"J'ai du mal à sortir dans la rue, c'est la réalité."
Sa violente agression en pleine rue, filmée par une caméra de surveillance, avait été très médiatisée en juillet 2018. 1 an plus tard, Marie Laguerre raconte l'après.
Sa violente agression en pleine rue, filmée par une caméra de surveillance, avait été très médiatisée en juillet 2018. 1 an plus tard, Marie Laguerre raconte l'après.
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00:00Entre la demande médiatique, plus le traumatisme de l'agression, plus après le cyber harcèlement
00:28que j'ai subi, ça n'a pas été une année très facile.
00:31Depuis l'agression, j'ai eu beaucoup de troubles du sommeil, troubles alimentaires,
00:40des angoisses parfois vraiment très fortes, des douleurs physiques aussi.
00:47Quand on vit un traumatisme, ça laisse des traces.
00:49J'ai du mal à sortir dans la rue, c'est la réalité.
00:52Parfois, je mets vraiment pas mal de temps à sortir de chez moi parce qu'en fait, inconsciemment,
00:57déjà je dois repasser devant le lieu où j'ai été agressée, c'est difficile parce
01:01qu'il y a beaucoup d'hommes partout et je m'en fiche de savoir que tous ne vont pas
01:06m'emmerder.
01:07Oui, je sais que tous ne le font pas, mais le problème, c'est qu'il y en a qui le font
01:10et je ne sais pas qui.
01:11Et ça m'épuise de prendre ce risque épuisant et ça m'épuise de ne pas pouvoir sortir
01:18comme je veux.
01:19Ça m'épuise d'avoir peur, ça m'épuise d'être tendue parce que je ne le contrôle pas.
01:27Je ne me rends pas compte de ce que c'est d'être médiatisé.
01:35C'est très violent, c'est épuisant, ça m'a pris tout mon temps, toute mon énergie.
01:46Des fois, je commençais à répondre à des interviews dès 5h du matin, ça m'arrivait
01:50de finir à 2h du matin.
01:51Des fois, je faisais des cauchemars la nuit, des journalistes défonçaient la porte de
01:57ma chambre et se jetaient sur moi.
01:59Surtout qu'au début, je ne savais pas dire non et j'étais concentrée sur « il y a
02:06urgence, je ne supporte pas, ça continue plus longtemps et là, c'est ma chance de
02:11faire bouger les choses.
02:12Du coup, je ne peux pas me permettre de prendre de pause. »
02:22Du coup, j'ai compris un peu ce que ça faisait d'être reconnue par la justice comme victime
02:28et ça m'a permis d'avancer, je pense que c'est une étape importante.
02:33Surtout, je me désole qu'on soit aussi peu à y avoir accès parce que pour ce qui concerne
02:43le harcèlement de rue, les agressions dans la rue, il y a très peu de condamnations.
02:50Après avoir posté ma vidéo et avoir répondu aux médias, j'ai subi ce qu'on appelle du
02:55cyberharcèlement.
02:56Ça a commencé peu après avoir posté la vidéo, c'était quelques messages en message
03:04privé sur Facebook, beaucoup.
03:06Et puis, ça a continué crescendo, notamment quand les médias ont continué à me donner
03:13la parole.
03:15Ça allait de l'insulte, toutes les insultes sexistes, connasse, salope, sale pute.
03:22Beaucoup de commentaires en me disant que je faisais ça pour la célébrité ou l'argent,
03:35que j'étais une menteuse, une profiteuse.
03:37Ce que je trouve hyper intéressant parce que ça fait écho à des stéréotypes qu'on
03:41assimile aux femmes, le fait de profiter, que si on se montre, c'est pour l'attention,
03:46pour l'argent ou je ne sais pas trop quoi, qu'on ment.
03:49Il y a beaucoup de gens qui m'ont dit aussi, quelques personnes qui m'ont dit que mon histoire,
03:55c'était un complot, que j'étais une actrice engagée par le gouvernement, d'ailleurs que
04:00je ressemblais à Marlène Schiappa, donc sûrement que tout ça, c'était faux.
04:04J'ai voulu ne rien laisser passer et j'ai porté plainte.
04:07J'ai porté plainte début décembre pour cyberharcèlement.
04:12A l'aide de mon avocate, on a rédigé une plainte en sélectionnant les messages qui
04:17étaient le plus caractérisés par des délits dans la loi.
04:22Il y a une autre forme de cyberharcèlement que j'ai subie aussi sur Facebook, c'est-à-dire
04:25que mes publications étaient signalées en masse par des gens qui sont anti-féministes,
04:33ce qui a provoqué que mes publications étaient supprimées et mon compte bloqué pendant
04:37un jour, trois jours, une semaine.
04:39Des publications qui n'avaient absolument rien de problématique.
04:45Par exemple, j'ai publié une tribune dans un média, dans un journal, et j'ai juste
04:52repartagé cette tribune sur mon mur.
04:55Elle a été signalée en masse, mais il n'y avait absolument rien de problématique dedans.
05:00Elle a été supprimée et mon compte a été bloqué, ce qui est quand même une énorme
05:04inversion des choses, puisqu'en attendant, les gens qui m'insultaient n'ont pas été
05:09bloqués.
05:10Avec un an de recul, je suis capable de dire que j'en paye le prix de toute cette histoire.
05:14Évidemment, je ne le regretterai jamais parce que c'est trop important de faire avancer
05:18les choses.
05:19Mais déjà, je pense que c'est important de dire que pour faire avancer les choses
05:24un tout petit peu, ça a nécessité que je prenne trois mois de ma vie parce que j'ai
05:33dû redoubler mon année scolaire à cause de ça.
05:35Et en fait, c'est du temps, c'est de l'énergie, et le truc, c'est qu'en fait, ce temps et
05:41cette énergie, tout le monde ne l'a pas déjà, toutes les femmes ne l'ont pas, et je pense
05:45que ça se rajoute encore à notre charge finalement de devoir se battre pour nos droits.
05:52C'est épuisant et en fait, on n'a pas envie de le faire.