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Michel-Edouard Leclerc président du comité stratégique des centres E.Leclerc était l'invité de Franceinfo soir le 9 avril 2025.

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00:00France Info Soir, l'invité, Agathe Lambret.
00:04Bonsoir Michel-Edouard Leclerc.
00:06Bonsoir Agathe.
00:07Vous êtes président du comité stratégique des centres Leclerc.
00:10Ça y est, les nouveaux droits de douane américains contre le reste du monde sont entrés en vigueur.
00:15D'un côté l'escalade avec la Chine, de l'autre l'Union Européenne qui riposte.
00:19Ce sont les consommateurs qui l'ont trinqué ?
00:21Oui, toujours.
00:22Toujours.
00:23Les droits de douane c'est un impôt.
00:25Alors dans un premier temps, ce sont les consommateurs américains qui vont morfler.
00:30C'est très curieux cette conception d'un Trump qui par ailleurs était mondialiste, faisait des affaires partout dans le monde.
00:39Là, ce repli américain, c'est le consommateur américain qui va le payer.
00:44Et ils vont le payer très cher parce qu'en plus, challenger le reste du monde, c'est...
00:50Les Etats-Unis, ce n'est pas une île quoi.
00:53Non, non, ça va leur coûter très cher.
00:55Ils sont pas assez proche.
00:56C'est toujours le consommateur qui paye les droits de douane, les taxes.
00:59Et là, avec la riposte de l'Union Européenne, enfin les Européens se sont mis d'accord sur une première riposte des droits de douane supplémentaires de 25% sur une série d'importations américaines comme le maïs, le riz, les légumes, les cosmétiques dans un premier temps.
01:14Est-ce que ces hausses vont se répercuter aussi sur les consommateurs français dans vos rayons, vous ?
01:20Oui, mais c'est pas le même timing.
01:22Je voudrais insister, là, on est dans le show.
01:24On voit Trump tous les soirs.
01:26Il se met en scène.
01:26Il est vulgaire.
01:28Il dit « restez cool, Donald Trump » aussi.
01:30Il dit « pas de panique, restez cool ».
01:31Ouais.
01:32C'est un...
01:33Faut se méfier.
01:34C'est un type qui n'a pas été éduqué, qui joue de la provocation.
01:40Il ne faut pas rentrer dans son jeu.
01:42Il fait le rang-outan sur le ring, mais on n'est pas obligé de monter sur le ring.
01:45Et justement, quand vous disiez « enfin l'Europe répond », ne soyons pas pressés.
01:49Teddy Rainer, pourtant sponsorisé par Carrefour, j'en parle, aux Jeux Olympiques, a gagné par deux fois dans les dernières 30 secondes.
01:56C'est l'art de la négociation.
01:58Et vous, le grand patron, vous trouvez que la réponse de l'Union européenne est à la hauteur ?
02:01Parce qu'on a vu des sondages qui montraient que les Français sont quand même inquiets et suivent de près cette crise.
02:06Et ils réclament beaucoup de fermeté de la part de l'Union européenne.
02:09Vous, vous trouvez qu'on a été à la hauteur ?
02:11La négo, ce n'est pas à la télé qu'on va la voir.
02:15La négo, ça va durer très longtemps.
02:18Parce que d'abord, le ministre de l'économie et des finances reçoit les entreprises.
02:23Chaque corporation, chaque métier a des idées à faire valoir, des protections à demander, des investissements à relocaliser.
02:31Donc, on rentre dans une ère nouvelle.
02:34Dans un premier temps, les Américains vont payer cher cette isolationniste.
02:39Il y aura peut-être un taux d'inflation de 5 à 6 % à la fin de l'année aux États-Unis.
02:43Mais évidemment, ce n'est pas un débat transatlantique.
02:46Nous, sur l'autre flanc sud-est, tout l'Indo-Pacifique produit pour nous du non-alimentaire.
02:54Les cahiers pour la rentrée des classes, les téléphones portables, les petits ameublements au Vietnam et tout ça.
