
00:34:27 - Oui.
00:34:28 - Mais "Alice au Pays des Merveilles",
00:34:30 c'est pas seulement aux États-Unis le conte pour enfants,
00:34:33 c'est pendant les années 60,
00:34:35 c'était un des symboles de la contre-culture américaine
00:34:39 parce que c'est le morceau de Jefferson Airplane
00:34:43 qu'on voit dans le numéro 4, qui sert maintenant le numéro 4,
00:34:46 "One pill makes you larger, one pill makes you small".
00:34:49 [Musique]
00:35:15 C'est le "Comment faire le voyage avec une pilule".
00:35:19 Donc dans la grande période Woodstock et Potts-Woodstock,
00:35:22 Lewis Carroll était cité en exemple comme un auteur
00:35:25 qui avait montré comment par une pilule,
00:35:28 on pouvait faire le voyage et passer dans une autre réalité,
00:35:31 comment on pouvait élargir son esprit.
00:35:34 Alors ça, c'est un symbole de la contre-culture qui est très, très fort.
00:35:37 Donc bien sûr, quand Morpheus tend les deux pilules à Néo
00:35:41 et qui lui dit "J'ai l'impression, maintenant,
00:35:43 tu dois te sentir comme Alice au fond du terrier",
00:35:46 et puis le lapin blanc,
00:35:48 bien sûr, ça, Lewis Carroll, c'est très, très fort.
00:35:50 Et beaucoup d'autres éléments qui appartiennent justement
00:35:53 à cette tradition underground de la contre-culture américaine.
00:35:57 Alors là, il faudrait vraiment faire une...
00:35:59 Il y en a tellement.
00:36:00 Mais Lewis Carroll, c'est un des exemples les plus marquants,
00:36:04 les plus signifiants de ses influences.
00:36:06 Après, il y a beaucoup de philosophie aussi.
00:36:08 - Oui, et ce qui est même drôle, c'est qu'après ça,
00:36:12 il y a beaucoup de profs de philo qui feront étudier "Matrix" à leurs étudiants.
00:36:16 Donc il y a vraiment eu un aller-retour entre "Matrix" et la philosophie.
00:36:20 - Oui, oui.
00:36:21 - De Platon à Baudrillard.
00:36:22 - Voilà.
00:36:23 - Pour dire les choses simplement, c'est très large.
00:36:25 - En fait, ce qui est très fort, c'est d'avoir pris toutes ces influences
00:36:28 et de les avoir transformées en un film mainstream.
00:36:30 Donc du coup, déjà, qui est vu par du grand public
00:36:32 parce que personne ne voit d'anime, pas grand monde ne lit de philosophie.
00:36:35 L'aspect contre-culture d'Alice n'est pas très connu non plus.
00:36:38 On connaît surtout le film Disney.
00:36:39 Et de l'avoir transformé sous une forme tellement grand public
00:36:42 que tout le monde le voit, tout le monde le découvre
00:36:44 et tout le monde le comprend en plus.
00:36:45 Parce qu'il y a le talent génial d'Ewachowski pour exprimer des choses par l'image.
00:36:49 Même si le film est très bavard, mais voilà,
00:36:51 Internet, ils nous le font comprendre par l'image.
00:36:53 On se branche le câble et on devient n'importe qui.
00:36:55 C'est expliqué en 10 secondes.
00:36:56 - Mais justement, est-ce qu'on peut réellement dire que "Matrix" est mainstream ?
00:37:00 Parce que c'est un film indé, repris par un studio qui se veut mainstream.
00:37:06 Mais en vrai, est-ce qu'il est si mainstream que ça ?
00:37:08 - Du coup, il est devenu.
00:37:09 - Voilà.
00:37:10 - Dont acte.
00:37:12 Je veux dire, à un moment donné, on constate qu'un film comme ça,
00:37:15 qui n'était pas prévu peut-être sur le papier pour être un film mainstream,
00:37:18 il est devenu.
00:37:19 Et c'est un symptôme, un symbole, c'est tout ce que l'on veut,
00:37:22 mais c'est un fait et on ne peut pas aller là-contre.
00:37:25 Et justement, ce jeu des influences qui ont tellement circulé sur les réseaux,
00:37:29 c'est peut-être ça qui a provoqué cet engouement.
00:37:32 Juste un exemple, mais quand Néo va voir "L'oracle",
00:37:35 la première fois que Néo rencontre "L'oracle",
00:37:38 dans l'appartement, il y a une inscription, il y a un panneau,
00:37:40 "Connais-toi toi-même".
00:37:41 Bon, bonjour, la philosophie grecque, Gnotis et Odone, très bien.
00:37:45 Mais il y a l'enfant qui ressemble à un moine bouddhiste,
00:37:50 avec le spoon boy, celui qui tord la cuillère,
00:37:53 et qui dit cette phrase merveilleuse,
00:37:55 "N'essaie pas de tordre la cuillère, c'est impossible,
00:37:58 "accepte plutôt la réalité."
00:37:59 Néo demande, "C'est quoi la réalité ?"
00:38:01 "Il n'y a pas de cuillère."
00:38:04 Et on est très loin de la philosophie "Connais-toi toi-même" grecque
00:38:08 du temple de Delphes, là.
00:38:09 Et pendant ce temps-là, sur un écran de télévision en arrière-plan,
00:38:12 il y a des lapins qui défilent.
