• l’année dernière
M. Patard n'est pas très bavard et a horreur d'être en retard. Mme Patard aime parler de leur métier de décorateurs-tapissiers. Elle peut passer des heures à montrer leurs tissus anciens, ses vieilles photos ou les poupées de collection qui trônent en vitrine.
Installés là, dans le 18e arrondissement de Paris, depuis 1948, ils ont vu le quartier se transformer. Notre quartier, puisque nous sommes voisins.

Nous avons profité du confinement pour nous plonger dans la longue histoire des Patard, que nous avons filmés il y a quelques mois, dans un format un peu plus long que d’habitude.
La pétition lancée par les habitants du quartier leur a permis de rester dans leur atelier.

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Avec le soutien de CNAV, MGEN, CNC / Talents
Transcription
00:00 -Ah, bonjour, docteur.
00:02 Et voilà, le théâtre est ouvert.
00:19 -Nous sommes les plus anciens du quartier.
00:27 Depuis 1948, où ça a été créé, la maison Patard,
00:31 nous avons 5 générations de tapissiers chez nous.
00:34 A l'époque, vous n'aviez pas besoin d'aller ailleurs.
00:40 De la rue du Haim à la rue d'Henremont,
00:43 il y avait absolument tout.
00:44 On était 3 tapissiers, il y avait 3 bouchées,
00:47 les épiciers, tout ça, coiffeurs, modistes, merceries, tout, tout, tout.
00:52 Il y avait même un lavoir. Voilà. Et tout ça, ça part.
00:57 Rien plus.
00:58 (Sonnerie)
00:59 -Alors ? -Ma femme a vu le tissu
01:04 et elle est bien d'accord. -D'accord.
01:07 -Donc d'accord pour que vous fassiez les 2...
01:10 Ah, les 2... Les 2 coussins.
01:13 -De... De fauteuils.
01:15 -Il y a 2 coussins ? -Oui.
01:18 Je vais relever le calibre.
01:22 C'est une histoire de coussins à changer le tissu.
01:26 Il est là.
01:29 Voilà.
01:33 Regardez. Ça, c'est un tap-tap de soie.
01:49 Il n'y a pas beaucoup de tapissiers qui ont des tissus comme on a.
01:53 C'est de la soie.
01:56 Voilà.
01:59 Elle veut que je relève le calibre, elle m'a défait le coussin.
02:03 (Il souffle)
02:04 Bon, je vais aller voir chez elle.
02:07 Madame Patin.
02:11 Il ne faut pas ouvrir les coussins.
02:15 Comment tu veux que je te fasse un calibre, maintenant ?
02:19 -Il faut recoudre en vitesse. -D'accord.
02:21 -Il vient de téléphoner, pépère. -Ah, il t'a téléphoné ?
02:25 -Oui. J'ai horreur d'être en retard. -Hm.
02:28 Pourtant, on s'appelle Patin.
02:30 Bon, allez.
02:32 -Au revoir.
02:35 -Voilà, il y va.
02:37 Ça n'a pas si violé.
02:39 Alors, il faut que je trouve un marron.
02:42 Ça ne perd rien, le Férex.
02:49 (Il s'éloigne.)
02:50 A l'époque, la tapisserie, ça marchait.
02:54 C'est fini, ces trucs-là.
02:56 Maintenant, on ne sait pas, ils iront où, les gens,
03:00 pour se faire faire des tas de trucs ?
03:02 Ils prendront l'IKEA. Vas-y, donc.
03:05 Ils ont doublé les beaux commerciaux en 2014
03:09 et ils ont décidé
03:10 qu'on devrait partir le 30 juin. Voilà.
03:14 J'en sais pas plus.
03:17 30 juin.
03:18 De toute façon, mon époux, il va avoir 90 ans le 13 juillet.
03:31 Alors...
03:34 Mais ça, si on... Enfin, on sera obligés de s'arrêter.
03:38 Mais moi, je ne me vois pas rester à l'appartement.
03:41 Non.
03:43 Non, non.
03:46 Il faudra quelque chose.
03:47 Vous avez vu la belle petite poupée dans l'angle ?
03:54 Au départ, je mettais mon travail, mes rideaux que je faisais.
04:01 Au fur et à mesure que j'ai eu ma poupée, je l'ai mis en vitrine.
04:05 J'en ai mis des choses que j'ai enlevées au fur et à mesure.
04:08 Ça ne fait pas comme tout le monde. C'est tout.
04:12 Elles sont toutes belles de tête, moi, je trouve.
04:15 Tu ne bouges pas.
04:17 Ça me fait mal au cœur parce que je serais peut-être obligée de m'en défaire.
