Dans le cadre du Festival "Paroles citoyennes", le philosophe André Comte-Sponville animera le 8 avril un débat à la suite de la représentation du "Dernier soir" de Thomas Miraschi au théâtre Récamier.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot et Thomas Sotto du 21 mars 2025.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot et Thomas Sotto du 21 mars 2025.
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00:00L'invité du 9-10
00:02Le philosophe André Comtes-Ponville est l'invité d'RTL Matin, auteur de l'opportunité de vivre, ultimes études publiées aux
00:08presses universitaires de France sorties il y a quelques semaines et vous participerez également
00:12au festival Paroles Citoyennes qui a commencé le 18 mars qui se déroule jusqu'au 12 mai à Paris
00:17ce festival qui met en lumière des créations théâtrales inédites et explore des sujets de société souvent brûlés
00:22souvent, pardon, brûlant, il y a la pièce et puis il y a un débat derrière d'ailleurs, vous participerez à un débat sur la fin de vie
00:29juste après la représentation de la pièce Le Dernier Soir, adapté du roman de Thomas Missraki
00:34ce sera avec Guillaume de Tocquedec et c'est prévu le 8 avril au Théâtre Récamier à Paris
00:38on a planté le décor, bonjour et bienvenue à vous André Comtes-Ponville
00:42la fin de vie c'est un sujet au coeur de l'actualité mais c'est un sujet qui déchaîne les passions
00:47pourquoi ce sujet qui nous concerne tous, nous concernera tous, est-il aussi brûlant ?
00:53c'est très étonnant, c'est très étonnant
00:56si on pense à la loi Veil, que tout le monde maintenant célèbre
01:01et qui était sur un sujet bien plus difficile moralement que la fin de vie, je suis bien sûr à fond pour la loi Veil
01:07mais l'avortement est un vrai problème moral
01:11là il s'agit de gens malades ou très âgés qui veulent en finir
01:16donc toute personne libérale doit être favorable aux droits de mourir
01:22et c'est pourquoi j'ai accepté de participer à ce débat, alors moi je suis depuis très longtemps partisan d'une légalisation de l'euthanasie
01:29et de l'assistance au suicide
01:32Pour vous la question est tranchée. Elle est parfaitement tranchée et en plus elle est très simple
01:37elle est très simple, d'ailleurs
01:39dans le livre que vous évoquez, mon dernier livre, le premier texte porte sur le suicide chez les épicuriens et les stoïciens
01:45qui sont les deux plus grandes écoles de sagesse de la Grèce Antique, qui ne sont d'accord sur rien, ce sont les deux écoles ennemies
01:51elles ne sont d'accord sur rien, sauf sur un point, on a le droit de se suicider
01:55et c'est pas une question de principe, c'est pas d'être pour la mort ou pour la vie, tout le monde est pour la vie, spécialement
02:00les épicuriens et les stoïciens, mais c'est une question d'opportunité
02:04Mais alors comment vous expliquez, vous, que ça suscite autant de débats et qu'on n'y arrive pas finalement ?
02:11Mais parce que ce sont les mêmes qui se sont battus contre la loi Veil qui se battent contre l'euthanasie
02:16Ce sont les autorités religieuses et ce que la France comporte de plus réactionnaire
02:20Mais ce que je voulais dire sur le spectacle en question et sur le livre de Thomas Missraki, c'est que sa singularité
02:27Thomas Missraki raconte qu'il a accompagné une de ses amies le jour de sa mort, c'est elle qui s'est suicidée mais elle voulait qu'il soit là
02:34Mais ce qui est fort dans ce livre aussi, c'est qu'elle n'avait aucune maladie
02:38C'est une femme de 77 ans, qui n'était pas du tout en fin de vie, elle pouvait avoir une espérance de vie de 5, 10, 15 ans simplement
02:44Elle ne voulait pas la déchéance de l'extrême vieillesse, elle ne voulait pas partir en Ehpad
02:49Et ça, ça m'apporte beaucoup parce que le débat actuel est en train de s'enfermer sur vraiment la fin de vie
02:55En cas de maladie grave, en phase terminale
02:58Mais on a le droit de mourir, y compris quand on n'a aucune maladie, en phase terminale
03:03Dans ces cas-là, c'est facile entre guillemets, si vous êtes en bonne santé mais que vous ne voulez plus vivre, vous mettez fin à vos jours
03:09Vous faites comment ? Vous faites comment ?
03:11Il y a plusieurs façons de se suicider
03:13Non, moi je n'ai pas d'arme à feu, les poisons ne sont pas en vente libre et les médecins n'ont pas le droit d'en donner
03:19Il faut faire comme Gilles de le souffrant atrocement ou d'une insuffisance respiratoire chronique
03:24La seule façon qu'il a trouvé pour en finir, il avait 70 ans à peu près, c'était de se jeter par la fenêtre du cinquième étage où il habitait
03:31Mais lequel d'entre nous a envie d'une mort pareille, alors qu'on pourrait mourir tranquillement, confortablement ?
