🇨🇮 Pour aborder les thèmes sensibles des traumatismes chez les enfants et de la santé mentale, le réalisateur et directeur artistique Daniel Thalmas signe son tout premier court-métrage : Kids See Ghosts. Nous l’avons rencontré.
Catégorie
🎥
Court métrageTranscription
00:00Dans le cinéma africain, ce n'est pas vraiment des thématiques qui sont abordées,
00:02tout ce qui est un peu santé mentale, trauma, etc.
00:04C'est quelque chose qui me tient à cœur parce que je trouve qu'on n'a pas assez ce truc introspectif
00:08où on essaie de comprendre le sens de qui on est, pourquoi on fait les choses et le monde qui nous entoure.
00:13Salut Brude, Daniel Talmaz, directeur artistique, réalisateur.
00:16J'ai voulu sortir mon premier film, Kitsi Ghost.
00:21C'est un court-métrage qui parle des traumatismes que les enfants ou que les adultes peuvent avoir,
00:26mais liés à leur enfance, au moment dans lequel ils ont grandi.
00:28Comme traumatisme, il y a la violence, il y a la question du colorisme et de tout ce qui est un peu cheveux afro.
00:33Il y a la question de familles aussi qui sont divisées, que ce soit par des divorces ou des disputes, etc.
00:39Et pour finir, la guerre civile où on suit l'histoire d'un enfant en Côte d'Ivoire en Afrique qui est exposé à beaucoup de violences.
00:44Ce sont des sujets qui me touchent, qui font partie soit de mon vécu ou du vécu de gens autour de moi.
00:49Donc au final, c'est un film qui est assez personnel.
00:51L'histoire qui se rapproche le plus de la mienne, c'est l'histoire de Mousco.
00:53On suit un enfant, un très civil qui joue au foot avec ses potes, etc.
00:57Et qui finalement, le soir, se retrouve face à une grosse violence entre un groupe armé et des jeunes de son quartier.
01:02Donc l'histoire de la guerre civile, c'est l'histoire qui est la plus proche de la mienne.
01:05Mon souvenir, elle est assez claire de ce moment-là.
01:07On joue au foot sur un terrain, pas loin de chez moi, avec des potes.
01:10Comme on en avait l'habitude à Trècheville.
01:12Et puis, il y a quelqu'un qui se met au balcon et qui nous dit de rentrer à la maison rapidement.
01:16Parce qu'il y a les rebelles qui sont rentrés dans la ville d'Abidjan.
01:18Et puis les jours d'après, c'était plein de semaines confinés à la maison.
01:20On entendait des tirs tous les jours.
01:22On voyait des enfants avec des lances roquettes dans la ville.
01:25Des choses qui sont quand même assez violentes.
01:26C'est quelque chose qui m'a marqué profondément.
01:29Dans la mesure où déjà, on avait dû changer de ville en réveillant la guerre en 2002.
01:32Mais j'étais trop petit pour comprendre ce qui s'était passé.
01:34Et puis vivre ça en étant un peu plus adulte, c'était quand même assez violent.
01:37Je dis souvent aux gens qu'aujourd'hui, moi, je ne peux pas assister à des feux d'artifice sans les voir.
01:42Parce que justement, les bruits des feux d'artifice me rappellent les tirs de l'époque.
01:46Il y a des cinéastes qui, eux, à l'époque, parlaient d'excision ou de droit de la femme, etc.
01:51A travers leurs films.
01:52Le cinéma que j'ai envie de faire, c'est un cinéma qui me parle déjà à moi, au moins quand il était plus jeune.
01:56Qui aborde des sujets sur l'humain, sur la santé mentale, sur le fait de c'est quoi un homme.
02:01Sur la famille, les relations hommes-femmes, sur plein de choses au final.
02:03C'est quelque chose qui me tient à cœur.
02:05Parce que je trouve qu'on n'a pas assez ce truc introspectif.
02:07On essaie de comprendre le sens de qui on est, pourquoi on fait les choses et le monde qui nous entoure.
02:12Je sais que dans la communauté afro, c'est des sujets qui sont parfois tabous.
02:15Dont on n'ose pas parler, que ça peut déranger.
02:16Mais je pense que c'est quelque chose dont on a besoin pour évoluer.
02:19Si personne ne se décide à faire ce genre de projet-là, à avoir ce genre d'initiative,
02:23on va perpétuer les mêmes traditions et les mêmes choses sans se questionner.
02:27Et puis on fonce dans un trou tous ensemble.
02:29Il faut bien commencer à poser les premières pierres.
02:32Peut-être que je ne serai pas celui qui va révolutionner les choses à ce niveau-là.
02:35Mais je pense qu'à travers ce que je fais, ça peut inspirer d'autres.
02:37Kitsigos, ça veut dire les enfants voient des fantômes.
02:39Souvent, on dit que les adultes se battent avec leurs démons, etc.
02:42Dans le film, j'aborde le fait que de l'origine de ces démons,
02:45on voit justement les enfants qui voient des situations qui sont graves ou traumatiques pour eux.
02:50Ce fantôme-là qui est très subtil, qui va s'introduire dans leur subconscient,
02:54va plus tard devenir un démon contre lequel ils vont lutter.
02:56Après avoir vu Kitsigos, j'aimerais bien que les gens puissent se remettre en question,
02:59réfléchir sur eux-mêmes, sur leur traumatisme, sur ce qu'ils font de ce qu'ils sont,
03:03et qu'ils puissent réfléchir à comment aider les jeunes générations
03:06à avoir un environnement plus sain pour mieux grandir.
03:08Il y a plein de traumas différents et donc il n'y a pas de formule magique pour ça.
03:12Mais je pense que si chaque adulte, chaque personne décide de ne pas perpétuer
03:16les mêmes traditions et les mêmes cycles générationnels,
03:18en essayant de casser certaines attitudes de violence ou quoi qu'est-ce,
03:23on permettra déjà aux plus jeunes de ne pas pouvoir copier sur ses mauvaises habitudes
03:27et pouvoir créer des habitudes plus saines.
03:29C'est important pour moi de faire une projection en Côte d'Ira,
03:31parce que déjà, il y a une bonne partie du film qui est faite là-bas.
03:33J'ai une forte attache avec mon pays,
03:34j'aimerais bien que les gens de la voie puissent autant profiter de mon art
03:37que les gens à l'étranger, on va dire à l'international.
03:40Et c'est important pour moi de revenir aussi leur montrer ce que je fais
03:43pour leur montrer que c'est possible que quelqu'un qui a grandi dans ce pays-là comme eux
03:47peut évoluer et arriver à certains niveaux.
03:50Même si le chemin est encore long,
03:51je pense que c'est important de partager ces moments-là ensemble.
03:53J'aimerais bien que les gens puissent déjà profiter, passer un bon moment,
03:56et puis surtout que ça crée cette remise en question-là au niveau de tout le monde,
03:59au niveau des familles, mais aussi peut-être au niveau politique,
04:02sur tout ce cycle de violence qu'il y a et qu'on n'a pas envie de voir,
04:05surtout qu'on est dans une année d'élection.