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Quel est le point commun entre JCVD, Street Fighter et Michael Jordan ? Ce sont des légendes ! 
Entouré d’experts triés sur le volet, Sébastien Abdelhamid vous invite Dans La Légende.

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00:00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans La Légende.
00:00:02 Dans La Légende, c'est l'émission qui retrace l'histoire de vos émotions.
00:00:06 On parle de cinéma, de littérature, de manga, de jeux vidéo, bref, on parle de culture.
00:00:11 Et aujourd'hui, on s'attaque à un mastodonte.
00:00:15 C'est à peu près le cas de le dire puisqu'on va parler de Jurassic Park.
00:00:19 *Générique*
00:00:30 Et pour parler de ce sujet gigantesque, j'ai avec moi des invités qui le sont également.
00:00:36 Marie, bienvenue en plateau, tu es autrice et critique ciné.
00:00:40 C'est ça, merci pour l'invitation.
00:00:41 Avec plaisir, Antoine, bienvenue, tu es auteur et rédacteur en chef adjoint de ce super magazine.
00:00:50 Ça, c'est un truc que j'aurais rêvé avoir quand j'étais gosse.
00:00:53 - On avait des fiches. - Oui, les fiches, exactement.
00:00:56 Bienvenue, Égile, bienvenue, auteur d'un magnifique bouquin également sur le gôte Steven Spielberg
00:01:05 et également réalisateur, comme Spielberg.
00:01:08 - Presque comme Spielberg. - Presque, franchement, c'est...
00:01:10 On est à ça.
00:01:12 - Vous êtes quasiment dans la même cour. - On est collègues.
00:01:14 Voilà.
00:01:16 Bienvenue, alors on a un sujet incroyable aujourd'hui puisque Jurassic Park a révolutionné le cinéma
00:01:23 sur bien des plans.
00:01:24 Je vous propose qu'on commence par le début, avant le film, c'est un roman.
00:01:28 *Générique*
00:01:34 Alors avant d'être un film, avant d'être des films, Jurassic Park c'est un roman de Michael Crichton.
00:01:39 Michael Crichton c'est le spécialiste de ce qu'on appelle le techno-thriller,
00:01:43 c'est-à-dire c'est des thrillers avec de la science-fiction et avec beaucoup d'éléments scientifiques
00:01:48 parce que Crichton c'est quelqu'un qui a une formation scientifique, formation de médecin,
00:01:52 d'ailleurs il aurait pu être médecin, on va en parler dans quelques secondes je pense.
00:01:56 Et donc c'est ce qui fait le sel de ces livres-là, c'est qu'on sent que même si c'est de la SF
00:02:00 et que parfois ça part loin, on sent qu'il y a toujours un background technique, scientifique très très précis.
00:02:06 La rencontre entre Crichton et Spielberg s'est faite à la fin des années 80
00:02:09 alors Crichton il est auteur de romans et puis il est aussi réalisateur.
00:02:12 Il a fait notamment un film qui s'appelle "Monde Ouest"
00:02:15 dans lequel Yul Brynner joue un cow-boy robot psychopathe qui se dérègle dans un parc d'attractions.
00:02:20 - Tiens, tiens, tiens, ça nous rappelle quelque chose.
00:02:23 - Qui est devenu donc une série que vous connaissez qui s'appelle "Westward".
00:02:26 Donc Spielberg rencontre Crichton fin des années 80,
00:02:28 il travaille sur une idée qui pourrait peut-être être un film ou une série qui deviendra "Urgence".
00:02:34 - À la base c'était vraiment un film, il voulait...
00:02:36 - Peut-être un film, mais bon alors "Urgence" produit par Spielberg, écrit par Crichton,
00:02:39 mais on n'y est pas encore, donc fin des années 80.
00:02:42 Crichton est arrivé au bout de son roman qu'il travaille depuis quelques années
00:02:45 qui s'appelle "Le Parc Jurassic" en version française et québécoise.
00:02:48 Donc quand il est sorti en France il s'appelait "Le Parc Jurassic".
00:02:51 - Le bouquin, ouais. - Le Parc Jurassic.
00:02:52 - Je l'ai pas, ça.
00:02:53 - Et donc Spielberg est fou de dinosaures depuis qu'il était tout petit.
00:02:57 À l'époque, alors nous évidemment trouver des jouets de dinosaures c'est super facile maintenant,
00:03:00 on en trouve partout, mais à l'époque il n'y en avait pas tellement.
00:03:02 Donc il se fabriquait, il prenait des bâtons de glace,
00:03:04 il se faisait des squelettes de dinosaures, plus ou moins,
00:03:07 il les enterrait dans son jardin, puis une semaine après il les déterrait,
00:03:10 il jouait au paléontologue, déjà.
00:03:12 Donc forcément c'est un roman qui n'était pas encore sorti.
00:03:15 - Oui, il paraît que dès que l'auteur a parlé de dinosaures,
00:03:20 ça a éveillé tout de suite la curiosité de Spielberg.
00:03:24 - Je pense qu'on est tous comme ça, quand on était petits les dinosaures c'était...
00:03:27 Puis lui il a grandi aussi avec les films de Réa Riouzen,
00:03:31 "Le monstre des temps perdus", "Un million d'années avant Jésus-Christ"
00:03:34 avec Raquel Welch en peau de bête aussi, mais il y avait aussi des dinosaures.
00:03:36 - Mais j'aime bien, c'est un super film.
00:03:38 - Oui c'est vachement bien, ou "La vallée de Gwangi"
00:03:39 où il y a des cow-boys qui capturent des dinosaures,
00:03:41 enfin tout ça, il a grandi aussi avec ça, donc il a eu envie d'en faire un film.
00:03:44 Mais bon, pour en faire un film, techniquement, on n'y était pas encore.
00:03:48 - Après qu'est-ce qui se passe ?
00:03:50 - Bah, il a vendu le livre, les droits du livre à Spielberg,
00:03:56 enfin c'était prévu.
00:03:58 - Parce que moi, on m'a dit qu'il y avait d'autres réalisateurs sur la brèche quand même.
00:04:02 - Oui, il a été proposé.
00:04:04 - Il y avait Joe Dante...
00:04:05 - Cameron aussi voulait acheter les droits du film.
00:04:08 - Oui, il voulait faire quelque chose de plus sombre.
00:04:09 Il en a parlé récemment, il disait que lui voyait quelque chose de plus sombre,
00:04:12 un peu comme son "Alien", c'est vraiment quelque chose d'un peu dark,
00:04:15 et il dit qu'il est très content que Spielberg en ait fait un blockbuster familial
00:04:18 et que ça n'aurait pas du tout été le même film.
00:04:20 Et je pense que les deux auraient été intéressants,
00:04:22 mais je pense que ça n'aurait pas eu l'aura de "Jurassic Park"
00:04:25 et on ne serait peut-être pas là pour consacrer une émission entière au film aujourd'hui.
00:04:28 - Ce que je dis, c'est que tu serais d'accord avec moi,
00:04:30 "Jurassic Park", le film, est une interprétation du roman,
00:04:35 Cameron aurait pu en faire une autre.
00:04:37 - Oui, parce qu'au final, il y a pas mal de choses qui ont été changées par rapport au...
00:04:40 - Oui, qui ont été adoucies par...
00:04:42 - C'est moins violent déjà.
00:04:43 - La violence est beaucoup moins graphique,
00:04:44 en tout cas, il y a pas mal de choses qui se passent hors champ et un peu gommées.
00:04:48 - Bizarrement, je trouve que "Le monde perdu", le film,
00:04:52 ressemble beaucoup plus au...
00:04:53 - Oui, dans l'esprit, il ressemble un petit peu plus,
00:04:54 mais c'est sans doute pas un hasard,
00:04:56 parce que Spielberg, entre "Jurassic Park 1" et "Jurassic Park 2",
00:04:59 il réalise la liste de Schindler, il n'est plus le même homme.
00:05:01 - Clairement.
00:05:02 - Donc, il a une approche très différente et sans doute plus crue de la violence aussi.
00:05:05 - Oui, parce que là, pour recontextualiser en termes de date,
00:05:09 c'est une période où il enchaîne beaucoup de projets.
00:05:13 Quand il va commencer "Jurassic Park", on va y venir après, mais il termine "Hook",
00:05:17 et juste après, il enchaîne la liste de Schindler.
00:05:19 - D'ailleurs, c'est le deal avec Universal, en fait.
00:05:21 - C'est ça.
00:05:21 - Ils lui disent "on produit d'abord un gros blockbuster avec des dinosaures,
00:05:25 et ensuite, tu feras ton projet",
00:05:27 parce que la liste de Schindler, c'est le projet qui lui tient à cœur depuis une dizaine d'années.
00:05:30 C'est aussi une adaptation de roman,
00:05:31 mais c'est quelque chose de beaucoup moins blockbuster à grand public,
00:05:34 puisque c'est un film de trois heures en noir et blanc sur la Shoah.
00:05:37 Donc, ça n'a pas le côté attractif de "Jurassic Park".
00:05:39 Et d'ailleurs, sur la fin de "Jurassic Park", sur la post-prod,
00:05:42 il aura déjà commencé le tournage de la liste de Schindler,
00:05:44 et il va travailler sur les deux en même temps.
00:05:45 Donc, c'est quand même assez fou de s'imaginer qu'il va travailler la journée à son film sur la Shoah,
00:05:49 et le soir, sur la post-prod, dans le film avec des dinosaures,
00:05:52 qu'il y a une espèce de ride hyper fun.
00:05:53 C'est vraiment les deux films opposés dans sa filmo qui est fait en même temps.
00:05:57 - Clairement. Et pour revenir à cette genèse,
00:06:00 il y a l'achat des droits.
00:06:03 Donc, tu disais, Marius Universal qui va proposer ce deal.
00:06:07 Après, ça va assez vite, en fait.
00:06:11 - En fait, il y a un problème technique qui se pose.
00:06:13 Comment on va aller montrer ces dinosaures ?
00:06:15 On est 91, 92 à peu près,
00:06:19 et Spielberg, lui, pense que l'idéal...
00:06:21 Parce que lui, en fait, il veut filmer des animaux.
00:06:24 Et ça, ce serait intéressant qu'on en parle.
00:06:25 - Il ne veut pas filmer des monstres.
00:06:26 - Il ne veut pas filmer des monstres. Il ne veut pas faire Godzilla.
00:06:29 Il veut que... - Ni King Kong, d'ailleurs.
00:06:30 - Ni King Kong. Pourtant, c'est un grand fan de King Kong et Godzilla.
00:06:33 Et il y a des clins d'œil énormes...
00:06:34 - Et la porte de Jurassic Park, c'est la porte de King Kong.
00:06:36 - D'ailleurs, Jeff Goldblum dit "mais il y a quoi derrière cette porte ? Il y a King Kong ?"
00:06:39 Donc, bon, c'est très assumé.
00:06:40 Et encore plus dans le deux, puisque le bateau s'appelle le Venture,
00:06:43 qui est le nom du bateau qui ramène King Kong à New York.
00:06:46 Mais nous nous égarons.
00:06:47 Et donc, je ne sais plus du tout ce que j'étais en train de penser.
00:06:49 - Comment on va présenter les dinosaures ?
00:06:50 - On était déjà aux effets spéciaux.
00:06:53 Et alors, donc, il veut des animaux, lui.
00:06:54 Donc, il prend un paléontologue qui va être son consultant, qui est Jack Horner.
00:06:59 Et comment faire des dinosaures réalistes ?
00:07:02 À l'époque, ce qui lui paraît le plus plausible,
00:07:04 c'est d'utiliser des robots grandeur nature animatroniques.
00:07:07 - Chose qui se faisait déjà auparavant,
00:07:09 et on avait quelqu'un qui était assez spécialiste du genre.
00:07:12 Alors, lui, il a eu une expérience malheureuse sur les dents de la mer,
00:07:15 où ça ne marchait pas du tout, mais c'était à cause de la mer.
00:07:16 Donc, il s'est dit, bon, il a une expérience…
00:07:17 - A une bruce !
00:07:18 - Bruce !
00:07:19 Le fameux bruce qui ne marchait pas très bien.
00:07:22 Et grâce à ça, le film est un chef-d'œuvre.
00:07:23 Je pense que s'il avait mieux marché, on aurait peut-être trop vu le requin.
00:07:26 Mais il a eu une expérience heureuse sur E.T., par exemple,
00:07:28 avec le E.T. animatronique qu'avait créé Karl Rambaldi.
00:07:31 Donc, il se dit, sans doute que des robots, ce serait très bien.
00:07:34 Il pense à Stan Winston, celui qui a créé,
00:07:36 c'est le M. Terminator, M. Predator, et aussi dans "Aliens",
00:07:41 de James Cameron, il a créé la reine des aliens,
00:07:43 qui était déjà une bestiole assez imposante.
00:07:46 Donc, il s'est dit, il sera sans doute capable de faire ça.
00:07:49 Il est tout à fait capable de faire ça,
00:07:50 sauf que comment on fait quand les dinosaures doivent marcher,
00:07:52 courir ou sauter ?
00:07:53 - Parce que c'est ce qu'il veut.
00:07:54 C'est ce qui est important, c'est qu'il veut une présence des dinosaures
00:07:58 en action, en vie, en relation avec les acteurs.
00:08:05 - Avec les acteurs et avec l'environnement.
00:08:06 Alors, quand ils sont en gros plan, ça va.
00:08:08 Mais quand on doit les voir, on doit avoir un troupeau de dinosaures,
00:08:10 comment on fait ?
00:08:10 - C'est là qu'est la révolution du cinéma.
00:08:12 - Exactement.
00:08:13 Alors, au début...
00:08:14 - Sur un film de commande, quoi.
00:08:15 - C'est ça qui est fou, en fait.
00:08:16 - On revient tout de suite, et c'est important de rappeler,
00:08:18 parce qu'on est à une époque où les effets spéciaux sont tout autres.
00:08:23 On est au début des années 90, vers 1990.
00:08:28 Et là, pourquoi on parle maintenant des effets spéciaux,
00:08:31 c'est parce que, moi, à mon sens, 30 ans presque après,
00:08:36 ça n'a pas vieilli.
00:08:37 Donc, je vous laisse maintenant...
00:08:39 - Oui, parce que tu vois certains films,
00:08:40 comme je ne sais pas, "Carnosaure", qui est sorti la même année,
00:08:42 ce n'est pas du tout la même chose.
00:08:43 - Et puis même des films dix ans après.
00:08:45 - Oui, bien sûr.
00:08:45 - Alors, on pourrait dire que c'est une question de budget, mais pas que.
00:08:47 - Non, ce n'est pas que.
00:08:48 En fait, ce qu'il y a, c'est qu'il y a une surcharge d'effets visuels
00:08:50 dans un film Marvel, par exemple.
00:08:51 On va demander à 15 compagnies d'effets spéciaux
00:08:53 de saturer l'écran de créatures en images de synthèse.
