Lundi 17 mars 2025, 4GOOD reçoit Béatrice Delpech (Directrice Générale adjointe, Enercoop) , Maylis Cartigny (Directrice Pôle recherche, Prophil) , Thomas Breuzard (Directeur permaentreprise, norsys & Coprésident, B Lab France) et Nicolas Chabanne (fondateur, C'est qui le patron ?!)
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00:00Les crises sont désormais une constante dans le monde des entreprises.
00:08Dans ce contexte, la question de la résilience prend toute son importance.
00:12La robustesse d'une entreprise ne passe-t-elle pas aussi par des choix
00:16dans la gestion du pouvoir et de la valeur en interne ?
00:20C'est le thème de ce débat.
00:21Maëlys, j'aimerais qu'on commence avec vous par du concret.
00:26Quels sont les freins psychologiques ou en termes d'organisation ?
00:29Les plus courants que vous observez chez les entreprises qui hésitent
00:34à partager la valeur et le pouvoir ?
00:39Déjà, le premier, mais je pense que je laisserai mes amis SCOP et SIC en parler,
00:44c'est souvent le préjugé qu'on va aller moins vite
00:50parce qu'on partage le pouvoir et la décision.
00:53J'avais rencontré Laurence Ruffin,
00:56vice-présidente de la Confédération Générale des SCOP.
01:00On a fait une présentation en novembre dernier.
01:04Elle a une SCOP et elle considère que dans la discussion,
01:10ils gagnent du temps sur la motivation des salariés en aval.
01:14Il y a pas mal de préjugés.
01:17Sinon, côté fondation actionnaire, vu qu'on en parlait tout à l'heure,
01:19on observe avant de partager le pouvoir,
01:23il y a d'abord un partage de valeurs, un don de part sociale de l'entreprise.
01:30Ce qui est compliqué, c'est le rapport à l'argent.
01:34C'est compliqué de se déposséder.
01:37La dépossession, c'est un terme très important.
01:39Se déposséder de dividendes et de quelque chose qu'on a parfois acquis,
01:44qu'on considère nous appartenir.
01:46Mais est-ce que l'entreprise appartient aux dirigeants ?
01:49C'est une bonne question.
01:50Beaucoup de gens qui ont donné des parts à des fondations actionnaires
01:53considèrent que non, qu'elle appartient à ses salariés.
01:57Les SCOP le démontrent bien.
01:59Et ensuite, la dépossession de part sociale
02:03entraîne nécessairement une dépossession du pouvoir.
02:07C'est là où avoir un organisme non lucratif qui puisse décider
02:11et qui en fait n'appartient à personne,
02:14engage quelque chose de tellement nouveau aussi,
02:16qu'une espèce de vide, quelque part, qu'il faut aussi prévoir.
02:20Parce que qui sera dans les instances de gouvernance ?
02:23Comment est-ce qu'on organise ces nouvelles structures ?
02:28Voilà, qui sont des modèles hybrides à créer, à construire.
02:31Il y a un pas à sauter et sortir de notre capitalisme tel qu'on le connaît,
02:36tel que vous le disiez tout à l'heure.
02:38Il y a de toute façon un pas à sauter et des décisions
02:41et un courage à avoir de la part des dirigeants
02:43qui est complexe sur les deux volets.
02:45Je vous remercie de ce que nous l'avons fait chez Norsys
02:48de créer une fondation qui est actionnaire minoritaire du groupe.
02:51On a dû se convaincre nous-mêmes, donc ce n'était pas assez difficile
02:54puisqu'on souhaitait le faire.
02:55Mais l'avantage que ça a, c'est que ça nous aide à innover
02:58pour des raisons que je pourrai détailler ensuite.
02:59Ça protège l'entreprise parce qu'elle est moins facilement transmissible
03:06à d'autres déteneurs du capital.
03:08C'est une part qui est inaliénable,
03:09celle que l'on donne au fonds qui détient ensuite.
03:12Ça nous aide aussi à rencontrer des acteurs de l'intérêt général
03:15dans l'univers du numérique qui est le nôtre
03:16pour identifier des sujets que l'on pourrait explorer à l'avenir.
03:19Ça a plein d'avantages en réalité.
03:20Et on n'est pas obligé de transmettre la majorité du capital.
03:22C'est-à-dire qu'on peut garder une partie conséquente
03:24que l'on réinjecte directement dans l'entreprise
03:26dans la mesure où on souhaite pouvoir développer des projets
03:30qui ne sont pas forcément des projets d'intérêt général.
