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La situation reste tendue aux urgences: la durée moyenne du temps de passage d'un patient en 2023 était de 5h10. Cela est dû à un manque de lit, à la saturation des services mais aussi à la désertification médicale. Selon une étude, ce sont les patients âgées qui attendent le plus aux urgences: 36% des plus de 75 ans patientent plus de 8h.

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00:00On en parle avec le professeur Louis Soula. Bonjour, vous êtes le vice-président des SAMU et des Urgences de France et vous êtes vous-même responsable du SAMU et des Urgences de Rennes.
00:12Merci d'être avec nous ce matin. Alain Ducardonnet nous accompagne également. Bonjour Alain, merci d'être là avec donc la publication ce matin de ce baromètre de l'adresse, la Direction Statistique des ministères sociaux.
00:24Un baromètre sur la durée des passages aux urgences en France. Sans surprise, cette durée a considérablement augmenté en 10 ans. La moitié des patients passés par les urgences en 2023 y ont séjourné plus de 3 heures. C'était 2h15 en 2013.
00:42D'abord, est-ce que ce chiffre vous a surpris, professeur Soulain ? Non, malheureusement non. Ça a été encore conforté ces derniers mois avec l'épidémie qui a été particulièrement longue.
00:54Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est que ça impacte à la fois les patients qui sont hospitalisés après un passage aux urgences que les patients qui viennent en simple consultation.
01:04Ce qui confirme que les patients stagnent aux urgences du fait de la saturation des services, principalement par manque de lits d'aval disponibles au moment où les patients pourraient aller dans un service.
01:15Vous dites ça parce que les patients patientent beaucoup trop longtemps aux urgences et donc sont traités tardivement avec potentiellement un risque vital pour certains d'entre eux ?
01:26Il faut différencier le temps pris en charge par les urgentistes, qui ne l'augmente pas, du temps entre le moment où le patient est prêt à aller dans un service et la sortie réelle.
01:38C'est ce temps-là qui impacte fortement les temps de passage. Effectivement, plus ces temps sont longs, plus la mortalité augmente et ça a été largement démontré dans des études internationales et notamment pour les patients plus soins de 15 ans.
01:51Ce qui est terrible justement, c'est que ces patients âgés que vous évoquez, ce sont eux qui attendent le plus, c'est ce qu'on lit dans les chiffres de l'adresse.
01:5936% des personnes âgées de plus de 75 ans et qui se présentent aux urgences attendent plus de 8 heures avant d'être prises en charge.
02:09Oui, c'est dramatique et on peut même aller jusqu'à 24-48 heures. Je vous rappelle des reportages sur le mur de la honte comme il y a eu à Brest.
02:17Régulièrement, on a des patients qui passent plus de 24 heures et ça démontre malheureusement un échec de certaines mesures qui étaient annoncées dans le pacte de refondation des urgences en 2019
02:27où on parlait de la mise en place du besoin journalier moyen en lit et surtout des filières spécifiques pour les patients âgés permettant une admission directe dans les services.
02:38Là, pour l'instant, on n'y est pas du tout puisque les plus soins de 15 ans sont très impactés.
02:42Mais pardon, est-ce que ça démontre aussi une forme de maltraitance du grand âge dans nos hôpitaux ?
02:48Alors je pense que c'est effectivement ce qu'on appelle nous une maltraitance institutionnelle.
02:54Mais ça démontre aussi qu'on s'est trompé sur l'évolution de la démographie en santé des patients.
03:01On a des patients de plus en plus âgés. Il y a un besoin de plus en plus important de prise en charge de soins polyvalents.
03:07On a hyper spécialisé les services et donc aujourd'hui, il est difficile de faire prendre en charge ces patients qui ont besoin d'une prise en charge très spécifique.
03:15Et surtout, on parle beaucoup de l'aval des urgences qui sont les services de médecine notamment,
03:22mais on manque réellement de l'aval de l'aval, c'est-à-dire de services de rééducation, de places en EHPAD,
03:28ce qui fait que la durée des séjours également a augmenté dans les services hospitaliers.
03:33Alors les explications, Alain Ducardonnais, parce qu'en 2019 a été lancé le service d'accès aux soins qui visait à limiter les arrivées aux urgences.
03:41Ce n'est pas le cas. Rappelez-nous comment ça fonctionne ?
03:43Alors le problème, c'est la régulation. La régulation, c'est ça le maître mot.
03:47C'est-à-dire, en fin de compte, quand vous avez une grippe ou quand vous cassez la jambe,
03:50il faut avoir quelqu'un qui puisse vous dire, il faut aller plutôt à votre médecin traitant, il faut plutôt aller aux urgences ou il faut plutôt appeler le SMU.
03:56Donc aujourd'hui, l'organisation des urgences était prévue pour qu'au niveau départemental, on puisse avoir cette régulation.
04:02Or en fait, elle ne s'est pas encore mise en place. Ça dépend des départements.
04:06Mais ceci étant, quand vous arrivez à l'hôpital aux urgences, normalement, vous avez une infirmière d'orientation,
04:11c'est-à-dire qui va trier et qui va dire, voilà, cette personne-là est urgente.
04:14Et c'est vrai que les personnes urgentes sont prises en charge, bien évidemment, rapidement.
04:18Par contre, si vous arrivez pour une fracture, et bien à ce moment-là, on va vous faire attendre.
04:22Et on disait tout à l'heure les personnes âgées. Le problème des personnes âgées, c'est que généralement, elles sont des pathologies plus lourdes,
04:27donc il y a plus d'examens. Donc c'est pour ça qu'elles restent aussi beaucoup plus longtemps.