00:38:14 Les lapins d'Alice au Pays des Merveilles,
00:38:17 et qui proviennent d'un film de série Z
00:38:19 qui s'appelle "Les rongeurs de l'Apocalypse",
00:38:21 où il y avait une invasion de lapins.
00:38:23 Même là, il y a une référence paratextuelle sur le cinéma.
00:38:27 Bon, c'est juste une scène, mais évidemment,
00:38:29 quand on voit quelque chose comme ça,
00:38:31 et que les spectateurs étaient à l'affût,
00:38:33 et qu'ils commencent à rentrer dans l'univers,
00:38:35 c'est ça qui provoque le déclic, pour aller encore plus loin.
00:38:39 Et c'est pour ça que le film a tellement pu faire parler.
00:38:42 - Ça devient mainstream, en fait,
00:38:43 comme Tarantino, on parlait de Tarantino tout à l'heure.
00:38:45 De la même manière que Tarantino est devenu mainstream,
00:38:47 c'est que ça s'adresse finalement,
00:38:48 ça agrège tellement de contre-culture, de niches et tout,
00:38:51 qu'il y en a forcément une à laquelle on se rattache,
00:38:53 même si on est un spectateur grand public,
00:38:55 on va forcément se rattacher soit au film de Kung Fu,
00:38:57 soit à Alice au Pays des Merveilles, soit à Ceci, soit à Celèbre.
00:38:59 Il y a forcément un fil à tirer
00:39:01 pour rentrer dans le film, dans la matrice, techniquement.
00:39:03 Et pour se dire, ce film, en fait, il me parle,
00:39:05 même s'il a l'air un peu obtu ou obscur, à premier abord,
00:39:09 il y a quelque chose qui m'attire à lui.
00:39:10 Il y a un fil.
00:39:11 - C'est un film, du coup, qui fonctionne justement en hyperlien.
00:39:13 C'est-à-dire qu'on voit quelque chose, on le comprend,
00:39:17 et on voit quelque chose à côté qui...
00:39:19 Alors, on saute, on clique dessus, littéralement, dans son esprit,
00:39:22 et on commence à faire les emboîtements.
00:39:24 Et là, on commence justement à dérouler quelque chose,
00:39:28 et c'est pour ça que le film, qui paraissait, peut-être,
00:39:31 d'un premier abord, complètement obscur...
00:39:33 - Abstrait, oui.
00:39:34 - ...commence à faire sens, parce qu'il y a toujours quelque chose
00:39:36 pour se raccrocher, et on comprend qu'on a quelque chose à comprendre.
00:39:39 - Est-ce qu'aujourd'hui, on peut dire, maintenant on a du recul,
00:39:42 que Matrix est un peu un film visionnaire sur, justement,
00:39:45 le monde virtuel ? - Bien sûr.
00:39:47 - Maintenant, quand on le regarde, c'est fou, quoi !
00:39:50 - Il y a une scène qui est assez symptomatique, en fait,
00:39:52 à quel point c'était visionnaire,
00:39:54 même si c'était une scène à priori anodine.
00:39:56 C'est le cas de la scène quand Neo va rendre visite à l'oracle,
00:39:59 et l'oracle, en fait, elle arrive et elle lui demande d'accepter un cookie.
00:40:02 Tu vas sur Internet aujourd'hui,
00:40:04 tu es face à l'oracle sur n'importe quel site.
00:40:07 - Mais est-ce que ça vient pas de là, justement, le terme "cookie" ?
00:40:09 - Bah, justement, oui.
00:40:10 - En tout cas, ça veut dire que...
00:40:12 On sait pas, voilà, c'est l'œuf ou la poule, finalement.
00:40:15 On sait pas qui a inspiré qui, mais sur plein d'aspects
00:40:18 qui vont du détail à vraiment une vision globale d'Internet,
00:40:21 parce que maintenant, avec le Métaverse,
00:40:24 dans lequel, en fait, chacun peut devenir quelqu'un d'autre
00:40:27 et vraiment être un avatar entièrement,
00:40:30 bah, tu te dis, bah oui, c'était déjà dans "Matrix", finalement.
00:40:32 - Et justement, est-ce que cette impulsion d'aller...
00:40:35 Après, le monde virtuel, c'est quelque chose qui est fantasmé depuis bien longtemps,
00:40:38 notamment dans le jeu vidéo, hein.
00:40:40 "Rip le Virtual Boy", et tout le reste.
00:40:43 On a l'impression que "Matrix" a donné comme une impulsion
00:40:48 et qu'après, on a vu, en fait, la...
00:40:52 Comment dirais-je ? L'aspect réel de l'aspect virtuel.
00:40:57 C'est-à-dire qu'on pouvait mélanger les deux mondes.
00:40:59 Je pense à "Second Life", par exemple, par la suite,
00:41:01 qui est pour moi un enfant de "Matrix" en vrai.
00:41:05 Est-ce que "Matrix", on peut lui attribuer aussi cette impulsion
00:41:09 pour l'appétence pour le virtuel par la suite ?
00:41:12 - Impulsion, je ne pense pas.
00:41:14 Je pense que c'est un film qui a vraiment vu à l'avance
00:41:17 ce qui allait arriver très peu de temps avant.
00:41:19 C'est ça où il y a quelque chose de fantastique au sens propre dans "Matrix".
00:41:24 C'est-à-dire qu'il avait quelques années d'avance, pas énormément.