03:31Exactement, il y a une richesse qui est autre,
03:33mais comme dans beaucoup d'autres...
03:35Enfin voilà, on le voit même avec tout l'extra financier,
03:38l'ACSRD qui se développe.
03:39On a du mal à mesurer la richesse qui n'est pas financière.
03:41C'est une mesure qui est autre.
03:43Elle est moins commensurable.
03:44Donc c'est là où il y a des levées de boucliers
03:46parce que c'est moins intangible, moins palpable.
03:48Même si apparemment sur son ligne mort,
03:49on ne se souvient plus de combien de dollars on a accumulé,
03:52mais plutôt des liens qu'on a créés.
03:55Et surtout, voilà, Thomas, ce que vous dites montre bien aussi.
03:59Donc ça, on le voit dans la pratique de la dépossession des fondations actionnaires.
04:02C'est que les dirigeants souvent déjà mettent un peu de temps.
04:05Au début, ils trouvent l'idée assez séduisante
04:06parce que ça correspond à une idée à l'éthique.
04:08Ils mettent souvent du temps à cheminer pour pouvoir donner.
04:10Puis il y a des sujets familiaux aussi.
04:12Je crois, Nicolas, que vous avez des enfants.
04:14Peut-être que vous avez dû en parler.
04:16Il y a des sujets familiaux.
04:17En France, on ne peut pas déshériter n'importe qui.
04:19Donc voilà, on ne peut pas déshériter ses enfants.
04:20Il y a ce qu'on appelle une réserve héréditaire.
04:22Donc il y a toute une concertation à avoir
04:24si jamais on veut pouvoir donner une part significative.
04:28Et donc souvent, en fait, les dirigeants y vont.
04:29Et je pense que c'est une façon sage de le faire et assez sensée.
04:33Petit à petit, ils commencent d'abord à créer.
04:35Ils donnent 1%, 2%, 5%.
04:38Et sachant que, et ça aussi des modèles nordiques et autres,
04:41nous ont montré que c'était possible,
04:42on peut décorréler les pouvoirs économiques des pouvoirs politiques.
04:47C'est-à-dire, on peut associer à certaines actions
04:50des dividendes qui remontent pour financer des actions d'intérêt général,
04:55des droits de vote.
04:56Et ça, Patagonia l'a fait, par exemple,
04:59pour pouvoir donner le pouvoir à ceux qui savent décider
05:02et pour pouvoir donner l'argent à des ONG en faveur de la terre,
05:05qui est le seul actionnaire.
05:07Voilà, donc il y a vraiment un chemin comme ça aussi
05:09pour pouvoir, pas non plus sauter dans un grand vide,
05:13mais pour pouvoir essayer de dessiner un paysage
05:14et construire un horizon et un futur désirable,
05:17comme disent souvent les gens.
05:19Nicolas, toujours pour être concret,
05:21votre modèle repose sur une gouvernance
05:23où les consommateurs participent aux décisions.
05:26Donc, quels enseignements tirez-vous de cette approche
05:29en termes de performance et de résilience ?
05:32Alors nous, on essaie.
05:32Moi, j'essaie.
05:33Alors c'est compliqué parce que vous faites un choix,
05:34c'est dur de dire aux autres, vous devriez faire pareil.
05:36C'est le seul modèle possible.
05:38C'est compliqué.
05:39Quand on fait une fondation actionnaire,
05:40normalement, on devrait le faire dans l'intimité de ses choix.
05:44En faire une communication, ce n'est pas simple non plus.
05:47Mais on a décidé…
05:48On ne le fait pas pour ça d'ailleurs.
05:49Oui, on ne le fait pas pour ça, mais à la fin, on nous en parle.
05:52Et là, bon, nous, on a décidé de tout expliquer.
05:55Quand CQ le patron a été créé, pour vous raconter l'histoire,
05:58il n'y avait pas la fondation actionnaire.
06:00Il y avait une coopérative qui est toujours la patronne.
06:01Il y avait deux structures où il y a de l'actionnariat
06:04qui bascule en fondation actionnaire.
06:06Mais pendant 6-8 ans,
06:07c'était bien le choix très personnel, intime.
06:11Il faut en parler.
06:12Si c'est une posture technique, structurelle, ça ne marchera pas
06:16parce que côté consommateur,
06:19il faut que tu sentes que c'est une réalité au-delà de la structure.
06:23Ce n'est pas 3% vite fait pour faire un peu de cosmétique.
06:26Donc moi, pendant 8 ans, je ne m'en suis même pas rendu compte.
