Disponible sur la plateforme Max, cette fiction qui navigue entre comédie et drame est librement adaptée par Noé Debré et Benjamin Charbit du best-seller "Vivre avec nos morts", paru en 2021.
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00:00Bonjour Noé Debré, c'est important de préciser que c'est une libre adaptation
00:04parce qu'en fait la série est assez éloignée du livre.
00:06Dans « Vivre avec nos morts », Delphine Horviller relate des enterrements pour lesquels
00:10elle a officié, raconte comment elle a accompagné ses familles en tant que rabbin.
00:13Pourquoi n'êtes-vous pas resté fidèle à ce récit ?
00:16En fait, l'intuition c'était que si on faisait une série de la façon la plus linéaire
00:23par rapport au livre, c'est-à-dire en mettant un enterrement par épisode, que ça allait
00:28être un peu répétitif et puis un peu sinistre peut-être.
00:32Et surtout, cette série-là existe déjà, elle est formidable, elle s'appelle « Six
00:35feet under ». Donc avec Benjamin Charbit, on a décidé de déplacer ça et de faire
00:43un format 30 minutes, qui est plutôt un format de comédie, et de raconter les grands et
00:49les petits défis de la vie d'un rabbin.
00:51Voilà, le sens des choses.
00:52Ce n'est pas non plus l'histoire de Delphine Horviller, ce n'est pas un biopic, mais
00:56notre personnage principal, c'est une jeune femme qui a elle aussi choisi de devenir
01:00rabbin et qui vient en aide à des personnes à des moments critiques de leur vie, un deuil,
01:03un mariage, un échec.
01:05Mis à part leur métier commun, quel est le lien entre ces deux femmes ? Comment on
01:09passe du livre à la fiction ?
01:10En fait, la méthode, ça a été d'inviter Delphine à déjeuner et de lui faire nous
01:16parler de son métier, de sa vie quotidienne, les gens qui viennent la voir, pourquoi ils
01:21viennent la voir, comment est-ce qu'elle s'en sort.
01:23Et on a pris ce matériel, puis après on allait réfléchir à des histoires avec les
01:29auteurs.
01:30Et puis on revenait régulièrement voir Delphine, on lui racontait, voilà, on a ça en tête
01:33pour un épisode.
01:34Souvent, ça lui était déjà arrivé, donc elle nous racontait des anecdotes en plus,
01:38ou alors elle essaie de se projeter, de se dire comment est-ce qu'elle réagirait.
01:42Et voilà, donc on avait une espèce de dialogue comme ça tout du long.
01:47À la fin, elle a lu les épisodes, elle nous faisait encore des remarques, des observations,
01:50etc.
01:51Donc ça a été vraiment une série écrite en dialogue avec elle.
01:54On va écouter un extrait, Léa vient d'être nommée rabbin d'une synagogue de Strasbourg.
01:58Le président de la communauté juive de la ville et l'une de ses collaboratrices font
02:02une séance photo pour les réseaux sociaux.
02:04Et la kippa ? Ah oui, la kippa.
02:06Ben hé ho, vous ne mettez pas la kippa de la communauté ou quoi ?
02:08Non, je ne porte pas de kippa.
02:10Mais comment ça, on les a faites exprès ? Je ne pense pas avoir besoin de m'attribuer
02:14les rituels liturgiques masculins.
02:15Bon, écoutez, c'est vous le rabbin, mais enfin c'est dommage, parce qu'on les a fait
02:20exprès quand même.
02:21C'est un peu dommage.
02:22Et puis le côté femme à kippa, ça marque les esprits, c'est comme une femme à barbe,
02:27on n'en voit pas tous les jours.
02:28Je ne mets pas comme légende, vous dites le rabbin ou la rabbine ? Ou la femme rabbin ?
02:32Ah non, pas la femme rabbin.
02:33Ça fait bizarre, ça fait homme grenouille.
02:35Bon, attendez, vous savez quoi ? On en fait une avec, une sans, et on choisit après.
02:40Allez, allez.
02:41Voilà.
02:42Oui.
02:43Ça n'a rien à voir.
02:46Par contre, vous la postez pas tout de suite, je ne l'ai pas encore annoncée à toute ma famille.
02:50Eh ben trop tard, c'est envoyé.
02:52Alors là, c'est un passage très drôle, mais vous alternez avec des moments plus graves.
02:56Pourquoi vouliez-vous naviguer entre la comédie et le drame ?
02:59Pourquoi ces ruptures de ton permanentes ?
03:01En fait, c'était un peu la pente naturelle du projet.
03:04Nous, au départ, au tout début, avec Benjamin, on s'est dit, on va faire comme cette série
03:09américaine qui s'appelle « Coeur bien enthousiasme », qui est vraiment une série un peu farce
03:12sur la vie d'une jeune femme rabbin.
03:17Et puis, évidemment, en en parlant avec Delphine et puis en allant un peu dans la vérité de
03:22ce que c'est, on s'est rendu compte que ce qu'il y avait d'intéressant et ce qu'il
03:25y avait d'émouvant et ce qui, d'ailleurs, était très présent dans le bouquin et je
03:28pense qui a beaucoup parlé aux gens, c'est justement la gravité, la densité des enjeux,
03:35de ce qui s'y passe.
03:36Et donc, la série s'est mise un peu à marcher sur ces deux jambes-là, où à la fois, c'est
03:41un peu les grandes questions de l'existence et qui sont prises au sérieux.