00:41:27 Parfois, les films de science-fiction, ils essaient d'avoir 50 ou 100 ans d'avance.
00:41:30 Non, et là, il n'a même pas 10 ans.
00:41:32 Mais ces 10 années étaient fondamentales.
00:41:36 Et c'est ça qui est incroyable.
00:41:37 Donc, le film n'a pas déclenché.
00:41:39 Il a témoigné, a anticipé un petit peu en avance de ce qui nous attendait.
00:41:44 Et peut-être qu'inconsciemment, on savait qu'on allait vers ça,
00:41:47 parce que le monde était en train de bouger.
00:41:49 Et grosso modo, le film, quand on l'a vu,
00:41:52 on n'a pas vu quelque chose dans lequel on se reconnaissait.
00:41:54 On se reconnaissait par anticipation.
00:41:56 Et là, il y avait quelque chose, c'est unique, pratiquement.
00:41:59 C'est très rare, en tout cas, dans l'histoire du cinéma,
00:42:01 qu'une oeuvre d'art, une oeuvre d'imaginaire...
00:42:03 Moi, je pense toujours que l'imaginaire sert à nous faire comprendre le réel.
00:42:07 Et là, l'imaginaire, avec juste quelques années d'avance
00:42:10 sur ce qui allait se produire.
00:42:11 Et bien sûr, ça a fait tilt.
00:42:13 - Et c'est peut-être ça, là, en fait,
00:42:15 que le temps qu'il a fallu pour produire "Matrix" a été bénéfique.
00:42:18 Parce que, est-ce qu'en sortie en 1994 ou 1995,
00:42:22 quand les Wachowski ont vendu leur premier scénario,
00:42:24 est-ce que le film aurait autant marché
00:42:26 qu'en 1999, où on était au balbutiement d'Internet
00:42:28 et où ce que montrait le film, finalement, c'était notre futur,
00:42:31 comme tu l'as dit, c'était notre futur proche.
00:42:32 C'est ça aussi qui nous a parlé.
00:42:34 - Voilà, c'est un petit peu comme...
00:42:35 On n'aurait peut-être pas eu, justement, la mesure de l'impact,
00:42:38 parce que ça aurait été trop éloigné.
00:42:40 - C'est un peu comme...
00:42:41 Leur premier film post-"Matrix", c'était "Speed Racer",
00:42:44 qui est très réévalué aujourd'hui,
00:42:46 parce que beaucoup de gens se sont dit
00:42:47 que c'était peut-être un film trop en avance sur son temps,
00:42:49 et "Matrix" aurait peut-être vécu comme ça.
00:42:51 - L'adaptation, c'est plus...
00:42:52 - Oui, c'était de manga.
00:42:54 Ça aurait été peut-être...
00:42:55 Peut-être que "Matrix" sortit beaucoup trop tôt.
00:42:58 On serait pas là pour en parler en disant
00:43:00 "Ça a eu un impact, c'est un film révolutionnaire."
00:43:03 Donc le timing a peut-être aussi été
00:43:05 l'un des facteurs clés de la réussite du film.
00:43:08 - Le nomnémonique était peut-être le "Matrix".
00:43:10 - C'est ça.
00:43:11 - Jusqu'à quand j'ai pas osé le dire.
00:43:12 - Jusqu'à 30 ans tôt.
00:43:14 - Il a payé les Poké...
00:43:15 C'est pas le "Matrix", 195 nommémonique,
00:43:17 c'est le moment où Lébouchovski aurait pu faire "Matrix".
00:43:19 - J'ai pas osé le dire, honnêtement.
00:43:20 - De toute façon, l'histoire de la culture est pleine de...
00:43:22 Pour un film qui était le bon film au bon moment,
00:43:24 ou un livre, ou n'importe quoi,
00:43:25 il y en a eu une dizaine qui était juste un peu trop tôt,
00:43:27 un peu trop en avance, ou un peu trop tard.
00:43:29 - Tout à fait.
00:43:30 Alors, je vais poser maintenant une question, c'est...
00:43:33 Et on aura le droit de gingler.
00:43:35 Est-ce qu'on a des suites indispensables ?
00:43:39 Ou dispensables ?
00:43:41 (Générique)
00:43:46 - Messieurs, grande question, même si j'ai déjà vos réponses,
00:43:48 puisque je vais sonder un petit peu...
00:43:50 - Pour savoir si on pouvait rester ou pas.
00:43:52 - Ou s'il fallait nous remplacer.
00:43:53 - C'est vrai qu'il y a beaucoup de débats sur les suites de "Matrix",
00:43:56 parce qu'on pourrait se dire que le premier épisode
00:44:00 se suffit limite à lui-même.
00:44:02 - Est-ce que la question, c'est...
00:44:03 Oui, c'est ça. Est-ce que la question, c'est...
00:44:04 Est-ce qu'il était indispensable de les faire,
00:44:06 ou est-ce qu'il est indispensable de les voir, aujourd'hui ?
00:44:09 - Je pense que les deux.
00:44:10 - Les deux, je suppose.
00:44:11 - J'aime beaucoup les suites,
00:44:13 mais c'est vrai que j'ai du mal à croire à cette idée
00:44:16 qu'on nous a vendue dès le début,
00:44:17 comme quoi "Matrix" avait été envisagé
00:44:19 comme le début d'une trilogie.
00:44:20 Parce que, tu le dis très bien,
00:44:21 le premier film se suffit à lui-même, vraiment.