06:29J'ai passé un jour à un journaliste qui avait un peu creusé,
06:32qui m'a dit, mais vous vous rendez compte,
06:34vous pouvez appuyer sur un bouton chaque année
06:35et récupérer des milliers d'euros.
06:38Moi, j'avais automatisé, donc je ne le faisais évidemment pas.
06:42Et je n'avais même pas à faire une mise,
06:46notamment vers le fonds de soutien aux producteurs
06:48de disposition des fonds.
06:51Mais tout s'est éclairé quand on m'a dit, attention,
06:54ton choix, il est clair, on le connaît.
06:57Mais le jour où tu disparais, tes enfants,
06:59qu'est-ce qui va se passer ?
07:00Est-ce qu'à un moment donné, ça ne va pas se retrouver
07:02dans les mains d'autres gens avec un nouvel actionnariat
07:05qui va décider que les producteurs ne doivent plus gagner autant ?
07:08On enlève quelques centimes pour faire des bénéfices
07:10pour des mauvaises raisons finalement.
07:12Le tel pouvoir était encore concentré en fait.
07:14Oui, alors il était par nature et c'est intéressant.
07:18C'est là où l'intention peut être beaucoup plus intéressante
07:21même que le structurel.
07:22Moi, j'avais tellement intimement ça à l'esprit
07:25que j'avais fait en sorte d'ailleurs même que la COP soit la patronne.
07:28Elle avait un droit de veto.
07:29Surtout, on avait fait en sorte que ce soit déjà balisé.
07:31Mais ce n'était pas ça le plus important.
07:33C'était que moralement,
07:35tous ceux qui étaient avec nous autres consommateurs dans l'histoire,
07:39ils pouvaient à tout moment,
07:40en étant à l'intérieur des comptes du fonctionnement sur les réseaux sociaux,
07:45dire stop, les amis, ça ne marche pas comme on pensait.
07:47C'est qui le patron ?
07:48C'est plus étonnant ou bizarre qu'on l'imaginait.
07:51Donc, on débranche la prise.
07:53Il faut à un moment donné se déposséder de l'idée
07:56quand on est dirigeant qu'on a cette capacité un peu d'expertise
08:01qui, malgré tout, au final, fait qu'on doit réfléchir au nom de tous
08:04pour le bien-être de tous.
08:06Non, il faut arrêter.
08:07Il faut mettre des gens dans les réunions,
08:09des gens comme nous,
08:10dans une relation qui est beaucoup plus horizontale et égalitaire
08:13avec quelqu'un qui va lever la main
08:15en face d'un grand patron de Carrefour, de Leclerc ou de Danone
08:19en disant bonjour monsieur,
08:21moi, je suis comptable à Brest ou infirmière à Tourcoing,
08:26comme les sociétés à la COP.
08:28Ce que vous dites là, monsieur la grande marque ou le distributeur,
08:30nous, on n'est pas d'accord avec ça.
08:32Nous, les consommateurs, vous faites quoi madame, vous êtes qui ?
08:35Moi, je suis consommatrice, d'ailleurs, je vais dans vos magasins,
08:37je vais à tel endroit, faire mes courses.
08:39Ce n'est pas bien ce que vous dites.
08:40Nous, on veut que notre argent, il aille au producteur à un autre endroit.
08:43On voit bien que cette voie-là,
08:45elle réveille le petit arrangement d'entrepreneurs
08:51qui, à la façon de Usual Suspect, vous connaissez le film,
08:54il y a Kayser Söze dans Usual Suspect,
08:56il y a une espèce d'entité comme ça,
08:58on ne sait pas qui dirige,
08:59on ne sait pas, il y a quelqu'un qui bloque tout,
09:01mais en fait, on ne sait pas qui c'est.
09:03Et là, quand tu mets des vrais gens dans les réunions, dans les décisions,
09:06je suis obligé de dire vrais gens pour marquer le trait,
09:09tout change, tout change, voilà.
09:11Mais il y a un vrai sujet aussi de personnalité, c'est souvent ça,
09:13les entreprises, quand elles sont créées,
09:15suivent des entrepreneurs, des idées, des charismes.
09:18Et pour justement pouvoir créer une continuité
09:22avec une structure, inviter les vrais gens, etc.,
09:25il y a quand même quelque chose à prévoir,
09:27une montée en compétence des personnes
09:29et justement, ne pas avoir une seule structure,
09:32une personne morale, typiquement une fondation,
09:34qui devienne habitée.
09:36Et donc ça, je ne sais pas comment est-ce que vous avez compris.
