L'Orchestre philharmonique de Radio France, dirigé par Mikko Frank, joue la « Grande fête chez Capulet », extrait de l'acte II de Roméo et Juliette op.17 par Berlioz. Concert enregistré en direct le vendredi 14 septembre, de l'Auditorium de la Maison de la Radio, à Paris.
Les quatre symphonies laissées par Berlioz s’attachent à se distinguer et à inventer : la Symphonie fantastique, fondée sur un programme (seul et unique dans l’œuvre de Berlioz) ; Harold en Italie, avec alto principal (autre nouveauté pour le temps) ; la Symphonie funèbre et triomphale, pour formation monstre et cuivrée. Roméo et Juliette est tout autant un saut dans un monde musical sans préexistence : celui de la symphonie dramatique, où est mise en pièce la construction traditionnelle (si l’on songe, par exemple, au découpage en sept parties).
Mais si la musique à programme a connu une belle postérité, on ne saurait dans ce cas trouver de réelle descendance. Dans sa profonde unité (extension de « la loi du crescendo » telle que Berlioz l’analyse dans la Neuvième Symphonie, et dont Ian Kemp et David Cairns font la démonstration), Roméo et Juliette est unique, alliage resté à jamais inédit du drame et de l’abstraction : le récit mêlé à la symphonie. La Neuvième de Beethoven n’est plus qu’une lointaine référence, et les symphonies avec voix qui suivront, de Mahler ou Chostakovitch, n’oseront pas la même aventure.
Roméo et Juliette n’épouse cependant pas fidèlement la trame de la pièce dont il s’inspire : les correspondances entre le drame de Shakespeare et le traitement de la symphonie ressortissent alors davantage à un domaine de l’esprit. L’orchestre seul est réservé à l’intimité qui enserre Roméo et Juliette (parties 2, 3, 4 et 6), et la voix descriptive aux scènes publiques (parties 1, 5 et 7). L’extrait intitulé « Roméo seul. Tristesse. Bruits lointains de concert et de bal. Grande fête chez Capulet » succède au Prologue. Ici l’Allegro suit une longue mélodie chromatique, des phrase extatiques, et enfin les échos prémonitoires de la fête.
La hauteur d’inspiration de ces premières pages ferait presque déplorer la poursuite du mouvement dans cet Allegro qui, comparativement – mais seulement –, paraît d’un éclat extérieur, en forme de rondeau, avec un refrain entrecoupé de sections contrastées. Son exubérance et sa sauvagerie font que la fête tourne presque à l’orgie, rappelant celle des brigands dans Harold en Italie.
Texte par Pierre-René Serna
Les quatre symphonies laissées par Berlioz s’attachent à se distinguer et à inventer : la Symphonie fantastique, fondée sur un programme (seul et unique dans l’œuvre de Berlioz) ; Harold en Italie, avec alto principal (autre nouveauté pour le temps) ; la Symphonie funèbre et triomphale, pour formation monstre et cuivrée. Roméo et Juliette est tout autant un saut dans un monde musical sans préexistence : celui de la symphonie dramatique, où est mise en pièce la construction traditionnelle (si l’on songe, par exemple, au découpage en sept parties).
Mais si la musique à programme a connu une belle postérité, on ne saurait dans ce cas trouver de réelle descendance. Dans sa profonde unité (extension de « la loi du crescendo » telle que Berlioz l’analyse dans la Neuvième Symphonie, et dont Ian Kemp et David Cairns font la démonstration), Roméo et Juliette est unique, alliage resté à jamais inédit du drame et de l’abstraction : le récit mêlé à la symphonie. La Neuvième de Beethoven n’est plus qu’une lointaine référence, et les symphonies avec voix qui suivront, de Mahler ou Chostakovitch, n’oseront pas la même aventure.
Roméo et Juliette n’épouse cependant pas fidèlement la trame de la pièce dont il s’inspire : les correspondances entre le drame de Shakespeare et le traitement de la symphonie ressortissent alors davantage à un domaine de l’esprit. L’orchestre seul est réservé à l’intimité qui enserre Roméo et Juliette (parties 2, 3, 4 et 6), et la voix descriptive aux scènes publiques (parties 1, 5 et 7). L’extrait intitulé « Roméo seul. Tristesse. Bruits lointains de concert et de bal. Grande fête chez Capulet » succède au Prologue. Ici l’Allegro suit une longue mélodie chromatique, des phrase extatiques, et enfin les échos prémonitoires de la fête.
La hauteur d’inspiration de ces premières pages ferait presque déplorer la poursuite du mouvement dans cet Allegro qui, comparativement – mais seulement –, paraît d’un éclat extérieur, en forme de rondeau, avec un refrain entrecoupé de sections contrastées. Son exubérance et sa sauvagerie font que la fête tourne presque à l’orgie, rappelant celle des brigands dans Harold en Italie.
Texte par Pierre-René Serna
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