03:45Et en même temps, un ton comme ça, un peu léger, un peu de dérision.
03:49Je sais que vous aimez penser à des comédiens précis quand vous écrivez.
03:53Pensiez-vous donc, dès l'écriture du scénario, à Elsa Getsch, révélée dans
03:57la série « Drôle » et qui est une actrice absolument exceptionnelle ? Et puis, pareil
04:01pour Eric Elmosnino, Manu Payet qu'on vient d'entendre, Noémie Lvovski ?
04:06Oui, alors, secrètement, je pensais pas mal à Elsa, un peu pendant toute l'écriture
04:13et puis on s'en était parlé avec les auteurs.
04:15Mais par exemple, j'en avais pas parlé avec la réalisatrice Keren Ben-Raphael avant
04:19qu'on fasse les castings parce que je voulais qu'elle y aille un peu avec un regard neuf.
04:23Et puis, l'évidence lui a sauté aux yeux également.
04:27Et pour les autres, Eric, on y a pensé assez vite aussi parce qu'il y avait, pareil,
04:33une histoire d'évidence entre ce personnage de père, psychanalyste, agnostique, assez
04:39véhément et un peu dépressif, et le clown d'Eric, c'est-à-dire la façon dont il est drôle.
04:45Il y a Solal Boulounine aussi qui joue le frère d'Elsa auquel on pensait pas mal.
04:50Mais c'est à chaque fois des idées qu'on a confrontées à des alternatives, on a vu
04:54beaucoup de monde et il y a des idées qui ont surgi quand on préparait la série.
04:58Manu Payet, par exemple, je ne l'avais pas anticipé.
05:01Et pour moi, c'était le rôle le plus difficile à caster parce qu'il joue vraiment le rôle
05:06un peu outré du fudge, quoi.
05:09C'est la caricature.
05:10Un peu.
05:11Mais c'est la caricature assez réaliste, en réalité.
05:15Et ce qui est formidable avec ce que fait Manu, c'est qu'il y amène beaucoup de nuances
05:20paradoxales.
05:21Ça veut dire qu'il n'a pas besoin de baisser l'outrance pour apporter de la nuance.
05:25Et j'étais très impressionné par ça, très soulagé.
05:28Ce n'est pas une série sur les Juifs de France, Noé Debré.
05:30Ça parle de moments que chacun d'entre nous vivons.
05:32Ce sont des thèmes universels, des questions existentielles dans lesquelles tout le monde
05:36se retrouve.
05:37Oui, absolument.
05:38Ce n'est pas du tout une série sur la condition juive ou quelque chose comme ça.
05:42En fait, ce qui est formidable avec cette histoire de rabbin, et on a mis du temps
05:46un peu à le comprendre, c'est qu'on va voir un rabbin quand on est confronté aux
05:50grandes questions de nos existences.
05:51Et en fait, nos existences, à nous tous, elles font assez peu l'objet de la fiction
05:57parce que dans la fiction, on a besoin de choses très dramatiques.
06:01On va souvent faire des séries sur des policiers ou sur des voyous, ce genre de choses, parce
06:05que c'est des gens qui, supposément, vivent des choses très intenses.
06:09Et c'est pratique pour un scénariste, ça.
06:11Et là, ce qui est intéressant, c'est qu'en fait, non, c'est la banalité des
06:15grandes questions de notre quotidien.
06:17C'est ce moment où on a un enfant, ce moment où on voit ses parents vieillir, ce moment
06:21où on doit se marier, mais on n'est pas sûr, ce genre de choses.
06:24Je pense que tout le monde traverse.
06:26Et c'est dans ces moments-là qu'on va voir Léa.
06:29Et c'est elle qui doit essayer d'accompagner les gens là-dedans.
06:33Et donc, oui, de ce point de vue-là, c'est vraiment très universel.
06:36Mais est-ce toutefois, Noé Debré, un bon timing de sortir une série qui traite du
06:41judaïsme, malgré tout, alors que les actes antisémites sont en rose, qu'un parti est
06:45régulièrement taxé d'antisémitisme ? Vous savez que c'est un sujet explosif.
06:48Oui, mais le problème, c'est que si on attend qu'il n'y ait plus d'antisémitisme
06:51pour sortir des fictions sur les Juifs, on va attendre un moment.
06:54Donc, non, moi, j'essaye de ne pas trop me laisser polluer par ça et me dire que
07:10tout ce qui est humain est intéressant pour tout le monde.
07:15Rien de ce qui est humain ne m'aide étranger.
07:17Je pense que tout le monde réfléchit comme ça, j'espère.
07:19Vous êtes aussi le créateur de la série ultra drôle Parlement, dont la dernière
07:23saison, l'ultime, la saison 4, va bientôt sortir.
07:26Oui.
07:27C'est pour quand ?
07:28C'est pour bientôt, mais je n'ai pas encore la date.
07:31Je pense que c'est imminent.
07:33Avril ou mai.
07:34Sur France Télévisions ?
07:35Oui.
07:36Et c'est sûr, ce sera la dernière ?
07:37Ça en a bien l'air, parce que Xavier Lacaille est trop cher maintenant.
07:42On n'a plus les moyens de se le payer.
07:43C'est le rôle principal.
07:44On ne peut plus faire cette série, malheureusement.
07:46C'est bien.
07:47C'est un comédien formidable.
07:48Merci d'être venu, Noé Debré.
07:50Merci à vous.