09:38Ça, c'est vrai, c'est-à-dire qu'il faut avoir,
09:41ce n'est pas très vendeur de dessin,
09:42mais il faut aussi se rendre compte que l'ultra-système
09:46de la COP absolue, ultra-partagée à un point extrême,
09:50enlève un peu de l'agilité nécessaire
09:53qu'il faut notamment à l'entrepreneur et l'équipe.
09:56C'est compliqué d'expliquer ça,
09:58c'est-à-dire que nous, chez Séquille Patron,
10:00à tout moment, il y a une force collective
10:03qui peut débrancher notre aventure
10:04si elle ne part pas dans la bonne direction.
10:06On a rendu tellement les choses perméables
10:08et le rôle de chacun si important
10:09que c'est une pression morale même, au-delà de structurelle.
10:13Ça peut débrancher l'aventure instantanément
10:14si ce n'est pas ce qu'on avait prévu collectivement.
10:17Mais l'équipe, il faut qu'elle puisse travailler
10:20et là, il faut aménager plutôt que de la décision.
10:24Au début, on faisait 30 décisions par jour.
10:27Les gens ont dit, on est super content,
10:28mais bon, on a un petit peu une vie,
10:30c'est un peu compliqué de tout décider collectivement.
10:33Ce qu'on a décidé de faire, c'est voilà le cadre,
10:35sans arrêt, on en fait une référence
10:37pour que tout le monde le valide
10:38et après, on dit à tout le monde,
10:40OK, on va là, on est d'accord et on appuie sur un bouton.
10:42En fait, on fait valider des décisions
10:44plutôt que de les co-construire toutes au point zéro.
10:47Et on a affiné comme ça deux, trois choses.
10:49Mais le plus important, c'est que chacun se sent
10:52dans un rôle qui n'est pas spectateur
10:54de Séquille Patron, une marque bien faite
10:56par du marketing pour faire vendre des produits
10:58qu'il y a des producteurs.
10:59C'est ma marque.
11:00Je peux, en tant que consommateur,
11:02arriver dans un magasin et dire au directeur,
11:04mettez ces produits.
11:05C'est nous, les consommateurs, qui avons créé ça.
11:07Nous, c'est pas eux, ils ont créé ça pour nous.
11:10Tout ces petits, cette petite relation.
11:12Et pour finir, il y a des start-up que je vois,
11:15j'essaie de les aider.
11:16Alors, il y a des dirigeants qui arrivent.
11:18Vous en mettez 100.
11:20Je leur dis, bon, vous êtes sur des trucs,
11:23partage notamment, je ne citerai pas de nom,
11:24mais vous faites du partage.
11:26Arrêtez avec votre modèle, l'investisseur,
11:28je vais essayer de garder.
11:30Quand j'aurai de l'argent,
11:30j'essaierai d'en faire d'autres trucs.
11:32Dès le départ, dites que vous partagez la valeur.
11:34Dites-le à tous ceux qui vont acheter.
11:36Dites à celui qui est en face,
11:39si tu m'aides, en bouche à oreille,
11:40par des actions, à vendre ces produits,
11:43ça va aller à tel endroit.
11:45Moi, j'aurai un salaire et je suis heureux.
11:48C'est important.
11:49Ils gardent tous le modèle à l'ancienne
11:51de l'entreprise, malgré tout,
11:53même quand c'est des start-up
11:54avec des bonnes intentions.
11:56Et à la fin, il y en a combien qui arrivent ?
11:58Parce qu'au bout d'un moment,
11:59il vaut mieux avoir un salaire,
12:01une belle aventure sécurisée
12:03et le soutien du plus bel associé du monde,
12:06qui s'appelle nous tous consommateurs,
12:08que d'être dans l'obstination
12:09d'un modèle à l'ancienne
12:11qui fait que tu te bats pendant trois ans
12:13et tu n'arrives même pas à en vivre.
12:15Donc, c'est une mentalité
12:17et des convictions fortes.
12:19Si au départ, les dirigeants
12:21ou ceux qui créent l'étincelle,
12:24n'ont pas réellement cette volonté
12:26que ça se passe comme ça,
12:27ça ne marchera pas.
12:28Parce que la masse de gens
12:29qui va rejoindre l'aventure
12:31ne sera pas sur la même fréquence,
12:32il y aura une petite dissonance
12:34et ça ne fonctionnera pas.
12:35Donc, c'est très intime
12:37la relation au partage
12:39et ce n'est pas forcé
12:40et ce n'est pas une stratégie d'entreprise.
12:43Béatrice, chez Enercop,
12:46les sociétaires ont un rôle décisionnaire.
