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Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Thierry Marx, chef cuisinier et président du l'Union des Métiers et des Industriels de l'Hôtellerie.
Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Thierry Marx, chef cuisinier et président du l'Union des Métiers et des Industriels de l'Hôtellerie.
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00:00Et bonjour Thierry Marx, merci d'être avec nous en ce lundi de Pâques.
00:05C'est vrai qu'on est en plein week-end de Pâques, il y a beaucoup de Français qui profitent d'un week-end prolongé.
00:09Et vous, maintenant, vous êtes malgré tout mobilisés pour défendre votre secteur.
00:13Votre vision de l'emploi aussi, on va en parler, en pleine guerre commerciale avec les États-Unis,
00:16alors que la croissance est en berne, que l'État cherche des économies un peu partout.
00:20Vous, vous êtes malgré tout un optimiste, généralement, c'est comme ça qu'on vous décrit.
00:24Est-ce que vous êtes optimiste en ce moment, Thierry Marx ?
00:25Oui, je suis optimiste, mais je regarde les faits, et les faits sont réels et sérieux.
00:32C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a quand même, sur le dernier trimestre, 12% d'entreprises de notre secteur qui ont fermé leurs portes.
00:37Donc ce sont des signaux, quand même, qui ne sont pas des signaux faibles, qui sont des signaux forts,
00:42et sur lesquels on doit compter pour redéployer nos forces dans de meilleures conditions.
00:47On va parler, effectivement, de votre secteur, de l'avenir, mais d'abord l'inflation qui a fortement reculé en Europe,
00:52particulièrement en France, et pourtant, le chocolat, par exemple, qui est la star, évidemment,
00:55de ces fêtes de Pâques, plus 14% en moyenne pour les autres Pâques.
00:59Vous, vous continuez de promouvoir une consommation plus responsable.
01:02Ça peut aider les consommateurs, ce type de consommation que vous défendez ?
01:05Le type de consommation responsable, c'est tout le travail que l'on fait, par exemple, chez Bleu Blanqueur,
01:09travailler avec la filière agricole, de la terre à l'assiette,
01:13et de permettre à un plus grand nombre d'avoir accès à une bonne alimentation.
01:18Cette fracture sociale nous amène à avoir une alimentation à deux vitesses.
01:22une alimentation pour les gens qu'on reste à vivre suffisant,
01:25et une alimentation pour ceux qui achètent un prix et pas une valeur.
01:28Donc ça, c'est un travail qu'il faut faire sur le fond, y compris pour les restaurateurs,
01:32de pouvoir avoir accès à une alimentation, à de bons produits,
01:37à des prix qui soient quand même des prix accessibles.
01:40Ça, c'est votre combat.
01:41Les droits de douane, on disait que pour l'instant, les produits qui sont importés aux États-Unis,
01:44les porteurs européens, sont accès à 10% et c'est peut-être pas terminé.
01:47Il y a plusieurs grands patrons ces derniers jours, comme Bernard Arnault, par exemple,
01:50ou Patrick Pouyennet, qui sont montés au créneau,
01:52qui proposent, par exemple, pour certains, une grande zone de libre-échange
01:55entre l'Europe et les États-Unis.
01:57Ce serait une bonne chose, selon vous, d'arriver à négocier, d'avoir un marché fluide ?
02:03Moi, je pense que ce serait une bonne chose.
02:04Ça peut se mettre en place assez sérieusement pour pouvoir en profiter largement.
02:10Mais il faut aussi qu'on retravaille sur nos bases.
02:12On n'a pas un problème conjoncturel, on a souvent un problème structurel en France
02:16sur le coût du travail, sur notre compétitivité.
02:20Le coût de production est bien trop élevé en France.
02:22Donc, il faut essayer de retravailler là-dessus pour avoir une compétitivité bien meilleure.
02:27Ça veut dire quoi, avoir une compétitivité ?
02:28Parce que les salaires sont effectivement plus élevés en France que dans beaucoup d'autres pays.
02:33On ne va pas demander aux gens de travailler pour moins.
02:35Il faut baisser quoi ? Baisser encore les taxes ?
02:37Les charges.
02:37Les charges, c'est encore votre combat.
02:39Mais c'est un combat qui est fort parce qu'aujourd'hui, on voit une ubérisation du travail.
02:44Donc, on contourne le problème.
02:46Moi, ce que nous remarquons, c'est le coût du travail.
02:48Quand vous donnez à quelqu'un qui rentre dans le métier 2000 euros,
02:52il lui reste 1400 euros et le seuil de pauvreté en France est à 1200 euros.
02:56Ce n'est pas concevable.
02:58Donc, à un moment donné, il faut regarder sur le coût du travail avec un regard apaisé,
03:02rentrer dans un débat qui soit sérieux sur le coût du travail en France.
03:05Mais les coûts de production ont explosé.
03:07Le coût de l'énergie a monté très fortement.
03:11Et ce qui fait qu'on a un coût aujourd'hui, un coût de production qui est très élevé.