00:08:55 Forcément, quand il y a une quinzaine de plans en images de synthèse
00:08:58 en premier Jurassic Park, chacun a nécessité des soins très particuliers.
00:09:03 Ils ont passé beaucoup de temps dessus.
00:09:05 Donc, forcément, quand on s'applique et qu'on passe du temps dessus,
00:09:07 ce n'est plus réussi, que ce soit en 93 ou aujourd'hui.
00:09:09 - Alors là, on était aux animatroniques.
00:09:11 - Alors oui, un film flash forward.
00:09:13 Donc, pour les plans larges, à quoi il pense à la stop motion,
00:09:16 la fameuse technique d'animation image par image
00:09:18 qui existe depuis le King Kong des années 30 et même avant,
00:09:21 qui a été perfectionnée par un homme qui s'appelle Philippe.
00:09:23 C'est lui qui a animé, par exemple, les Walkers dans l'Empire contre-attaque.
00:09:25 - C'est une légende dans son domaine.
00:09:28 - C'est le grand nom des effets spéciaux.
00:09:30 C'est lui qui a animé le dragon du dragon du lac de feu,
00:09:32 que beaucoup considèrent comme le plus beau dragon de l'histoire du cinéma.
00:09:35 Les robots méchants de Robocop.
00:09:37 Donc, c'est lui le spécialiste.
00:09:38 Donc, Spielberg se dit, bon, c'est lui qui nous faut.
00:09:40 - Le D209. - Le D209 et Robocop.
00:09:42 Kane dans Robocop 2 aussi, qui était quand même un sacré morceau.
00:09:46 Donc, il se dit OK, il commence à préparer les figurines.
00:09:49 Sauf que, et c'est là où ça devient quasiment un scénario de film,
00:09:52 dans l'ombre de la société ILM,
00:09:55 la Grande Société d'Effets Spéciaux de Georges Lucas.
00:09:58 Les gars se disent, mais nous, qu'est-ce qu'on va faire sur ce film ?
00:10:00 C'est le plus gros film du moment, le plus gros film de dinosaures,
00:10:02 et nous, on ne fait rien.
00:10:03 Donc, il y a deux gars, deux petits jeunes là, qui...
00:10:05 - Des renégats.
00:10:07 - Qui vont piquer une maquette de tyrannosaure,
00:10:09 dans l'ombre, la nuit.
00:10:11 Je ne sais pas si c'était la nuit, mais c'est plus dramatique la nuit.
00:10:13 Qui la scannent et qui se disent, on peut faire un dinosaure en image de synthèse.
00:10:17 Et ils passent la nuit à faire un dinosaure en image de synthèse.
00:10:19 - Sachant qu'à cette époque-là, l'image de synthèse,
00:10:22 on est au balbutiement.
00:10:24 - Oui, alors il y a eu des choses déjà très étonnantes dans Terminator 2,
00:10:27 il faut quand même le dire.
00:10:27 - Oui.
00:10:28 - Mais ce n'est pas des animaux.
00:10:29 - Voilà, notamment la scène du T-1000.
00:10:32 - Le T-1000 qui se...
00:10:34 Alors quand il détruit, c'est souvent de l'animatronique,
00:10:37 mais quand il se reconstitue, c'est l'image de synthèse.
00:10:40 On a déjà fait des progrès incroyables, mais des animaux.
00:10:44 Et ils font leur test, ils le montrent à leur patron,
00:10:46 Denis Murren, superviseur des effets visuels, qui dit, ah ouais, quand même.
00:10:49 Qui le montre à Cathy Kennedy, la productrice du film, qui fait,
00:10:52 ah ouais, quand même.
00:10:53 Qui le montre à Steven Spielberg, qui prend un pari fou,
00:10:56 à ce stade-là, vu le budget du film et les enjeux commerciaux qu'il y a derrière,
00:11:00 qui dit, on utilise cette technique.
00:11:03 Et l'histoire du cinéma a changé.
00:11:05 - Marie, tu peux reprendre le relais à ce moment-là, qu'est-ce qui se passe ?
00:11:09 On a Spielberg, du coup, qui voit ça et qui se dit,
00:11:12 ben finalement, c'est ça que je veux dans mon film.
00:11:14 - En fait, c'est ça qui est intéressant,
00:11:15 c'est que c'est un mélange de toutes les technologies dites anciennes,
00:11:18 parce qu'elles vont se retrouver un peu mises au second plan
00:11:21 avec les nouvelles technologies.
00:11:22 Et donc, c'est vraiment un mélange de toutes ces techniques.
00:11:26 Et parce qu'au final, je crois que les images de synthèse,
00:11:29 il y en a vraiment 7 minutes, bout à bout, dans le film.
00:11:31 Donc, en fait, elles sont utilisées avec parcimonie et elles sont très bien utilisées.
00:11:34 Donc, ils vont les utiliser, évidemment, pour les plans larges, comme tu disais,
00:11:37 pour animer les dinosaures, par exemple, la scène des Brachiosaures,
00:11:40 je crois, la première apparition, quand on les voit.
00:11:42 Et pour avoir ce rapport d'échelle aussi, où on a les personnages tout petits,
00:11:46 avec ces énormes dinosaures au loin.
00:11:48 Et en fait, là, du coup, nous, en tant que public,
00:11:50 on est émerveillé comme les personnages du film qui les découvrent.
00:11:54 En fait, c'est assez incroyable d'arriver à les faire bouger comme ça,
00:11:57 très lentement, d'avoir ce troupeau qui sort comme ça.
00:12:00 Enfin, vraiment, c'est l'émerveillement de Spielberg,
00:12:03 vraiment, dans une scène, je pense que c'est un des meilleurs résumés.
00:12:06 Et du coup, il y a d'autres, les animatroniques de Stan Winston
00:12:10 qui sont utilisés pour les gros plans, les prendre rapprochés,
00:12:13 donc notamment le T-Rex, quand il faut filmer les acteurs très proches du T-Rex.
00:12:17 Et la première scène, d'ailleurs, je crois que c'est le premier jour de tournage,
00:12:20 c'est la scène du Triceratops où les acteurs rencontrent pour la première fois
00:12:25 vraiment un dinosaure.
00:12:25 Et en fait, l'émotion qu'il y a sur leur visage, c'est certes celle des personnages,
00:12:29 mais aussi un peu celle des acteurs, parce que c'est quand même un truc incroyable
00:12:32 de jouer avec cet énorme Triceratops allongé dans l'herbe,
00:12:36 qui est animé par sept ou huit personnes qui sont tout autour,
00:12:38 en train de bouger l'œil, de bouger les pattes, de le faire respirer.
00:12:42 Et c'est vrai que cette scène aussi, elle est mythique.
00:12:44 Et là, pour avoir revu le film récemment, c'est vrai que, comme tu disais, ça n'a pas vieilli.
00:12:48 C'est assez incroyable d'avoir vraiment...
00:12:50 C'est le meilleur des deux mondes, en fait, des technologies un peu anciennes
00:12:53 et des nouvelles technologies qui émergent,
00:12:55 qui sont utilisées dans un équilibre parfait à très bon escient.
00:12:58 Et du coup, il y a un côté aussi très méta dans le film.
00:13:01 - Ah, complètement, oui. - Et je pense qu'on y reviendra plus tard.
00:13:02 Mais c'est ce qui est intéressant sur cette scène,
00:13:05 c'est que Spielberg a voulu la tourner au tout début
00:13:10 pour que les acteurs prennent conscience de ce qu'ils allaient accomplir,
00:13:17 parce que c'est un film extrêmement ambitieux,
00:13:20 mais très difficile aussi à retranscrire pour les acteurs.
00:13:23 Quand on voit le tricératops comme ça, toi, ça t'a fait quoi, d'ailleurs ?
00:13:27 - Moi, j'étais gamin, je l'ai vu au ciné.
00:13:30 - Parce que t'en as fait ton métier, au final.
00:13:32 - Directement, oui.
00:13:33 Je n'ai pas voulu accéder à ça, je n'ai pas fait d'études là-dedans,
00:13:35 mais oui, clairement, ça m'a passionné.
00:13:38 J'étais scotché quand je l'ai vu pour la première fois, le tricératops.
00:13:42 C'était ma scène favorite, en fait, parce qu'elle est émouvante.
00:13:46 Alors, bien entendu, le T-rex et tout ça, ils sont impressionnants,
00:13:50 les scotchés, les raptors et tout,
00:13:52 mais le tricératops, il te fait tirer une larme.
00:13:55 - C'est là où l'humain rencontre le dinosaure et on se dit,
00:13:58 on a envie de le caresser, on a envie...
00:14:01 Il se met carrément, on voit son corps respirer.
00:14:05 - C'est là que tu vois qu'en fait, ils le filment vraiment comme un animal
00:14:09 et que t'as vraiment ce côté émerveillement,
00:14:11 parce que là aussi, autant il y a un mélange de technologies
00:14:14 qui est vraiment très bien fait et il y a aussi un mélange dans le ton
00:14:16 où il y a vraiment un côté émerveillement où on découvre les dinosaures
00:14:20 et un côté un peu horrifique avec, et même survival,
00:14:23 avec les dinosaures qui attaquent notamment la scène de la voiture
00:14:26 ou la scène des raptors dans la cuisine.
00:14:28 Et en fait, à chaque fois, les apparitions des dinosaures,
00:14:30 elles sont hyper bien gérées parce qu'il y a exactement l'émotion,
00:14:33 la petite larme à l'œil quand tu les découvres
00:14:35 ou la grosse frayeur quand ils coursent les personnages.
00:14:39 - Je suis totalement d'accord avec cette scène.
00:14:41 - Cette façon-là est déjà un petit peu présente dans le livre.
00:14:43 - Oui, mais elle est amenée de manière différente.
00:14:44 Dans le livre, d'ailleurs, ce n'est pas un triceratops,
00:14:46 c'est un stégosaure que les protagonistes rencontrent.
00:14:50 Et Alan Grant, il dit "Ah, c'est le stégosaure mon préféré quand j'étais gosse".
00:14:54 C'est complètement différent en fait.
00:14:55 - C'est Spielberg qui a changé parce que le triceratops, c'est son préféré ?
00:14:58 - Je ne sais pas.
00:14:59 - Alors, il me semble que c'est son dinosaure préféré.
00:15:01 - Il me semble, ils ont aussi le dit dans les bonus du film.
00:15:04 - C'est possible, mais après, c'est aussi beaucoup plus vendeur,
00:15:07 un triceratops qu'un stégosaure.
00:15:08 La collerette et tout, ça s'identifie bien.
00:15:10 C'est très important pour un film d'avoir des dinosaures qui s'identifient parfaitement.
00:15:16 Parce que derrière, on vend des jouets en fait.
00:15:18 C'est ça, un tronquin.
00:15:19 - On en parlera après, mais oui, les berges de Jurassic Park, c'est incroyable.
00:15:23 Donc, on a, pour reprendre sur les effets spéciaux,
00:15:28 on a donc ce mélange d'effets spéciaux.
00:15:30 Comment ça se passe ?
00:15:32 Parce que c'est un défi technique, personne ne l'avait jamais fait auparavant.
00:15:35 Comment ils arrivent à finalement se dire
00:15:38 "Ce que je viens de voir là, je veux que ça soit dans le film et ça va être dans le film."
00:15:42 - Alors déjà, il faut créer un pont entre les animateurs,
00:15:45 ceux qui savent animer des créatures,
00:15:47 et les spécialistes de l'image de synthèse,
00:15:48 qui n'ont jamais animé de créatures,
00:15:49 qui savent animer au mieux des vaisseaux spatiaux,
00:15:51 peut-être un robot, des logos.
00:15:54 Donc, ils ont créé vraiment une communauté.
00:15:57 - Parce que Phil Tippett, il devait faire la tête.
00:15:59 - Phil Tippett, au début, il a dit "Non seulement je suis viré du film,
00:16:01 mais mon métier vient de disparaître."
00:16:03 Donc ça y est, je suis mort.
00:16:03 - C'est une vanne qu'ils ont reprise dans le film.
00:16:05 - Il a dit "Je suis en voie d'extinction."
00:16:06 C'est ce qu'il a dit à Spielberg.
00:16:08 Et Spielberg s'est dit "J'adore cette phrase, Alan Grant va la dire."
00:16:11 Et il l'a dit.
00:16:12 Ce qui était ironique, mais en même temps, c'est une super réplique.
00:16:14 Alors, sauf que Tippett commence un peu à faire la tronche.
00:16:18 Sa femme, qui dirige le studio de Tippett,
00:16:20 son copain Denis Murren, qui supervise les effets spéciaux du film,
00:16:23 lui dit "Non, on a besoin de toi et de tes gars,
00:16:25 parce que vous savez animer des créatures."
00:16:27 - Parce que l'image de synthèse n'arrivait pas à reproduire la gestuelle, le poids...
00:16:33 - Oui, c'est ça. On va dire, la texture des dinosaures,
00:16:37 ils arrivaient vraiment bien à la reproduire.
00:16:38 Mais le comportement, justement, en faire des animaux,
00:16:42 ça aurait sans doute été trop mécanique.
00:16:44 Alors les gars de l'animation ont animé des squelettes de dinosaures
00:16:48 comme les figurines qu'ils animaient avant,
00:16:50 sauf qu'il y avait des capteurs partout.
00:16:52 Tous ces points-là, toutes ces données apparaissaient sur les écrans des infographistes.
00:16:55 - C'était de la motion capture.
00:16:56 - C'était de la motion capture, image par image,
00:16:57 avant que la motion capture existe.
00:16:59 Donc c'était ultra expérimental.
00:17:00 - On est en quoi, 93, 92, 93 ?
00:17:02 - On est en 92.
00:17:03 - Donc juste après la sortie de Terminator 2...
00:17:05 - C'est ça. Terminator 2, il n'y avait pas encore de motion capture d'ailleurs.
00:17:08 Donc c'est vraiment une technique qu'ils ont inventée,
00:17:10 sans savoir si ça allait marcher.
00:17:12 Ça a marché. Ça a tellement bien marché qu'au bout d'un moment,
00:17:14 les infographistes de ILM ont appris à faire de l'image de synthèse
00:17:17 sans passer par ce dispositif-là.
00:17:19 Et notamment le final du film n'était pas du tout le final.
00:17:22 C'est pas celui du livre, c'est pas non plus celui qu'ils avaient prévu.
00:17:25 - Il n'y avait pas de T-Rex à la base.
00:17:26 - Il n'y avait pas de T-Rex, il n'y avait pas les deux Raptors qui sautent sur le T-Rex.
00:17:28 Enfin, il n'y avait pas ce combat final.
00:17:30 À un moment donné, les gars des effets spéciaux ont dit à Spielberg,
00:17:32 si tu veux, on peut faire ça.
00:17:34 Ah oui, on peut se rapprocher encore des...
00:17:35 Oui, oui, on peut, maintenant, on sait le faire.
00:17:37 Ça fait un an qu'on bosse dessus.