12:49Quelle difficulté est-ce que vous avez rencontrée
12:51dans la mise en place
12:52d'un tel modèle de gouvernance ?
12:54Déjà, nous, on est structurellement
12:57dans une idée de partage
12:58parce qu'on est une coopérative
12:59et on n'est pas n'importe quelle forme de coopérative.
13:01On est une société coopérative
13:02d'intérêt collectif, une SIC.
13:04Une SIC, schématiquement, c'est une scope
13:06avec non pas un petit truc en plus,
13:08comme dirait Artus,
13:08mais deux petits trucs en plus.
13:09La première chose, c'est qu'on poursuit
13:11un but d'intérêt collectif.
13:12Et la deuxième chose, c'est que
13:14on associe, là où une scope
13:15associe ses salariés,
13:18une SIC, elle associe
13:19toutes ses parties prenantes.
13:20Donc, dans les sociétaires d'Enercop,
13:23il va y avoir les salariés d'Enercop,
13:25mais il va y avoir aussi
13:25les clients d'Enercop,
13:27mais aussi les producteurs d'énergie renouvelable
13:29auprès desquels on se fournit,
13:30mais encore les partenaires
13:32avec lesquels on monte des projets,
13:33les collectivités territoriales
13:34avec lesquelles on monte des projets.
13:35Toutes les parties prenantes
13:37sont à la gouvernance de la coopérative.
13:40Donc, ça veut dire qu'on dirige ensemble
13:44ce qu'on a envie de faire.
13:46Et ça, on a envie de dire c'est statutaire.
13:49Et statut fait pas vertu, on le sait bien.
13:51Donc, du coup, il faut s'appliquer
13:51à le faire vivre ensuite
13:52dans l'organisation quotidienne.
13:55Donc, chez nous, ça passe par
13:57des choses très concrètes.
13:59On est en gouvernance partagée.
14:00L'équipe salariée, on fonctionne
14:02sur le modèle de la gouvernance partagée.
14:03Donc, on a des raisons d'être
14:05et des périmètres,
14:06et chacun est associé aux prises de décision.
14:08Donc, il y a beaucoup de co-construction.
14:10Il n'y a pas que de la co-construction,
14:11il y a aussi des phases d'information,
14:12de consultation, etc.
14:13Mais beaucoup de co-construction.
14:15Globalement, on prend à peu près
14:17jamais de décision par vote.
14:19On prend des décisions en faisant
14:20de la gestion par objection,
14:22ce qui est une modalité,
14:24vu de l'extérieur,
14:25qui peut paraître comme une modalité
14:26très chronophage.
14:27Mais en fait, ce que ça produit,
14:28c'est qu'il y a une adhésion
14:29beaucoup plus forte à la décision
14:30qui est prise, puisqu'en fait,
14:31la décision, elle est prise
14:32quand tout le monde peut vivre avec.
14:34Donc, ça permet d'avoir
14:36une adhésion assez importante.
14:40Ça passe par...
14:41Si je vais strictement sur l'équipe salariée,
14:44ça passe par un encadrement
14:46assez important de l'échelle des salaires,
14:47puisque chez Enercop,
14:48les salaires vont de 1 à 3.
14:50Et on a un salaire planché
14:52à 2800 euros bruts mensuels.
14:55Donc, on a encadré ça de 1 à 3.
14:58Et puis, si j'élargis un peu le scope
15:00au-delà de l'équipe salariée,
15:04je vais aller dans un projet
15:05très concret, par exemple.
15:07On essaye de développer un modèle
15:09de gouvernance de l'énergie
15:10assez original qu'on appelle
15:11les communautés énergétiques,
15:13c'est-à-dire que ce qu'on essaye
15:14de privilégier, c'est des endroits
15:15où on va associer,
15:16dans un territoire donné,
15:18par exemple, la commune
15:19ou la collectivité qui est intéressée
15:21par de la fourniture
15:22d'électricité renouvelable,
15:23les résidents de cet espace
15:26qui vont s'intéresser à...
15:27OK, donc on va installer des éoliennes
15:28ou des panneaux photovoltaïques.
15:29On va les mettre où ?
15:30Pour faire quoi ?
15:30Ça va alimenter qui ?
15:31Qu'est-ce qu'on va faire du surplus ?
15:32À qui on va le revendre ?
15:33Pour faire quoi ?
15:35Etc.
15:35Les entreprises du coin
15:36qui pourraient bénéficier
15:37de l'énergie ainsi produite.
15:38Donc, on met autour de la table
15:39vraiment toutes les parties prenantes.