03:14Mais alors, l'État qui cherche effectivement à faire beaucoup d'économies,
03:16notamment dans la préparation du prochain budget, lance un appel plutôt au patron.
03:20C'est le cas d'Éric Lombard, le ministre de l'Économie, qui disait hier,
03:23il faut que vous soyez patriote.
03:24Un patriotisme de demander comme ça aux chefs d'entreprise.
03:27Est-ce que c'est un appel que vous soutenez, que vous entendez ?
03:30Bien sûr, l'appel au patriotisme et à défendre nos valeurs, notre souveraineté,
03:35tout ça, c'est quelque chose que nous entendons.
03:36Et ça veut dire quoi, être patriote ?
03:37Mais ça veut dire qu'il faut investir en France, il faut investir dans la formation en France.
03:44Et ça, c'est tout un travail qu'on doit faire avec France Travail.
03:47Parce qu'on doit aussi aller chercher des personnes qui sont éloignées d'un projet métier
03:51pour les ramener dans un projet métier.
03:53se remettre au travail globalement tous ensemble et investir en France, bien évidemment.
03:58Alors, se remettre au travail, il faut-il pour ça travailler plus ?
04:01C'est un appel qu'on a entendu un peu de la part de certains responsables politiques
04:04ces dernières semaines, notamment François Bayrou,
04:06pour cette chasse aux 40 à 50 milliards d'euros qu'il faut trouver pour le prochain budget.
04:10Le Premier ministre dit que la France ne produit pas assez, ne travaille pas assez.
04:14Ça veut dire quoi ? Que collectivement, il faut qu'on travaille plus ?
04:17Je pense que collectivement, il faut travailler plus.
04:20Mais enfin, ça ne concerne pas mon secteur d'activité.
04:21Nous, on est à 39 heures et 4 heures supplémentaires qui sont payées à plus de 10%.
04:27Donc, ça ne concerne pas.
04:28C'est vrai que le travailler plus, travailler mieux, travailler dans de meilleures conditions.
04:32Encore une fois, on va revenir sur la rémunération.
04:35Ça fait 40 ans, pour moi en tout cas, que le travail n'épanouit pas.
04:38C'est-à-dire qu'avant, quand vous preniez un métier, un travail,
04:43vous aviez la possibilité de vous épanouir, de monter en compétences
04:45et de gagner mieux votre vie.
04:47Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
04:48Les gens qui arrivent des fois à plafonner entre 2 000 et 3 000 euros
04:51ne s'en sortent plus.
04:53Il y a un sujet, un sujet sur le fond et pas simplement sur la forme.
04:56La rémunération et aussi le temps de travail.
04:58Vous plaidez depuis maintenant plusieurs années pour la semaine de 4 jours généralisés.
05:02C'est crédible dans la situation économique actuelle ?
05:05Aujourd'hui, c'est crédible dans certains secteurs d'activité.
05:08Nous, nous pourrions le faire.
05:09Nous sommes sur les 39 heures.
05:114 jours travaillés parce que nous avons des horaires de coupure et 3 jours de repos.
05:15Tout ça s'organise en fonction de l'entreprise.
05:18Nous avons des TPE qui ne peuvent pas le faire et des PME qui peuvent le faire.
05:21Tout ça s'organise, mais il va falloir travailler sur le fond pour l'attractivité aussi de notre secteur d'activité.
05:27L'attractivité, effectivement.
05:28Il y a le problème des jeunes qui ne sont pas suffisamment sur le marché du travail,
05:32même si dans votre secteur, évidemment, on recrute très jeunes,
05:35notamment en apprentissage, grâce à l'apprentissage.
05:37Mais les seniors, comment on fait notamment pour faire travailler plus les seniors ?
05:40On sait que l'emploi des seniors est très mauvais en France pour les plus de 55 ans,
05:44notamment dans la restauration.
05:46Ce ne sont pas forcément des métiers qui sont accessibles aux plus de 55 ans.
05:48C'est vrai, mais en même temps, ce sont des métiers qui ont une certaine pénibilité
05:51et qui ne permettent pas des fois à des personnes de pouvoir reprendre l'attractivité.
05:55Là aussi, il faut travailler sur le fond,
05:57essayer de voir comment nous pouvons mieux intégrer des personnes
06:01qui sont en situation d'être seniors
06:02et de se dire peut-être qu'il y a des facilités, des fluidités à trouver dans leur embauche.
06:08Mais aujourd'hui, il y a de la place pour les seniors dans le secteur d'activité de l'hôtellerie-restauration.
06:12Et on peut inciter les chefs d'entreprise, les restaurateurs à employer des seniors ?
06:15Bien sûr. Et encore une fois, il faut travailler sur la formation, la formation de ces seniors.
06:18Quand vous regardez un hôtel-restaurant, c'est plus de 35 métiers différents.
06:21Ce n'est pas simplement d'entrer par le prisme de la cuisine, du service ou de l'hébergement.
06:25Il y a tout un tas d'autres métiers qui sont possibles dans le secteur de l'hôtellerie-restauration et du tourisme.