03:37André Comtes-Ponville, est-ce que c'est vraiment un sujet pour les politiques ?
03:39On sait qu'il y a tout un débat sur la loi, voire les lois sur la fin de vie, les soins palliatifs, l'euthanasie, etc.
03:45Ou est-ce qu'il faut rester dans l'ombre discrète de ce qui se passe dans les chambres d'hôpitaux ou dans les EHPAD ?
03:51On n'est pas dans une espèce de zone grise dans laquelle les politiques n'ont pas leur place ?
03:55Au contraire, il y a une loi actuelle, la loi Léonette Hichlès
03:58La loi interdit l'euthanasie, donc ce n'est pas un silence de la loi, la loi l'interdit
04:04Il faut donc autoriser quelque chose qui, pour l'instant, est interdit, il faut que les politiques s'emparent de cette question, comme ils se sont emparés de la loi Veil.
04:12Et ce n'est pas tellement un problème philosophique, c'est un problème politique.
04:16Il est temps de décider, il est temps que notre Parlement prenne ses responsabilités.
04:20C'est Conan Royal que vous réagirez ?
04:22Oui, ça me choque un peu ce que vous dites, en disant que c'est le coup de tous les réacs, etc.
04:26Ce n'est pas vrai, il y a le corps médical, parce que pour passer à l'acte, il faut quand même que vous ayez un médecin qui vous donne les produits.
04:31Donc il faut aussi que lui, avec sa conscience, le médecin, il a été éduqué pour sauver des vies.
04:36Et donc où est-ce que s'arrête son pouvoir et sa liberté de contribuer à la mort ?
04:41Et quand vous dites, finalement c'est facile, on veut mourir, etc.
04:46Mais quelle garantie vous avez qu'il n'y aura pas une pression sur les personnes âgées ?
04:50Regardez le débat sur la retraite, un jour on va leur dire, vous coûtez cher, vous pourriez quand même vous dire, non mais t'es un peu malade, t'es un peu faible, on a besoin de ta maison,
04:57tu nous coûtes cher et puis les pattes ça coûte cher à aller à une petite piqûre et tu disparais.
05:01C'est ça la vraie question, c'est les risques.
05:04S'agissant des médecins, chacun sait bien que la loi...
05:07Vous êtes en maîtrise de vous-même, mais tous les gens qui sont fragilisés ou qui ont des entourages négatifs,
05:13ils vont être poussés à la mort sans le vouloir.
05:16Donc quelle garantie ?
05:18S'agissant des médecins, tout le monde sait que le projet de loi comportera une clause de conscience.
05:23Comme pour les VG, aucun médecin, aucun soignant n'est obligé de pratiquer un avortement si c'est contraire à ses valeurs morales.
05:30On fera évidemment pareil s'agissant de l'avortement.
05:33Quant au risque de dérives, il faut que la loi prévoie ses risques, mais remarquons qu'en Belgique, en Suisse, en Espagne,
05:39aujourd'hui plus personne n'a envie de revenir sur cette loi.
05:42Et tout le monde sait bien que c'est la tendance, on va vers ça,
05:45simplement il y a des forces réactionnaires qui le refusent, les autorités religieuses.
05:49Vous avez raison Mme Royale, aussi une partie du corps médical,
05:52et je comprends bien qu'il n'est pas envie, comme ils disent, de pousser la seringue.
05:55C'est pourquoi il faut privilégier l'assistance au suicide plutôt que l'euthanasie.
06:00Parce que dans l'assistance au suicide, aucun médecin ne me tue.
06:03Il me fait une ordonnance, on me donne le produit létal et c'est moi qui l'avale.
06:07Et donc moralement c'est bien plus léger pour les soignants.
06:09Il y a quelques cas très rares où le patient n'est pas en état d'avaler la pilule parce qu'il est paralysé, quatre membres par exemple,
06:16où là on pourra prévoir l'euthanasie.
06:17Mais ça va être extrêmement rare.
06:19Ce qu'il faut, non pas généraliser, c'est à la demande des gens,
06:22mais ce qu'il faut autoriser et faciliter, c'est l'assistance au suicide.
06:27André Contreville, vous êtes l'un des grands philosophes français.
06:29Ça veut dire quoi être philosophe aujourd'hui en 2025 ?
06:32Ça veut dire faire de la philosophie.
06:33Ça veut dire exactement la même chose qu'il y a 25 siècles, quand les Grecs ont inventé la chose,
06:38faire de la philosophie, c'est-à-dire se servir de sa raison, de sa pensée,
06:43pour essayer d'avancer sur des questions où aucune science ne répond.
