Pour Éric Dupond-Moretti, "la justice ne se rend jamais sur les réseaux sociaux". Voilà pourquoi.
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00:00Ce mouvement de libération de la parole, c'est extraordinaire.
00:03D'abord parce que ça la libère.
00:05C'est un poids considérable, colossal pour les victimes, il faut le supporter.
00:09En revanche, je dis attention,
00:11la justice, et vous le savez,
00:13ne se rend jamais sur les réseaux sociaux.
00:15Il faut ensuite que cette parole
00:17soit reçue
00:18par la justice qui va faire son travail.
00:21Ça c'est absolument indispensable.
00:23Sinon on met la justice dans les réseaux sociaux,
00:25dans la rue, et plus rien n'a de sens.
00:27Donc oui, à la libération de la parole de la victime,
00:30c'est un mouvement merveilleux.
00:32Puis ça démontre que la société tout entière
00:35a conscience de la gravité de ces crimes
00:37et des conséquences qu'ils génèrent.
00:39Mais attention, ensuite,
00:41il y a des règles, notamment des règles de preuves
00:43qu'il faut mettre en œuvre,
00:45parce que la justice, ça n'est pas l'arbitraire,
00:47ça n'est pas la rue, ça n'est pas les réseaux sociaux.
00:49Soyons attentifs.
00:50Oui en ce que ça libère,
00:52non en ce que ça juge, et parfois activement.
00:54Il y a une efficacité des réseaux sociaux
00:56pour recevoir et libérer la parole,
00:59et ensuite il faut que la justice fasse son travail.
01:01La question notamment par rapport aux réseaux sociaux,
01:04l'anonymat sur Internet,
01:05est-ce que vous êtes pour ou contre à l'avenir ?
01:07Alors, c'est une question, voyez-vous,
01:10à laquelle j'ai beaucoup réfléchi.
01:13L'anonymat comme paravent,
01:17qui permet de se planquer lâchement
01:22pour balancer des insanités, des injures,
01:25des propos antisémites, racistes, homophobes,
01:29c'est insupportable.
01:30En revanche, l'anonymat peut aussi proposer,
01:32je vais vous donner un exemple.
01:36L'homosexuel qui veut, sur les réseaux sociaux,
01:38parler d'homosexualité,
01:39mais qui ne souhaite pas que l'on sache qu'il est homosexuel.
01:43Soit qu'il n'est pas mûr pour le coming-out,
01:45soit qu'il ne le désire pas.
01:47Cet anonymat, au fond,
01:50n'est pas le moyen de diffuser de la haine,
01:53et il est infiniment respectable.
01:56Et il appartient à la liberté, d'ailleurs,
01:58de celui qui veut s'exprimer dans ces conditions-là.
02:03Il n'y a rien à dire là-dessus, il faut être très prudent.
02:05Parce qu'interdire l'anonymat,
02:07ce serait aussi interdire ce type d'expression.
02:09Et si vous interdisiez l'anonymat,
02:11vous avez des tas de gens qui n'osent pas,
02:14qui ne veulent pas,
02:15voilà, ça appartient à l'intime de chacun,
02:18dire un certain nombre de choses qui ne peuvent pas le faire.
02:21Et on en viendrait, au fond,
02:23à réprimer une liberté d'expression,
02:25ce qui ne peut pas être le but.
02:27En revanche,
02:28oui, alors chaque fois que l'anonymat sert,
02:30monsieur, à diffuser la haine,
02:35il faut que l'on puisse intervenir.
02:37D'ailleurs, hier, vous le savez,
02:38dans la loi sur les valeurs de la République,
02:40on a voté un texte, c'est l'article 19.
02:44On souhaite qu'il y ait un représentant de chaque plateforme
02:47et que l'on puisse, avec cela, avec ce texte,
02:51parvenir, évidemment, à identifier l'anonyme
02:53qui balance ses saloperies sur les réseaux sociaux.
02:56Ça suffit, cette haine.
02:57Ça suffit, cette intolérance.
02:59Ça suffit, cette façon de faire en se cachant
03:02et sans dire qui l'en est.
03:04Je pense que l'on doit signer ces propos,
03:05surtout lorsqu'ils sont durs.
03:07Il faut assumer ce que l'on est.