00:17:39 Les processeurs, parce qu'il faut imaginer les processeurs de l'époque,
00:17:41 c'était des frigos, des machines à laver.
00:17:44 Et on y arrive et ils ont donc fait ce climax
00:17:46 parce que les effets spéciaux le permettaient.
00:17:48 Ils ont eu du mal à trouver la fin du film.
00:17:51 Ils ne voulaient pas finir comme le livre.
00:17:53 Ils ont tenté une première fin où les dinosaures s'accrochent à un hélicoptère.
00:17:56 Enfin, ça ne ressemblait à rien.
00:17:57 Et il y a plein de storyboards qui sont assez marrants à revoir maintenant.
00:18:01 Et c'est les gars des effets spéciaux,
00:18:03 donc Phil Tippett et Dennis Murren, qui sont allés voir Spielberg,
00:18:05 qui ont dit, t'as faim ?
00:18:07 Tu ne veux pas plutôt qu'on essaye ça, le squelette qui tombe et tout ?
00:18:09 Et donc...
00:18:10 - Il faut quand même être culotté.
00:18:12 - Oui, mais en fait, il avait confiance en eux.
00:18:14 Et c'est ça l'intelligence de ce gars-là, c'est qu'il sait qu'à un moment donné,
00:18:18 quelqu'un peut avoir une meilleure idée que toi,
00:18:20 même si tu t'appelles Steven Spielberg.
00:18:21 Et ces gars-là, qui sont des rois, des génies des effets visuels
00:18:25 et du comportement des animaux, dans le cas de Phil Tippett,
00:18:28 pouvaient, s'ils lui disent, on peut le faire,
00:18:31 il s'est dit, OK, faites-le.
00:18:32 Et ils l'ont fait.
00:18:33 C'est comme ça que le film se termine.
00:18:34 Et ce combat avec, en plus, très symbolique,
00:18:36 la banderole "Quand les dinosaures dominaient le monde",
00:18:38 qui se casse la figure.
00:18:39 Il faut savoir que "Quand les dinosaures dominaient le monde",
00:18:41 c'est le titre d'un film des années 60 avec des dinosaures en stop motion.
00:18:44 C'est presque une manière de dire,
00:18:46 les vieux effets spéciaux sont en train de mourir.
00:18:48 - Alors, c'est blindé de références au cinéma d'avant, plein de choses.
00:18:53 Et on va arriver sur le côté métal juste après,
00:18:56 parce que je ne l'avais pas du tout compris
00:18:59 lors de mes premiers visionnages, très honnêtement.
00:19:01 Mais du coup, est-ce que Steven Spielberg, à ce moment-là,
00:19:06 il sait qu'il va révolutionner le cinéma,
00:19:09 déjà ne serait-ce que dans les effets spéciaux,
00:19:13 dans le fait de mettre en image ce qu'il a en tête ?
00:19:16 Est-ce qu'il sait, à ce moment-là ?
00:19:18 - Je pense que quand on fait une révolution,
00:19:20 ce n'est pas forcément au moment où on le fait.
00:19:22 - C'est à dire que ça prend.
00:19:23 - Mais non, mais ce serait intéressant d'avoir ton point de vue.
00:19:25 À mon avis, lorsqu'ils ont fait ça,
00:19:27 ils ont utilisé la technique qui leur paraissait la plus adaptée
00:19:29 au besoin du film.
00:19:31 Mais ils avançaient à un tâton, ils n'étaient pas sûrs de leur coup.
00:19:33 Et la révolution, elle était déjà un peu arrivée avec Terminator 2,
00:19:37 pour être honnête.
00:19:38 Terminator 2, quand on a vu ça,
00:19:40 pour ceux qui sont assez vieux comme moi pour l'avoir vu au cinéma,
00:19:43 on s'est dit "Mais qu'est-ce qui se passe sur cet écran ?
00:19:44 Je n'ai jamais vu ça."
00:19:45 On avait vu avant Abyss avec le tentacule aquatique,
00:19:47 on avait même vu avant, produit par Spielberg,
00:19:50 le secret de la pyramide avec un vitrail,
00:19:52 un chevalier vitrail qui sort du vitrail pour se battre.
00:19:55 On se disait "Mais comment ils ont fait ce truc-là ?"
00:19:56 - Mais pour moi, la différence avec Terminator 2,
00:19:59 qui est un film que je n'ai découvert pas en salle,
00:20:00 mais en VHS après sa sortie,
00:20:02 j'avais vraiment un effet "Waouh",
00:20:06 mais Jurassic Park qui a en même temps ce côté réaliste.
00:20:11 - Oui.
00:20:11 - Ce qui est fou, c'est que,
00:20:13 évidemment c'est des dinosaures, etc.,
00:20:16 donc ça nous paraît fantastique,
00:20:17 mais en même temps ça nous connecte avec vraiment quelque chose,
00:20:21 comme si on pouvait rencontrer le lendemain un dinosaure.
00:20:25 - C'est parce qu'on est lié aux dinosaures,
00:20:26 ils ont réellement existé.
00:20:29 C'est pour ça qu'en fait les gamins,
00:20:30 quand ils grandissent, d'abord on a des tas de jouets,
00:20:32 on parlait de musculure tout à l'heure,
00:20:34 mais tout ça ce n'est pas sérieux.
00:20:36 Mais quand on passe, quand on arrive vers 8-10 ans,
00:20:38 qu'on s'intéresse aux dinosaures,
00:20:40 là la barrière s'envole parce que
00:20:43 c'est du sérieux, les dinosaures,
00:20:45 c'est fantastique certes, mais c'est aussi une science.
00:20:47 Voilà, et ça c'est intéressant,
00:20:48 et là on peut se permettre de se lancer à fond dans cette passion,
00:20:52 c'est pour ça qu'il y a énormément de gamins, tous presque,
00:20:54 qui sont complètement passionnés par les dinosaures.
00:20:56 Ils ont raison.
00:20:57 - Je me suis passionné de dinosaures un petit peu avant,
00:20:59 comme je le disais tout à l'heure hors antenne,
00:21:01 avec un dessin animé qui s'appelait Dino Riders,
00:21:04 et Jurassic Park,
00:21:06 on reviendra après, mais ça a déclenché une dinomania,
00:21:10 c'est comme ça qu'on l'a appelé.
00:21:11 - Carrément, oui.
00:21:12 - Mais, ouais d'accord, je comprends ce côté,
00:21:15 avec le fait réel, l'existence des dinosaures,
00:21:19 et puis c'est un truc qu'on a tellement fantasmé étant enfant,
00:21:22 et qui n'avait jamais eu de retranscription aussi réaliste.
00:21:25 C'est en ça que pour moi,
00:21:27 les choses qui étaient incroyables, c'est par la suite,
00:21:30 je ne sais pas si vous avez connu la console, la PlayStation,
00:21:33 il y avait un CD de démo avec un tyrannosaure qu'on pouvait contrôler,
00:21:38 et ce tyrannosaure c'était celui de Jurassic Park.
00:21:40 Et là, le premier truc qu'on a dit, nous étant gosses,
00:21:43 quand on avait la manette entre les mains,
00:21:45 on ne pouvait rien faire, si ce n'est le diriger.
00:21:47 On s'est dit, mais en fait, on a Jurassic Park entre les mains.
00:21:51 C'était devenu la référence.
00:21:53 Après, de toute façon, encore aujourd'hui, on le disait tout à l'heure,
00:21:56 Marie, honnêtement, le film, il n'a pas vieilli visuellement,
00:22:00 il n'y a rien qui me choque quand je le vois.
00:22:02 Il n'y a rien.
00:22:02 - Non, non, non, et en plus, il est malin Spielberg,
00:22:05 parce qu'il a retenu des leçons des Dents de la Mer,
00:22:08 où parce que son rocard ne marchait pas,
00:22:09 il a beaucoup joué sur le hors-champ,
00:22:11 il y a des tas de choses qu'on ne voit pas,
00:22:12 au long d'un petit bout de trucs qui nous évoquent le requin.
00:22:15 Il fait pareil dans Jurassic Park.
00:22:16 On se souvient tous de la scène du gobelet, avec l'eau qui...
00:22:19 - Mythique.
00:22:20 - Et on ne voit rien, on entend juste bouh, bouh,
00:22:23 et on voit ça qui tremble et on se dit,
00:22:24 il y a un truc énorme qui est en train d'arriver.
00:22:26 Et après, on le voit, mais il joue, il retient au maximum,
00:22:28 il tire sur l'élastique, on va le voir, on va le voir, on va le voir,
00:22:30 et après, on le voit.
00:22:31 - En fait, c'est un film qui joue vraiment sur la frustration du spectateur,
00:22:34 parce que tu veux les voir.
00:22:35 - Et non, tu les vois.
00:22:36 Goldblum, il le fait d'ailleurs, il joue, il tape sur la caméra,
00:22:39 il dit, il y a des dinosaures dans votre parc de dinosaures.
00:22:41 Il met vachement de temps, il y a peut-être,
00:22:42 il se passe, je ne sais pas, peut-être une heure
00:22:43 avant qu'on commence à voir un dinosaure.
00:22:44 - C'est vrai, et même un petit peu plus, il me semble.
00:22:46 - En fait, je crois que tu vois les brachiosaures de loin,
00:22:48 - Oui, exactement.
00:22:49 - À 20 minutes, mais déjà, tu as la toute première scène
00:22:52 qui a été rajoutée, je crois que ce n'est pas le début du roman non plus,
00:22:56 de l'attaque du raptor pendant le transfert,
00:22:59 où tu vois juste, je crois, une griffe, un œil,
00:23:01 et c'est tout ce que tu vois.
00:23:02 - Exactement.
00:23:02 - Et tu vois la violence qui, elle aussi, est hors champ,
00:23:04 parce qu'il l'attrape et il lappe un des travailleurs
00:23:07 dans la caisse de transfert et on ne le voit pas.
00:23:09 Donc, dès le début, on sait qu'il y a un danger,
00:23:11 on sait qu'il y a un truc, mais on ne les voit pas.
00:23:12 Et justement, cette scène du ver qui tremble avec le bruit, du pas,
00:23:16 c'est pareil, on a attendu qu'il mange la chèvre,
00:23:18 on ne l'a pas vue manger la chèvre,
00:23:19 on a vu les raptors manger une vache ou je ne sais pas quel animal,
00:23:23 mais on ne les a pas vus, on ne les a pas vus.
00:23:25 Et en fait, ils sont sous les arbres, comme l'aileron du requin,
00:23:29 tu ne vois que l'aileron.
00:23:30 Là, tu vois qu'un œil ou un petit bout,
00:23:32 tu sais qu'ils sont là, mais tu ne les vois pas.
00:23:33 Et c'est pour ça aussi que la scène...
00:23:35 En fait, il y a une énorme iconisation des dinosaures
00:23:37 et c'est pour ça que la scène de l'attaque de la voiture par le T-Rex,
00:23:40 elle est iconique, parce que tu l'attends, tu l'attends, tu l'attends...
00:23:44 - Elle l'a mise sous tension, en fait, tout au long...
00:23:46 - Il n'y a pas que les effets spéciaux,
00:23:47 il y a la manière de les mettre en scène.
00:23:48 C'est ça, c'est une vraie adéquation
00:23:50 entre les génies des effets spéciaux et le génie de Spielberg,
00:23:53 qui dit "là, on ne montre pas, là, on montre,
00:23:55 mais on ne montre pas trop et puis après, on ne montre pas".
00:23:57 Et aujourd'hui encore,
00:23:59 ce n'est pas évident de savoir,
00:24:00 quand on voit la scène notamment du T-Rex qui attaque la voiture,
00:24:02 dans quel plan c'est une marionnette grande en nature
00:24:05 et dans quel plan il est en image de synthèse.
00:24:07 C'est juste la logique qui nous permet de comprendre que,
00:24:08 OK, on voit ses pattes, on voit qu'il bouge, on voit la queue,
00:24:10 donc a priori, il est en image de synthèse.
00:24:12 - Et parce que maintenant, on a le recul aussi,
00:24:14 on a appris beaucoup de choses.
00:24:14 - Mais malgré tout, même si notre œil est exercé,
00:24:16 il y a un plan où même la voiture est en image de synthèse,
00:24:19 ce n'est pas évident de se rendre compte aujourd'hui encore.
00:24:21 - Moi, je l'ai appris en regardant les bonus il y a quelques années.
00:24:24 Je me suis dit "ah oui, en effet, là, c'est de l'image de synthèse
00:24:26 que je n'avais pas du tout".
00:24:27 - Moi, quand je le regarde, je ne cherche pas à comprendre, je profite.
00:24:29 - Mais oui, moi, ce sont des questions que je ne m'étais pas posées à l'avance.
00:24:31 - C'est toi qui as raison.
00:24:32 - En fait, c'est une fois que j'ai commencé,
00:24:33 nous, on a montré le film dans les séances du Ciné-Club que j'organise,
00:24:36 donc j'ai commencé à me poser beaucoup de questions
00:24:38 que je ne m'étais pas forcément posées, mais c'est vrai que, comme tu dis,
00:24:40 ça se passe et tu ne te demandes pas comment ils l'ont fait.
00:24:42 - Tu es un peu un apé aussi.
00:24:43 - En fait, c'est à ça que tu vois que les effets sont réussis,
00:24:47 c'est quand tu ne te poses pas la question de comment ils l'ont fait.
00:24:49 C'est une évidence et tu as l'impression que c'est un film
00:24:51 où on a filmé des vrais dinosaures.
00:24:53 - Et puis, ce que j'aime bien aussi, c'est que ça reste une époque
00:24:56 où les effets spéciaux étaient digestes.
00:24:58 Tu as parlé tout à l'heure des productions de Marvel ou autre chose.
00:25:01 Moi, tout ça, ça me fait l'effet d'une pizza qui est trop chargée.
00:25:03 - Au bout de dix minutes, j'ai mal à la tête.
00:25:05 - En fait, je suis fan de Marvel et de tous ses films.
00:25:07 Ce n'est pas la question, mais à un moment donné,
00:25:09 c'est exactement, il y a une indigestion, c'est-à-dire qu'on est complètement anesthésié.
00:25:13 On voit un dinosaure, on voit 1000 dinosaures.
00:25:15 Bon, OK, il y a 1000 dinosaures, mais enfin, il y a un problème d'échelle.
00:25:20 - Je vais me permettre quelque chose, c'est que le film a bientôt 30 ans.
00:25:25 Moi, je n'ai pas vu un film aujourd'hui, hors de la saga Jurassic Park,
00:25:29 qui a montré aussi bien les dinosaures.
00:25:31 - Il n'y en a pas.
00:25:32 - Voilà, tout simplement.
00:25:33 Alors que ça a ouvert la voie à plein de choses,
00:25:35 mais on a eu des dinosaures complètement éclatés en CGI, dignes d'un jeu PS2.
