Le plus connu des médecins légistes belges nous explique comment il autopsie des cadavres dans une ancienne salle dédiée.
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00:00Donc quand on reçoit un gardien, il arrive par la porte qu'il y a là.
00:03Il va par là.
00:04On arrive avec un brancard ici.
00:06Alors, la salle, il y a des feuilles partout, elle n'est pas propre,
00:09juste parce qu'on ne s'en sert plus.
00:11On a une autre salle maintenant qui est plus moderne.
00:13On arrivait, on va dire comme ça, avec un brancard là,
00:16on déposait le corps sur la table d'autopsie,
00:18et ça y est, c'est là qu'on faisait tout le boulot.
00:21Après l'avoir déshabillé, on faisait l'examen extérieur.
00:24On fait toujours ça, mais plus ici. On fait l'examen extérieur,
00:27c'est-à-dire qu'on relève toutes les lésions qui sont visibles sur le corps,
00:29sur les deux faces, et puis on passe à l'autopsie.
00:36On va couper depuis là, jusqu'à la pointe des fesses,
00:39et puis jusqu'au talon, couper sur les membres supérieurs aussi,
00:43séparer la peau en deux, décoller la peau pour aller voir les masses
00:46musculaires qu'il y a en dessous, et après aller voir s'il y a des lésions,
00:50des hématomes, des trucs qui ne seraient pas encore apparus en surface,
00:53pour être sûr de ne pas les rater.
00:54Le corps, il est d'abord couché sur le ventre.
00:55Une fois qu'on a fini avec le dos, on recoue.
00:58On retourne le cadavre.
00:59On recoue toutes les coutures qu'on a faites, donc il revient comme il était,
01:04suturé, mais comme il était.
01:05On retourne le corps.
01:06On va depuis là, jusqu'au pubis, et d'une épaule à l'autre.
01:09Je dis toujours, je ne fais pas une croix pour les catholiques
01:11et un croissant pour les musulmans.
01:12C'est juste une façon de travailler.
01:14Et puis, on fait une grande coupure qui va d'une raie à l'autre.
01:16Et on récline la peau des deux côtés.
01:18On retire la calotte crânienne, comme ça on voit bien le cerveau.
01:21On va le retirer pour l'examiner correctement.
01:23Et on retire aussi tous les organes qui sont à l'intérieur du thorax et de l'abdomen
01:27pour examiner chacun des organes et être sûr qu'il n'y a pas une pathologie,
01:31qu'il n'y a pas une lésion, qu'il n'y a pas quelque chose qui les ait un peu altérés.
01:34C'est ça la question qu'on se pose, évidemment.
01:36Une fois que c'est fait,
01:38on remet tout en place.
01:40On referme, on met des poids de suture, on referme
01:43et le corps est de nouveau visible pour la famille.
01:49Dans les séries et les films, on voit de tout et n'importe quoi.
01:53Vous les voyez déjà qui arrivent habillés comme moi auprès du cadavre
01:56sur une scène de crime.
01:57Ça, c'est une faute professionnelle. On ne peut pas faire ça.
02:00Vous les voyez qui disent qu'il est mort à 23h52 et 30 secondes.
02:03On ne peut pas être aussi précis.
02:06On a une gamme de six heures, en fait, six heures.
02:10On est loin d'une précision absolue.
02:12Ensuite, quand vous voyez un corps, il ressemble à un cadavre si on veut.
02:16À condition qu'on n'en ait jamais vu, on peut le croire.
02:19Mais la plupart du temps, c'est mal fait.
02:21C'est comme les bruits dans ces danses, c'est ça, je crois.
02:23Il y a plein de bruits.
02:24Quand on reconstitue le passage de la balle,
02:27il y a un bruit particulier qui est absolument détestable
02:30et qui ne correspond absolument pas à la réalité quand on touche un corps.
02:34Donc, il y a plein de trucs qui sont complètement à côté.
02:40On n'a pas fait de drôles de trucs.
02:41Je m'attendais à trouver un projectile dans une plaie.
02:43Et puis finalement, il n'y a pas de projectile.
02:45C'était un coup de pique à glace qui est rentré dans la peau du gars
02:49qui est allé toucher son coeur.
02:50Le pique à glace, c'était une dame qui faisait ça.
02:53Elle a retiré le pique à glace.
02:55Et moi, en regardant l'orifice d'entrée du pique à glace,
02:58j'ai cru que c'était un orifice d'entrée de projectile,
02:59parce que ça y ressemble quand même vachement fort.
03:01Et j'étais parti sur un projectile et j'ai cherché le projectile que je n'ai pas trouvé.
03:06Et j'ai démonté la table d'autopsie pour être sûr qu'il n'était pas parti
03:09par les stéreputes ou dans les stéreputes comme un peu lourd pour être emporté.
03:13Je n'ai pas trouvé le projectile.
03:14Je me suis confondu en excuse auprès du juge en disant écoutez, c'est une faute.
