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  • 04/04/2025
Donald Trump taxe les vins et spiritueux européens à 20 % : le marché américain est-il en péril pour les exportateurs français ? Charles Duval-Leroy, directeur dénéral des Champagne Duval-Leroy, est l'invitée de Amandine Bégot.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 04 avril 2025.

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Transcription
00:00RTLmatin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud au cœur et à l'épreuve de l'actualité.
00:08Des paroles aux faits, de l'annonce des droits de douane à la réalité du terrain.
00:12La filière champagne s'inquiète, titre ce matin l'Union de Reims.
00:15Alors vous avez choisi ce matin de recevoir Charles Duval-Leroy,
00:18c'est le directeur général d'un champagne que les Américains jusque-là aimaient beaucoup,
00:22le champagne Duval-Leroy. Bonjour et bienvenue à vous.
00:25Bonjour et merci beaucoup d'être là à la maison Duval-Leroy,
00:28qui est l'une des dernières maisons de champagne familiales et indépendantes, vous nous le confirmez.
00:32Tout à fait. Créée en 1859, Emmanuel Macron a dénoncé hier une décision brutale
00:38et infondée après ces annonces de Donald Trump.
00:41François Bayrou parle, lui, de catastrophe pour l'économie mondiale.
00:44Est-ce que c'est une catastrophe pour vos champagnes ?
00:47Ils ont raison sur la catastrophe pour l'économie mondiale.
00:50Les États-Unis, nous, ça représente 10% du marché.
00:53Une hausse de taxes de 20%, on s'attendait à perdre mécaniquement un volume de 20 à 30% de ce marché,
00:59ce qui fait 3% du volume mondial.
01:01Oh là là, alors là, ça fait beaucoup, beaucoup de chiffres.
01:04Non, non, mais on va essayer d'être concret.
01:06Juste, donc là, 20%, Donald Trump avait parlé mi-mars de 200% pour les alcools et notamment pour le champagne.
01:15Donc, vous pouvez être soulagé quand même ?
01:17Non, le 200%, on pensait quand même que c'était totalement farfelu et que ça n'allait jamais arriver.
01:21Sur son premier mandat, il avait déjà fait une taxe à 20-25%, donc on imaginait d'être dans ces chiffres-là.
01:29Donc là, pour être concret et qu'on comprenne bien les chiffres, une hausse de 20%, enfin de taxes à 20%,
01:36ça veut dire une bouteille de champagne vendue 20% plus chère aux États-Unis ?
01:39Ce sera même un peu plus avec tous les intermédiaires, mais c'est l'idée.
01:43Bon, et ça veut dire que ces ventes-là n'auront pas lieu ?
01:47Mais comme on l'a vu en France, parce que le champagne et tout a pris, depuis la guerre en Ukraine, tout a repris de la valeur avec l'inflation,
01:53des gens quittent le marché. Si vous avez l'habitude d'acheter un produit à 20 euros qui passe à 25, à 26,
01:59vous pouvez sortir du marché et trouver une alternative. Et le champagne fait partie aussi du commerce mondial et donc des mêmes alternatives.
02:05Les Américains ne sont pas prêts à payer leur champagne plus cher, aussi bon soit-il, quoi ?
02:09Ils ne seront pas plus prêts que n'importe qui, dans n'importe quel pays.
02:13Donc, ça veut dire que vous en vendrez moins, 10% ?
02:16Oui, 20% à 30%.
02:19Si le marché américain représente 10% de votre chiffre d'affaires, comment on arrive à 20% ou 30% ?
02:28Non, non, 20% ou 30%. Dès 10%, il y aura une baisse mécanique de ventes aux États-Unis de 20% à 30%.
02:34Et ces bouteilles-là, vous ne les vendrez pas ailleurs, dans d'autres pays ?
02:36Aujourd'hui, qui va les vouloir ?
02:39Le marché, on ne sait pas les taxes que vont prendre aussi les Coréens, les Chinois, les Japonais par rapport aux États-Unis.