03:02Et donc, pour nous, dans les six prochains mois, il y aura peut-être des effets d'aubaine pour les consommateurs.
03:06Alors, c'est-à-dire concrètement ?
03:08Ça veut dire que ce que le sud-est asiatique ne va pas pouvoir vendre en Amérique, ils vont essayer de le vendre un peu en Amérique latine, mais c'est surtout en Europe qu'ils vont y aller.
03:19Mais est-ce qu'on ne risque pas d'être submergé par des produits chinois ?
03:22C'est simplement, vous voyez, ce n'est pas le même tempo.
03:25Là, inflation aux États-Unis, peut-être, baisse des prix dans les six mois à court terme.
03:31Les Français pourront se dire, waouh, je peux m'acheter quelque chose d'un peu moins cher, on voit que le prix du carburant baisse aussi, ça c'est un autre effet d'aubaine ?
03:39Mais c'est même plus vitaliste que ça.
03:42Là, actuellement, il y a des traders chinois, il y a des traders coréens, des traders internationaux qui se disent, vite, détournons les bateaux, allons dégager sur l'Europe.
03:51On n'a pas encore discuté avec les Européens.
03:53Pour le moment, nous, on ne s'est pas lancé dans le cycle de négociations avec chaque grand pays producteur, Chine, Corée, Japon.
04:00C'est des énormes pays, et par rapport à notre approvisionnement, ça compte plus que l'importation des biens américains.
04:07Et donc, oui, dans un premier temps, il y aura sans doute des effets d'aubaine, et le premier d'entre eux, c'est la baisse du prix des carburants.
04:11Alors ça, vous le constatez chez vous, le prix à pompe a baissé ?
04:14Alors, le prix du brut descend, donc on peut se permettre de commencer à descendre le prix des carburants.
04:19D'une tonne de brut, on ne fait pas forcément du diesel ou du E10 ou du sans-plomb.
04:25Il y a aussi du kérosène, il y a aussi du fioul.
04:28Les marchés ne sont pas complètement synchronisés.
04:31Mais oui, là, il y a un effet d'aubaine, le carburant.
04:34Là, il loupe son coup, Trump, parce que lui, si on baisse trop, si le prix des carburants descend,
04:40si le prix du brut descend, les investisseurs américains ne savent pas forer à ce prix-là aux États-Unis.
04:48Donc là, ça montre que c'est mal calculé.
04:50En tout cas, c'est un effet d'aubaine pour les automobilistes français.
04:53Je peux dire qu'au moins pendant deux mois, ça va être en dessous de 1,6 pour le gasoil,
05:03autour de 1,6 pour le gasoil, et peut-être même moins.
05:07Je pense que le brut peut descendre à 55 dollars le baril.
05:12C'est une aubaine pour les consommateurs français.
05:15À court terme, pour l'instant.
05:16Vous qui êtes un peu l'oracle français de l'inflation.
05:20Je ne l'ai pas dans les boules.
05:21Est-ce que vous prédisez une situation inflationniste ?
05:25Est-ce que vous craignez un retour de l'inflation ?
05:27Ou ce n'est pas ce qui vous...
05:28Non, je pense qu'aussi nos gouvernements, français, allemands, italiens, l'Europe,
05:36madame von der Leyen, vont prendre des mesures plus soft, mieux diplomatiquement présentées,
05:42pour limiter l'afflux de production chinoise, de production de dégagement,
05:47parce que ça, ça menacerait l'emploi français, les usines françaises,
05:52et donc, peut-être pas par l'inflation, mais directement le pouvoir d'achat des ménages aussi, par l'emploi.
05:59François Bayrou, par exemple, a été assez alarmiste.
06:01Il a estimé que ses droits de douane pourraient coûter 0,5 point de croissance à la France.
06:06Il a aussi parlé de risque de perte d'emploi absolument majeur.
06:11C'est ça qui nous guette ? Ou il exagère un peu ?
06:15Oui, je pense qu'on ne sait pas.
06:18Je pense qu'on ne sait pas.
06:18Je vois les économistes aligner des chiffres.
