Les clefs d'une vie avec Yann Moix...
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2025-03-13##
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PersonnesTranscription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Le XXe siècle, c'est un océan d'événements que vous évoquez à travers des faits
00:11où il ne s'agit surtout pas d'être vague.
00:13Avec ce livre entièrement écrit en vert, on ne pourra pas vous accuser d'être contre tous.
00:18Bonjour Yann Moix.
00:20Bonjour mon cher Jacques.
00:21Alors, ce livre c'est Apnée, chez Grasset.
00:23Et c'est un livre étonnant parce qu'il va être la clé de notre émission
00:26puisque vous racontez le XXe siècle en alexandrin.
00:30Et donc, on va en même temps évoquer à travers vous les événements du XXe siècle.
00:34Avec plaisir.
00:34Alors, on va commencer par la date de sortie du livre
00:37puisqu'il faut quand même parler du livre, le 29 janvier 2025.
00:40Ça s'appelle Apnée.
00:42Donc, vous racontez la traversée du XXe siècle en partant du fond des océans.
00:46Comment est devenue cette idée ?
00:48Je n'en sais rien du tout.
00:50J'étais quand même sur l'île de Wight avec ma petite amie de l'époque.
00:53On s'est séparés définitivement sur l'île de Wight parce qu'on s'est disputés.
00:57Mouvement d'humeur, de part et d'autre.
01:01J'ai quitté l'île de Wight et j'ai immédiatement regretté cette rupture.
01:05Je ne la regrette plus depuis, sur le coup, je l'avais regrettée.
01:08Et donc, je me suis dit, ce serait bien qu'il reste quelque chose de cet événement.
01:12Donc, j'ai commencé à écrire un petit poème que je voulais lui envoyer
01:16parlant de l'île de Wight.
01:17Et puis, de fil en aiguille, vous me connaissez, je suis obsessionnel.
01:20J'ai décidé de créer une aventure sous l'eau.
01:22Et puis après, je me suis dit, qu'est-ce qui serait intéressant ?
01:24De raconter un siècle irrespirable.
01:27Se mettre en apnée parce que le XXe siècle, finalement, a été un siècle irrespirable.
01:33D'horreur.
01:34Et donc, j'ai voulu imaginer que ce siècle se réitérait à l'infini sous les océans.
01:40L'idée était très étrange, mais comme je nage tous les jours,
01:43il y a peut-être aussi un lien avec ma passion pour la natation.
01:46Oui, il y a 200 pages dans Alexandrin, ça a pris des années, des années.
01:50Je pensais faire ça en un mois, parce que je suis quelqu'un de très optimiste.
01:55Et j'ai mis cinq ans, parce qu'on ne peut pas écrire toute la journée en Alexandrin.
01:58Il faut faire des pauses, sinon on devient fou.
02:00Alors, les Alexandrins, je me suis un peu renseigné.
02:02Le nom de ce vers provient du poème du roman d'Alexandre,
02:05composé par un certain Lambert-Lethor, et dont tous les vers sont composés de douze syllabes.
02:10C'est l'origine.
02:11Et on dit que c'est une référence à Alexandre le Grand, ou Alexandre de Bernay,
02:16qui a continué l'œuvre de Lambert-Lethor.
02:18C'est l'origine, en tout cas.
02:19C'est l'origine.
02:19Alors, vous savez qu'on peut les couper au bout de six pieds, les mystiches.
02:22Vous pouvez aussi ne pas tenir compte de cette règle de poésie.
02:27Et c'est ce que j'ai choisi de faire dans les traces de Raymond Roussel.
02:31Voilà. Alors justement, on parlera de Raymond Roussel tout à l'heure,
02:33mais les Alexandrins, vous avez appris l'art de l'Alexandrin à l'école, ou c'est venu comme ça ?
02:38Non, mais j'aime beaucoup lire des poésies.
02:42J'aime beaucoup Victor Hugo, notamment.
02:44Et j'aime beaucoup Raymond Roussel.
02:45Donc, ça donne une sorte de litanie interne.
