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00:00Avec nous pour la suite de Culture Média. Effectivement, dans un instant, nous recevrons
00:04Chico et Gypsy qui sont en train de se préparer dans ce studio. Mais on est toujours avec Paul
00:09Elkarath, l'un des plus grands champions des 12 coups de midi et sa maman Sophie, puisque
00:13vous racontez dans un livre en forme de dialogue, un livre qui s'appelle Atypie, qui sort aujourd'hui,
00:18votre parcours d'autiste Asperger. On en a parlé tout à l'heure des débuts compliqués et puis du
00:25temps qu'il a fallu pour poser un diagnostic. D'abord parce que vous n'étiez pas forcément
00:30d'accord avec votre mari Ali, qui était un peu voire carrément dans le déni. Et vous, vous savez
00:37Sophie, qu'il se passe quelque chose de particulier dans la tête de votre fils Paul. Mais alors vous
00:42allez vous heurter un mur à chaque rendez-vous médical, que ce soit chez le pédiatre, chez le
00:47pédopsychiatre. Il y a en fait, on a l'impression, une méconnaissance totale du corps médical sur
00:52l'autisme. Je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui. Là, en tout cas, c'était le cas dans
00:56le début des années 2000. Effectivement, c'est une méconnaissance abyssale, je dirais, du sujet en
01:05France. Parce que ce n'est pas le cas dans les pays anglo-saxons, au Canada, aux Etats-Unis,
01:10en Australie même, où on a les plus grands experts mondiaux. Donc en France, il y a un retard de
01:17formation des médecins, de tous les personnels de santé. Et pour vous donner une idée, la thèse
01:27d'Asperger, qui a donné son nom au syndrome, elle a été traduite en français en 1998. Donc c'est
01:31dire le retard qu'on a. Alors, beaucoup de choses ont changé. Il y a des plans autisme qui se sont
01:39mis en place depuis un certain temps, avec financement de recherche, financement de centres
01:45de prise en charge. Donc on va vers le mieux. Ça s'améliore, mais on part de tellement loin que
01:51c'est encore pas du tout... On a trop d'attentes pour avoir un diagnostic. Deux ans d'attente dans
01:58les CRA, dans les centres ressources autisme. On a trop d'attente. Enfin, on est seul. Et nombre de
02:05parents sont laissés à eux-mêmes. Et voilà. Donc non, non, on n'est pas au bout du chemin. Loin
02:13s'en faut, mais il y a du progrès. Et alors, quand Paul est en troisième et à un moment de votre vie,
02:19Sophie, vous êtes en burn-out complet et en plus à l'hôpital à cause d'un pied cassé, que là,
02:25tout d'un coup, tout va s'éclaircir pour vous ? S'éclaircir, c'est-à-dire ? Juste, on a le
02:30diagnostic. Vous allez comprendre qu'il y a une solution et que cette solution, c'est en tout cas
02:36un nom et c'est autisme. C'est ça, c'est ça. C'est-à-dire que suite au diagnostic, qui est
02:45une chose assez compliquée, ce qui se fait pas... Qui est très long. Voilà, qui est très long. Enfin,
02:51pas très long, mais en tout cas très dense. Il y a énormément de questions. Ils filment les
02:57personnes. Ils examinent le comportement. Bref. Paul, il était volontaire pour faire ce diagnostic ?
03:03Oui, parce qu'il était en pleine adolescence et il y a un moment, il faut qu'on sache ce qui se
03:10passe parce que c'est quand même beaucoup mieux. Effectivement, chacun réagit comme il peut dans
03:15les parents par rapport à ça. Et on oscille en permanence entre le déni et la lucidité par
03:25rapport à des comportements différents. Et ça, c'est tout à fait normal parce que c'est un
03:31handicap invisible. Donc, quand vous voyez une personne, vous dites bon, il n'y a pas de souci.
03:37Mais si, il y a un souci, mais on ne le voit pas. Et donc, nous-mêmes, les plus proches, on oscille
03:42en permanence entre c'est normal, c'est pas normal, c'est normal, c'est pas normal. Jusqu'à ce qu'à un
03:46moment, on mette un mot sur quelque chose. Et là, c'est un soulagement parce qu'on sait comment on
03:52va pouvoir interagir et éviter des tas de souffrances pour les enfants. Et est-ce que ça
03:58a été un soulagement pour toi aussi, Paul? Oui, on peut dire ça. Même si, évidemment, il y avait
04:05suspicion en permanence d'une divergence neurologique me concernant. Le fait est qu'il
04:14y ait enfin le terme d'autisme qui apparaît en 2015 à la suite d'un visionnage d'un reportage
04:25sur l'autisme et du syndrome d'Asperger avec le directeur de l'hôpital Salvatore de Marseille.