04:30Tout ça, tout ça repose en fait sur un problème de système de santé.
04:35Les urgences ne sont en fait que la partie visible de l'iceberg.
04:38Le vrai problème, c'est l'organisation des services de santé. Pourquoi ?
04:42Parce qu'il y a un problème au niveau de la démographie, les armes médicaux, on en a parlé souvent.
04:46Deuxième point, on a fermé de plus en plus de lits au niveau des hôpitaux en disant, c'est 43 000 lits qui ont été fermés.
04:51Et le personnel soignant, en particulier au niveau des hôpitaux, est également relativement rare.
04:56Aujourd'hui, recruter des infirmières devient extrêmement difficile. Il y a moins de monde dans les écoles d'infirmières.
05:01Donc il y a un problème de démographie médicale, il y a un problème aussi de comportement du patient.
05:05Sofiane et puis Mathieu.
05:06Malgré tout, est-ce qu'on ne risque pas de décourager des patients ?
05:09Je sais qu'il y a des urgences qui sont plus relatives que d'autres, mais je vous prends l'exemple d'il y a quelques jours.
05:13Ma mère a eu un problème de son épaule démise. Elle rentrait aux urgences à 19h, elle n'en est ressortie qu'à 2h et sans moyen de transport.
05:20Alors certes, ce n'était pas une urgence vitale, mais malgré tout, ça pose un problème.
05:23Est-ce qu'on ne risque pas de décourager les patients qu'on a vraiment besoin ?
05:26Décourager, de toute façon, quand on n'a pas de solution, malheureusement, on va aux urgences.
05:29C'est ça la problématique.
05:30Mais là, c'est vrai qu'hormis donner des antalgiques, il fallait attendre que la radio soit libre, que le scanner soit libre.
05:36Et que, bien évidemment, les personnes qui avaient une urgence vitale sont passées avant. C'est ça le problème.
05:40Comment on en sort ? Est-ce qu'il faut plus de moyens pour l'hôpital ?
05:43Ou est-ce qu'il faut repenser le parcours de soins, l'offre de soins en ville, comme on dit ?
05:48Je me souviens qu'il y a un an, Gabriel Attal disait qu'il faut obliger les médecins à prendre des gardes.
05:52C'est pour vous, professeur Soula ?
05:54La première chose, c'est que je pense qu'il faut généraliser l'appel au 15 avant de se rendre aux urgences.
05:59Parce qu'on est quand même organisé en filière de soins pour prendre en charge les urgences vitales, les accidents vasculaires cérébraux, les infarctus, les malaises graves.
06:07Et donc, l'appel au 15 avant de se rendre aux urgences, il est primordial, parce que tout n'a pas besoin d'être pris en urgence.
06:13Vous parliez de l'exemple d'une fracture d'épaule, c'est sûr qu'il faut la prendre en urgence.
06:17Une entorse de cheville peut être différée si l'appel est en nuit profonde.
06:22Et puis, deuxièmement, il faut avoir une capacité d'hospitalisation qui soit adaptée à la typologie des patients.
06:29Les patients ont changé en dix ans, et encore l'étude a été faite à un mois de juin,
06:34donc pas en période où les besoins d'hospitalisation sont maximaux.
06:38Il faut vraiment revoir un peu l'organisation de l'aval des urgences,
06:43et également de tout ce qui est la disponibilité des places qui sont nécessaires pour les patients âgés aujourd'hui qui ne peuvent plus rester à domicile.
06:49Ce que vous dites, professeur, c'est qu'en fait, il ne faut plus se présenter spontanément aux urgences.
06:54Alors, c'est ce qu'on essaie de faire.
06:56Nous, par exemple, dans notre territoire, on est en régulation de l'accès aux services d'urgence,
07:01c'est-à-dire que les patients doivent appeler le 15 avant de se rendre aux urgences après 18 heures.
07:06On espère pérenniser cette procédure, voire même la généraliser au niveau national,
07:12comme c'est le cas dans les Pays Nordiques.
07:14Dans les Pays Nordiques, vous appelez 15 le numéro d'urgence avant de se rendre aux urgences,
07:18et ça permet surtout de ne pas saturer les urgences, les réserver aux vraies urgences médicales,
07:25et d'orienter les patients, quand c'est possible, en ville, en ambulatoire.
07:28D'un mot, Alain Ducardonnet, j'habite dans une petite ville de province.
07:32L'hôpital de proximité a fermé ou le service d'urgence a fermé.
07:35Il n'y a plus de médecin généraliste de garde. J'ai un pépin. Comment je fais ?
07:39C'est tout de suite ce qu'il dit. L'important, c'est d'avoir quelqu'un au téléphone,
07:43quelqu'un qui vous explique ce qu'il faut faire.
07:45Et si possible, pas trop loin.
07:46Non, si possible pas trop loin, mais surtout, c'est d'avoir quelqu'un qui vous explique votre situation.
07:50Et maintenant, il y a même l'intelligence artificielle qui va être mise au service, en effet,
07:53de cette appréhension de quel est l'état d'urgence.
07:56Les gens vont s'exprimer au téléphone, et ça va permettre, à partir de questions, de classer un peu.
08:00Le vrai problème, c'est de classer, de réguler et de pouvoir aller là où il faut au bon moment.
08:05Et je vous rappelle quand même qu'il y a 8% des services d'urgence qui ont fermé temporairement,
08:09en particulier à la période d'été.
08:11Merci en tout cas à tous les deux d'avoir été avec nous ce matin dans ce 7 minutes pour comprendre.

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