00:44:23 Tu peux t'arrêter là.
00:44:24 C'est génial, c'est vraiment incroyable,
00:44:26 avec Neo qui s'envole dans les airs, comme ça,
00:44:28 sur "Range of Gens" de "Machine".
00:44:30 Mais après, oui, les suites sont très bien.
00:44:33 Après, de dire qu'il fallait vraiment les faire,
00:44:35 bon, voilà, on parle de l'aspect financier,
00:44:37 de l'aspect rentabilité, forcément.
00:44:38 À partir du moment où le film marche,
00:44:40 ça a l'intérêt, ça.
00:44:41 - Surtout que la particularité de l'épisode 2 et 3,
00:44:44 c'est qu'ils vont sortir...
00:44:46 - À six mois d'intermédiaire.
00:44:47 - Ils les ont faits en même temps.
00:44:49 - Voilà.
00:44:50 - C'est-à-dire que le 2 et 3 changent complètement de régime
00:44:53 par rapport au premier.
00:44:54 Le premier, effectivement, pouvait se suffire à lui-même.
00:44:56 Il est clos, il s'étermine.
00:44:58 L'épisode 2 et 3, ce sont des films...
00:45:00 Il faut voir qu'il s'est passé quelque chose entre les deux.
00:45:02 Il y a eu le 11 septembre.
00:45:04 - Ce qui va changer tout le cinéma.
00:45:06 - Ça va changer complètement le régime de l'imaginaire
00:45:08 dans le cinéma hollywoodien.
00:45:09 Parce que, par exemple, avant, on faisait des films catastrophe,
00:45:12 avec des buildings qui recevaient des météorites.
00:45:14 Ce coup-ci, les tours sont vraiment tombées.
00:45:16 Donc, c'était l'éruption du réel
00:45:18 dans ce qui était avant le cinéma d'imaginaire.
00:45:20 Donc, le régime d'imaginaire va complètement changer à ce moment-là.
00:45:23 Et on voit bien, dans les épisodes 2 et 3,
00:45:25 qu'il n'y a plus de confusion entre la réalité et le virtuel,
00:45:30 qui était l'axe principal du premier.
00:45:33 Là, dans le 2 et le 3, on sait
00:45:35 quand on est dans le vaisseau,
00:45:37 quand on est au centre de la Terre,
00:45:39 quand on est dans la Matrice, il n'y a plus de doute.
00:45:41 Parce que le régime d'imaginaire a changé.
00:45:43 Mais par contre, dans le 2 et 3,
00:45:45 il y a un autre régime qui se met en place,
00:45:47 qui lui, est profondément mythologique.
00:45:49 C'est-à-dire que d'autres figures vont arriver,
00:45:51 qui appartiennent à la fois à la mythologie classique,
00:45:53 à l'ésotérisme, comme dans le premier épisode,
00:45:55 mais encore plus développé.
00:45:57 Et là, on va aller dans un autre registre,
00:45:59 qui est de comment recomprendre de nouveau l'univers tel qu'il est.
00:46:04 - Alors, est-ce qu'on peut expliquer ce qu'est l'ésotérisme, justement ?
00:46:08 C'est le titre de votre livre, je le rappelle, "L'ésotérisme cinéma".
00:46:12 - C'est des débats sans fin, mais disons que l'ésotérisme,
00:46:14 a priori, c'est ce qui est caché, c'est ce qui est voilé.
00:46:17 Bon, évidemment, pour le cinéma, qui est un art absolument gigantesque,
00:46:21 ça peut paraître bizarre.
00:46:22 Mais disons que le discours ésotérique,
00:46:25 ce serait un discours qui serait,
00:46:28 au lieu d'être déductif ou inductif,
00:46:30 serait analogique.
00:46:32 Donc, on va fonctionner par des symboles,
00:46:34 qui vont avoir un ou plusieurs sens,
00:46:36 et chargent au lecteur, au spectateur,
00:46:39 en fonction de sa compréhension du moment,
00:46:41 de trouver le sens.
00:46:42 - Donc, "Matrix", c'est totalement un film ésotérique.
00:46:44 - "Matrix" est totalement une œuvre ésotérique, bien évidemment.
00:46:47 C'est juste, il suffit de prendre, par exemple, le nom de Néo.
00:46:51 Néo, c'est, d'abord, il s'appelle Anderson, Thomas Anderson.
00:46:56 Alors, Thomas, c'est Saint Thomas, celui qui croit ce qu'il voit.
00:46:59 Anderson, c'est l'autre.
00:47:01 Néo, c'est le nouveau.
00:47:03 Mais c'est aussi "the one", si on renverse l'élu.
00:47:07 Donc, c'est juste un exemple pour voir comment tout cela peut fonctionner.
00:47:11 Donc, il y a une pluralité de sens symbolique,
00:47:15 qui fonctionne par analogie.
00:47:17 Alors, on peut dire que...
00:47:19 Le raisonnement analogique, c'est le fondement de la pensée ésotérique.
00:47:24 Donc, évidemment, "Matrix" est une très grande œuvre ésotérique,
00:47:27 mais ce n'est pas pour ça qu'elle est incompréhensible.
00:47:29 C'est justement ça, la différence.
00:47:31 C'est quelque chose où le spectateur est amené à faire lui-même aller à la quête du sens.