02:47On ne sait pas comment va aller leur économie et comment va aller la nôtre.
02:50Donc, on est un produit de fête, on est un produit de célébration, on est un produit qui fonctionne très bien quand l'économie va très bien.
02:57Quand l'économie va mal, on n'est pas le produit qui est le plus consommé.
03:00Ce matin, le président du MEDEF dit qu'il peut y avoir des suppressions de centaines de milliers d'emplois.
03:06Est-ce que vous, vous redoutez des suppressions de postes chez vous et, j'allais dire, dans toute la filière ?
03:12Chez Duval-Leroy, non. On n'a licencié personne pendant le Covid.
03:17Ce n'est pas une crise en plus, des crises sont cycliques.
03:20On ne va pas licencier parce que Donald Trump a décidé de quelque chose qui peut durer un mois, deux mois, trois mois, six mois.
03:25On est sur des visions très longues. Une vigne, c'est 100 ans de vie. Les vins, on les garde entre 10 et 15 ans en cave.
03:30On ne réagit pas à la minute. On est sur des temps très très longs en Champagne.
03:35Bon, sauf que 60% de votre chiffre d'affaires, c'est l'export. Si ça va mal partout dans le monde, forcément, vous n'irez pas très bien.
03:43On n'ira pas très bien, mais on ne sera pas les seuls à ne pas bien aller.
03:47L'économie mondiale devra réfléchir autrement à travailler, pas que le champagne.
03:52La présidente de la Commission européenne a dit qu'elle espérait pouvoir négocier encore. Ça vous semble jouable, ça ?
03:58Tout est jouable, mais ça fait combien d'années qu'ils doivent négocier sur tous les sujets, dans tous les pays, pour plein de choses et qu'il ne se passe pas grand-chose.
04:04Donc oui, on peut toujours l'annoncer, mais je pense que chacun doit mieux essayer de travailler dans son coin et avancer.
04:11Nous, on ne va pas attendre du gouvernement des aides pour avancer.
04:16Mais ça veut dire quoi, chacun doit avancer dans son coin ?
04:18Nous, on doit continuer à travailler des marchés, on doit continuer à essayer de trouver de nouveaux débouchés, de faire comprendre aux consommateurs que le produit est très très bon
04:26et d'arriver à travailler intelligemment pour refaire découvrir le produit à des personnes qui auraient sorti de la catégorie.
04:31Emmanuel Macron a appelé hier les entreprises françaises à suspendre les projets d'investissement aux États-Unis en attendant une clarification.
04:38Est-ce que, d'après vous, c'est la bonne méthode pour mettre la pression sur Donald Trump ?
04:42C'est toujours bien de l'annoncer, mais si une entreprise avait décidé de construire pour 1 milliard, 2 milliards, 3 milliards d'euros une usine,
04:49ils ne vont pas se dire « Ah bon, on met tout en stand-by pour 3 semaines ».
04:53Je ne vois même pas comment une entreprise pourrait l'imaginer, sauf si c'est une entreprise où l'État est actionnaire.
04:59Mais on pourrait imaginer une forme de solidarité, justement, de certains grands groupes pour essayer de limiter la casse pour des entreprises, par exemple, comme la vôtre.
05:10Enfin, le champagne, à part les Français, j'allais dire, j'imagine qu'au sein de l'Union Européenne, il n'y a pas grand monde pour les défendre.
05:17Non, non, mais on verra ce que les entreprises vont faire.
05:22Vous avez l'air super résigné, en fait.
05:23Non, non, je ne suis pas résigné. Non, mais je ne vois pas comment, avec des vieux pieux de notre cher président,
05:28comment on peut demain demander à des entreprises d'arrêter tout investissement et qu'ils vont le faire juste en claquant des doigts pour leur dire
05:34« Bien sûr, président, vous avez raison ».
05:35Moi, je ne suis pas résigné.
05:36On a des clients, des très très bons clients en France.
05:40On a signé avec le Moulin Rouge, on a signé avec Le Nôtre, c'est des gens avec qui on travaille depuis 70 ans.