00:25:40 - Mais tu sais, c'est le problème, enfin, je ne sais pas si c'est un problème,
00:25:42 c'est le problème de Spielberg.
00:25:43 Quand il s'attaque à un sujet, tu ne peux plus rembobiner derrière.
00:25:46 Quand il fait le soldat Ryan, tu ne peux plus faire le film de guerre comme on faisait avant.
00:25:49 Mais quand il fait Jurassic Park, tous les dinosaures ressemblent à ceux de Jurassic Park.
00:25:53 Même ceux moins réussis du King Kong de Peter Jackson s'inspirent de ceux de Jurassic Park.
00:25:57 - Et un point qui l'a influencé la paléontologie, ça, c'est le cœur de mon métier,
00:26:02 voilà, alors l'exemple le plus probant, c'est le Vélociraptor.
00:26:05 Alors on a tous, vous voyez en tête le Vélociraptor ?
00:26:07 En fait, ça, ça n'existe pas.
00:26:08 - Surtout que personne ne connaissait ce dinosaure avant.
00:26:10 - Non, le vrai Vélociraptor, c'est une dinde, en fait, avec des dents.
00:26:14 Et le pire, c'est le Dilophosor.
00:26:16 Alors là, il l'a rétréci, parce qu'il a eu besoin d'interaction avec son personnage de Nidivri.
00:26:21 Il lui a inventé la colrette, il lui a inventé du venin.
00:26:24 - Ah, tout ça, ça n'existe pas ?
00:26:25 - Non, ça n'existe pas.
00:26:26 La colrette, on aurait retrouvé des...
00:26:27 - Incroyable !
00:26:28 - On aurait retrouvé des tests, on aurait retrouvé des choses.
00:26:30 - Mais le paléontologue qui était avec lui, il ne lui a pas dit à un moment donné ?
00:26:33 - Bien sûr, mais bon...
00:26:35 - Il a dû dire "on s'en balance".
00:26:36 - Voilà.
00:26:36 Dans le roman, aussi, dans le roman, Michael Christian, il parle qu'il a...
00:26:40 C'était suite à une interview qu'il a volontairement pris des libertés artistiques.
00:26:45 Son Dilophosor, lui, je crois qu'il est noir à poids jaune.
00:26:48 Alors, on ne peut pas dire que ça n'a pas existé, mais bon, c'est de l'imagination tout ça.
00:26:53 Et donc après, dans tous les autres films où on a vu des dinosaures,
00:26:56 dans tous les documentaires ou autre chose, les gars, ils n'ont pas cherché à comprendre.
00:26:59 Dilophosor, colrette, Vélociraptor, Demeth...
00:27:02 - Donc, la référence...
00:27:04 - Il a influencé la paléontologie.
00:27:06 - C'est incroyable.
00:27:07 Jurassic Park est devenu la grammaire des paléontologues, en tout cas pour le cinéma.
00:27:12 - Tu me rassures, je corrige tout ça dans mon livre de manière très élégante.
00:27:15 - Dans celui-ci, du coup ?
00:27:16 - Oui.
00:27:17 - Voilà, que je rappelle.
00:27:18 Et voilà, beau dossier sur Jurassic Park aussi, dans le magazine.
00:27:22 - Donc, en fait, tiens, moi, j'ai une question.
00:27:23 Je ne sais pas si je peux me permettre de poser la question.
00:27:24 - Bien sûr, bien sûr.
00:27:26 - À l'époque où Jurassic Park est sorti, on s'est dit, en tout cas le tyrannosaure,
00:27:29 OK, il n'est pas du tout comme avant dans les vieux films où il était debout.
00:27:32 Il ressemble à ça.
00:27:34 Mais depuis, j'imagine que la paléontologie a fait des progrès,
00:27:36 donc les dinosaures de Jurassic Park ne sont pas du tout réalistes, finalement ?
00:27:40 - C'est un peu compliqué, mais moi, j'ai envie de te dire, parce que je l'aime, oui.
00:27:44 Déjà, avant, les tyrannosaures, ils se baladaient un petit peu comme des kangourous.
00:27:48 On les voyait appuyés sur leur queue, tout ça, avec des pattes comme ça,
00:27:51 pour attraper les choses, alors qu'en fait, aujourd'hui, on sait que non.
00:27:54 Et Steven Spielberg et Jurassic Park, ils ont modernisé la vue rétrograde
00:28:00 qu'il y avait d'avant, déjà avec un tyrannosaure à la position horizontale.
00:28:04 Et ça, on le sait, on le savait déjà à cette époque-là,
00:28:07 c'est comme ça qu'ils se déplaçaient.
00:28:08 Donc là, on peut dire merci à Spielberg d'avoir remis les choses comme ça,
00:28:11 parce que si, à cette époque-là, il avait décidé de faire un tyrannosaure kangourou,
00:28:15 je pense qu'aujourd'hui, on en aurait encore un.
00:28:17 Ça, c'est dommage.
00:28:19 Juste ça, c'est une grande révolution, et pour ça, on peut lui dire merci.
00:28:22 Alors, après, il y a beaucoup d'amalgame.
00:28:24 On voit des ptérosaures, t'en parlais tout à l'heure,
00:28:26 tout ça, c'est pas des dinosaures, en fait, c'est des reptiles.
00:28:29 Et il y en a, comme ça, amalgame avec Vélociraptor, Dilophosaure,
00:28:35 le Diplodocus, moi, je le trouve merveilleux.
00:28:37 Il y a des petits problèmes de proportion, mais ça va, globalement, je trouve ça génial.
00:28:42 - Bon, il n'a pas tout extrapolé à outrance. - Non, ça va.
00:28:44 - Ça va, on est rassuré. - Merci, Steven.
00:28:46 - Alors, on a parlé du casting principal des dinosaures,
00:28:48 mais j'aimerais qu'on revienne sur le casting des acteurs.
00:28:51 - Ah !
00:28:52 - On a un casting, quand même, qui est assez incroyable.
00:29:01 Qui veut nous en parler ? Parce que... Marie ?
00:29:03 - Oui, je veux bien.
00:29:05 Alors, je crois que le premier acteur qu'il a casté, c'est Joseph Mazzello, qui joue Tim,
00:29:09 parce qu'en fait, il l'avait croisé, je crois, sur le casting de Hook,
00:29:12 et il ne l'avait pas pris, mais il s'est dit,
00:29:14 "Je le garde dans un coin de ma tête pour un prochain film."
00:29:16 Et d'ailleurs, par rapport au bouquin, il a inversé l'âge des enfants,
00:29:18 parce que c'était, je crois, un grand frère et une petite sœur,
00:29:21 et il a inversé pour pouvoir caster l'acteur qu'il voulait.
00:29:24 Donc, on a lui et, je crois qu'elle s'appelle Ariana Richards, qui joue sa grande sœur.
00:29:29 Là, il cherchait absolument une crieuse,
00:29:31 quelqu'un qui pouvait donner de la voix, notamment dans la scène face au T-Rex.
00:29:36 Et après, on a ce trio d'experts,
00:29:39 donc Yann Malcolm, qui se confond aujourd'hui avec Jeff Goldblum,
00:29:43 en fait, qui a pris beaucoup de ce personnage dans sa personne publique,
00:29:45 dans sa façon d'être aujourd'hui.
00:29:47 Cette espèce de flègue, de dandyisme assez incroyable.
00:29:52 - Vas-y, le même personnage que dans "La Mouche", c'est ça, c'est génial.
00:29:56 - En fait, lui, il est là pour jouer les cassandres
00:29:58 et pour poser les questions morales et éthiques du film.
00:30:02 - Il est le spectateur, en fait.
00:30:03 - Oui, voilà.
00:30:04 En fait, ces personnages-là, c'est les deux pendants du spectateur,
00:30:07 c'est le côté intrigué et merveillé,
00:30:09 et le côté qui dit, "Est-ce qu'on a vraiment le droit de faire ça ?
00:30:12 Est-ce qu'on a le droit, c'est ce qu'il dit, de jouer à Dieu
00:30:14 et de ressusciter une espèce qui a disparu depuis 65 millions d'années ?"
00:30:18 Et donc, il a aussi un petit ressort, enfin, un petit ressort comique
00:30:22 où il a toujours de ces petites punchlines tout au long du film
00:30:25 qui sont restées vraiment légendaires, quoi.
00:30:29 Et on a donc un couple de paléontologues,
00:30:31 donc joués par Sam Neill et la merveilleuse Laura Dern,
00:30:36 qui sont, du coup, le côté plus scientifique
00:30:39 et surtout l'émerveillement du spectateur.
00:30:43 En fait, ils voulaient des acteurs pas forcément très, très connus,
00:30:46 mais ils voulaient de bons acteurs pour être crédibles face à ces dinosaures,
00:30:50 parce que c'est sûr que c'est pas évident de jouer,
00:30:53 même face aussi réaliste que peuvent être les animatroniques,
00:30:57 c'est pas évident de jouer face à ça et de faire croire à cette histoire-là,
00:31:00 parce qu'en fait, quand on regarde le pitch,
00:31:02 ça peut être le pitch d'un énorme nanar.
00:31:04 - Exactement, c'est pour ça.
00:31:06 Je disais, c'est un film très ambitieux sur le papier,
00:31:08 mais en même temps très risqué.
00:31:10 - La première version de Michael Christian, au début des années 80,
00:31:14 ça a été un nanar, c'était un gamin qui découvre un parc de dinosaures comme ça.
00:31:19 - Mais ce que tu dis sur les acteurs,
00:31:22 ça a toujours plus ou moins été la politique de Spielberg,
00:31:24 à quelques exceptions près, de ne pas prendre des superstars
00:31:27 pour qu'on puisse mieux s'identifier à eux.
00:31:29 Alors, il y a quelques exceptions, après il a pris Tom Cruise...
00:31:31 - On n'a pas parlé de John Hammond.
00:31:33 - On va en parler, c'est indispensable.
00:31:35 Il a pris Sean Connery pour jouer le père d'Indiana Jones,
00:31:38 on ne peut pas lui en vouloir parce qu'il est parfait.
00:31:40 Mais après il a fait Hook, et là il est tombé dans un travers qu'il a regretté,
00:31:43 il n'a pris que des superstars.
00:31:45 On n'avait pas l'impression de voir la fée Clochette,
00:31:47 mais on voyait Julia Roberts, on n'avait pas du tout l'impression
00:31:49 de voir le capitaine Crochet, mais Dustin Hoffman, Robin Williams.
00:31:52 Donc il a oublié un peu cette idée des superstars,
00:31:55 il est revenu au type de casting qu'il avait à l'époque de ses premiers films,
00:31:58 et ça marche super bien.
00:31:59 - Même s'il a proposé le rôle d'Alan Grant à Harrison Ford.
00:32:02 - Oui, qui était devenu une superstar.
00:32:04 - Qui est en même temps devenu un star.
00:32:06 - Ça aurait été aussi intéressant de voir ce que ça donne,
00:32:09 parce que la prestation de Jell Goblum a tellement impacté
00:32:12 qu'elle a changé un petit peu.
00:32:15 Je pense que c'est Universal qui a dû mettre la pression d'ailleurs sur Christian,
00:32:19 parce que quand on lui a demandé d'écrire la suite Le Monde Perdu,
00:32:22 il a choisi ce titre-là en hommage à Arthur Conan Doyle,
00:32:27 je travaille dessus en ce moment, tiens.
00:32:29 Et Neon Mycom, le personnage, à la base, si mon mémoire est bonne,
00:32:34 il reste dans l'île, et à la fin du roman, l'île est bombardée.
00:32:37 Néant, voilà.
00:32:38 Par contre, du coup, Christian, quand on lui demande d'écrire la suite,
00:32:42 il reprend le personnage de Malcolm parce qu'il est Arthur Conan Doyle.
00:32:45 - C'est obligé.
00:32:46 D'ailleurs, Goldblum était déjà un acteur connu.
00:32:49 - Oui, la mouche.
00:32:50 - C'est un acteur de comédie, on l'a vu dans pas mal de séries aussi,
00:32:53 mais c'est devenu une superstar grâce à Jurassic Park.
00:32:55 - C'est un peu le rôle de sa vie, je pense.
00:32:57 En tout cas pour les gens comme moi qui l'ont vu tout petit,
00:32:59 nous on l'a associé directement à sa directrice.
00:33:02 - La mouche aussi, mais bon...
00:33:04 - La mouche était un film un peu horrifique aussi, moins grand public.
00:33:08 - Mais Sam Neill avait...
00:33:10 - Sam Neill avait fait la leçon de piano avant.
00:33:12 - C'était un acteur qui n'était pas du tout sur le théâtre, un acteur dramatique.
00:33:16 - Laura Dern, on la connaissait beaucoup grâce à David Lynch, notamment.
00:33:19 - C'est Laura Lula, tout ça.
00:33:21 - Donc c'était un mélange intéressant.
00:33:23 Et bien sûr, le grand Richard Attenborough qui joue John Hammond,
00:33:26 et qui lui est génial.
00:33:28 - Un acteur légendaire, il faut le dire.
00:33:30 - Ce qui est marrant, c'est qu'Attenborough a eu l'Oscar du meilleur film en 82,
00:33:34 lorsqu'il concourait face à Steven Spielberg.
00:33:37 Il y en a un qui avait hété, l'autre qui avait gandi, c'est Gandhi qui a gagné.
00:33:40 Attenborough qui a dit à l'époque à Spielberg,
00:33:42 "T'aurais pu l'avoir, t'aurais dû l'avoir."
00:33:44 Mais à ce moment-là, Spielberg a senti qu'il nous fallait un réalisateur pour jouer ce rôle-là.
00:33:50 - Et il a vraiment insisté pour avoir lui, parce qu'apparemment c'était compliqué.
00:33:54 - Il avait arrêté de cinéma, je crois.
00:33:56 - Il n'avait pas tourné depuis 1979,
00:33:58 je crois que c'était "The Human Factor" d'Otto Kroeniger.
00:34:01 - Oui, t'as raison.
00:34:02 - Et son frère, pardon.
00:34:03 - Et il a décalé le début du tournage de quelques mois,
00:34:06 pour lui laisser le temps de terminer son film "Chaplin",
00:34:08 parce qu'il le voulait vraiment.
00:34:09 - Et le frère d'Attenborough, je oublie son prénom,
00:34:12 présente, comme toi, des documentaires pour la BBC.
00:34:16 - Et...
00:34:17 - Concernant les dinosaures.
00:34:19 - Ah oui, d'accord.
00:34:20 - Ah oui, d'accord.
00:34:21 - Ah ok, cool.
00:34:22 - Mais c'est pas un hasard qu'il ait choisi un réalisateur pour jouer John Hammond,
00:34:25 parce qu'en fait, et je sais pas s'il est trop tôt pour parler du côté méta du film...
00:34:28 - Bah non, mais parlons-en et après on reviendra sur le...
00:34:31 - Mais de quoi parle "Jurassic Park" ?
00:34:32 - De la sortie.