00:47:36 Alors, sur le fait que ce soit compréhensible ou non,
00:47:40 je vais rebondir sur les deux suites.
00:47:43 Est-ce qu'elles n'amènent pas plus de confusion que de réponse ?
00:47:48 En tout cas, elles amènent...
00:47:50 Des questions !
00:47:51 Elles amènent des questions, et surtout, elles amènent une grande audace,
00:47:54 qui est le point de départ du deux, c'est quand même de dire
00:47:56 qu'il y a Néo dans le un, c'est un mensonge.
00:47:58 Donc, il y a une forme presque de claque au spectateur,
00:48:01 où on vous dit "Vous êtes venus avec nous dans notre insurrection dans le un,
00:48:05 et en fait, maintenant, on va se poser des questions sur cette insurrection.
00:48:09 Est-ce qu'elle est vraie ? Est-ce qu'elle est elle-même manipulée ?
00:48:11 Est-ce que c'est un coup de la Matrice de nous avoir manipulés
00:48:14 à nous faire croire qu'il y avait une insurrection pour qu'on ne fasse pas une vraie insurrection ?"
00:48:17 Donc, le deux prend vraiment tout le monde à rebours, à rebrousse-poil.
00:48:20 Et après, c'est totalement dans la logique de tout ce qu'ont fait les Wachowski ensuite,
00:48:24 de toujours prendre le contre-pied de ce qu'elles ont fait avant.
00:48:27 Donc, il y a une intégrité artistique totale qui, souvent à Hollywood,
00:48:31 va de pair avec un suicide commercial, ce qui était le cas.
00:48:33 Donc, le deux et le trois disent "Vous êtes tous et toutes venus avec nous dans le un,
00:48:37 maintenant, on va vous dire quel est notre projet finalement,
00:48:40 quel est notre plan", alors que le un dit juste "Il faut faire sauter le monde".
00:48:43 Et le deux et le trois disent "Qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on a fait sauter le monde ?"
00:48:46 Et là, forcément, les dissensions arrivent.
00:48:48 - Et puis le trois, ça n'apporte pas les réponses que les gens espéraient,
00:48:51 ce qui forcément déçue beaucoup de gens.
00:48:53 Et puis, il y a une forme de réappropriation de "Matrix" par les Wachowski
00:48:58 qui continue jusqu'à la sortie de "Matrix Resurrections" en 2021.
00:49:03 C'est-à-dire qu'on apprenait du 11 septembre, il y a aussi eu en 99 la tuerie de Columbine,
00:49:08 dont "Matrix" a été tenue pour l'un des principaux responsables,
00:49:11 parce que, évidemment, les tueurs sont arrivés habillés en noir avec des armes,
00:49:14 comme dans l'une des scènes de "Matrix".
00:49:16 Et les Wachowski se disent "Le film a été vu comme un film d'action avec des flingues, tout ça,
00:49:22 mais en fait, "Matrix", c'est avant tout une histoire d'amour.
00:49:26 Et c'est encore plus flagrant dans le deux, le trois, et alors le quatre, c'est entièrement ça !
00:49:31 C'est vraiment l'Anna Wachowski qui nous rappelle,
00:49:33 et en plus, il y a même une scène où elle se moque de toutes les interprétations de "Matrix"
00:49:37 pour après nous dire "Non, c'est un film d'amour, c'est une histoire d'amour",
00:49:40 ce qui, comme tu le dis, fait sens maintenant dans toute leur filmographie.
00:49:43 Donc, il y a ça aussi, c'est qu'il y a des super scènes d'action dans "Matrix 2" et "3",
00:49:48 mais tu sens que finalement, malgré tout l'investissement que ça a demandé,
00:49:52 malgré les morceaux de bravoure que c'est,
00:49:54 tu sens qu'en fait, le cœur de l'histoire, c'est l'amour entre Neo et Trinity,
00:49:59 et pas tant l'insurrection, parce que finalement, Neo ne serait que l'un des nombreux élus d'une "Matrix"
00:50:04 qui s'est auto-rebootée à chaque fois, et qui a eu son élu,
00:50:07 qui est à chaque fois son petit grain de sable, et qui balaye, et en fait, ils en trouvent un autre.
00:50:11 - Et dans le trois, d'ailleurs, la bipolarité est totale,
00:50:13 puisque le trois, c'est vraiment deux histoires qui sont collées l'une à l'autre,
00:50:16 mais qui n'ont rien à voir, il y a la guerre d'un côté à Zion,
00:50:18 et de l'autre côté, il y a Neo et Trinity, tout seuls, qui vont à la guerre de la machine.
00:50:23 - Et d'ailleurs, cette idée d'une révolte qui recommence tout le temps,
00:50:26 c'est aussi le thème de Snowpiercer, donc voilà, avec cet univers uchronique,
00:50:30 c'est très intéressant.
00:50:32 Et le quatre, que moi j'aime beaucoup personnellement, rebat encore une nouvelle fois les cartes,
00:50:37 c'est-à-dire propose une mise à distance, puisqu'on revoit au début du quatre,
00:50:42 le début du un, avec quelqu'un qui regarde et qui dit "mais attends, on a déjà vu ça,
00:50:47 c'est quoi ce remake de remake, et il faut recommencer, mais non, c'est pas comme ça,
00:50:52 il y a encore un bug, et on est comme ça plongé dans, c'est le principe des mises en abyme,
00:50:56 ou de la vache qui rit, si on veut, pour toujours garder cet effet de distance,
00:51:01 et de dire, parce qu'on parlait d'ésotérisme et du discours analogique,
00:51:05 il faut bien comprendre que dans tout ce type de discours,
00:51:07 s'il y a quelque chose qui est fondamental, c'est que ce n'est jamais un discours dogmatique,
00:51:11 c'est-à-dire que les symboles ne sont jamais imposés, le sens n'est jamais univoque,
00:51:16 ce sont toujours des structures polysémiques qui permettent justement à l'esprit de travailler.