06:21Franchement, ils ne savent pas.
06:21Moi, j'achète et je vends.
06:23Je ne sais pas combien je vais acheter et je vais vendre, d'accord ?
06:25Donc, je ne sais pas comment ils font leurs prévisions macroéconomiques.
06:28Mais ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il y a beaucoup de vendeurs sur les marchés asiatiques
06:33qui essayent déjà de détourner des cargaisons.
06:35De même qu'on a assisté, là, il y a quelques mois, une accélération des ventes des Français aux États-Unis,
06:42pour que ça passe avant la hausse des droits de douane.
06:45Mais moi, j'aimerais bien...
06:47Je pense que le président de la République a raison.
06:48Je pense qu'un chef d'entreprise français, en France, il a des problèmes, il a trop de charges, il paye trop d'impôts.
06:57Mais je pense qu'on doit faire société.
06:58Et je pense qu'il a raison, le président.
07:01Les patrons, ils n'aiment pas l'incertitude, mais vous pensez qu'ils ont un rôle à jouer dans cette période ?
07:05Emmanuel Macron, effectivement, a appelé les patrons français à suspendre, par exemple, leurs investissements aux États-Unis.
07:09Il n'a pas dit ça. Il a dit d'être synchro. Il a dit d'être synchro avec la négo européenne.
07:13Il a dit de suspendre le temps des négociations basses. C'est en plus ce qu'il a dit.
07:16Et ensuite, le ministre de l'économie, il les a appelés au patriotisme.
07:19Voilà.
07:19Donc, vous êtes d'accord ?
07:21Oui. Je pense que c'est très important que l'administration américaine voit que nos chefs d'entreprise ne jouent pas solo.
07:30Trump a passé déjà des deals dans le transport avec les entreprises de M. Saadé. Ils ont passé des deals.
07:36C'est un ACGM qui a signé un investissement de 20 milliards de dollars. Vous demandez à CMA-CGM de renoncer à son investissement ?
07:42C'est important pour l'économie française aussi qu'on soit présent dans les ports de New York, de Los Angeles. Nous aussi, on doit faire notre route de la soie.
07:52Mais par contre, il faut être synchro pour que la Commission européenne, qui a le mandat de négocier, soit respectée.
07:58Il ne l'a même pas reçu encore, Trump. Il n'a pas reçu Mme von der Leyen. Je ne sais pas si ce n'est pas ce qu'il n'est pas les femmes.
08:03En revanche, il va recevoir Georgia Meloni, la présidente du Conseil italien.
08:05C'est ça. Après avoir dit qu'on a lui léché les bottes. Et encore, je suis poli.
08:08Donc, vous voyez, là, on est dans le chaud. On est dans un côté un peu...
08:12On est dans le chaud, mais vous le dites vous-même. Les Européens ont l'air divisés, puisque Georgia Meloni va y aller seul.
08:18Vous dites les patrons français, ils devraient faire bloc. Mais personne n'a répondu à l'appel d'Emmanuel Macron.
08:22Vous avez entendu des annonces de patrons qui ont dit qu'on va suspendre nos investissements ?
08:25Non, je me suis même fait un petit peu tacler d'avoir relayé ça.
08:29Mais on va transformer les choses.
08:33Aujourd'hui, en France, ça ne se sait pas, mais il y a 450 000 emplois en France.
08:38qui dépendent de 4 700 boîtes américaines, pour des marques américaines, sous licence américaine en France.
08:47Par exemple, McDo ?
08:49McDo, PepsiCo, Ford, Otis, les ascenseurs, Agendas, Ariel.
08:57C'est des boîtes internationales, mais d'obédience américaine.
09:01Moi, je lance un appel à défaut que les patrons français s'expriment.
09:06Je pense que ce serait bien que les patrons de Danone, de L'Oréal, tout ça s'exprime.
09:09Ils sont populaires, ils ont des belles marques.
09:11Mais je pense que je lance un appel de chez vous, de France Info.