15:41Et ce dont on s'aperçoit,
15:42c'est que ces communautés
15:43énergétiques citoyennes,
15:44elles créent des retombées locales
15:47très conséquentes.
15:49Et ça, ce n'est pas que moi qui le dis.
15:50Il y a un réseau en France
15:51qui s'appelle Energies Partagées,
15:52qui est un réseau qui accompagne
15:53le développement
15:54de ces communautés énergétiques citoyennes,
15:55qui montre que pour un euro investi
15:57dans une communauté
15:58énergétique citoyenne,
15:58il y a 2,50 euros de retombées locales.
16:01Ce qui n'est pas le cas
16:02dans les projets de production
16:03qui sont développés
16:04en dehors de ce système.
16:05Et pourquoi c'est le cas
16:07dans ce système-là ?
16:08Parce que les gens autour de la table,
16:10ils vont avoir à cœur de dire
16:11on veut faire travailler
16:12des artisans locaux, par exemple.
16:14On veut aller se fournir
16:15avec des producteurs locaux.
16:17On veut.
16:17Et donc, du coup,
16:18ça crée des retombées directes.
16:19On appelle les gens
16:21au capitaux de nos organisations,
16:23mais on les appelle aussi à la gouvernance.
16:25On ne se contente pas de leur dire
16:26investissez votre argent.
16:28On leur dit venez vous asseoir
16:29avec nous autour de la table
16:30et décidez ce dont vous avez besoin.
16:33Qu'est-ce que vous avez envie de faire ?
16:34Pour faire quoi ?
16:36Donc, du coup,
16:37pour répondre à la question finalement,
16:38quels problèmes ça pose ?
16:39Ben, ça pose des problèmes.
16:40Déjà, nous, on est une très grosse coopérative
16:42parce que d'abord,
16:43on est un réseau de coopératives.
16:44On est aujourd'hui 11 SIC et Mercop.
16:46On sera 13 à la fin de l'année.
16:49On compte plus de 60 000 sociétaires,
16:52ce qui fait nous la plus grosse société
16:53coopérative d'intérêt collectif.
16:5460 000 sociétaires, c'est beaucoup de monde.
16:56Donc, animer un réseau de 60 000 personnes,
16:58c'est du travail.
16:59C'est sûr.
17:00Ça veut dire qu'il faut avoir
17:01une attention permanente
17:03de se dire comment est-ce qu'on embarque
17:05avec nous nos sociétaires ?
17:06Comment est-ce qu'on fait en sorte
17:06qu'ils ne décrochent pas ?
17:07Surtout que nous, en plus,
17:08on est sur un sujet
17:09qui est un sujet ultra technique.
17:11Globalement, les gens,
17:12si on ne bosse pas dans le domaine
17:13de l'énergie, on n'y comprend rien.
17:14On ne va pas se mentir.
17:16C'est un marché super complexe.
17:17Donc, comment est-ce qu'on fait
17:18pour continuer à garder ces gens
17:20qui sont venus pour un projet
17:22qui allait les incapaciter sur ce sujet-là,
17:24qui avaient envie de mettre leur bille là-dedans ?
17:25Comment est-ce qu'on fait
17:26pour les emmener avec nous ?
17:28C'est du travail, quoi.
17:29C'est une attention permanente.
17:31Emparquez toutes les parties prenantes.
17:33Il y a quelque chose
17:33que je trouve intéressant,
17:34c'est qu'il y a énormément de personnes
17:35de la chaîne de Valeurs
17:36et vous arrivez à créer des communautés.
17:37Mais on parle de plus en plus,
17:39et c'est justement là
17:39où les crises écologiques viennent.
17:43C'est-à-dire qu'on a cru
17:43que la nature était gratuite.
17:44Et de plus en plus,
17:46on voit, enfin on commence à voir,
17:48et Thomas va en parler,
17:49l'association d'une partie prenante
17:51qu'on n'avait pas visibilisée jusqu'ici,
17:53qui est la nature en tant que telle.
17:54Après, on peut lui donner pas mal
17:55d'autres noms en fonction du business
17:58dans lequel on est, le sol,
18:00la biodiversité, etc.
18:02Et c'est là où je trouve
18:03que c'est intéressant d'associer
18:04des modèles comme les cycles,
18:06les scopes, qui sont beaucoup
18:08autour des communautés,
18:08autour des hommes et autour des salariés,
18:11mais aussi avec des modèles
18:13comme par exemple des fondations
18:14actionnaires ou d'autres administrateurs
18:16qui puissent représenter
18:18des parties prenantes encore autres
18:21qu'on visibilise encore moins.
