Leur métier : interpréter les voix françaises de personnages de film ou de série. Ingrid Donnadieu et Patrick Bonnel sont comédiens de doublage. Dans les studios Titrafilm de Saint Ouen, ils travaillent sur la série Downtown Abbey. Voilà comment ça se passe.
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00:00Barreau n'est pas à la hauteur de la tâche.
00:03Il refuse de polir l'argenterie ou il refuse qu'Andrew le fasse.
00:06Il dit que le grand machin chose, choisira lui-même les pièces à utiliser.
00:12La vérité, c'est qu'il est dans un état second.
00:16Le grand machin, tu vois, en anglais, il fait the big thing.
00:19Oui, on ne peut pas faire pareil.
00:21C'est du doublage.
00:22C'est vulgaire de l'admettre.
00:29Voilà, ça me paraît très bien.
00:32Allez, on écoute tout ça.
00:34Je m'appelle Ingrid Donadieu et je double Marie, la soeur, enfin la fille, une des filles.
00:41Une des filles du comte.
00:43Et moi, je suis Patrick Bonnel et je double Robert Crowley, le comte de Danton, le papa de Mademoiselle.
00:51Le roi et la reine vont séjourner ici.
00:54Pardon ?
00:55Je pense que même maman évitera d'entamer une querelle devant le roi.
00:58Comment on crée un personnage uniquement avec sa voix ?
01:05Moi, personnellement, ça se passe de manière assez instinctive.
01:08C'est comme se mettre au diapason, en fait.
01:10Ma voix, elle va se placer totalement différemment en fonction.
01:14Marie, de toute façon, on l'a vu, c'est Carson.
01:17Là, je la prends plus dans mes aigus.
01:19J'ai un autre personnage dans une série qui est une putain de badass
01:22et ma voix, elle va se placer comme ça.
01:25Ça se fait assez naturellement.
01:27Je pense pas qu'on intellectualise énormément avant.
01:29Le but, c'est de se faire oublier.
01:31Oui, mais s'en rapprocher, mais pas le copier non plus, j'imagine ?
01:35C'est incopiable, de toute façon, parce qu'on joue déjà dans une autre langue.
01:39On est une personne à part entière, donc on fait avec ce qu'on est.
01:42Vous êtes une perle, Carson, c'est tout ce que j'ai à dire.
01:45Je trouverai la sortie.
01:49Finalement, c'est le voudriez-vous qui est sorti.
01:51Oui, mais c'est mieux.
01:52À mon avis, c'est une coquille.
01:54Comédien de doublage ou pas, je sais pas très bien ce que ça veut dire,
01:58mais c'est la même démarche, de toute façon, comédien que comédien.
02:01Pour créer la voix ou créer un personnage,
02:04moi, ça m'arrive de changer de voix quand je suis sur un plateau ou devant un écran.
02:08Je change de voix, je change mon corps.
02:10Si c'est un putain de badass ou si c'est le comte de grand âme,
02:15il y a un travail qui se fait de toute façon de la même manière.
02:18Là, en plus, on a quelqu'un devant nous qui le fait.
02:22Et on est obligé de le suivre un peu.
02:25On est obligé de le suivre dans le rythme de la voix.
02:28Pour moi, le plus difficile, c'est la rythmique.
02:31C'est pas le rythme, mais c'est la rythmique.
02:33C'est d'avoir exactement...
02:34Je jouerai pas forcément comme lui, pas forcément à la même vitesse que lui.
02:39Le comte, par exemple, il a un débit assez rapide.
02:42Il parle assez fort.
02:46Il fait un peu de théâtre.
02:47Je parle du personnage, je parle pas de l'acteur.
02:49Il a toujours un phrasé un peu théâtral, comme ça.
02:52Moi, j'aurais tendance, je l'aurais joué un peu autrement.
02:55Donc, c'est vrai que je suis obligé de me glisser un peu dedans.
02:57Il y a toujours un petit peu un côté...
02:59J'ai toujours un moment diésole un peu,
03:01avant de rentrer dedans, dans ce qu'il fait.
03:03Mais c'est vrai qu'à la longue, au bout de six ans,
03:06finalement, il y a un accord qui s'est fait entre lui et moi.
03:10C'est impossible, elle a déjeuné ici.
03:12Elle ne nous a rien dit.
03:14On l'a vu tout à l'heure, quand vous êtes en train de doubler,
03:16vous devez suivre ce qui s'appelle une bande rythmo.
03:18On suit les deux.
03:20On suit les yeux du comédien original
03:24et la bande rythmo.
03:26Je pense que c'est cette technique-là
03:28qui est peut-être la plus difficile à avoir
03:31quand on débute.