00:34:33 - D'un homme de spectacle, un businessman,
00:34:36 qui décide de montrer au public, pour la première fois, des vrais dinosaures.
00:34:40 Et c'est quoi "Jurassic Park" ?
00:34:42 - C'est un film où un businessman, homme de spectacle, Steven Spielberg,
00:34:44 décide de montrer au public, pour la première fois, des dinosaures.
00:34:48 Ceux du film sont pas réels, mais ils sont ultra réalistes.
00:34:50 Et donc, il y a une adéquation entre le sujet du film et le film lui-même,
00:34:53 qui est complètement folle.
00:34:55 Quand le portail de "Jurassic Park" s'ouvre, c'est pas que pour les personnels,
00:34:58 c'est pour nous.
00:34:59 On se dit "mais où ils sont, ces dinosaures ?"
00:35:01 - Et puis, pour le parc d'attractions universel, et eux aussi !
00:35:03 - Exactement !
00:35:04 - Bien sûr.
00:35:05 - Lorsqu'on voit le Brachiosaure pour la première fois, on est comme eux,
00:35:07 on fait comme toi.
00:35:08 Enfin, on joue peut-être pas aussi bien qu'eux,
00:35:10 mais ça a pas dû être évident à jouer, d'ailleurs,
00:35:13 pour Laura Dern dans "Le vaisseau lyophun" et Sam Neill.
00:35:15 Mais on est comme eux, et en fait,
00:35:17 Alan Grant, dans le film, est un paléontologue,
00:35:19 donc un gars qui en a vu d'autres,
00:35:21 mais tout ce qu'il est capable de dire face au Brachiosaure,
00:35:23 c'est "c'est un dinosaure".
00:35:25 Et nous, on est pareil, quoi.
00:35:26 "C'est un dinosaure."
00:35:27 Et donc, il y a un effet miroir dans le film qui est fascinant.
00:35:30 - Et avec chaque personnage, pour moi,
00:35:33 justement, incarne ce côté méta
00:35:35 à différentes valeurs et différents plans.
00:35:37 Notamment dans le couple
00:35:39 entre les paléontologues,
00:35:43 il y a vraiment quelque chose dedans
00:35:45 qui nous renvoie à une certaine réalité.
00:35:47 Dans le parc qui n'est pas encore ouvert,
00:35:50 ça aussi, c'est quelque chose qui...
00:35:52 Parce que c'est des éléments qui sont réutilisés par la suite,
00:35:54 dans le parc universel.
00:35:56 C'est ça qui est fou.
00:35:57 C'est que le parallèle est complet, quoi.
00:36:01 Il n'y a pas un moment dans le film où c'est pas ça.
00:36:03 - Oui, et puis le... Comment il s'appelle ?
00:36:05 Le généraux, l'avocat, qui dit "nous allons faire une fortune avec ce parc",
00:36:08 il peut être vu comme un exécutif d'Universal
00:36:10 qui dit "moi, ça m'a de plein les poches".
00:36:12 C'est vrai qu'il y a eu une attraction...
00:36:14 Alors, je crois que maintenant, c'est devenu une attraction Jurassic World,
00:36:16 mais moi, je l'avais faite... - C'est Jurassic World, maintenant.
00:36:18 - Moi, je l'avais faite il y a une dizaine d'années,
00:36:19 c'était encore l'attraction Jurassic Park,
00:36:21 et elle a inspiré d'une scène qui était dans le livre
00:36:24 et qu'ils n'ont pas mise dans le film,
00:36:26 où les personnages, donc Alan Grant et les deux enfants,
00:36:28 sont sur un radeau, et le T-Rex les poursuit sur une rivière.
00:36:32 Et du coup, l'attraction, c'est ça, c'est un petit ride...
00:36:35 - Avec une belle petite descente. - Oui, voilà.
00:36:37 - Alors, c'est exactement la même chose maintenant, Jurassic World,
00:36:40 sauf qu'ils ont rajouté quelques petits trucs
00:36:42 liés à l'univers de Jurassic World.
00:36:44 - Et puis, c'est un film aussi, c'est le seul film, je crois, à l'époque,
00:36:47 après, ils l'ont fait de manière parodique dans Wayne's World,
00:36:49 où on voit le merchandising du film dans le film.
00:36:51 - C'est ça ! Tout ce qu'on voit à l'intérieur...
00:36:53 - C'est beau, on voit la boutique Jurassic World,
00:36:55 avec les T-shirts, les jouets...
00:36:56 - Oui, parce qu'en fait, le logo du parc est l'affiche du film,
00:37:00 et d'ailleurs, c'est devenu après la couverture du bouquin,
00:37:03 avec le titre qui est devenu Jurassic Park en français.
00:37:06 Et en fait, même, je crois que quand il y a ce plan sur le merchandising,
00:37:10 je crois qu'il y a le bouquin qui est The Making of Jurassic Park,
00:37:13 qui est en fait un vrai livre sur le making of du film,
00:37:15 mais là, qui est un livre comme s'il était le livre du parc.
00:37:18 Et même Spielberg avait fait un magazine qui s'appelait, je crois,
00:37:22 Jurassic News, dans lequel il parlait de...
00:37:24 C'était un magazine comme s'il parlait vraiment des avancées du parc,
00:37:27 et tu pouvais trouver ça...
00:37:28 Alors, dans les cinémas, j'imagine, aux États-Unis,
00:37:30 parce que moi, j'avais pas vu ça ici, mais voilà,
00:37:32 il y avait vraiment tout un truc, c'était un début de marketing viral,
00:37:35 en fait, il y avait pas d'Internet, mais c'était relayé
00:37:37 à la fois par le film et par des magazines.
00:37:40 - Je me pose une question, puisque Georges Lucas a bossé un petit peu
00:37:44 sur Jurassic Park, au niveau des effets spéciaux...
00:37:47 - Pas directement, c'est Spielberg qui a travaillé dessus.
00:37:49 - Il se dit quand même qu'il avait un œil,
00:37:51 pendant que Spielberg était sur la liste de Schindler,
00:37:53 que Lucas, quand même, supervisait un petit peu...
00:37:55 - Il avait un œil sur la post-production.
00:37:57 - Les effets spéciaux. Mais tout ce marketing,
00:37:59 c'est aussi ce qui a été à rebours avec Star Wars,
00:38:02 notamment sur les produits dérivés.
00:38:04 Est-ce qu'il n'y a pas une petite influence aussi de Star Wars là-dedans ?
00:38:07 - Finalement, avec Star Wars, Kenner notamment,
00:38:11 ils ont loupé le coche de la sortie pour le développement des jouets.
00:38:15 Là, ils se sont dit "on peut pas, on peut pas rater ça".
00:38:18 - Bien sûr. Lucas a été très précurseur à l'époque du premier,
00:38:21 la guerre des étoiles, à l'époque ça s'appelait la guerre des étoiles,
00:38:24 une Europe. Il a dit "moi je veux des pourcentages sur les produits dérivés".
00:38:29 On lui a dit "ben vas-y, prends tous les produits dérivés, on s'en fout".
00:38:32 Donc il avait senti qu'il y avait du business à se faire là-dessus.
00:38:36 Les produits dérivés de Star Wars, c'est incroyable.
00:38:39 Et donc, oui il y a une influence de Lucas, mais depuis Star Wars,
00:38:42 c'est-à-dire que depuis, tous les blockbusters,
00:38:44 que ce soit chez Disney ou ailleurs,
00:38:46 essayent de capitaliser sur les produits dérivés qu'on peut faire.
00:38:48 Parfois c'est complètement absurde, il y a un film comme Starship Troopers,
00:38:51 qui n'est pas du tout un film pour les enfants.
00:38:53 - Paul Verhoeven.
00:38:54 - Mais les exécutifs se sont dit "attends, c'est des insectes géants
00:38:57 avec des gars en tenue de cosmonautes, on va faire des tas de jouets".
00:39:00 Ils ont fait des tas de jouets pour les enfants, des jeux de société,
00:39:02 sans voir le film.
00:39:04 Et ils se sont retrouvés avec ça sur leurs étagères.
00:39:06 Enfin c'est les collectionneurs qui les ont récupérés, mais c'est pas les enfants.
00:39:08 - Un style de Batman Returns, où le merchandising a été un peu avorté.
00:39:13 - Pas très très orienté, petit, Batman Returns.
00:39:15 Mais c'est Batman, alors on s'est dit "ouais, pour les petits c'est bien".
00:39:17 Jurassic Park, en fait, ce qui est marrant, c'est que cette scène-là,
00:39:20 du merchandising, puis il y a vraiment un plan,
00:39:22 a fait grincer quelques dents.
00:39:23 Je me souviens à l'époque, je me suis dit "ah bah super,
00:39:25 dans le film, ils montrent carrément les produits achetés à la sortie du film".
00:39:28 Mais il ne faut pas oublier que c'est une scène très ironique.
00:39:30 À ce moment-là, le parc part en vrille, il y a des gens qui meurent,
00:39:33 il n'y a plus rien qui va, et c'est à ce moment-là
00:39:35 que la caméra se promène sur les produits dérivés.
00:39:37 Une manière de dire, en fait, c'est "tout pour le profit".
00:39:40 Tout est en train de se casser la gueule, quoi.
00:39:42 Et ce vieux monsieur, qui redevient un vieux monsieur,
00:39:44 qui raconte cette anecdote de son premier parc d'attractions
00:39:47 avec des fausses puces, il raconte ça à l'horaderne,
00:39:49 c'est une scène très émouvante, et qui nous fait comprendre
00:39:51 que tout ça, c'est une illusion, en fait.
00:39:53 C'est de la fumée, c'est un jeu de...
00:39:55 Et c'est là aussi où il y a un parallèle, encore une fois,
00:39:58 entre le réalisateur et son personnage de démiurge,
00:40:01 qui est lui, c'est un peu lui.
00:40:03 - Bien sûr. - C'est-à-dire, je monte un spectacle,
00:40:05 et en plus, et je ne pense pas qu'à l'époque, il y avait pensé,
00:40:08 lorsqu'à la fin, donc, les dinosaures ont tout cassé,
00:40:11 donc c'est une catastrophe, quand les dinosaures dominaient le monde,
00:40:13 la banderole tombe.
00:40:14 Mais ce qui s'est passé après "Jurassic Park",
00:40:16 c'est que "Jurassic Park" a tout cassé.
00:40:18 Le cinéma n'a plus pu du tout se faire comme avant,
00:40:21 et on se retrouve dans des dérives, où maintenant,
00:40:24 il faut absolument qu'il y ait des millions d'images de synthèse
00:40:26 dans tous les films.
00:40:27 - Alors, merci Gilles, super transition.
00:40:29 Passons maintenant à la sortie de "Jurassic Park".
00:40:32 [Musique]
00:40:38 Parce que depuis tout à l'heure, on parle du film,
00:40:41 de la pré-production, du casting.
00:40:44 Qu'est-ce qui se passe à la sortie de "Jurassic Park" ?
00:40:47 - C'est... - C'est la dino-mania.
00:40:49 - Voilà, on a eu une préparation, quand même.
00:40:53 J'ai l'impression que, de toute façon,
00:40:55 on avait des sorties décalées, nous, en France, par rapport aux États-Unis.
00:40:57 - Très décalées, je crois que c'était en juin aux États-Unis,
00:40:59 et en octobre chez nous. - Ouais.
00:41:01 - C'était octobre ? - Ouais, je crois que c'est octobre.
00:41:03 - Il me semble, ouais.
00:41:05 - On a l'impression qu'on a vu venir ce qui se passait aux États-Unis,
00:41:07 donc on nous a préparé un petit peu le terrain en France.
00:41:10 On s'est dit, la dino-mania va nous toucher.
00:41:13 Et là, ça a été un raz-de-marée.
00:41:15 Déjà, le film, comment il est reçu, comment il est perçu ?
00:41:18 Par les critiques, par le public ?
00:41:20 - En fait, c'est drôle, parce qu'en France,
00:41:22 il sort au moment où on est en plein débat
00:41:24 sur l'exception culturelle française,
00:41:26 et en fait, il sort vraiment face à Germinal.
00:41:29 C'est vraiment deux salles, deux ambiances, littéralement.
00:41:31 Et la critique française pousse Germinal
00:41:34 comme le rempart contre l'impérialisme américain
00:41:36 et les blockbusters décérébrés,
00:41:38 et le film, un peu comme "Avatar", aujourd'hui.
00:41:41 En fait, on loue la prouesse technique,
00:41:44 mais on dit que c'est un film un peu concon, un peu idiot.
00:41:46 C'est des gros dinos qui se tapent dessus.
00:41:48 Et en fait, c'est très facile de retomber sur les critiques de l'époque
00:41:51 qui disent qu'on ne s'en rappellera pas, ça ne fera pas date,
00:41:54 comme beaucoup de films comme ça. - Comme "Star Wars".
00:41:56 - Oui, que les gens n'ont pas compris.
00:41:58 Et c'est exactement la même chose avec "Avatar 2" en ce moment.
00:42:01 C'est toujours ces débats, sauf qu'à l'époque,
00:42:03 il n'y avait pas Twitter, et qu'aujourd'hui, c'est amplifié par tout ça.
00:42:06 Mais c'est vrai que moi, à l'époque, je ne l'ai pas vu en salle,
00:42:09 j'étais un peu trop jeune, mais dans la cour de récréation,
00:42:11 on ne parlait que de ça.
00:42:12 Et je me souviens que des dinos, il y en avait partout.
00:42:15 Je crois qu'à l'époque, ils ont lancé quasiment un millier de licences
00:42:19 avec des marques différentes en France.
00:42:21 - Les fascicules ? - Oui, tu avais les vignettes Panini,
00:42:23 les trucs comme ça.
00:42:24 - On parlait des Kenner, mais avec Germinal,
00:42:26 il n'y aurait pas eu tout ça.
00:42:27 - Ah bah non, c'est vachement plus différent.
00:42:29 Un petit Renault dans ta boîte de céréales,
00:42:31 je suis sûre que ça aurait bien marché.
00:42:33 - Il est très profond, il est bien et tout.
00:42:35 - On a cette réception critique, mitigée, on va dire,
00:42:38 mais par contre, le public, lui, il fonce.
00:42:41 Ça devient le film le plus rentable de l'histoire du cinéma.
00:42:44 - Oui, parce qu'il coûte 65 à peu près millions de dollars.
00:42:47 Donc avec l'inflation aujourd'hui, ça ferait un peu plus de 100 millions,
00:42:50 ce qui n'est pas un énorme budget comparé au blockbuster d'aujourd'hui.
00:42:53 Parce que pour le coup, il n'a pas dépensé son compte.
00:42:55 Et Spielberg, tout est vraiment...
00:42:56 L'argent est utilisé vraiment à l'économie
00:42:59 et chaque centime est utilisé.
00:43:01 Mais par contre, il rapporte presque un milliard.
00:43:03 Je crois que c'est 912 millions.
00:43:05 Donc le retour sur investissement est énorme.