18:24Nous, on a effectivement pris la décision
18:27d'intégrer des représentants de la nature
18:28dans l'actionnariat,
18:30le conseil d'administration
18:31et nos autres instances de gouvernance.
18:33Mais ce qui se dégage bien,
18:34je trouve là, c'est que qu'on soit
18:36cycle, fondation actionnaire,
18:38une marque créée par les consommateurs,
18:40la clé, c'est de trouver un juste équilibre
18:41entre une contribution de ceux
18:43qui sont dans la filière
18:45et dans l'écosystème de l'entreprise
18:46et de laisser quand même la capacité
18:48à ceux qui doivent en assurer le pilotage
18:50d'être à la manœuvre
18:51sans tout le temps concerter.
18:52Sinon, ça devient sans doute
18:54beaucoup trop lourd.
18:55Et ça, on peut y arriver
18:56de plein de façons différentes.
18:57Et quand on y arrive,
18:57c'est là que ça devient très riche.
18:59Peut-être pour faire une transition,
19:01Alix, sur la deuxième séquence
19:02pour ce débat,
19:05sur la robustesse, on va dire,
19:06c'est-à-dire la convergence
19:07entre robustesse et résilience.
19:09C'est que toutes ces mécaniques-là,
19:11elles aident l'entreprise
19:12à mieux percevoir les attentes
19:13des différentes parties prenantes,
19:15pas juste en les sondant
19:16une fois de temps en temps
19:17ou en les foutant
19:17dans une salle de réunion
19:18au sous-sol de la tour de la Défense,
19:21mais plutôt en les réunissant régulièrement
19:23pour capter des signaux,
19:24orienter ses décisions,
19:25orienter ses projets
19:26et parfois les faire même
19:27contribuer à ces décisions.
19:29Donc, peut-être qu'on peut essayer là
19:30d'aller creuser dans ce temps
19:31qui nous reste,
19:32en quoi ça vous a aidé
19:34dans vos organisations
19:35à être plus agiles
19:37face à des contextes
19:37qui sont hyper mouvants.
19:38Quand j'entends,
19:40c'est juste de le présenter comme ça,
19:42mais là, c'est vraiment un témoignage
19:43de ce que nous, on vit.
19:46On a, dès le départ,
19:49on n'a jamais eu l'impression
19:51d'être une équipe opérationnelle
19:52qui faisait un projet
19:54et qui allait le présenter aux autres.
19:56C'est hyper important
19:57parce que je me rappelle
19:59du tout premier jour,
20:01moi, j'étais tout seul au départ,
20:02Laurent Pasquier est venu.
20:03Et puis, il y a la troisième personne
20:04qui arrive.
20:05C'est un ami de Laurent.
20:06Alors, on ne se connaît pas.
20:09Et on lui dit, ben voilà,
20:10on va créer une marque à nous,
20:12les consommateurs.
20:13Donc, voilà comment ça a fonctionné.
20:16Il faut se bouger.
20:16Les producteurs,
20:17ils sont vraiment en galère.
20:19Quand il rentre chez lui,
20:20je l'ai su après, il dit à son épouse.
20:23Il n'a pas dit, tiens,
20:24j'ai rencontré, tu sais, Laurent,
20:26là où il y a une start-up qui se monte.
20:27Ça va être des produits
20:28qu'on construit et puis on verra
20:30si on les achète ou pas.
20:31Et il a dit à sa femme,
20:33écoute, on a une marque à nous,
20:34les consommateurs.
20:35Donc, qu'est-ce qu'on en fait ?
20:37Mais ce millimètre-là,
20:38ce petit millimètre de départ
20:40qui peut faire 100 km à l'arrivée,
20:42il aligne clairement le fait
20:44que ceux qui initient
20:45sont au milieu de tous ceux
20:47qui vont consommer et participer.
20:50Parce que ce qui fait
20:51que ça n'avance pas plus vite,
20:53c'est que dès que tu te retrouves,
20:54même en face de la plus
20:55vertueuse des structures,
20:56mais qu'on te met dans une position
20:57de consommateur à l'ancienne,
20:59un peu poussarde caddie,
21:00qui regarde et qui décide ou pas
21:02d'y aller ou pas,
21:03ce n'est pas la même chose
21:04que lorsqu'on te dit,
21:06bon, on débraye la mécanique,
21:07on n'a pas les moyens que d'autres ont,
21:10on est forts de ce qu'on en fera
21:12et chacun prend sa part.