03:33C'est-à-dire que si on est que sur la rythmo,
03:35on perd les intentions,
03:37on ne peut pas se rappeler de tout.
03:39À partir du moment où on arrive à avoir
03:41un œil là-haut et un œil en bas,
03:43c'est plus facile, quoi,
03:46de rentrer dans les intentions,
03:48dans le visage.
03:50Ces derniers jours m'ont fait réfléchir.
03:52Qu'allons-nous faire ?
03:54Devons-nous vraiment continuer ?
03:57C'est quand tu viens voir Carlson
04:00pour lui demander de venir
04:02pour la visite du roi et de la reine
04:04parce que tu n'es pas sûr de...
04:06Voilà, exactement.
04:08Vous faites toujours ça,
04:10de recontextualiser au comédien
04:12avant de jouer ?
04:14Oui, c'est quand même
04:16la chose principale.
04:18C'est de leur donner la situation.
04:20Bouche fermée.
04:22Ils t'ont marqué bouche ouverte,
04:24mais c'est bouche fermée.
04:26C'est simplement un petit peu plus tenu
04:28de l'intérieur et ça ira.
04:30La direction artistique,
04:32ça consiste à voir le film,
04:34à distribuer les acteurs,
04:36faire faire des essais aux acteurs
04:38pour que le client
04:40les choisisse.
04:42Et ensuite,
04:44de vérifier le texte de l'adaptateur
04:46avec lui, de discuter,
04:48de voir si c'est conforme à l'anglais,
04:50si on ne trahit pas le sens,
04:52si c'est jouable
04:54et si c'est synchrone.
04:56Ça, c'est aussi la vérification du texte.
04:58Et ensuite,
05:00ça consiste à diriger les acteurs
05:02sur le plateau.
05:04Est-ce que vous avez un peu l'impression
05:06d'être réalisatrice ?
05:08Oui, c'est réalisatrice
05:10de doublage.
05:12Ce n'est pas moi qui ai fait le film.
05:14Mon métier, c'est de ne surtout pas trahir le film.
05:16Donc là,
05:18il faut vraiment que je me mette
05:20à la place de ce qu'a voulu
05:22le réalisateur. Je le vois, c'est sur l'écran.
05:24Donc, c'est d'indiquer
05:26à l'acteur que non,
05:28il ne peut pas faire ça.
05:30Il ne peut pas exagérer ce sentiment-là
05:32puisque l'actrice ne l'a pas fait.
05:34Erwann, tu peux me passer en original
05:36l'histoire du grand machin-chose ?
05:38Je pense que tu es un peu forte
05:40pour faire passer le truc,
05:42que ce ne soit pas insolent.
05:44Pour un film cinéma,
05:46on a généralement 6 à 7 jours
05:48dans les trucs normaux.
05:50Après, s'il fait 3 heures,
05:52on a plus de temps.
05:54Tandis qu'en vidéo,
05:56ou pour les séries, ou pour les téléfilms,
05:58c'est beaucoup plus rapide.
06:00Donc, ils sont obligés
06:02de faire pour un épisode
06:04de 45 minutes ou 50 minutes,
06:07Est-ce que vous avez autant de plaisir
06:09quand vous êtes dans une situation
06:11de doublage et quand vous êtes
06:13comédien avec votre corps
06:15à l'écran,
06:17quand vous êtes sur scène ?
06:19Oui.
06:21Ce n'est pas du tout la même chose.
06:23C'est le même travail,
06:25mais il y a
06:27des techniques différentes,
06:29il y a des problématiques différentes,
06:31mais c'est le même plaisir.
06:33Moi, je prends autant de plaisir.
06:35Quand on est perfectionniste,
06:37c'est la quête
06:39non pas de la perfection,
06:41mais d'être au niveau
06:43de ce qu'on voudrait faire.
06:45Je dirais que ce n'est pas facile.
06:47Ce n'est pas facile du tout.
06:49C'est ça qui m'intéresse aussi.
06:51C'est de me dire,
06:53je ne me le dis pas souvent,
06:55je suis content de ce que j'ai fait.
06:57Quand j'essaie ici,
06:59dans un studio, je suis heureux.
07:01Très heureux.
07:03On n'a pas le public qui fait bravo derrière.
07:05On a Béatrice qui nous dit que c'est très bien.
07:09Mais quand Béatrice nous dit que c'est très bien,
07:11on n'a pas l'avis.
07:13Alors là,
07:15là, on...
07:17C'est sûr que ce sont des disciplines
07:19qui sont différentes.
07:21Après, le point commun, c'est la sincérité.
07:23À partir du moment où on est sincère,
07:25que ce soit sur scène,
07:27derrière une caméra ou derrière un micro,
07:29c'est ça qu'il faut attendre, la sincérité.
07:33Sous-titrage Société Radio-Canada