04:33Et donc, c'est à ce moment-là où ma grand-mère suggère l'idée que c'est assez ressemblant avec
04:42ce que je peux avoir, avec ma manière d'être et de m'exprimer. Alors, on a fait les démarches
04:49nécessaires dans le centre médico-psychologique qui nous a donné le soin d'aller au centre de
04:56ressources d'autisme de Fort-de-France. Et c'est là où, après la batterie d'examens dont ma mère
05:03vient de parler, j'ai eu le diagnostic le 22 juin 2015, à 16 ans. Vous avez cette jolie phrase
05:12dans le livre, vous écrivez, c'est la traduction de qui je suis. C'est-à-dire que ça y est, enfin,
05:16il y avait un mot très clair. Alors, j'imagine que c'est un soulagement, c'est aussi teinté
05:21certainement d'un peu d'amertume, Sophie, parce que vous dites qu'elle est temps perdue aussi.
05:25Ça a été ma première réaction de dire, mais depuis qu'il a trois ans, on dit qu'il y a un
05:31truc qui se passe. Et on arrive, il a 16 ans et enfin, on a quelque chose. Donc, que de temps
05:36perdu. Ça, c'est la première réaction qui se justifie parce que si on avait su, on aurait
05:43mieux accompagné, on aurait évité des souffrances, on aurait évité des tas de choses. Et en même
05:47temps, la psychiatre du CMP m'a dit quelque chose qui est aussi pertinent, qui est, si vous l'aviez
05:53su, vous n'auriez pas fait tout ce que vous avez fait avec Paul, parce que vous vous seriez dit,
06:01il a un handicap, on ne fait pas, on ne fait pas. Et donc, il ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.
06:08Donc, on ne refait pas l'histoire, c'était comme ça. Mais en tout cas, ce que je veux dire, c'est
06:14qu'on est quand même mieux armé quand on connaît les choses, que quand on ignore ce qui se passe.
06:21Et vous le dites aussi, Paul Elkarrat, à la fin du livre, si vous n'aviez pas eu de carrière dans
06:26les médias, vous dites, je ne sais pas ce que je serais devenu. Vous ajoutez, depuis que je suis
06:31connu, je ne suis plus bizarre. Étonnante cette phrase. Oui, après, vous savez, même en étant
06:38reconnu par ses pairs, même en étant dans le cadre des médias, de la radio et de l'écriture,
06:47on ne peut pas s'empêcher évidemment, non seulement d'être, mais de cultiver aussi
06:51une certaine singularité. Moi, j'ai toujours considéré qu'il valait mieux, et de toute
07:00façon, je ne peux pas faire autrement que de continuer à être ce que j'ai toujours été,
07:05c'est-à-dire quelqu'un qui a une vision des choses qui est assez globalisante, assez totale,
07:13une mémoire que je ne peux pas effacer évidemment, même si à certains moments j'aimerais. Une
07:20faculté à tendre vers l'humour qui était endormi depuis moultes années auparavant. Et oui,
07:29toujours se dépasser, dépasser même sa condition d'autisme, d'autiste, c'est-à-dire tourner vers
07:37soi, mais aussi tourner vers les autres, parce qu'une personne avec autisme n'est jamais quelqu'un
07:42qui a uniquement de l'autisme, c'est quelqu'un qui a moultes facultés, moultes intérêts, et donc
07:48qui est en mesure justement de concilier toutes ces approches et d'être dans cette société,
07:54non pas en marginalité. Et on le rappelle qu'il y a près de 80% des personnes qui sont
08:00porteuses du syndrome d'Asperger, l'ignorent encore, donc il y a encore énormément de
08:05chemin à faire et je vous recommande la lecture de ce livre de Paul et Sophie Elkarrat,
08:09Atypique, ce dialogue mère-fils pour mieux comprendre l'autisme. Merci beaucoup à tous
08:14les deux d'être venus ce matin. Merci à vous.

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