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Dans « le grand témoin » Télématin reçoit Arthur Kermalvezen, président de l'association Origines.
Dans « le grand témoin » Télématin reçoit Arthur Kermalvezen, président de l'association Origines.
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00:00pour le don de sperme et d'ovocyte à partir d'aujourd'hui, ce don n'est plus anonyme, les enfants vont donc pouvoir savoir qui sont leurs parents biologiques
00:09alors que jusque là, c'était plutôt un parkour du combattant, comme va nous le raconter votre grand témoin ce matin, Flemming.
00:14Bonjour Arthur Kahneman Weizen. Bonjour. C'est normal que j'ai du mal à le prononcer, vous n'en prendrez pas ombrage.
00:19Merci d'être avec nous, vous êtes né d'un don de gamètes et vous êtes en France le premier enfant né d'un don de gamètes à avoir retrouvé son père biologique.
00:29C'était en 2017. Pourquoi est-ce que c'était si important pour vous de retrouver celui qui est votre géniteur ? Qu'est-ce que ça apporte d'en connaître l'identité ?
00:37Moi j'ai toujours su comment j'avais été conçu. Oui, vos parents vous l'ont toujours dit. Et donc je me suis toujours attendu, vu les parents que j'avais,
00:43assez précurseurs pour l'époque, puisqu'il était recommandé dans la loi de ne pas en parler aux enfants, je m'attendais à ce qu'ils aient un dossier des informations.
00:52J'ai attendu d'avoir 18 ans et le jour de mes 18 ans, j'aurais dit bon écoutez je suis prêt, c'est bon maintenant allons-y, je veux bien avoir le dossier.
01:00Et c'est à ce moment-là que j'ai découvert qu'il n'avait strictement rien. C'est à ce moment-là que j'ai découvert l'anonymat absolu à perpétuité qui est d'ordre public.
01:08C'est-à-dire que même si mes parents sont d'accord pour que je rencontre mon donneur, même si mon donneur était d'accord pour me rencontrer,
01:14comme c'est une interdiction d'ordre public, l'État dit non. Même si tout le monde est d'accord, c'est ça qu'il fallait bien comprendre.
01:20Et donc je trouvais que c'était, l'attente était longue déjà pour moi, on pourra en reparler, mais j'ai trouvé que c'était une forme de cruauté, d'injustice gigantesque.
01:30Et ça m'a mis dans une telle colère que je me suis dit qu'il fallait absolument la convertir pour pas qu'elle se retourne contre moi.
01:35Voilà, vous en avez fait votre combat, on va en parler, long combat. Est-ce que vous aviez déjà fait quelques démarches pour tenter de savoir avant de faire ce fameux test dont on va parler dans un instant ?
01:46Oui, si vous saviez ce qu'on a fait, on est allé partout, à l'Assemblée Nationale, au Sénat, on a rencontré les conseillers des différents présidents,
01:56Roselyne Bachelot qui était vraiment à la pointe sur le sujet, Dominique Bertinotti, Dominique Versini.
02:02Et qu'est-ce qu'on vous répondait alors ?
02:03Eh bien ces gens étaient favorables, le problème c'est qu'il faut que quelqu'un décide.
02:08Et là, aujourd'hui, ce qu'on fait, c'est une décision, notamment celle d'Emmanuel Macron qui a su se hisser à la hauteur des sentiments de l'enfant que j'étais à 5 ans,
02:17qui subissait cette injustice, qui était dans une attente. Il faut bien voir que quand mes parents invitaient des amis à l'apéritif,
02:24comme j'étais au courant de l'existence de mon donneur, je voyais que mes parents se préparaient, donc il y avait un moment important,
02:31je me disais, ils vont me présenter mon donneur. Donc je me cachais derrière le rideau, j'observais en me disant, est-ce que c'est lui ?
02:38Depuis l'âge de très tôt ?
02:39Tout petit, tout petit. Je me souviens, mes premières pensées intenses, c'était quand j'avais 4 ou 5 ans,
02:45donc c'est dire à quel point ça nourrissait mon âme.
02:49Vous cherchiez des ressemblances, c'est ça ?
02:52En fait, pour tout vous dire, mes parents sont toujours ensemble. J'aime profondément mon père,
02:59et je me suis désolé toute mon enfance de ne pas pouvoir lui ressembler plus.
03:04D'autant que, très souvent, quand je parlais des filles à l'école, ou de mes conquêtes,
03:09ils me disaient, est-ce que ça ne te pollue pas trop dans ton apprentissage ?
03:15Et je me disais, en fait, ce qui me pollue, c'est bien plus la question des origines,
03:20parce que quand j'ai un prof qui parle, je me dis, est-ce que ce n'est pas le frère de mon donneur ? Est-ce qu'il n'en fait pas partie ?
03:24Et en fait, ça m'a énormément gêné, parce que la question des origines, c'est quand même une question existentielle, une question d'adulte.
03:30Et vous avez décidé un jour de tenter d'y répondre à travers ce qu'on appelle un test génétique récréatif.