06:48Il y a des tas de questions qu'on se pose,
06:50est-ce que la Terre tourne autour du soleil ou est-ce que c'est l'inverse ?
06:54Les sciences répondent.
06:55Mais est-ce qu'il y a une vie après la mort ?
06:57Est-ce que Dieu existe ou non ?
06:58Est-ce que nous sommes libres ou déterminés ?
07:00Qu'est-ce que la justice ? Qu'est-ce que le bonheur ?
07:03Aucune science ne répond.
07:04Le bonheur, on a une question pour vous.
07:05Il y a un sondage qui est sorti, 73% des Français se déclarent heureux.
07:10C'est quoi le bonheur pour vous ?
07:11Justement, c'est très intéressant.
07:12Parce que dans le dictionnaire, on vous dit que le bonheur,
07:15c'est un état de complète satisfaction.
07:17Qui peut croire que 77% des Français sont pleinement satisfaits ?
07:22D'accord, j'aimerais lire la presse, la télévision.
07:25Les Français n'arrêtent pas de râler.
07:26Et pourtant ils disent sincèrement qu'ils sont heureux.
07:29Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas malheureux.
07:31Autrement dit, c'est quoi le bonheur ?
07:33C'est d'abord le contraire du malheur.
07:35C'est le négatif en fait.
07:36C'est quoi le malheur ?
07:37Le malheur, c'est quand toute joie semble impossible.
07:40Le bonheur, c'est le contraire du malheur.
07:42Puisque le malheur, c'est quand toute joie semble impossible.
07:44Le bonheur, c'est quand la joie semble possible.
07:46Pas toujours réelle.
07:47Ne rêvez pas d'une joie continue.
07:49Ça, ça n'existe pas.
07:50Vous vous réveillez le matin, vous savez que la joie est là.
07:52Vous ne l'ayez pas, mais vous savez qu'elle peut venir.
07:54Qu'elle viendra sans doute dans la journée.
07:56Et puis qu'elle repartira.
07:57Et bien voilà, pour 77% des Français, quand ils se lèvent le matin,
08:00ils savent que la joie est possible.
08:02Tiens, on vous a fait un petit quiz.
08:04On vous a demandé quelle était la chanson qui vous donnait envie de vous lever le matin.
08:07Et alors j'ai répondu « Je ne regrette rien » d'Édith Piaf.
08:10J'adore Piaf.
08:15Cette femme me bouleverse.
08:16Et c'est une jolie chanson.
08:18La chanson qui vous rend heureux.
08:21Alors ça, c'est une question difficile.
08:23Mais j'ai répondu « Lindbergh » de Charlebois avec Louise Forestier.
08:27C'est l'une des plus belles chansons du monde.
08:29C'est une chanson de ma jeunesse.
08:30Je devais avoir 16 ou 17 ans.
08:32Je n'avais pas bien compris ce que ça raconte.
08:35Et cette chanson me plonge dans un état de quasi béatitude.
08:40Comme une malade de Proust un peu.
08:42Il y a un peu de ça, en effet.
08:43Comme quoi, on n'a pas besoin de comprendre pour être heureux.
08:45Bien sûr, il ne faut surtout pas.
08:47Si vous cherchez à comprendre le sens de la vie pour être heureux,
08:49vous ne serez pas heureux souvent.
08:50C'est ce que disait Freud.
08:52Quand on cherche le sens de sa vie, c'est qu'on est déjà malade.
08:55La chanson qui vous rend heureux, c'est quoi ?
08:57C'est Carmen.
08:57Carmen.
09:00Ça vous va bien ?
09:01C'est beau.
09:02S'il vous plaît.
09:03C'est magnifique.
09:04La chanson qui vous rend heureux, c'est quoi ?
09:08C'est un autre genre.
09:10Je ne connais même pas.
09:12On a bu une cigarette et tout s'allumait.
09:14Et c'était la fête le 14 juillet.
09:17Il n'y avait jamais un copain.
09:19C'est vous les chansons qu'on choisit comme ça ou pas ?
09:21Quand même, oui.
09:23Mais tu as dit quoi exactement ?
09:26La chanson la plus philosophique ?
09:30J'ai répondu Le Mécréant de Brassens.
09:32Brassens résume en vers un texte de Blaise Pascal.
09:36Il le fait formidablement bien.
09:50La chanson idéale pour écrire ?
09:52Je n'ai répondu aucune.
09:54Vous n'écrivez pas en musique ?
09:56Non, je n'écris plus.
09:58Avant j'écrivais en musique, mais c'était de la musique classique.
10:00Une chanson, on est perturbé par les paroles.
10:02On peut écouter de la musique instrumentale,
10:04classique pour ce qui est de mes goûts.