09:15Je pense que tous les patrons de ces 4 700 entreprises d'obédience américaine en France,
09:22qui sont venus investir en France, qui sont bien en France,
09:25avec des marques qu'on aime bien, on aime aller chez McDo, on aime boire du Coca,
09:29de manière smarte, de manière élégante,
09:35qui puissent appeler les républicains au Congrès, par exemple, américains,
09:38pour leur dire arrêter cette haine de l'Europe, de M. Vance,
09:41arrêter cette brutalité qui tue, en fait, un soft power américain auquel on adhère.
09:46Moi, j'en parle, ma seule légitimité, c'est de parler du point de vue du consommateur,
09:51de là où je travaille, je n'ai pas le melon, je n'essaye pas de participer à cette négociation.
09:57Mais quand même, les consommateurs français, ils aiment les marques américaines.
10:00On aime le mythe américain.
10:02Et en même temps, quand on regarde les sondages,
10:03beaucoup de Français se disent aussi, prêt à boycotter des marques américaines.
10:07Est-ce que vous avez constaté, vous vendez des marques américaines,
10:10la soupline, par exemple, c'est américain, le Coca ?
10:13Est-ce que ces rayons sont aussi dégarnis qu'avant ?
10:18Non, justement, je pense qu'on n'aime pas Trump, mais on aime l'Amérique, on aime le mythe américain.
10:22S'il vous plaît, M. Trump, rendez-nous John Wayne, rendez-nous Robert Redford.
10:27Ce n'est pas Gatsby le magnifique, là, au Malago, ou Jane Fonda.
10:33Mais il casse ça.
10:35C'est contre-productif, ce qu'il fait.
10:37Parce que derrière tout ça, là où Bayrou a raison,
10:40je ne sais pas sur le taux de croissance, mais on va vers une forme de récession.
10:44Si chacun se replie sur soi,
10:47l'Europe, le Maghreb, l'Eurasie, qui était émergente,
10:51qui cherche son développement.
10:52L'Eurasie, c'est la Turquie, l'Azerbaïdjan, etc.
10:54Ce sont des populations que les Français connaissent peu sur la carte de géographie.
10:58Mais il est en train de casser tout ça.
10:59Je ne suis pas un militant du libre-échange,
11:02de la mondialisation à tout prix,
11:04mais on grandit dans l'émulation,
11:06et puis dans la recherche de nouveaux marchés.
11:07Et il y a un climat assez anxiogène.
11:09Alors vous dites, vous ne constatez pas de boycott des produits américains.
11:12Est-ce que vous constatez que les Français consomment moins ?
11:15On consomme un peu moins depuis le début de l'année,
11:19parce qu'il y a des vrais problèmes de pouvoir d'achat en France.
11:21Il y a quand même les ONG, les associations, les banques alimentaires,
11:25disent que depuis 4-5 ans,
11:26il y a quand même un million de nouveaux pauvres
11:29au sens en dessous des revenus décents.
11:32Donc ça explique que aussi la consommation s'est reportée
11:36sur des produits moins chers,
11:37sur des marques de distributeurs,
11:39plutôt que des grandes marques nationales.
11:41Les grandes marques nationales ont surjoué l'inflation,
11:43il y a eu trop de spéculations.
11:45Il ne faut pas oublier qu'on sort d'une période
11:46où les produits alimentaires, en 2 ans et demi,
11:49avaient grimpé de 20%.
11:50Donc en France, c'est moins la menace de l'inflation que je vois
11:55que la menace sur le pouvoir d'achat,
11:57par la récession, par moins de croissance,
11:59par des licenciements, ou en tout cas,
12:03c'est ça, je pense, pour lequel il va falloir faire nation,
12:07il va falloir faire société.
12:09Et vous appelez les patrons français aussi à faire bloc.
12:11Oui, et nous-mêmes, distributeurs,
12:13à travailler de très près avec nos entreprises de terroir,
12:17avec nos entreprises autour de nous.
12:17On entend votre message, Michel-Edouard Leclerc.
12:20Merci beaucoup d'avoir répondu aux questions de France Info.

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