03:36Vous savez, c'est quand on envoie un échantillon de sa salive aux Etats-Unis.
03:40Moi, j'étais complètement contre.
03:42Mais vous l'avez fait.
03:43Je l'ai quand même fait.
03:44Et donc, vous avez pris votre salive, vous avez envoyé la petite pipette aux Etats-Unis.
03:47Trois semaines après...
03:49Trois semaines après, je découvre que j'ai des correspondances ADN.
03:53C'est-à-dire que je partage 6% de mes gènes avec quelqu'un.
03:56Je me dis que ce n'est pas grand-chose.
03:58Et puis, ma femme trouve son profil sur un réseau social.
04:02Et 12 heures plus tard, cette personne m'envoie un message en me disant, j'ai mené l'enquête dans ma famille, je sais qui est ton géniteur, appelle-moi maintenant.
04:12Donc, j'ai retrouvé mon donneur en 12 heures.
04:14Est-ce qu'on peut connaître le prénom de votre donneur, du géniteur ?
04:18Oui, parce que c'est le combat de ma vie.
04:20Vous l'avez rencontré.
04:21Est-ce qu'on peut dire donneur, géniteur et rentrer dans le débat de, est-ce qu'il faut dire parent biologique ?
04:25On peut maintenant le prénommer, il s'appelle Gérard.
04:28Gérard, vous l'avez rencontré.
04:29Vous avez mis du temps, un petit peu, parce qu'il faut évidemment se préparer.
04:32Votre père était d'accord.
04:34Oui, il m'a aidé à rédiger le courrier qui lui a été transmis.
04:37Tout à fait.
04:38Je tenais à ce qu'il soit tout le temps là.
04:39Vous lui avez écrit une lettre que vous avez transmise à son voisin par délicatesse, que vous ne vous venez pas débarquer dans la vie de Gérard comme ça, en disant, coucou, je suis né de votre don de gamètre.
04:50Comment ça s'est passé ?
04:51Est-ce qu'il s'est passé quelque chose au moment de cette rencontre ou de la même de votre satisfaction de l'avoir retrouvé ?
04:57Il y a quand même des choses qui nous dépassent quand on rencontre son géniteur.
05:00C'est-à-dire que je vois bien qu'il y a une part qui n'est pas grande, je dirais un quart, 25% max, où il y a quand même une sensibilité dont j'ai hérité.
05:10Une partie du regard, même parfois des chemins de pensée.
05:14C'est assez troublant.
05:15Après, mon géniteur était assez tristoune, entre guillemets, parce que je posais beaucoup de questions sur ses parents.
05:22Et moi, ça m'a beaucoup intéressé d'apprendre...
05:24Vous aviez besoin d'avoir une histoire ?
05:26Oui, mais d'apprendre que son père avait été déposé sur les marches d'une église, qu'il était pupille de l'État, qu'il était autiste Asperger.
05:32C'est à cause de ça qu'il a donné son sperme, lui, ou pas ? À cause de cette histoire-là ?
05:37Non, lui, il a eu du mal à avoir des enfants.
05:39Et donc, il comprenait la douleur que c'était un enfant qui ne vient pas.
05:42Et donc, il voulait absolument venir aider les couples qui voulaient devenir parents.
05:46Mais l'histoire va un tout petit peu plus loin.
05:48C'est qu'en fait, lui avait besoin de se rabibocher avec ses enfants.
05:53Et donc, il m'a dit, moi, j'ai aidé ce couple à devenir tes parents.
05:58Est-ce que toi, tu peux m'aider à reconstituer ma famille ?
06:00Donc, j'ai essayé de l'aider à rédiger des courriers à ses enfants, etc.
06:04Ça a marché ?
06:05Et j'ai raconté ça à mon père qui me dit, tiens, c'est amusant, il fallait que vos existences se croisent.
06:09Ne serait-ce que pour ça, la boucle était bouclée.
06:11Vous aviez des missions l'un pour l'autre.
06:13Très rapidement, aujourd'hui, les donneurs en France doivent consentir à la communication de leur identité pour donner.
06:18Ça, vous trouvez que c'est une bonne chose ?
06:20C'est devenu une obligation.
06:21Et lors des débats de la révision des lois bioéthiques, la question de fond, c'est que la politique, ce sont des principes.
06:27Et c'était normal qu'on fasse ça.
06:30Par contre, je veux quand même attirer l'attention sur le fait que les donneurs, aujourd'hui, seront identifiables au bout de 18 ans.
06:39Le problème, c'est que le droit de l'enfant, lui, n'a strictement rien.
06:43Et donc, je pose la question là, est-ce que ce n'est pas à 10, 12, 14 ou 16 ans qu'il faudrait plutôt ouvrir des droits aux enfants ?
06:49Eh bien, le message est passé.
06:50Merci beaucoup, Arthur.
06:51Carmel Vézenne, pour votre témoignage, je voudrais conseiller votre livre, Le Fils coécrit avec Charlotte Rothman.
06:56Merci à vous.
06:57Merci pour votre invitation.
06:58Est-ce que...