02:49Et au bout d'un moment, quand on lit toute la journée en alexandrin,
02:52on finit par rêver en alexandrin, on finit par cauchemarder en alexandrin.
02:55On finit aussi un peu par parler, mais surtout par écrire en alexandrin.
02:59Si vous faites ça toute la journée, mon cher Jacques,
03:01vous verrez que votre cerveau, très rapidement,
03:03comme quand on apprend une langue étrangère, parle vraiment en douze pieds.
03:07Ça vous arrive souvent ?
03:08Non, plus maintenant, mais quand je faisais ça dix heures par jour, à la fin de la journée, oui.
03:13Mais ce qui est curieux avec vous, Yann Moix,
03:15c'est qu'au départ, vous étiez destiné aux mathématiques et pas du tout à la littérature.
03:18C'est vrai, mais je suis toujours passionné par les mathématiques.
03:21C'est quelque chose, si j'avais une vie à refaire,
03:25je ferais de la recherche en mathématiques.
03:28Mais je n'étais pas doué pour ça.
03:29Alors, j'ai abandonné et j'ai plutôt choisi une carrière,
03:33si on peut appeler ça une carrière, littéraire.
03:36Oui, en vous tournant au départ vers la philosophie.
03:38Oui, c'est ça. Mais les mathématiques continuent vraiment à me passionner.
03:43J'en fais régulièrement, j'en fais quasiment tous les jours.
03:45Je lis sur les mathématiques, l'histoire des mathématiques m'intéresse.
03:48Et reprendre des exercices de mathématiques de mon époque, de Mathsup ou de MathsP,
03:53est une source profonde de joie aujourd'hui,
03:55alors que c'était pour moi une source de cauchemar il y a quarante ans.
03:58Oui, et en même temps, c'est aussi une façon de compter en alexandrins.
04:03Ah oui, c'est les chiffres, oui. C'est mathématique, oui.
04:07Alors, et l'apnée ? Est-ce que vous connaissiez l'apnée en temps, avant de vous plonger dans ce livre ?
04:12Faire de l'apnée ? Non, je n'en ai jamais fait. Je nage tous les jours,
04:15mais je ne fais pas d'apnée au sens où des gens restent quatre, cinq, six minutes sous l'eau sans respirer.
04:19Le record, je crois, c'est un Français qui s'appelle Guillaume Bourdil,
04:23qui parcourt plus de 300 mètres en apnée.
04:25Il a été sacré champion du monde et il peut descendre à 113 mètres en compétition.
04:29Ça, ça force absolument le respect. C'est des capacités qui sont absolument extraordinaires.
04:34Et là, on se pose la question, il y a une part d'acquis,
04:38mais il y a aussi une part d'inné, parce que c'est une force qu'il a à la naissance, celui qui fait ça,
04:43mais il doit l'entretenir, donc c'est quelque chose d'assez...
04:48Vraiment, c'est hors norme, en fait, d'arriver à des exploits de cette sorte.
04:54Et puis, les Français ont découvert l'apnée avec le Grand Bleu de Luc Besson.
04:58C'est vrai, exactement.
04:59Avant, personne ne connaissait Jacques Mayol.
05:00Non, c'est vrai, Luc Besson, qui pour moi est un très grand cinéaste,
05:03a apporté à des générations, dont la mienne, des très grands films qui sont aujourd'hui cultes.
05:08Et s'il est de bon ton aujourd'hui de critiquer le travail de Luc Besson,
05:12il restera dans le cinéma, notamment grâce au Grand Bleu.
05:15Oui, alors on l'a critiqué dès le départ.
05:17Moi, j'ai été au Festival de Cannes à la première projection du Grand Bleu,
05:20qui a été sifflé par une partie de la salle.
05:22Bien sûr, Luc Besson serait américain, il serait considéré comme un génie.
05:27Comme il est français, on le maudit.
05:29Et quand, le plus tard possible, Luc Besson a disparu, il sera reconsidéré comme le génie.
05:36Moi, je me souviens avoir vu, à sa table après la soirée, il était déprimé avec Anne Pariot.