05:43On est dans des logiques de temps très très longs.
05:45Donc nous, des annonces qui sont des annonces à une semaine, à deux semaines, à trois jours,
05:49honnêtement, je ne dis pas qu'elles ne nous touchent pas, mais ce n'est pas ça qui va changer le monde.
05:54Quand ces bouteilles que vous ne vendrez pas, est-ce qu'on peut imaginer que ça ait une influence sur le prix sur les autres marchés ?
06:02Est-ce que vous pourriez baisser les prix pour en écouler plus ou au contraire augmenter les prix pour combler le manque à gagner ?
06:08Le problème, c'est qu'on ne travaille pas avec des marges exceptionnelles. Oui, il y a quelques...
06:13Sur une bouteille à 20 euros, tout à l'heure, vous évoquiez le prix d'une bouteille à 20 euros. Il y a combien de marges ?
06:19Sur quelqu'un qui vendrait une bouteille à 20 euros, par exemple en grande surface, il n'a même pas un euro de marge derrière.
06:26Et le reste, c'est quoi alors ?
06:28Du prix du raisin, des salaires, des taxes, de la distribution.
06:32Aujourd'hui, vous avez 10 euros de raisin dans une bouteille.
06:36Une bouteille coûte, en matière de verre, un peu plus d'un euro, un euro cinquante entre le verre, les étiquettes.
06:42Vous rajoutez 4-5 euros de salaire, il n'y a rien sur... Après, même sur des marges de distribution, il n'y a rien du tout.
06:49On n'est pas sur des... Il y a une vision parce que le champagne, c'est chouette, c'est la fête.
06:53Mais on n'est pas sur des... On reste sur des marchés qui sont à des faibles marges.
06:56On n'est pas dans l'ultraluxe où 90% de la valeur est de la pub, de la marge et du plaisir.
07:03Et donc, quand on entend d'autres maisons de champagne s'inquiéter, en fait, elles ont tort ?
07:07Non, elles ont raison. Non, mais tout le monde doit s'inquiéter.
07:10On est sur un marché qui est compliqué, on est sur des temps, je disais, qui sont très longs.
07:14On doit garder les bouteilles 3 ans, 4 ans en cave.
07:16Donc, on a déjà cette avance, on a déjà des vins qui coûtent cher en stock.
07:20Donc, on ne peut pas baisser les prix parce que baisser les prix ferait qu'on vendrait à perte nos bouteilles.
07:24Donc, il n'y a aucun intérêt de le faire.
07:25Un dernier point. Le ministre chargé du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, sera aujourd'hui dans la Marne
07:30pour parler notamment du soutien à la filière Champagne.
07:33Qu'est-ce que vous lui demandez concrètement ?
07:37Aujourd'hui, déjà, de faire aimer le champagne en France.
07:40Je pense que ce serait déjà bien de pouvoir redire aux gens, vous pouvez boire.
07:44On avait des grands marchés qui étaient les cadeaux d'entreprise dans les boîtes.
07:48Aujourd'hui, on n'a plus le droit de boire dans une entreprise, on n'a plus le droit de faire un cadeau avec du vin.
07:51Si on pouvait juste expliquer que pour le vin et pour le champagne,
07:54que ce n'est pas la même chose que de la drogue et que ce n'est pas la même puissance que des alcools forts
07:59et de re-être dans de la modération et de la consommation du quotidien, ce serait déjà quelque chose de bien.
08:04Et ça, vous trouvez qu'on ne le fait pas ?
08:05On ne le fait pas du tout.
08:07Ce n'est pas bon.
08:09Tout ce que le gouvernement a dit sur le drive januairi, on est dans une politique, on est dans la sobriété.
08:14Ce n'est pas mon mot préféré, la sobriété, mais la modération, évidemment.
08:19Merci. Avec modération, c'est quand même la consigne.
08:22Merci beaucoup Charles Duval, le roi, d'être venu nous voir.

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