03:19Ne pas retrouver le projectile alors qu'on est atterré dessus, c'est une faute.
03:22Mais j'étais vraiment meurtri.
03:24Et puis, c'est sur la route qu'on me rappelle en me disant, écoute, il faut que tu reviennes.
03:27On a un drôle de truc, il faut que tu viennes voir.
03:28Et c'était le pique à glace qui se trouvait sur les lieux du crime
03:32que je n'avais absolument pas vu et qui présentait des traces de sang
03:36sur une grande longueur, ce qui prouvait qu'il était rentré dans le corps.
03:43Non,
03:45je n'en ai pas.
03:47Il y a toujours des erreurs.
03:48Il y a toujours des erreurs.
03:49Alors,
03:51ce n'est pas pour ça qu'on est con,
03:53mais c'est la nature humaine de faire des erreurs.
03:55Et dans un système comme celui-là, où on n'est pas habitué à tuer,
03:58il y a des personnes qui sont habituées à tuer.
04:01Vous pouvez essayer de penser à tout, vous raterez toujours quelque chose.
04:07Ah, j'aurais bien aimé l'autopsie de Napoléon.
04:09Il avait une drôle de pathologie.
04:11Il avait un ulcère de l'estomac qui a perforé, mais qui avait été couvert par le foie.
04:14Oui, le foie a adhéré autour de l'ulcère.
04:17C'est parce que l'ulcère n'a jamais perforé dans la cavité péritoneale.
04:20Si ça avait été le cas, il serait mort d'une péritonite.
04:23Mais grâce au fait que le foie obstruait complètement l'ulcère,
04:26il n'en est pas mort.
04:27Il a eu très mal,
04:29mais il n'en est pas mort.
04:30Non, on n'a pas la cause de son décès.
04:34Celui qui a fait l'autopsie, qui était un très bon anatomiste,
04:37un automne marquis, a démontré qu'il était mort d'une défaillance multisystémique.
04:41Ça veut dire que, si vous voulez, tous les systèmes s'arrêtent à un moment donné.
04:44D'autres ont dit, non, il est mort intoxiqué par l'arsenic.
04:48Et moi, j'aimerais bien aller vérifier s'il est mort intoxiqué par l'arsenic ou pas.
04:51Le problème de Napoléon, c'est qu'on a des morceaux de Napoléon partout.
04:55Il y a même un gars qui prétend que le pénis de Napoléon a été vendu
05:00aux enchères en Amérique et se trouve dans un hôpital new-yorkais.
05:04Mais à aucun moment, on n'a jamais imaginé que quelqu'un soit parti,
05:08c'est d'ailleurs pas rapporté, avec le pénis de l'empereur
05:11dans sa poche pour l'offrir à quelqu'un.
05:13Ça ne tient pas trop la route, mais bon, voilà.
05:16Donc, arriver à déterminer que les cheveux qu'on va me donner
05:19sont bien ceux de Napoléon, sans avoir le code génétique de Napoléon,
05:21cheveux dans lesquels je pourrais aller vérifier
05:23que s'il y a de l'arsenic ou pas, ça m'embête, ça m'embête.
05:27Je préfère aller le prendre directement dans la tombe,
05:28parce que là, au moins, je suis sûr.
05:33On avait, il y a fort longtemps, c'est avant la guerre 40,
05:37on avait un musée.
05:38Je n'étais pas né non plus, donc quand je dis on, c'est l'université de Liège.
05:41On avait un musée.
05:43Pourquoi ? Parce qu'à l'époque, les diens n'existaient pas.
05:44Et donc, pour montrer une lésion à quelqu'un, à un étudiant,
05:49il fallait avoir les lésions.
05:51Donc, on avait des bocaux, avec à l'intérieur des bocaux, des pièces anatomiques.
05:55Et c'est sur base des pièces anatomiques qu'il y avait dans les bocaux
05:57qu'on expliquait aux étudiants,
05:58qui étaient beaucoup moins nombreux qu'ils le sont aujourd'hui.
06:01Aujourd'hui, on a des PowerPoint, on a tout ce qu'il faut,
06:03l'université est équipée.
06:05À l'époque, on n'avait même pas la photographie,
06:07donc il fallait avoir des pièces anatomiques.
06:09On apprenait l'anatomie sur base de pièces anatomiques
06:11qui étaient disséquées par des prosecteurs,
06:14des préparateurs hyper spécialisés.
06:16On pouvait voir l'anatomie directement
06:19sur des morceaux de cadavres préservés.
06:22En médecine égale, c'était pareil.
06:23Et puis maintenant, on n'en a plus besoin.
06:25De toute façon, pendant la guerre,
06:27il y a eu un énorme coup de vent dans le musée de médecine égale
06:31et les concierges avaient pendu leur linge entre les différentes travées.
06:37Tout s'est cassé la gueule, il y a des tas de bocaux qui ont disparu.
06:40On a brûlé, tout ça, on a incinéré.
06:42Il n'en reste que quelques-uns.