05:41Je lui disais, mais le public va marcher.
05:43Il était prêt à arrêter le métier.
05:45Oui, oui, mais c'est quelqu'un de très sensible.
05:47C'est un camarade que j'apprécie beaucoup.
05:50D'ailleurs, je déjeune avec lui très bientôt.
05:53Et c'est un homme à qui on n'a pas fait de cadeau
05:56et qui a été vraiment obligé de se brancher directement sur le public
06:00parce que la critique lui a toujours craché au visage.
06:03Oui, et le public a répondu présent, c'est le principal.
06:05Alors, j'en reviens à ce livre apnée.
06:07Au départ, vous reprenez le principe de Dante,
06:09qui est un poète florentin du XIIIe siècle,
06:11qui est le père d'une langue italienne
06:14et qui avait écrit quelque chose qui se rapprochait de ce que vous faites.
06:18Je ne me placerai pas dans l'altitude de Dante,
06:22qui est un des plus grands génies de l'histoire universelle de la littérature,
06:25mais effectivement, il a écrit une trilogie
06:29« L'enfer, le paradis et le purgatoire »
06:31dans lequel le poète Virgil lui fait visiter les enfers.
06:35Et c'est un chef-d'œuvre absolu
06:37que malheureusement, je ne peux lire qu'en français en traduction,
06:39mais il y a une très bonne traduction de Jacqueline Risset.
06:42Et c'est vrai que c'est un livre qui m'a suivi,
06:45qui me suit depuis plus de 35 ans aujourd'hui.
06:48C'est une référence pour tous les écrivains, je pense.
06:50Il a une muse, Béatrice.
06:51Et vous, pour ce livre, vous avez choisi une muse, Emmanuelle.
06:53Emmanuelle, qui est une jeune femme hongkongaise
06:57qui a quitté aujourd'hui la France,
06:59mais avec laquelle j'ai partagé près de deux ans,
07:02et qui maintenant reste inscrite dans la littérature.
07:05C'est quand même un bel hommage que je lui fais.
07:07Exactement.
07:08Alors, il se trouve que vous avez choisi les événements
07:10parce que, raconté le XXe siècle,
07:11comment on fait un choix d'événements au départ, Yann Moix ?
07:14Il faut trier les événements macroscopiques
07:18de grande importance,
07:22sachant qu'il y en a qui sont inévitables,
07:24et puis aller chercher des micro-événements
07:27qui nous regardent plus personnellement.
07:29Par exemple, on ne peut pas faire l'impasse sur 14-18,
07:32sur la Deuxième Guerre mondiale, sur Hiroshima ou sur la Shoah.
07:35Voilà. Et la guerre de 14-18, justement, Brassens l'a chantée.
07:40Depuis que l'homme écrit l'histoire,
07:41depuis qu'il bataille à cœur joie,
07:44entre mille et une guerres notoires,
07:46si j'étais tenu de faire un choix,
07:48à l'encontre du vieil Homère,
07:50je déclarerais tout de suite,
07:52moi mon colon, celle que je préfère,
07:54c'est la guerre de 14-18.
07:55Il défend quand même ce qu'il a toujours rejeté,
07:57mais il y a une raison, parce qu'on ne la connaît pas,
07:59c'est qu'en fait, sa mère était veuve de guerre.
08:02Elle a eu un premier mari, Elvira,
08:04et le père de Brassens était le second mari de la mère de Brassens.
08:07Vous savez comme je déteste Georges Brassens,
08:09je vous écoute de manière intéressée,
08:13mais il y a quelque chose dans mon cerveau
08:15qui m'empêche d'apprécier le génie de Georges Brassens,
08:17parce que je sais qu'il en possède, du génie,
08:19ça c'est évident,
08:20mais je ne suis absolument pas sensible
08:22à sa galaxie, à son art, à son chant,
08:26à ses paroles, à sa guitare,
08:28il me laisse complètement froid,
08:30et toute ma vie, depuis que je suis sur Terre,
08:32à chaque fois que j'ai entendu Georges Brassens à la radio,
08:34j'ai changé de chaîne ou de station.