00:43:07 Et c'est quelque chose qui marche à travers le monde, au cinéma,
00:43:10 ensuite en vidéo.
00:43:11 Je me souviens que je ne l'avais pas vu en salle,
00:43:13 mais que j'avais vu, j'avais acheté la VHS juste après.
00:43:15 C'était vraiment la...
00:43:16 Nous, dans les cours de récré, on ne parlait que de ça.
00:43:19 Filles, garçons, tout le monde, c'était le...
00:43:21 - Alors moi, j'avais 12 ans.
00:43:22 Je vais vous raconter un petit peu ma vie.
00:43:24 Et j'habitais pas à Paris, mais j'étais à Paris,
00:43:26 chez mon père, à ce moment-là.
00:43:28 Et ma tante m'a amené voir Jurassic Park.
00:43:30 Je me rappelle encore, quand on s'est préparé,
00:43:33 ironie de ça, c'est qu'il y avait la mouche
00:43:35 qui passait à la télé ce jour-là.
00:43:37 Et j'ai demandé à mon père qu'il me l'enregistre.
00:43:39 Et moi, je suis parti voir Jurassic Park avec ma tante.
00:43:42 Et c'était à Place Gambetta, dans le XXe.
00:43:44 Et je me souviens encore les sensations que j'ai eues
00:43:48 en découvrant Jurassic Park.
00:43:50 C'est un des films, pourtant, j'ai beaucoup de coups de cœur
00:43:53 et des films qui m'ont marqué.
00:43:54 Mais Jurassic Park, ça m'a marqué, je pense,
00:43:56 comme très peu de films m'ont marqué.
00:43:58 C'est-à-dire qu'il y a eu une telle énergie dans le film,
00:44:03 un tel changement, une telle immersion.
00:44:06 Ça peut paraître paradoxal, que ce film...
00:44:09 Je me souviens encore les sensations.
00:44:12 À chaque moment clé du film, c'était fou.
00:44:16 Et pareil, dans la cour de récréation,
00:44:18 tout le monde parlait de ça.
00:44:20 Et désolé, je suis désolé, j'ai fait une chose
00:44:23 que je ne recommande à personne de faire.
00:44:24 J'avais volé un magazine de jeux vidéo à l'époque.
00:44:26 - Bravo ! - J'avais pas d'argent.
00:44:28 Parce qu'à l'intérieur, il y avait une casquette
00:44:31 Jurassic Park, issue du jeu Océan,
00:44:34 qui était l'éditeur à l'époque.
00:44:36 Et je voulais absolument cette casquette.
00:44:38 Donc je suis parti voir le film,
00:44:39 et après j'avais ma casquette Jurassic Park.
00:44:41 Et c'était parti, c'était fichu.
00:44:43 Après Jurassic Park, c'était que les dinosaures.
00:44:45 Partout. - Partout, partout.
00:44:47 Et puis il y a eu plein de films, plus ou moins réussis,
00:44:50 qui essayaient de se faire...
00:44:52 Alors il y a eu plein de toutes petites séries B.
00:44:54 Je sais plus qui parlait de Carnosaure tout à l'heure.
00:44:56 Carnosaure 2, Carnosaure 3, et puis...
00:44:58 - Préhistéria. - Préhistéria.
00:44:59 Donc il y a eu plein de petits films à deux balles.
00:45:01 Et puis d'autres qui ont essayé d'être un peu plus sérieux,
00:45:03 mais les effets spéciaux n'arrivaient pas à suivre.
00:45:05 Mais oui, la dinomania, partout.
00:45:07 Et alors, dans tous les produits dérivés.
00:45:09 Mais c'est vrai qu'ils nous ont préparé.
00:45:10 Et puis ce logo, quel génie.
00:45:11 - Iconique. - Iconique.
00:45:13 - Il n'y a même pas besoin de marquer le titre.
00:45:15 - C'est ça. - En fait, tu peux parler aux enfants
00:45:17 qui ne savent pas lire.
00:45:18 En fait, tu le reconnais.
00:45:19 Moi, je me souviens de harceler mes parents
00:45:21 pour tous les...
00:45:23 Je me souviens que j'avais une trousse,
00:45:24 j'avais plein de trucs.
00:45:25 C'était vraiment dans la cour de récré.
00:45:26 "Ah, moi j'ai les baskets, moi j'ai ça."
00:45:27 Enfin, c'était n'importe quoi.
00:45:28 - C'était devenu une marque. - Ouais.
00:45:30 - Exactement.
00:45:31 Jurassic Park est devenu une marque à ce moment-là.
00:45:33 Et tout le monde a voulu s'engouffrer.
00:45:35 Je parlais tout à l'heure des fascicules.
00:45:36 C'est vrai qu'on avait des magazines
00:45:38 où le premier, c'était 1 franc.
00:45:40 Désolé.
00:45:41 Et tu avais une...
00:45:43 Je me rappelle, c'était un T-rex phosphorescent.
00:45:45 Je ne sais pas si vous vous souvenez
00:45:46 de ce T-rex à construire.
00:45:48 - Le fameux. - Ah ouais.
00:45:49 - D'accord. - Ah oui.
00:45:50 - Le squelette. - Oui, exactement.
00:45:52 Le squelette.
00:45:53 - Où tu as le premier os,
00:45:54 et puis après, tu n'achètes jamais les autres.
00:45:55 - Parce que ça coûte une fortune.
00:45:56 - Oui, c'est ça, un prix d'appel.
00:45:58 - Mais tu voyais le squelette du T-rex
00:46:00 construit dans la publicité, t'en rêvais.
00:46:02 Après, il y a eu les vignettes autocollantes.
00:46:04 - Je me souviens qu'il y avait des griffes de raptor.
00:46:06 Je ne sais plus si c'était dans les céréales ou quoi.
00:46:08 - Oui, oui.
00:46:09 - J'ai mangé beaucoup de céréales à cette époque-là.
00:46:10 - Moi, j'avais un petit raptor en plastique.
00:46:12 Quand on appuyait sur les jambes,
00:46:13 la bouche s'ouvrait et puis il s'accrochait.
00:46:15 - Oui, parce que c'était le Kenner.
00:46:17 Kenner a sorti toute une gamme de jouets
00:46:19 qui étaient incroyables.
00:46:20 - Très réussis, d'ailleurs.
00:46:21 - Ils étaient bien.
00:46:22 - Ils n'ont pas raté le coche, comparé à Star Wars.
00:46:24 - Et puis, on était à une époque aussi
00:46:26 un petit peu plus avancée par rapport à Star Wars
00:46:28 où le transmédia commençait véritablement.
00:46:30 Donc, on a eu toute une série de jeux vidéo
00:46:33 qui étaient différents parfois selon les plateformes,
00:46:35 que ce soit sur Megadrive, sur Super Nintendo,
00:46:38 même Game Boy et NES aussi à l'époque.
00:46:41 On en avait pour tout le monde.
00:46:43 Alors, à ce moment-là,
00:46:45 Hollywood, est-ce qu'ils se disent tout de suite
00:46:48 "Il faut qu'on continue, il faut qu'on fasse une suite."
00:46:51 - Oui, mais en fait, ils se disent qu'il faut qu'on continue.
00:46:53 Évidemment, il faut qu'on fasse une suite.
00:46:55 Spielberg, lui, il est parti faire la liste de Schindler,
00:46:58 donc il n'a plus trop la tête à ça.
00:46:59 Déjà, comme tu l'expliquais très bien,
00:47:01 pendant qu'il tourne en Pologne le jour, la nuit,
00:47:03 on lui envoie des images de dinosaures
00:47:04 en lui disant "Qu'est-ce que tu penses ?
00:47:06 Le tyrannosaure, il brille bien."
00:47:07 Et bon, c'était un cauchemar pour lui,
00:47:09 mais en même temps, techniquement, c'était balèze.
00:47:11 Il lui envoyait des images par satellite.
00:47:13 - Même sur ça, c'était quand même une innovation.
00:47:16 - C'était déjà de la haute technologie.
00:47:17 - Parce que ce n'était pas un "oui, transfère".
00:47:18 - Et donc, effectivement, Georges Lucas a aidé,
00:47:21 semble-t-il, à prendre quelques décisions,
00:47:24 puisque Spielberg n'avait pas la tête à ça.
00:47:26 - Même quand il en parle aujourd'hui,
00:47:27 il dit que cette période est un peu floue pour lui,
00:47:29 que c'est une période où il travaillait beaucoup.
00:47:31 - Et il a détesté...
00:47:32 - Mes souvenirs ne sont plus...
00:47:33 - Ce qu'il disait, c'est qu'il s'est mis à détester Jurassic Park
00:47:36 parce qu'il n'en pouvait plus des dinosaures.
00:47:38 Il en a eu marre, il ne voulait pas le voir.
00:47:39 - Alors, il avait déjà détesté "Hook",
00:47:41 donc maintenant, Jurassic Park, ça fait beaucoup.
00:47:43 - Il détestait Jurassic Park
00:47:44 parce qu'il fallait qu'il se tape le montage
00:47:46 et le remontage et le remontage,
00:47:47 et lui, il était dans "Schindler".
00:47:49 Il a apprécié Jurassic Park, vraiment,
00:47:51 lorsqu'il l'a vu en salle avec du public
00:47:52 et qu'il a vu le public pousser des grands cris
00:47:55 à chaque fois qu'un dinosaure surgit.
00:47:57 Et là, il s'est dit, j'ai réussi mon coup.
00:47:59 C'est chouette, c'est chouette de voir le public comme ça.
00:48:01 Il a accepté de faire le monde perdu pour plusieurs raisons,
00:48:04 mais la raison principale, c'est que lui,
00:48:05 il était en train de monter son propre studio, DreamWorks,
00:48:07 et qu'il avait ce deal avec Universal.
00:48:09 Il fallait que, OK, je vous fais votre deuxième Jurassic Park,
00:48:12 puis après, je monte mon DreamWorks.
00:48:14 Donc, il l'a fait.
00:48:15 Est-ce qu'il l'a fait plus ou moins en traînant des pieds ?
00:48:19 Je ne sais pas.
00:48:20 Il y a ce plan quand même assez étonnant du début du film
00:48:22 où on voit Jan Malcom, donc Jeff Goldblum,
00:48:24 devant la jungle, et puis il se met à bailler.
00:48:27 Genre, ça me saoule.
00:48:28 Et on dézoome, on se rend compte qu'on est dans le métro.
00:48:30 C'est presque un plan qui nous dit, bon, les gars, OK,
00:48:33 on va le faire, Jurassic Park 2, mais bon.
00:48:35 Puis c'est une rupture de temps avec la scène précédente
00:48:37 qui ouvre, parce que le film ouvre quand même
00:48:39 sur une petite fille qui se fait manger par les comptes soviétiques,
00:48:42 je crois.
00:48:43 C'est la scène d'ouverture du roman.
00:48:44 Oui, du roman qui avait été écarté,
00:48:45 parce que justement, on disait tout à l'heure
00:48:46 qu'il y avait pas mal de choses qui ont été écartées
00:48:47 du roman du premier pour faire un film moins sombre.
00:48:50 Et là, en fait, il l'ouvre par une scène sombre écartée.
00:48:52 Et même le film, je crois qu'il s'ouvre sur un plan noir.
00:48:55 On entend le bruit de la mer, mais il y a un plan noir
00:48:57 de peut-être 10, 15 secondes qui est assez étonnant
00:48:59 pour un film comme ça.
00:49:01 Et en fait, il y a le cri de la mer qui voit sa petite fille
00:49:05 en train de se faire becter, qui enchaîne sur
00:49:07 "Il y a une mangue comme un bouche ouvert".
00:49:08 Sur le roman, exactement.
00:49:09 Et en fait, dès le début, on te dit, bon,
00:49:10 ça va pas être la même chose, ça va pas être...
00:49:11 C'est pas la même ambiance.
00:49:12 Ça va pas être le côté émerveillement du premier, là,
00:49:14 c'est fini, quoi.
00:49:15 Alors, côté émerveillement du premier, justement,
00:49:17 moi, pendant longtemps, j'ai pas aimé le 2.
00:49:19 J'ai pas aimé Le Monde Perdu.
00:49:21 Et je l'ai réhabilité dans mon esprit
00:49:23 il y a pas si longtemps que ça.
00:49:25 Il est pas... En fait...
00:49:26 Il est tellement différent.
00:49:27 Il est très différent.
00:49:28 Déjà, dans l'approche visuelle, à partir de Schindler,
00:49:32 Spielberg se trouve un alter ego, chef opérateur,
00:49:35 avant il changeait de chef opérateur.
00:49:36 Donc la lumière de ses films est pas toujours la même.
00:49:38 Celle du premier Jurassic Park,
00:49:40 elle ressemble un petit peu à ce qu'il avait fait
00:49:42 les nuits un peu avec E.T. ou avec Indiana Jones,
00:49:44 en tout cas, ce côté très Hollywood, malgré tout.
00:49:46 - Bleu, noir... - Voilà.
00:49:48 Et là, il a un chef opérateur européen
00:49:51 qui lui amène une photo beaucoup plus réaliste,
00:49:53 beaucoup plus ouatée, enfin, très différente,
00:49:55 très proche du cinéma européen.
00:49:56 Et Le Monde Perdu est éclairé comme ça.
00:49:58 Et donc, Le Monde Perdu ressemble presque à un film de guerre,
00:50:01 à un film sale, boueux...
00:50:03 Il pleut dans le premier Jurassic Park,
00:50:05 mais il pleut de manière très graphique.
00:50:07 Là, c'est pas très graphique, c'est pas très beau.
00:50:09 Quand des dinosaures bouffent des humains,
00:50:11 c'est pas très beau, quoi.
00:50:12 Enfin, je dis pas que c'est ce beau,
00:50:13 mais aussi, on a envie de voir des dinosaures
00:50:14 qui mangent des humains.
00:50:15 Mais là, c'est sale, quoi, c'est crade,
00:50:17 c'est un film qui met mal à l'aise, je pense.
00:50:20 C'est peut-être pour ça que, quand on l'a vu,
00:50:22 j'ai eu la même réaction que toi, quand je l'ai vu,
00:50:24 je me suis dit "c'est quoi, ce film, quoi ?
00:50:26 C'est pas ça que j'avais envie de voir."
00:50:27 Et en même temps, quand je vois tous les dinosaures
00:50:29 qui attaquent le campement, je me dis "waouh,
00:50:30 il y a plein de dinosaures, c'est super."
00:50:32 Mais je dirais que c'est un film où il a voulu faire autre chose,
00:50:34 c'est normal, il pouvait pas faire pareil.
00:50:36 - Moi, je m'attendais, avec mes yeux d'enfant,
00:50:39 je m'attendais à avoir, voilà, une suite.
00:50:42 Une suite à proprement parler,
00:50:44 avec dans le même univers, véritablement, etc.
00:50:48 C'est pour ça que j'ai mis beaucoup de temps à le digérer
00:50:50 et à l'apprécier.