00:51:21 – Donc il n'y a pas une vérité sur Matrix ?
00:51:23 – Ah non, justement, c'est justement ça, c'est tout le thème de Matrix,
00:51:28 c'est de dire "attention, ne cherchez pas la vérité avec le grand V",
00:51:32 c'est beaucoup plus complexe que ça, ce n'est pas ça, c'est le chemin qui est important,
00:51:37 c'est comment interpréter, comment trouver du sens dans un univers
00:51:41 dont le sens s'effiloche lui-même régulièrement et qui est parfois remis à zéro,
00:51:46 et on doit refaire le chemin et trouver son chemin dans ce labyrinthe.
00:51:49 – En fait finalement, ce qu'a vécu Matrix avec la fin de ce qui à l'époque était une trilogie,
00:51:54 c'est à peu près la même chose que ce qu'a vécu Deja Brams avec la fin de Lost,
00:51:59 où en fait c'était le chemin qui était le plus important que la finalité,
00:52:02 parce qu'on te dit "les réponses sont au fond de toi,
00:52:05 tu en fais ce que tu veux, tu vas les chercher où tu veux",
00:52:08 et après il faut savoir que le public aujourd'hui aussi attend parfois qu'on leur s'enligne aussi tout ça.
00:52:13 – Exactement, c'est ça qui est un peu dérangeant parce qu'on nous a pris par la main,
00:52:17 enfin dans Matrix pas tant que ça, mais en tout cas,
00:52:20 parfois on nous prend par la main jusqu'à la fin et on s'attend à une conclusion,
00:52:26 et on ne l'a pas, et tu l'as très bien dit sur Lost,
00:52:29 et à d'une autre mesure dans la fin de Soprano également.
00:52:34 – Effectivement.
00:52:35 – Mais j'irai même jusqu'à la fin de The Shield.
00:52:37 – Les fonds de série en général.
00:52:39 – Les fonds de série, même la conclusion de la première saison de Westworld par exemple,
00:52:43 qui est aussi tout à fait renversante dans tous les sens du terme,
00:52:47 puisqu'on se rend compte, attention des vues de gâchage pour ceux qui ne l'ont pas vu,
00:52:51 qu'il y avait en fait deux strates temporelles dans un même univers,
00:52:54 ce qu'on n'avait pas forcément vu venir,
00:52:57 mais ce que tu disais est parfaitement juste,
00:53:00 c'est que dans tout ce cheminement, c'est le fondement même de la quête ésotérique,
00:53:04 initiatique, la vérité est au fond de soi, elle ne peut pas être imposée,
00:53:07 c'est à soi-même de la trouver à travers le chemin que l'on emprunte.
00:53:10 – Et ça fait encore plus de sens dans Matrix, où depuis le début,
00:53:12 on nous dit qu'il faut se libérer des carcans, qu'il faut se libérer des ordres,
00:53:15 qu'il faut se libérer des vérités qui nous sont imposées et qui en fait sont des mensonges,
00:53:19 donc ça fait sens que la saga nous dise "trouvez votre propre vérité,
00:53:23 trouvez votre propre chemin".
00:53:24 – Je suis d'accord, alors on va conclure avec le dernier chapitre,
00:53:27 c'est l'héritage de Matrix dans la pop culture.
00:53:30 [Musique]
00:53:36 Alors, on doit le conclure rapidement, on est déjà à bientôt une heure d'émission,
00:53:40 mais c'était indispensable de parler de ça, puisque comme on l'a dit et répété,
00:53:45 Matrix va révolutionner le cinéma, va révolutionner l'esthétique du cinéma,
00:53:50 va révolutionner plein de choses, aujourd'hui qu'elle l'est, des années après,
00:53:54 on est plusieurs décennies après le premier épisode,
00:53:58 l'héritage pour vous de Matrix dans le cinéma ?
00:54:01 – Un héritage qui a été assez visible facilement, c'est quand tu regardes
00:54:05 beaucoup des films sortis dans les années qui ont suivi Matrix,
00:54:09 déjà il y a la façon de mettre en scène les combats, jusqu'à ce que
00:54:13 la mémoire dans la peau, les Jason Bourne avec Matt Damon,
00:54:16 change un peu et introduisent beaucoup plus le Krav Maga,
00:54:18 des combats beaucoup plus secs et sans les câbles.
00:54:20 – Et la caméra à l'épaule aussi.
00:54:21 – Voilà, tout était très chorégraphié, très aérien avec des câbles,
00:54:26 et puis l'autre indicateur c'est dans combien de films tu avais
00:54:31 une parodie ou un plagiat du bullet time ?
00:54:34 – La tour Montparnasse Infernal.
00:54:36 – Exactement, Shrek, Scary Movie et jusque dans un jeu vidéo
00:54:40 qui s'appelle Max Payne où tu peux avoir toi-même ton propre bullet time,
00:54:44 il y a eu ça aussi, c'était devenu un gimmick,
00:54:48 qui a fini par user le gimmick original.
