Le Collectif Xenakis (Adélaide Ferrière, Emmanuel Curt, Jean-Baptiste Bonnard, Emmanuel Jacquet, Othman Louati et Rodolphe Thér) interprète Persephassa, de Iannis Xenakis.
Ni Proserpine, ni Perséphone : Xenakis a préféré utiliser le « nom archaïque de Perséphone ou Korè, déesse de la renaissance de la nature au printemps, femme de Pluton ». Le compositeur, grand lecteur des tragédies d’Eschyle et de Sophocle, où le nom de Persephassa est attesté, a rejeté comme toujours l’héritage gréco-latin afin d’évoquer la fille de Déméter, dont l’enlèvement par Hadès a provoqué le désespoir de sa mère, déesse de la fertilité, du blé, de la culture.
Les noces d’Hadès et de Persephassa, l’errance de Déméter, la remontée de Persephassa à la surface terrestre et son retour périodique dans le royaume des morts symbolisent, au plan du mythe, le cycle annuel des saisons et l’intrication de la vie et de la mort. Un tel mythe résonnait avec la passion de Xenakis pour la Grèce archaïque et avec son extrême sensibilité à la nature et à la mort. Ne confiait-il pas à András Varga Bálint en 1989 : « J’ai redécouvert pour moi-même Héraclite qui dit qu’il n’y a pas de différence entre la vie et la mort. Il voulait sans doute dire que les deux sont équivalentes » ? Persephassa éveille aussi le souvenir des Mystères d’Eleusis et des rites « télestiques » que Socrate mentionne dans Phèdre de Platon, des rites culminant dans la mania, la transe qui s’empare des initiés au milieu des cris et des sons stridents des instruments à vent.
Conçue pour le plein air (la création a eu lieu dans les vestiges du palais de Persépolis, en Iran), l’œuvre, comme Terretektorh (1966), s’inscrit dans les recherches sur la spatialisation du son que menait Xenakis à la fin des années 1960. Six percussionnistes sont répartis en cercle autour du public, chaque groupe de percussions étant distant de 50 mètres ; l’ensemble forme un grand hexagone d’un périmètre de 300 mètres. A partir de ce dispositif, Xenakis se livre à une exploration du rythme à partir de la pulsation, en créant 56 des structures métriques complexes et irrégulières, en procédant à la désynchronisation des instruments, en jouant sur les changements d’agogique et de dynamique. Persephassa peut être divisée en trois grandes sections. Dans la première, où seules les peaux sont employées, Xenakis se sert de la théorie des cribles (qui lui permettait de construire de grandes échelles non octaviantes) pour créer des rapports de durée multiples. Un crible passe d’un musicien à l’autre, chacun l’exécutant à des tempos différents, et les textures se modifient par la désorganisation progressive de l’ordonnance rythmique initiale.
Dans la deuxième section, Xenakis utilise les simantras (en bois et en métal) : ces instruments, déjà présents dans Oresteïa, lui ont été inspirés par les simandres des monastères grecs, de grandes plaques de bois qui émettent un son mat. Un rite austère et hiératique est suggéré par de longues plages de silence, att
Ni Proserpine, ni Perséphone : Xenakis a préféré utiliser le « nom archaïque de Perséphone ou Korè, déesse de la renaissance de la nature au printemps, femme de Pluton ». Le compositeur, grand lecteur des tragédies d’Eschyle et de Sophocle, où le nom de Persephassa est attesté, a rejeté comme toujours l’héritage gréco-latin afin d’évoquer la fille de Déméter, dont l’enlèvement par Hadès a provoqué le désespoir de sa mère, déesse de la fertilité, du blé, de la culture.
Les noces d’Hadès et de Persephassa, l’errance de Déméter, la remontée de Persephassa à la surface terrestre et son retour périodique dans le royaume des morts symbolisent, au plan du mythe, le cycle annuel des saisons et l’intrication de la vie et de la mort. Un tel mythe résonnait avec la passion de Xenakis pour la Grèce archaïque et avec son extrême sensibilité à la nature et à la mort. Ne confiait-il pas à András Varga Bálint en 1989 : « J’ai redécouvert pour moi-même Héraclite qui dit qu’il n’y a pas de différence entre la vie et la mort. Il voulait sans doute dire que les deux sont équivalentes » ? Persephassa éveille aussi le souvenir des Mystères d’Eleusis et des rites « télestiques » que Socrate mentionne dans Phèdre de Platon, des rites culminant dans la mania, la transe qui s’empare des initiés au milieu des cris et des sons stridents des instruments à vent.
Conçue pour le plein air (la création a eu lieu dans les vestiges du palais de Persépolis, en Iran), l’œuvre, comme Terretektorh (1966), s’inscrit dans les recherches sur la spatialisation du son que menait Xenakis à la fin des années 1960. Six percussionnistes sont répartis en cercle autour du public, chaque groupe de percussions étant distant de 50 mètres ; l’ensemble forme un grand hexagone d’un périmètre de 300 mètres. A partir de ce dispositif, Xenakis se livre à une exploration du rythme à partir de la pulsation, en créant 56 des structures métriques complexes et irrégulières, en procédant à la désynchronisation des instruments, en jouant sur les changements d’agogique et de dynamique. Persephassa peut être divisée en trois grandes sections. Dans la première, où seules les peaux sont employées, Xenakis se sert de la théorie des cribles (qui lui permettait de construire de grandes échelles non octaviantes) pour créer des rapports de durée multiples. Un crible passe d’un musicien à l’autre, chacun l’exécutant à des tempos différents, et les textures se modifient par la désorganisation progressive de l’ordonnance rythmique initiale.
Dans la deuxième section, Xenakis utilise les simantras (en bois et en métal) : ces instruments, déjà présents dans Oresteïa, lui ont été inspirés par les simandres des monastères grecs, de grandes plaques de bois qui émettent un son mat. Un rite austère et hiératique est suggéré par de longues plages de silence, att
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