00:50:51 Et maintenant, c'est un film que j'aime beaucoup, en vrai.
00:50:53 Il est différent, mais il a énormément de qualités.
00:50:55 Il y a un truc qu'on a complètement passé sous silence,
00:50:58 j'ai envie de dire, mais c'est le score de John Williams,
00:51:01 qui est incroyable.
00:51:02 - C'est criminel, parlons-en.
00:51:04 - Il faut le dire, un des...
00:51:06 - Ça aura pas été le même succès.
00:51:07 - Iconique, mais pareil, à Universal,
00:51:08 quand on arrive dans le côté Jurassic Park à Universal,
00:51:10 on a la musique...
00:51:12 - Tu passes le portail avec cette musique.
00:51:13 Moi, ça m'a mis la main à l'oeil.
00:51:15 J'ai dit "la voir, je l'essuie."
00:51:16 - Des frissons.
00:51:17 Et je suis un peu triste, d'ailleurs,
00:51:18 qu'ils aient changé en Jurassic World,
00:51:20 parce que c'est plus le même logo,
00:51:22 en tout cas plus la même couleur.
00:51:24 Il y avait vraiment...
00:51:26 Moi, j'ai connu l'époque aussi Jurassic Park,
00:51:28 et j'ai fait aussi Jurassic World,
00:51:29 il y avait des frissons.
00:51:31 Quand on entend la musique, on passe les portes.
00:51:33 Et j'étais, pour la première fois,
00:51:35 quand j'y avais été, c'était avec mon père,
00:51:36 et mon père est grand fan du film,
00:51:37 et quand je l'ai emmené là-bas, il était comme un enfant.
00:51:40 Et j'avais l'impression de revoir justement les images du film.
00:51:42 - On est dans le film, comme on peut dire,
00:51:43 les personnages du film, c'est génial, quoi,
00:51:44 avec cette musique, c'est sûr.
00:51:46 - Elle est très différente dans Le Monde Perdu, d'ailleurs.
00:51:48 - Exactement.
00:51:49 - Le début, c'est presque un hommage à la musique du King Kong
00:51:51 des années 30, et de Atari aussi,
00:51:53 qui était un fameux film de safari.
00:51:56 Donc c'est une musique très tribale,
00:51:57 avec beaucoup de percus.
00:51:58 On n'a pas le thème de Jurassic Park tout de suite.
00:52:00 - Non, non, c'est très King Kong.
00:52:01 - On l'aura au bout d'un moment.
00:52:02 - En fait, la B.O., elle est aussi,
00:52:04 en rapport avec le film,
00:52:05 le côté où la nature a repris ses droits,
00:52:07 et en fait, tu as ce côté un peu plus tribal dans la B.O.,
00:52:09 parce que la B.O. du premier, c'était le côté très symphonique,
00:52:12 avec un grand orchestre qui allait avec lui,
00:52:14 le côté merveilleux,
00:52:15 où tu voyais ces grandes plaines avec les dinos et tout.
00:52:18 Et là, c'est un film qui est plus, comme tu le disais,
00:52:20 plus sombre par la photo, par ses thèmes,
00:52:22 par les mises à mort aussi,
00:52:23 et la B.O. suit le truc,
00:52:24 parce que c'est vrai qu'il y a des mises à mort
00:52:26 qui sont un peu gratuites.
00:52:28 Le pauvre Eddie, qui est le seul...
00:52:30 Parce que dans le premier, les personnages qui mouraient,
00:52:31 alors pas tous, mais la plupart, le méritaient un peu,
00:52:33 ou en tout cas, ils étaient montrés...
00:52:34 - L'avocat.
00:52:35 - L'avocat verreux.
00:52:36 Voilà, ils étaient...
00:52:37 - Nedry, bon...
00:52:38 - Ils avaient pêché, donc ils mouraient.
00:52:40 - Ça a été presque marrant.
00:52:41 - Mais là, le pauvre Eddie,
00:52:43 avec cette scène incroyable de la caravane,
00:52:45 qui fait tout ce qu'il peut pour sauver ses potes,
00:52:48 et qui se fait manger par deux T-Rex,
00:52:51 il y en a un qui l'attrape, l'autre qui l'arrache,
00:52:53 il se fait découper et tout.
00:52:54 - C'est très cruel.
00:52:55 - Et puis la scène est longue,
00:52:56 parce qu'en fait, il a un fusil pendant tout le film,
00:52:58 et au moment où il en a besoin,
00:52:59 il essaie de l'attraper dans sa voiture,
00:53:01 il n'y arrive pas,
00:53:02 enfin vraiment, jusqu'au dernier moment,
00:53:03 t'espères qu'il va s'en sortir,
00:53:04 et il ne s'en sort pas du tout,
00:53:05 et en fait, le film, vraiment, il te dit ça,
00:53:07 il te dit "bon, là maintenant, c'est fini,
00:53:08 tout le monde peut mourir,
00:53:09 la nature reprend ses droits,
00:53:10 et vous avez voulu créer des dinos
00:53:12 et ramener une espèce à la vie,
00:53:14 et là maintenant, vous avez les conséquences".
00:53:16 - Et en parlant de...
00:53:17 Je repense à un truc,
00:53:18 on a parlé du casting,
00:53:19 mais le premier, on a omis quand même Samuel L. Jackson.
00:53:23 - Oui, exact.
00:53:24 - Alors qu'il ne joue pas longtemps,
00:53:25 mais suffisamment pour se faire becter,
00:53:27 désolé pour ceux qui n'ont pas vu le film.
00:53:29 - Et comment il s'est retrouvé là ?
00:53:30 - Et c'était pas encore une super star,
00:53:32 Samuel L. Jackson, à l'époque,
00:53:33 il était connu,
00:53:34 mais il n'avait pas fait Pulp Fiction.
00:53:35 - C'était avant Pulp Fiction.
00:53:36 - On le revoit maintenant,
00:53:38 et puis, on se rend compte aussi que chez Spielberg,
00:53:40 de temps en temps, il y a des acteurs super connus
00:53:41 qui jouent des petits rôles
00:53:42 parce qu'ils sont dans un film de Spielberg.
00:53:43 Et même aujourd'hui encore, des fois,
00:53:45 on a dans le casting, une tête ultra connue,
00:53:48 mais qui est contente de venir faire une apparition.
00:53:51 - Comme dans "Hook", d'ailleurs.
00:53:52 - Oui, dans "Hook", ils sont beaucoup,
00:53:53 beaucoup, beaucoup.
00:53:54 Il y a même Glenn Close qui joue un pirate.
00:53:55 Il paraît qu'il y a Michael Jackson aussi
00:53:57 qui est planqué quelque part,
00:53:58 mais j'ai jamais réussi à le repérer.
00:53:59 Il paraît, oui.
00:54:00 Ça, on n'en sait rien.
00:54:01 Mais...
00:54:02 Donc oui, effectivement, Samuel Jackson,
00:54:04 ce n'était pas encore la star qu'il est devenue juste après.
00:54:06 C'est Pulp Fiction, il me semble,
00:54:07 qui l'a transformée en super star.
00:54:08 - Oui, complètement.
00:54:09 - Et c'était un an après.
00:54:10 Donc, il fait une petite apparition,
00:54:12 et il finit mal, comme beaucoup.
00:54:14 Pour revenir au "Monde perdu",
00:54:16 ça a été quoi, sa réception du "Monde perdu" ?
00:54:18 - C'est une suite, hein.
00:54:19 C'est moins bien.
00:54:21 Et puis, de toute façon, il ne l'a pas visé pareil.
00:54:24 Il n'y a aucune scène émouvante,
00:54:25 comme avec l'autrice Aratops, dans "Monde perdu".
00:54:27 C'est pour ça, en fait, tout à l'heure,
00:54:28 tu parlais du ressenti.
00:54:29 Il n'a pas travaillé émotionnellement.
00:54:32 Donc, pour moi, c'est une suite business,
00:54:34 une suite marketing.
00:54:36 - Pour toi, c'est 100 % business.
00:54:38 Tu as de l'affect pour cette suite,
00:54:39 ou beaucoup moins ?
00:54:40 - Oui, elle est bien.
00:54:41 Moi, j'aime bien le parallèle avec Arthur Conan Doyle.
00:54:43 C'est vraiment un super bouquin,
00:54:45 le "Monde perdu", du coup.
00:54:46 Mais, oui, voilà, on voit qu'il exploite une licence.
00:54:50 Ça se sent, de toute façon, ça se sent.
00:54:52 C'est un très bon film, il est bien réalisé.
00:54:54 Il y a des spéciaux.
00:54:55 - Ils le disent un peu dans le film,
00:54:57 quand tu as l'équipe des écolos, on va dire,
00:55:00 et l'équipe de ceux qui veulent récupérer les dinos.
00:55:02 Ils disent, nous, on est là pour observer,
00:55:03 vous êtes là pour exploiter le filon.
00:55:04 Et tu as encore un truc un peu méta,
00:55:06 où on exploite le filon,
00:55:07 et ça ouvre la porte au troisième
00:55:08 et au jurassique, pour d'après.
00:55:10 Mais après, Spielberg, cette scène...
00:55:12 - Mais ça reste Spielberg.
00:55:13 C'est ça qui...
00:55:14 - En fait, il y a des scènes,
00:55:15 quand tu le revois...
00:55:16 Moi, c'est un film, j'ai jamais envie de le revoir.
00:55:17 Et quand je le revois, je me dis,
00:55:18 quand même, il y a des trucs qui le savent.
00:55:20 Il y a cette scène de la caravane,
00:55:21 elle dure 15, 20 minutes.
00:55:22 Elle est super longue.
00:55:23 Et là, pour le coup, moi, ça me gêne un peu,
00:55:25 parce qu'il y a de l'humour sur leur commande de cheeseburger,
00:55:29 qui, moi, me sort à chaque fois du film,
00:55:30 parce qu'ils sont à ça de tomber,
00:55:32 le truc se fendille et tout.
00:55:34 C'est tout ce qu'il vous faut.
00:55:35 "Oui, un cheeseburger."
00:55:36 Et ils enchaînent tous avec leur commande.
00:55:37 Et tu dis, oui, non, non.
00:55:38 C'est pas très crédible.
00:55:39 Du coup, tu as un peu moins d'empathie avec les persos.
00:55:40 Mais cette scène, elle est quand même incroyable.
00:55:42 L'attaque des dinos, et puis tu as double dose de dinos.
00:55:44 Tu avais un T-rex, là, tu en as deux avec le bébé.
00:55:47 Et après, tu as tout.
00:55:49 On n'en a pas parlé, mais quand tu crois que le film est fini,
00:55:51 non, en fait, ils ont capturé un T-rex
00:55:53 et ils arrivent à San Diego.
00:55:54 - C'est ça qui est fini.
00:55:55 - C'est pour ça que...
00:55:56 - C'est King Kong.
00:55:57 - Et le monde perdu.
00:55:58 - C'est pour ça qu'ils voulaient faire ce film-là.
00:56:00 Parce qu'au départ, ils avaient décidé avec Kathleen Kennedy
00:56:03 de ne pas mettre ça dans le film.
00:56:05 Et je crois que c'est deux semaines avant le tournage,
00:56:06 ils ont dit, si, en fait, on va le faire.
00:56:08 Et du coup, quand tu crois que le film est fini,
00:56:09 il reste encore une demi-heure.
00:56:10 Et moi, je me souviens, pour le coup,
00:56:11 celui-là, je l'avais vu au cinéma.
00:56:12 Et là, j'ai l'impression qu'un deuxième film commençait.
00:56:14 Et moi, avec mes yeux d'enfant, je ne sais pas,
00:56:16 je dois avoir 10, 11 ans à l'époque,
00:56:17 j'étais là, genre, mais qu'est-ce qui se passe, quoi ?
00:56:19 - Mais c'est ce que tout le monde attendait.
00:56:21 C'était des dinosaures dans la ville.
00:56:22 - C'est ça qu'on voulait voir.
00:56:23 - Et moi, c'est ce que...
00:56:24 Et c'est pour ça que pendant...
00:56:25 Tu le dis, c'est un deuxième film.
00:56:27 - Et la transition, elle est bizarre,
00:56:28 parce que, du coup, t'es un peu frustré,
00:56:29 parce que t'as vu un premier film sur l'île.
00:56:31 Et là, tu vois le début d'un autre film.
00:56:33 Et en fait, t'aurais voulu en voir plus de celui-là.
00:56:35 - Il se passe passé de choses, oui.
00:56:36 Et en fait, je me demande si cette fin-là,
00:56:38 enfin, cette fin-là, c'est quasiment un dernier chapitre,
00:56:40 n'a pas été aussi un peu motivée
00:56:42 par l'arrivée imminente du Godzilla de Roland Emmerich,
00:56:44 qui est arrivé juste après, quoi.
00:56:45 Ils se sont dit, bon, bah...
00:56:46 - Oui, parce qu'en fait, ils se tirent la bourre.
00:56:48 Le trailer du Godzilla, il y a un plan où il visite un...
00:56:51 Il y a des personnages qui visitent un muséum d'histoire naturelle
00:56:54 avec un squelette de T-Rex,
00:56:56 et Godzilla l'écrase avec sa grosse patte.
00:56:58 Et dans "Le monde perdu",
00:56:59 il y a une blague avec des personnages japonais.
00:57:01 - Oui, qui filment en disant Godzilla...
00:57:03 - Il y a un truc entre les deux films.
00:57:05 - "Le monde perdu", c'est 97, et "Godzilla", 98.
00:57:08 - Oui, c'est ça.
00:57:09 - Il est arrivé juste après.
00:57:10 - Godzilla, c'est fait...
00:57:11 - Ils se faisaient en même temps, quoi.
00:57:12 - Quasiment.
00:57:13 - Et c'est vrai que "Spit It Out",
00:57:14 on le sent un peu plus détaché du film.
00:57:16 C'est un peu plus cruel.
00:57:17 Il y a des morceaux de bravoure visuels incroyables.
00:57:19 Il y a quand même cette idée des raptors
00:57:21 qui sont cachés dans les hautes herbes.
00:57:23 - Elle est incroyable, cette scène.
00:57:24 - Un peu comme le verre d'eau du 1er Jurassic Park.
00:57:26 C'est souvent fort quand on ne voit pas ce qui se passe
00:57:28 et qu'on devine.
00:57:29 Donc, tu vois juste des traînées dans les hautes herbes
00:57:31 et tu sais qu'ils sont là, les dinosaures.
00:57:33 - Encore une fois, c'est l'aileron du requin.
00:57:35 - Exactement.
00:57:36 C'est une idée purement cinématographique, ça.
00:57:38 Alors, lui, c'est le roi de ça,
00:57:39 de suggérer quelque chose en ne te le montrant pas.
00:57:42 - Mais pour rester sur Spielberg,
00:57:44 il réalise cette suite.
00:57:46 Justement, tu disais, Antoine, c'est une suite.