00:54:51 – Mais c'est tellement révolutionnaire à l'époque.
00:54:54 – Que tout le monde voulait le faire.
00:54:56 – Et on se disait "mais c'est impossible à reproduire,
00:54:58 ça demande des centaines de milliers de dollars à faire",
00:55:02 alors qu'on s'est aperçu que finalement, c'est maintenant.
00:55:04 – Finalement non, ça va.
00:55:05 – Ce qui est fascinant, on parlait beaucoup de symboles et de signes
00:55:07 pendant toute l'émission, et voilà, donc Matrix a agrégé
00:55:09 tous les symboles et les signes du XXème siècle
00:55:11 et a créé ensuite les siens propres, il y a le bullet time,
00:55:13 il y a les pilules, il y a les lunettes, Matrix a créé…
00:55:16 – Et le téléphone ! – Le téléphone, les reflets…
00:55:19 – Les répliques aussi, le haïno kung fu, enfin des choses comme ça,
00:55:22 donc Matrix a créé sa propre base de signes
00:55:24 à mettre à disposition de tout le monde en fait.
00:55:27 – L'influence, elle est beaucoup plus simple,
00:55:29 ça a été le film d'une génération, c'est-à-dire que voilà,
00:55:32 il y a eu, maintenant on est 20 ans après, un peu plus,
00:55:35 pour toute une génération, Matrix a été le film,
00:55:39 un des principaux, si ce n'est le film repère, marqueur.
00:55:43 Donc il y a toute une génération qui a vu ce film à l'adolescence
00:55:47 ou jeune adulte et pour qui ça a été un repère, et encore aujourd'hui,
00:55:52 c'est-à-dire qu'une partie de l'imaginaire contemporain
00:55:55 qui s'est construit sur Matrix.
00:55:57 Bien sûr, maintenant il y a eu des évolutions,
00:55:59 on est passé à un petit peu autre chose, il y a John Wick,
00:56:01 il y a d'autres formes de cinéma d'action,
00:56:04 mais malgré tout ce repère Matrix, ça a été fondamental.
00:56:07 Et quand un imaginaire se construit sur une base aussi forte,
00:56:10 il n'y a toujours pas forcément des reprises de telle ou telle scène
00:56:14 sur un plan parodique, mais il y a quelque chose qui,
00:56:17 encore une fois, infuse à son tour et qui va marquer l'imaginaire,
00:56:20 la reprise et la reconstruction des univers ultérieurs.
00:56:23 - Et on parlait de jeux vidéo, et c'est là où c'est intéressant,
00:56:26 sur cette dernière partie, c'est pas forcément une influence,
00:56:29 mais on a eu des adaptations vidéoludiques de Matrix,
00:56:32 mais plus que ça, on a eu carrément des jeux
00:56:36 qui venaient compléter les films, c'était Hunter the Matrix...
00:56:41 - Hunter the Matrix, oui.
00:56:42 - Il y a eu aussi les films d'animation, il y avait les Animatrix,
00:56:44 qui complétaient les épisodes, c'était très important aussi.
00:56:47 - Et Hunter the Matrix, qui est un jeu qui a quand même assez de divisés,
00:56:51 et finalement l'intérêt principal, c'est que c'était des cinématiques
00:56:56 avec les vrais acteurs du film, qui faisaient le lien,
00:56:59 qui introduisait une histoire dont on parle brièvement
00:57:02 dans Matrix Reloaded, et notamment il y a le personnage
00:57:05 de Niobe joué par Jada Pinkett Smith, qui était beaucoup plus au cœur du jeu.
00:57:09 Donc il y avait un vrai lien direct aussi, c'est que Matrix aussi
00:57:14 a eu une influence dans cet espèce d'univers transmédia,
00:57:19 c'est-à-dire que ça passe par le cométrage d'animation,
00:57:21 le jeu vidéo, qui se rejoint au cinéma,
00:57:25 ce que fait un petit peu aujourd'hui, à un autre degré,
00:57:29 le Marvel Cinematic Universe, c'est quelque part un dérivé
00:57:34 de ce qu'a tenté de faire Matrix au début des années 2000.
00:57:37 - Oui, Matrix a été le premier à le faire, c'est l'aspect transmédia.
00:57:40 - Exactement.
00:57:41 - Mais pour moi c'est vraiment le point de départ du transmédia,
00:57:44 en tout cas avec le cinéma qui va dans le cinéma,
00:57:46 pas pour de l'adaptation, mais pour avoir un complément du film
00:57:50 et apporter des infos, ou même compléter des histoires.
00:57:55 Animatrix, très important, attention, Animatrix,
00:57:58 d'une qualité extraordinaire, c'est vraiment très très bon,
00:58:02 et c'est aussi une manière pour moi, Animatrix, de rendre hommage,
00:58:05 mais en impliquant directement certains artistes.
00:58:09 - On peut les mettre sur le devant de la scène.
00:58:11 - Et pareil pour le jeu vidéo qui les a inspirés,
00:58:13 finalement, elles se plongent elles-mêmes dans la matrice
00:58:16 pour que le jeu vidéo serve à la narration de leur grande saga.
00:58:20 - Mais oui, bien sûr. On peut dire que, je pense qu'on est d'accord,
00:58:25 qu'en fait, Matrix est arrivé pile au bon moment.