04:27 Voilà.
04:28 -T'as pas fini le coutin ?
04:32 -Alors, je vous écoute.
04:38 Je vais te donner un bonbon. -Pour la concierge.
04:41 -Je ferai ça après. -Prenez.
04:43 Ça va le coller, c'est le caramel.
04:46 -Merci.
04:48 Hop !
04:49 -Et vous, vous en voulez pas ? Donne-moi ton papier.
04:53 Je vais le mettre dans la poubelle.
04:55 -Je me suis marié à 6 jeunes. -25 ans.
04:58 -Avec une toute jeune femme, jeune fille.
05:03 Et moi, c'est ça.
05:06 Ça.
05:10 -Bijoufoubou. -Il n'y a pas autre chose.
05:13 -Tu m'as connu au Café de l'Etoile de Montmartre.
05:17 -Bah, j'ai traversé.
05:19 Et je lui ai dit,
05:21 "Jusqu'à maintenant que je vous ai retrouvés, je ne vous quitterai plus."
05:26 -Il avait un tablier, il avait son maillot en main.
05:29 Parce qu'à l'époque, il portait un tablier, il était tapissé.
05:34 En toile brouverte.
05:37 Avec une poche pour les outils.
05:40 Au revoir, M. Pat.
05:42 Prends donc encore un bonbon avant de partir.
05:45 Plusieurs, voilà.
05:46 Ça va te coller les dents.
05:48 Quand il y a des clients, c'est M. Patard.
05:58 Mais moi, je les voyais longtemps.
06:00 Ah oui ?
06:01 Et puis, quand on se fréquentait...
06:04 On allait au cinéma, je payais ma place.
06:07 Je ne voulais pas qu'on paye pour moi.
06:10 Quand j'allais au bal,
06:11 c'est moi qui apprenais un peu à danser à M. Patard,
06:15 mais j'avais chaque danseur pour mes danses.
06:18 J'allais à la mairie du 18e, à la salle des fêtes.
06:22 Il y avait un superbe parquet, c'était merveilleux.
06:25 Alors, on dansait en rond-pente, puis on faisait des pas.
06:29 C'est plus comme ça, sur place, qu'à l'horreur.
06:33 La polka, c'était ça.
06:34 Talons, pointes, pas chassés.
06:37 Les pas saudeubles, il y a plein de trucs comme ça.
06:40 C'est vous qui vous donnez.
06:42 Vous devez faire comme ça.
06:45 ...
06:59 -C'est beau. Merci. C'était super.
07:02 C'était merveilleux.
07:03 ...
07:06 -C'est pour moi, copain ? -Non, c'est pour toi.
07:09 On a fait danser.
07:11 Au revoir, merci.
07:13 Ça, c'est pour Mimi.
07:15 On ressemble tous, Mimi.
07:17 Regarde ce que t'as.
07:19 T'as un cadeau, Mimi.
07:21 Regarde, viens voir.
07:23 C'est pour toi, ça. Allez, viens.
07:27 Assis. Et tu demandes.
07:29 Comment tu fais ?
07:31 Non, on se gratte pas.
07:33 Comment tu fais ? Demande.
07:35 Assis.
07:37 Voilà. Et voilà.
07:39 ...
07:43 Quand il veut pas avancer dans la rue,
07:46 je tire.
07:48 C'est 24 kg que je tire au bout du bras.
07:51 Hein, M. Faurès veut pas avancer dans la rue.
07:55 Hein ?
07:57 ...
08:25 -On a tout tiré. Il y a 712 signatures.
08:28 Ca vous ennuie pas de signer la pétition qu'on a faite
08:32 pour qu'on prolonge ?
08:34 ...
08:36 "M. le maire, nous, artisans, commerçants et habitants du 18e,
08:40 "sollicitons votre appui pour éviter l'exclusion
08:44 "de M. et Mme Patard,
08:46 "et ne vivent que par l'amour de leur travail."
08:49 Il y en a pas.
08:51 "Nous vous serions reconnaissants de l'aide et du soutien
08:55 "que vous pouvez, nous pourrez apporter à M. et Mme Patard."
08:59 Voilà.
09:00 C'est formidable.
09:02 On connaît pas tous les êtres humains. C'est pas vrai.
09:05 Ils sont dans les points.
09:07 Tiens, c'est ça, les oiseaux.
09:09 J'ai essayé de faire des raccords.
09:12 C'est ce qui est resté du tissu.
09:14 J'aime le travail, j'aime les gens.
09:17 Je me vois pas rester dans un coin, sur une chaise,
09:20 et puis... Non, non.
09:22 Moi, je suis... Je suis comme ça.
09:25 ...