00:57:50 Donc, les suites, c'est mal perçu pour beaucoup de films
00:57:54 et beaucoup de sagas.
00:57:56 Enfin, des films qui sont devenus des sagas.
00:57:59 Comment, justement, la critique perçoit le fait
00:58:02 que Spielberg empile avec un nouveau Jurassic Park ?
00:58:04 Est-ce qu'on pense à ce moment-là
00:58:06 que peut-être Spielberg, il s'est essoufflé ?
00:58:08 Parce qu'il sort de Jurassic Park,
00:58:10 la liste de Schindler.
00:58:11 - Je ne pense pas qu'il s'est essoufflé,
00:58:13 mais à mon souvenir, il faudrait relire les critiques,
00:58:15 parce qu'il vient de faire la liste de Schindler.
00:58:17 Et ne serait-ce que pour ça,
00:58:18 quel réalisateur était capable de faire un truc pareil ?
00:58:20 De se confronter à ça ?
00:58:22 - Mais justement, est-ce qu'on ne se dit pas
00:58:23 qu'il retourne dans la facilité ?
00:58:25 - Oui, d'une certaine manière,
00:58:26 mais je pense que les gens ne sont pas dupes
00:58:28 et se disent "OK, il a fait ça pour faire plaisir à ses fans
00:58:30 et pour faire plaisir aux financiers,
00:58:32 à ceux qui ont investi sur le premier Jurassic Park
00:58:34 et à Universal, mais il nous prépare autre chose."
00:58:36 - Mais même lui, c'est un moyen un peu
00:58:37 de revenir sur un film "plus facile"
00:58:39 avant de se lancer dans un autre projet
00:58:40 qui sera "Amistad" après.
00:58:41 - "Amistad" et puis le soldat Ryan derrière,
00:58:43 donc il est reparti comme en 40,
00:58:44 mais c'est vrai que, c'est le cas de le dire,
00:58:46 mais c'est vrai que ce Jurassic Park-là,
00:58:49 je crois qu'il a ultra bien démarré,
00:58:51 évidemment, je ne sais pas les chiffres en tête,
00:58:53 je crois qu'il a bien marché.
00:58:54 - Il a bien marché, de toute façon,
00:58:55 ils ont tous, même le troisième a bien marché,
00:58:57 beaucoup moins bien que les autres,
00:58:58 mais ils ont tous bien marché,
00:58:59 parce que c'est une franchise, une marque,
00:59:00 comme vous le disiez tout à l'heure,
00:59:01 tellement forte que de toute façon,
00:59:02 moi, n'importe quel film où tu mets des dinos,
00:59:04 je vais quand même aller le voir pour voir, tu vois.
00:59:05 Donc, si en plus, c'est Spielberg qui le fait,
00:59:06 évidemment, j'y vais.
00:59:07 - Bien sûr, donc oui, les critiques étaient...
00:59:10 Mais comme elles n'étaient déjà pas terribles
00:59:11 pour le premier film,
00:59:12 mais entre-temps, le film a acquis son statut
00:59:15 de film culte,
00:59:16 je pense qu'il y a eu une certaine déception,
00:59:18 quand même, sur "Le monde perdu",
00:59:19 parce que les gens n'ont pas vu
00:59:20 ce qu'ils s'attendaient à voir.
00:59:21 Puis il y a quelques scènes qui sont un peu ridicules,
00:59:24 la scène des barres parallèles avec sa fille,
00:59:26 et c'est dommage, parce qu'il y avait un truc
00:59:27 à faire avec cette fille-là.
00:59:28 - Justement, sur l'émotion, sur tout ça...
00:59:30 - La relation, elle ne marche pas, en fait.
00:59:32 - Ça ne marche pas, parce que c'est trop appuyé.
00:59:34 Et pourtant, il y a quand même un thème
00:59:36 qui tient à coeur à Spielberg,
00:59:37 et qu'on retrouve dans plein de ses films,
00:59:39 c'est le père qui ne joue pas son rôle de père
00:59:41 et qui n'assure pas,
00:59:42 et les enfants qui, souvent, le ramènent
00:59:44 à son rôle d'adulte.
00:59:45 Dans le premier "Jurassic Park",
00:59:46 les deux gamins qui sont dans la voiture
00:59:47 et le seul adulte qui est avec eux,
00:59:49 qui se barre et qui les abandonne,
00:59:50 il sera bouffé par un dinosaure, ça lui apprendra.
00:59:52 Ce thème-là, on le retrouve souvent,
00:59:54 l'adulte qui abandonne les enfants.
00:59:55 Et donc, sa fille, au début du film, lui dit
00:59:57 "Ne m'abandonne pas, je suis ta fille."
00:59:59 Donc, on se dit, il y a peut-être un truc.
01:00:00 Sauf que d'où elle sort, cette fille ?
01:00:01 On n'en a jamais entendu parler.
01:00:02 - C'est ça !
01:00:03 - Le rôle qu'elle joue dans le film...
01:00:04 - Comme un cheveu sur la soupe !
01:00:05 - Exactement.
01:00:06 Donc, c'est complètement raté.
01:00:07 - Parce que dans le bouquin, je crois que c'est une étudiante
01:00:08 et que ce n'était pas censé être sa fille.
01:00:09 - Je me sens, je me souviens plus trop du deuxième livre.
01:00:11 - C'est une adulente qui se met dans le cargo avec eux,
01:00:13 ou dans l'hélico, je ne sais plus.
01:00:15 Enfin, elle se planque pour y être, mais ce n'est pas du tout sa fille.
01:00:18 - Mais, à la toute fin du "Monde perdu", ce qui est assez marrant,
01:00:21 c'est qu'il recompose toutes les familles.
01:00:23 C'est-à-dire qu'à la fin, on a Jeff Goldblum avec Sarah Harding,
01:00:27 et avec sa fille, qui sont sur le canapé, tranquillement.
01:00:30 La famille est recomposée.
01:00:31 Et sur l'île, on a toutes les familles de dinosaures
01:00:33 qui vivent paisiblement.
01:00:34 Donc, à plusieurs échelles, il aime bien sortir du chaos, Spielberg.
01:00:38 Il crée le chaos.
01:00:39 - La théorie du chaos.
01:00:40 - Exactement.
01:00:41 Et à la fin, bon, on revient à une espèce d'équilibre.
01:00:44 - Et puis, le chaos vient de la destruction de la famille,
01:00:46 parce que la scène de la caravane, elle arrive
01:00:48 parce qu'ils ont volé le bébé T-Rex,
01:00:50 et c'est les deux parents qui viennent le chercher.
01:00:52 - Clairement.
01:00:53 Alors, il nous reste une poignée de minutes, mais véritablement,
01:00:56 pour évoquer, on a parlé très succinctement du 3, je pense, voilà.
01:01:00 Mais "Jurassic World", cette nouvelle saga,
01:01:05 qu'est-ce que vous en pensez en quelques mots ?
01:01:08 - Moi, j'aime bien. En fait, j'aime bien.
01:01:10 Ce que j'ai bien aimé dans le premier "Jurassic World",
01:01:12 c'est qu'enfin, le parc est ouvert.
01:01:15 Enfin, on va pouvoir le voir.
01:01:16 Et je me suis dit, si un parc d'attraction,
01:01:18 aujourd'hui, existait avec des dinosaures,
01:01:20 c'est comme ça que ça se passerait.
01:01:22 Les ados seraient sur leur téléphone pendant qu'il y a un T-Rex à côté,
01:01:24 parce que c'est bon, ils l'ont déjà vu.
01:01:26 Un peu comme le spectateur face aux images de synthèse,
01:01:28 on est un peu blasé.
01:01:29 Et il y a un discours là-dessus, quand même.
01:01:30 - Mais c'est quand même mal écrit, non ?
01:01:32 Enfin, tout ça, moi, je trouve que...
01:01:34 Alors, si je peux me permettre, avant de vous redonner la parole,
01:01:36 on a très peu de temps.
01:01:37 - Non, non, mais après, je vais laisser la parole aux autres.
01:01:38 - Mais je trouve que la série animée Netflix,
01:01:42 "La Colo du Crétacé", "Jurassic Park",
01:01:44 elle le fait même mieux que ça.
01:01:46 Montrer que c'est pas le même public,
01:01:48 que ça vise pas la même audience.
01:01:49 Mais je trouve qu'il montre bien, justement,
01:01:51 le parc ouvert, avec les gens qui sont dedans,
01:01:54 et comment ça peut dégénérer, etc.
01:01:56 - Oui, mais moi, je suis comme Marie.
01:01:57 Tu me mets des dinosaures dans un film, j'y vais.
01:01:59 - Oh non, mais pareil, je dis ça...
01:02:00 - Faut l'analyser, pour répondre à ta question.
01:02:02 On a un sujet qui est indémodable,
01:02:04 et qui marche à chaque fois, les dinosaures.
01:02:06 On a une licence très bien cartonnée,
01:02:10 et à partir des années 2000,
01:02:12 on commence à rentrer dans l'ère du "revival",
01:02:14 c'est-à-dire qu'on reprend quelque chose
01:02:15 qui a bien fonctionné avant,
01:02:16 pour le dépoussiérer et le revendre.
01:02:18 Voilà.
01:02:19 Et on est là-dedans, ça remplit les trois tableaux.
01:02:22 - Marie ?
01:02:23 - En fait, oui, t'as le côté méta qui est poursuivi,
01:02:25 avec le "les gens sont blasés, donc plus de dinos",
01:02:27 c'est l'opposé du premier "Jurassic Park",
01:02:29 où là, t'as, je crois que c'est le Mésosaure,
01:02:31 qui est un énorme dinosaure,
01:02:32 qui apparaissait dès la bande-annonce,
01:02:34 on le voyait, et il apparaît dès les premières minutes du film.
01:02:37 Après, il y a des rouages qui sont repris,
01:02:39 comme dans les "Jurassic Park" précédents,
01:02:41 et moi, vraiment, c'est le tout dernier,
01:02:42 que j'ai vraiment pas aimé,
01:02:43 où t'as l'impression qu'ils rejouent vraiment "Jurassic Park",
01:02:46 en ramenant tout le casting,
01:02:48 en rejouant les mêmes scènes, à peu près sans raison,
01:02:50 et là, je me dis, mais en fait,
01:02:51 si j'ai envie de revoir "Jurassic Park",
01:02:53 je revois "Jurassic Park",
01:02:54 proposez-moi quelque chose de nouveau,
01:02:55 parce que c'est vrai que, comme tu dis,
01:02:57 si le parc ouvrait, ce serait comme ça,
01:02:58 et il y avait quelque chose d'intéressant à faire,
01:03:00 et il fallait pas refaire une redite,
01:03:02 et rajouter cette intrigue très bizarre avec les sauterelles,
01:03:05 moi, je n'étais pas venue pour voir des sauterelles,
01:03:07 j'étais venue pour voir des dinos,
01:03:08 et il n'y en a pas tant que ça.
01:03:09 - C'est pour ça que le 3 contraste avec le 1er et le 2,
01:03:11 je ne sais plus lequel, le 1 ou le 2,
01:03:13 il y en a un où j'ai, pour le coup, aimé,
01:03:15 je me suis dit, ça va,
01:03:17 et il y en a l'autre moins,
01:03:18 mais le 3, pour moi, il tranche vraiment,
01:03:20 et tu te dis qu'en fait, ils avaient un potentiel,
01:03:23 ils avaient réussi à trouver quelque chose,
01:03:25 mais il manque un scénario, quoi.
01:03:28 - Je crois que c'est le pire,
01:03:29 c'est un des projets qui se font aujourd'hui
01:03:31 pour ressusciter des franchises,
01:03:32 où vraiment, tu fais des appels du pied,
01:03:35 des petits coups de coude au spectateur en disant,
01:03:37 "Eh, regarde, c'est le même personnage, regarde,
01:03:38 "il est habillé exactement pareil en 30 ans,
01:03:40 "il a le même chapeau, la même chemise,
01:03:42 "il n'a pas du tout évolué",
01:03:43 et en fait, c'est un peu triste,
01:03:44 parce que moi, j'aurais aimé que ces personnages évoluent,
01:03:46 j'ai pas envie de les voir dans la même dynamique,
01:03:48 enfin, comme je disais, si je veux revoir tout ça,
01:03:50 je revois le 1er film,
01:03:51 donc c'est un peu dommage de faire des films comme ça,
01:03:54 qui n'apportent rien à la franchise,
01:03:57 mais bon, c'est des dinosaures...
01:03:58 - Et qui remplissent les tiroirs, qu'est-ce...
01:03:59 - Voilà, mais maintenant, on peut se dire,
01:04:01 la franchise n'est pas terminée,
01:04:03 et je suis sûr qu'on aura beaucoup de choses
01:04:05 à voir par la suite.
01:04:06 - Si vous me permettez, le truc qui est intéressant
01:04:08 avec ce film-là, c'est qu'ils assument beaucoup plus
01:04:10 le côté monstre génétique.
01:04:12 Ce qu'on n'a pas dit, c'est que Michael Christian,
01:04:15 à la base, il n'a pas écrit un livre sur les dinosaures,
01:04:17 il a fait du techno-thriller, c'est sa spécialité,
01:04:19 et il a écrit un livre sur la manipulation génétique.
01:04:22 Et d'ailleurs, le personnage de John Amond,
01:04:24 comme animal de compagnie,
01:04:25 il a un éléphant minuscule,
01:04:26 un éléphant qui a été rétréci génétiquement.
01:04:28 Voilà. Et ça, du coup...
01:04:29 - Ceci explique cela, en fait, ça contextualise un petit peu...
01:04:33 - Ils n'ont pas fait des dinosaures,
01:04:34 ils ne peuvent pas le faire.
01:04:35 De toute façon, moi, dans mon livre,
01:04:36 je ne dis pas comment on fait les dinosaures,
01:04:37 parce qu'on ne peut pas l'en faire.
01:04:38 - Ah bon ?
01:04:39 Là, tu viens d'un peu casser l'ambiance.
01:04:41 - C'est comme ça.
01:04:43 Mais voilà, du coup, on assume beaucoup plus
01:04:45 le côté monstruosité génétique,
01:04:47 et ça, c'est le thème.
01:04:48 C'est le thème du premier roman.
01:04:49 - OK.
01:04:50 Bon, bah, écoute, avec ces explications,
01:04:52 je comprends mieux déjà toutes les thématiques
01:04:54 des Jurassic World.
01:04:56 - Et Mosasaur, c'est pas un dinosaure.
01:04:57 Désolé.
01:04:58 - Pardon, pardon.
01:04:59 - C'est la dernière fois.
01:05:00 - Merci énormément, en tout cas, à vous trois.
01:05:04 Moi, j'ai passé un super moment,
01:05:05 j'ai appris beaucoup de choses.
01:05:06 J'espère que vous aussi,
01:05:08 et on se retrouve très bientôt
01:05:09 pour un nouvel épisode dans La Légende.
01:05:11 (Générique)

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