00:58:28 - Bien sûr.
00:58:29 - C'était le film qu'il fallait à ce moment-là.
00:58:34 C'est pour ça qu'on en parle encore, c'est pour ça que c'est un tel repère.
00:58:37 C'est parce qu'il est arrivé pile à son époque, il a fait le lien,
00:58:41 et même le numéro 4 fait toujours un système de jonction
00:58:45 entre ce qu'il y avait avant, ce qu'il y a maintenant,
00:58:48 et ce qui va arriver après. Dans le 4, par exemple,
00:58:51 c'est parfois un gag, mais des choses qui me mettent tellement en joie.
00:58:54 Un des personnages s'appelle Bug.
00:58:56 Bon, alors le Bug, maintenant on sait ce que c'est,
00:58:59 mais Bug, c'est aussi Bugs Bunny.
00:59:01 Et ce personnage a un tee-shirt avec une carotte.
00:59:04 Donc, bien sûr, là, c'est un clin d'œil, sauf qu'à un moment donné,
00:59:08 quand Néo est inconscient, elle va demander au médecin "what's up, Doc ?"
00:59:12 Et là, on voit bien comment tout ça s'agrège,
00:59:15 c'est-à-dire que cette culture tellement ancienne, les Bugs Bunny,
00:59:18 je veux dire, c'est tellement vieux, c'est les Warner, c'est les Mary Melody,
00:59:22 c'est l'ancêtre des cartoons qui arrivent,
00:59:25 c'est une forme de pop culture aussi,
00:59:28 qui arrivent comme ça en rappel pour dire "mais regardez d'où on vient,
00:59:32 et où est-ce que l'on va ?"
00:59:35 Tout cet agrégat, c'est la marque même de Matrix,
00:59:38 c'est-à-dire que c'est un film, le premier en tout cas,
00:59:41 qui résumait, qui faisait l'état des lieux et qui anticipait.
00:59:44 C'est ce qu'on appelle un film qui arrive pile au bon moment.
00:59:46 - Dernière question, pour conclure,
00:59:48 est-ce que vous pensez que Matrix est le film de la carrière de Keanu Reeves ?
00:59:53 - Pour moi, oui. - Oui.
00:59:56 - Oui, oui. - Mais heureusement, il ne s'est pas limité à cela,
01:00:00 c'est-à-dire que sa carrière actuelle est toujours quand même assez intéressante.
01:00:03 Il a fait quand même beaucoup d'autres films qui sont vraiment bien,
01:00:07 avec des personnages vraiment consistants,
01:00:09 c'est-à-dire qu'il ne s'est pas parodié lui-même, il n'a pas été prisonnier.
01:00:13 Mais c'est vrai qu'une fois, je me suis retrouvé en salle au Festival de Cannes
01:00:17 pour un film et j'étais à deux sièges de lui, deux rangées.
01:00:21 Je me suis dit « putain, je suis à côté de Néo, je suis à côté de lui ».
01:00:23 - Exactement. - Voilà, spontanément,
01:00:27 c'est ça qui m'est venu à l'esprit.
01:00:29 Donc ça prouve bien qu'il y a quelque chose comme ça qui s'est passé.
01:00:32 - Non, parce que les John Wick dont on a cité tout à l'heure,
01:00:34 donc c'est notre grande saga d'action,
01:00:36 est-ce que vraiment il aurait fait les John Wick s'il n'avait pas fait Matrix
01:00:40 et tout l'entraînement qui a été nécessaire ?
01:00:42 Parce qu'on disait qu'il était déjà quand même très branché armatio,
01:00:45 il avait quand même des aptitudes,
01:00:47 mais les Matrix, ça a été des mois entiers de préparation
01:00:52 pour que les acteurs puissent tourner même leur scène d'action
01:00:54 avec les dommages qu'on connaît,
01:00:56 parce qu'ils se sont tous pété un bras, pété une jambe sur le tournage.
01:00:58 Mais du coup, aujourd'hui, ce qu'il aurait fait dans les John Wick,
01:01:02 je ne suis pas sûr qu'il l'aurait fait si jamais c'était Will Smith
01:01:06 qui avait fait Matrix à sa place.
01:01:08 - Je pense même, on parlait de film de caractère,
01:01:10 c'est même plus que le film de sa caractère, c'est le film de sa vie.
01:01:11 On sent qu'il a un rapport vraiment très sincère avec tous les thèmes du film,
01:01:14 avec toute la philosophie de film.
01:01:16 - On le retrouve dans le jeu vidéo cyberpunk.
01:01:18 - Voilà, exactement.
01:01:19 - Et puis dans Manetashi, bien sûr.
01:01:22 - En plus, il est bouddhiste lui-même,
01:01:25 donc forcément, tout ce que raconte le film,
01:01:27 ça a dû lui parler profondément, au-delà du cachet,
01:01:29 au-delà des scènes d'action.
01:01:31 - Très bien.
01:01:32 Écoutez, messieurs, merci infiniment pour cette émission spéciale Matrix.
01:01:37 J'ai envie d'en faire encore trois autres tellement c'est ma scène.
01:01:40 - Eh bien, nous serons là.
01:01:41 - On sera là.
01:01:42 Merci beaucoup.
01:01:43 Et quant à nous, on se retrouve pour un prochain épisode de Dans la Légende.
01:01:47 - Allez, je suis là.
01:01:48 (Générique)
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