08:36Je ne le supporte pas.
08:37C'est bizarre.
08:38Mais non, c'est-à-dire que le génie est toujours clivant.
08:40Voilà.
08:41Par exemple, Édith Piaf, qui est un immense génie artistique,
08:44je ne la supporte pas.
08:46Marguerite Duras, qui a sans doute du génie littéraire,
08:48je ne la supporte pas.
08:49C'est bien, je trouve, que chez les très grands personnages,
08:52littéraires, artistiques, les peintres et les musiciens,
08:54il y a des gens que l'on déteste.
08:55Ça prouve aussi que lorsqu'on a du talent,
08:59on ne peut pas plaire à tout le monde.
09:00Ça s'appelle la liberté de penser aussi.
09:01Exactement.
09:02Alors, il y a aussi la Seconde Guerre mondiale que vous évoquiez,
09:04et curieusement, vous l'a traité à travers un photographe de guerre très célèbre,
09:08puisqu'il a été présent au débarquement le 6 juin,
09:11c'est Robert Capa.
09:11Oui, j'ai trouvé intéressant de parler du débarquement
09:14dans des épisodes qui se passent sous l'eau.
09:16C'est quand même très bizarre de décrire le débarquement,
09:20depuis le fond des océans,
09:21exactement comme je me suis permis de décrire Apollo 11
09:25qui se pose sur la Lune,
09:28alors que, bien évidemment, on est sous l'eau,
09:31donc il y a des aberrations comme ça qui sont très amusantes à décrire.
09:34Et Robert Capa a pris le jour du débarquement 119 photos,
09:37mais il y a eu un problème de laboratoire
09:38et on a conservé 11 photos qui sont assez floues.
09:41Terrible.
09:42En même temps, ça fait partie de l'histoire.
09:44On ne saura jamais ce qu'il avait dans son appareil.
09:47Il y a des malédictions comme ça historiques,
09:49il y a des pertes irréversibles.
09:51Et les photographes de guerre, ça vous fascine ?
09:54Ces photos qu'on voit sur le terrain ?
09:56Très honnêtement, je trouve que ça fait partie du patrimoine de l'humanité.
10:00La guerre est inimaginable pour ceux qui ne l'ont pas faite
10:04et je trouve que les photographies de guerre,
10:07dans leur vérité, dans l'instant précis où elles sont prises,
10:11donnent plus la sensation d'avoir été là-bas que les témoignages.
10:16Je trouve que c'est très fort les photographes de guerre.
10:18Et voire beaucoup plus que les films aussi.
10:20Et il vous arrive de partir d'une photo pour imaginer une histoire ?
10:24Oui, j'ai fait ça toute mon enfance.
10:26C'est quelque chose, et même des tableaux, des dessins.
10:29Je suis assez peu sensible à la photographie comme art,
10:33mais très sensible à la photographie comme journalisme, comme reportage.
10:37C'est-à-dire que l'art de la photo, je n'y crois pas en fait.
10:39Je ne considère pas que la photo soit un art.
10:42J'ai peut-être tort.
10:43Vous savez, j'ai des amis écrivains qui considèrent que le cinéma n'est pas un art.
10:46Je considère que la photo n'est pas un art. Je ne la reconnais pas comme telle.
10:49En revanche, là où elle est très puissante,
10:51parce que je ne méprise pas la photo pour autant,
10:54c'est quand elle fait du reportage.
10:57Quand elle saisit l'instant, mais au sens historique du terme.
11:01Non pas au sens esthétique du terme.
11:03En tout cas, avec vous, on sait qu'il n'y a jamais de cliché de ce côté-là.
11:06C'est toujours des nouveautés.
11:08Et on va se retrouver dans quelques instants pour évoquer une autre date
11:11qui est présente dans ce livre, le 31 août 1968.
11:14A tout de suite sur Sud Radio avec Yann Moix.
11:17Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
11:20Sud Radio, les clés d'une vie. Mon invité Yann Moix.