21:13Il faut lâcher prise dès le départ
21:16sur la notion de,
21:17on est des dirigeants,
21:18on vous organise un truc collectif,
21:20vous allez voir, ça va être super.
21:22C'est déjà trop.
21:23C'est déjà quelque chose
21:25qui ne fait pas...
21:26Parce que nous, effectivement,
21:27il y a 15 000 sociétaires dans la COP,
21:29il y a 16 millions d'acheteurs,
21:31mais il y a bien plus
21:32que 15 000 personnes.
21:33On nique les jambes dans les magasins,
21:34on gueule les directeurs,
21:35c'est leur marque.
21:36Et c'est notre marque à tous,
21:38mais c'est la leur autant que la nôtre.
21:39Et donc, ce n'est pas,
21:42nous, l'équipe,
21:43on fait quelque chose
21:44pour une masse de gens
21:45qui nous ressembleraient.
21:47On est au milieu de tous
21:48en train de faire,
21:49chacun à notre niveau,
21:50une part de ce mouvement,
21:52la fameuse murmuration
21:53qu'on décrit souvent,
21:54ou pour en redire un mot
21:57et pour finir, tu te rends compte
21:58qu'un jour, on nous a dit,
22:00c'était un journaliste du Times
22:02qui était venu faire un article
22:02sur ce patron très libéral.
22:04Il était dans un truc dur.
22:06Il me demandait des clés à l'ancienne,
22:08un peu business.
22:09Comment vous expliquez
22:10que ça marche autant ?
22:11128 millions de produits,
22:13il n'y a pas de commerçants
22:13dans les magasins.
22:15Et un sociétaire m'a dit,
22:16tu vois, face à ces questions,
22:18on n'a pas notre recette.
22:19Tu peux répondre à ça.
22:21C'est là où l'image de la murmuration
22:22a été donnée par un sociétaire.
22:23Elle est géniale.
22:25Dans la nature,
22:26il y a des grands vols,
22:27des tourneaux ou des bancs de poissons
22:29que vous voyez comme ça
22:30dans des volutes parfaites.
22:32En un instant,
22:33créer des mouvements collectifs
22:35fabuleux.
22:36Les scientifiques ont montré
22:37qu'il n'y avait pas un oiseau leader
22:39qui impulsait à ses milliers d'individus
22:42ce mouvement fabuleux.
22:43Il y a une intelligence collective
22:44qui s'empare du groupe
22:45et qui fait faire à ce groupe
22:47ce qu'aucun individu
22:49n'aurait réussi à lui faire faire.
22:51Donc, ce moment un peu de lâcher prise
22:53où il n'y a plus de rigidité,
22:54plus de repères qui te ramènent
22:56dans un rôle de j'achète ou pas ?
22:58Non, c'est est-ce que je suis
23:00une partie de l'histoire ou pas ?
23:02Et ce petit millimètre de départ,
23:04il est très important
23:06parce que si Pays en reproduit,
23:07c'est qu'il pâteront.
23:08Ils ne l'ont pas fait de cette façon-là
23:09et ça n'a pas fonctionné
23:10de la même manière.
23:11Il reste une minute d'émission.
23:13Est-ce que vous voulez clôturer
23:14en rebondissant ?
23:15Et puis, plus globalement,
23:17ça va être difficile de faire mieux
23:18que le vol des étourneaux.
23:22La question, c'était
23:25la résilience.
23:26Oui, moi, j'ai l'impression
23:27qu'on construit
23:28partout, tout le temps.
23:29Mais c'est notre ADN maintenant.
23:30Enfin, c'est notre identité.
23:31Donc, c'est pas un point d'arrivée.
23:36C'est un chemin permanent.
23:37Donc, par exemple,
23:38nous, on a eu des questions
23:39au moment où on a grandi.
23:41Au début, il y avait deux salariés
23:42à Enercop.
23:43Et puis maintenant, on est
23:45à peu près 200 dans tout le réseau.
23:47Forcément, quand on va chercher
23:48de nouvelles personnes,
23:49des compétences très pointues,
23:50c'est des gens qui ne sont pas
23:50forcément acculturés
23:51à ces manières de faire.
23:52Et donc, il y a un enjeu de formation.
23:55Et donc, on forme les équipes salariées
23:57et on forme nos sociétaires aussi.
23:59Et on leur propose en permanence
24:01des temps d'idéation,
24:04d'échange, de construction collective.
24:06Et c'est vraiment, c'est notre ADN,
24:08en fait.
24:10On passe à notre dernière séquence.
24:13C'est le goût de touneau.