06:31Donc aujourd'hui, il faut lancer vraiment cette grande campagne de formation,
06:34y compris en direction des seniors, des jeunes, mais aussi des moins jeunes.
06:38Alors Thierry Marx, dans la bande dessinée publiée il y a quelques jours par l'ancien ministre du Travail, Muriel Pénicaud,
06:43vous témoignez et vous dites notamment cette phrase qui m'a beaucoup interpellé.
06:46« Il n'y a pas un jour sans qu'un de mes employés ne se présente pas au travail juste parce qu'il n'a pas envie de travailler. »
06:52Et si un manager lui parle mal, eh bien il part dans l'heure, il quitte son travail.
06:57Qu'est-ce que vous dites aux dirigeants d'entreprise, notamment de vos secteurs ?
07:00Qu'il faut s'adapter ? Qu'on ne peut plus faire travailler les gens comme il y a 20 ans ?
07:03Non, exactement.
07:04Et puis aujourd'hui, on ne veut plus avoir un rapport sacrificiel au travail.
07:09Donc il faut que dans le travail, il y ait un projet.
07:11Encore une fois, je dis ceci, les gens qui me parlent de valeur travail,
07:15or que pour moi, le travail n'est pas à valeur, c'est un moyen de s'épanouir.
07:19Donc il faut permettre aussi d'avoir un management des fois beaucoup plus adapté
07:22pour des personnes qui disent « je n'aurai pas un rapport sacrificiel au travail ».
07:26Ça s'entend.
07:27Vous le voyez notamment dans votre secteur qui est un métier difficile.
07:30On travaille en horaire décalé, on travaille les jours fériés, le lundi de bac notamment.
07:33Comment ça adapte ?
07:34Il manque 200 000 postes dans nos métiers de façon assez récurrente.
07:38Alors on a des problèmes démographiques, bien évidemment, de gens aussi qui partent à la retraite.
07:42Mais aujourd'hui, il faut proposer autre chose, autrement dans nos métiers.
07:47Donc c'est aux chefs d'entreprise, et notamment les restaurateurs hôteliers que vous représentez,
07:50qui doivent changer leur approche ?
07:52Bien sûr, et puis il faut que l'État nous accompagne là-dessus.
07:54Encore une fois, sur les charges qu'il y a sur le travail, c'est beaucoup trop important.
07:58Vous voulez bien vous adapter, mais il faut que l'État aussi...
08:00Mais bien sûr, parce que dans le recrutement, il n'y a pas simplement un problème de rémunération.
08:05Il y a un problème de mobilité, il y a un problème de logement.
08:08Donc tout ça, à l'UMI, on le met en place.
08:11On a créé un UMI logement pour aider ces jeunes gens à trouver un logement et trouver de la mobilité.
08:16Donc sur simplement le phénomène de recrutement, il n'y a pas simplement le phénomène de proposer un emploi à quelqu'un.
08:23Le droit du travail est parfois difficilement conciliable avec la notion de liberté,
08:26notamment pour les chefs d'entreprise.
08:27Dans dix jours, il y a le 1er mai, la fête du travail, jour férié pour la plupart des professions,
08:32qui ont l'obligation de baisser le rideau.
08:34Et il y a certains boulangers, notamment, qui aimeraient bien pouvoir travailler ce jour-là.
08:38Mais c'est impossible.
08:40Est-ce qu'il faut changer la loi, comme le disent, y compris certains membres du gouvernement ?
08:44Moi, je pense qu'il faut changer la loi, bien évidemment.
08:47Les entreprises, les chefs d'entreprise sont là pour faire fonctionner leur entreprise,
08:51proposer à leurs salariés de travailler s'ils le souhaitent sur ce 1er mai.
08:55Et quand on voit des entreprises qui sont obligées de fermer,
08:58alors que leurs salariés, qui sont payés double ce jour-là, ne peuvent pas le faire,
09:02c'est un peu inquiétant dans un pays où on veut travailler plus.
09:05Il faut que les boulangers fassent partie des professions dites essentielles.
09:07Ce n'est pas le cas aujourd'hui ?
09:08L'ensemble de l'artisanat.
09:10C'est-à-dire que le moteur économique doit fonctionner à plein temps, tout le temps.
09:14Un mot de la fin, Thierry et Marc, ces nombreux ponts, jours fériés du mois de mai qui arrivent,
09:18c'est une bonne nouvelle.
09:19Votre profession les attend avec impatience ces jours fériés ?
09:22Alors non, on ne les attend pas avec impatience, parce que c'est une récurrence de planification
09:27qui est un peu compliquée, et de proposer là aussi des horaires de travail sur des jours fériés,
09:33c'est toujours un peu plus compliqué, mais on trouve, encore une fois,
09:35avec la rémunération, on trouve des collaborateurs pour le faire.
09:38C'est une nécessité économique ?
09:40Bien sûr, bien sûr.
09:42Merci beaucoup, Thierry Marc.
09:43Votre optimisme et votre volonté d'agir, toujours inébranlable.
09:47Merci, bonne journée, merci d'avoir travaillé dans les 4V aujourd'hui.
09:49Et merci à tous les...