11:23Ce livre apnée qui raconte l'histoire du 20ème siècle
11:26sous forme subaquatique et en vert et en alexandrin.
11:29Donc, il y a des éléments là-dedans qui m'ont permis
11:32de trouver des sujets pour raconter l'histoire à votre façon.
11:3631 août 1968. Écoutez.
11:45Michel Delpech, White is White.
11:48Cette chanson, au départ, c'est une parodie de Black is Black
11:51d'un groupe espagnol, Los Bravos,
11:54que Halidé a repris avec Noir c'est Noir
11:57à l'époque où il a tenté de se suicider.
11:59Et heureusement, il n'y est pas arrivé.
12:01Et c'est vrai que l'île de White, ça vous a marqué.
12:03La chanson date de 1969.
12:05Mais je crois que le festival a démarré un an plus tôt.
12:08Le petit problème qu'a Michel Delpech,
12:11c'est qu'à un moment donné, il dit Dylan is Dylan.
12:14Le souci, c'est que Bob Dylan n'était pas au festival de l'île de White.
12:18En 68. Il était en 69.
12:20Oui, mais là, s'il parle de 68,
12:22c'est étant donné que la chanson a pu sortir avant
12:26le deuxième festival de l'île de White de 69,
12:28il y a peut-être un problème à vérifier.
12:30C'est pas très grave.
12:31En fait, le premier festival est né en 68.
12:33Il y a eu 10 000 spectateurs.
12:35Mais il a véritablement explosé en 69.
12:37Quand Dylan est venu, il avait eu un accident de moto.
12:39C'était sa rentrée après trois ans de silence.
12:42Oui, il faudrait savoir quand est-ce que Delpech a sorti ?
12:44Apparemment, c'est juste après.
12:46Ah bon, alors d'accord. Très bien.
12:48Il se trouve que Dylan est arrivé sur scène
12:50et on est passé de 10 000 spectateurs à 250 000 spectateurs.
12:53Sur la seule présence de Dylan.
12:55Exactement. Et ça a été un phénomène de société.
12:57Parce que là, tout le monde a compris, il se passe quelque chose.
13:00Et ça vous a marqué ?
13:02Dylan m'a marqué.
13:04De toute façon, toute cette musique-là me marque encore
13:06puisque je n'écoute quasiment que ça.
13:08J'écoute un peu de jazz, beaucoup de jazz
13:10et beaucoup, beaucoup de rock.
13:12Donc oui, c'est une musique qui m'a marqué.
13:14Et en fait, Dylan est quelqu'un qui est arrivé
13:16qui était à ses débuts.
13:18Parce qu'à l'époque, il avait démarré quelques années plus tôt
13:20mais il commençait vraiment à exploser.
13:22Oui, il avait commencé folk.
13:24Puis ensuite, très doucement, il est devenu rock et folk.
13:27Et c'est vrai qu'on n'imaginait pas à l'époque
13:29qu'il aurait un jour le prix Nobel.
13:31Mais lui non plus, il n'imaginait pas.
13:33D'ailleurs, d'une certaine manière, il ne l'a jamais vraiment eu
13:35dans la mesure où il n'en veut pas vraiment.
13:37Il a toujours dit que c'est un prix qui l'embarrassait
13:39plus qu'autre chose.
13:41Je ne trouve pas que ce soit une mauvaise idée de lui avoir donné.
13:43Cela dit, c'est très intéressant.
13:45Mais c'est vrai qu'il était un petit peu quoi
13:47de l'avoir eu ?
13:49Il se trouve que le festival de l'île de Wight en 1970
13:51il y a 600 000 personnes
13:53à tel point que le Parlement britannique
13:55crée une loi en disant
13:57qu'on ne peut pas autoriser
13:59un événement
14:01avec plus de 5 000 personnes sans autorisation
14:03parce que tout le monde a été dépassé.
14:05Cela amène d'une contre-culture pour vous.
14:07Exactement. Et puis aussi dans la
14:09contre-culture, il y a un lâcher-prise.
14:11C'est-à-dire que nous avons
14:13une génération qui arrive qui se moque
14:15des conséquences de ce qu'elle fait.
14:17Et c'est la grande différence entre la bourgeoisie
14:19et les hippies
14:21de l'époque. C'est, est bourgeois
14:23celui qui fait attention
14:25à ses actes, qui considère
14:27que l'imprudence va avoir
14:29des conséquences sur son existence ?
14:31Et de l'autre côté, il y a des gens
14:33qui se disent que les conséquences,
14:35ce n'est pas grave, on s'en fiche.
14:37Il faut vivre l'instant présent.
14:39Et c'est ça les hippies.
14:41Et ça a marqué votre génération ?
14:43Je suis né en 68, donc ça a marqué
14:45la génération juste avant moi,
14:47mais comme j'avais 10 ans de retard
14:49intellectuellement et artistiquement,
14:51j'en ai quand même profité, mais en différé.
14:53J'aurais bien aimé vivre
14:5510 ans plus tôt, naître en 1958
14:57parce que j'aurais pu vivre à plein
14:59les années 70, qui sont les grandes années du rock.
15:01Et avec le recul, comment voyez-vous
15:03ces années que vous avez seulement observées ?
15:05De manière mirifique, c'est-à-dire que je pense
15:07qu'à partir de 1985,
15:09le rock commence à mourir, à s'étioler.
15:11Je ne connais pas de grands...
15:13Il y en a, il y a les White Stripes, il y a les Guns N'Roses,
15:15mais grosso modo, depuis
15:17les années 80, le rock
15:19se meurt complètement. Il y a d'autres choses
15:21qui l'ont remplacé, des choses intéressantes, mais en termes
15:23de rock pur, je mettrais
15:25la date de décès du rock
15:27au mi-temps des années 80.
15:29Et en racontant ce livre, vous évoquez
15:31en même temps cette époque qui était
15:33une époque de transformation, parce que
15:35qu'est-ce qui reste aujourd'hui de cette époque,
15:37sinon cette évocation dans ce livre ?
15:39Il reste des films, mon cher Jacques.
15:41La décennie 1965-1980
15:45au cinéma est exceptionnelle.
15:47En littérature, c'est plus faible,
15:49mais les deux domaines
15:51où les années 70,
15:53on va dire,
15:55les 65-85, ces 20 ans-là,
15:57sont extraordinaires, c'est la musique
15:59et le cinéma.
16:01Là, il y a un âge d'or qui est indépassable.
16:03Il se trouve aussi, donc vous parlez du rock,
16:05mais vous aimez aussi le jazz, la preuve, écoutez.
16:11Miles Davis,
16:13le roi de la trompette,
16:15et ça, pour vous, c'est aussi quelque chose d'important.
16:17Miles Davis était un génie,
16:19alors aujourd'hui,
16:21il aurait plein d'histoires, parce que
16:23on chercherait
16:25Miles Davis plutôt que ses qualités,
16:27on chercherait ses défauts
16:29plutôt que son talent,
16:31donc on écouterait Miles Davis
16:33par le petit bout de la lorgnette
16:35et on essaierait de le canceller,
16:37plutôt que de rendre hommage aux chefs-d'oeuvre
16:39qu'il a enquillés, parce que je ne connais
16:41aucun disque de Miles Davis
16:43qui ne soit pas un trésor.
16:45Il n'a fait que des chefs-d'oeuvre.
16:47Là, on a entendu Kind of Blue,
16:49qui est un disque de 1959,
16:51qui est son disque le plus célèbre,
16:53et je crois qu'en tant que trompettiste,
16:55Miles Davis n'a toujours pas été remplacé.
16:57Et en tant qu'homme, il a été, avec Josephine Becker,
16:59on l'oublie un peu, l'un des pionniers
17:01aussi pour la défense des musiciens noirs aux Etats-Unis.
17:03Oui, il a été
17:05une incarnation
17:07de la négritude
17:09à l'américaine, et son génie,
17:11il l'a imposé au monde entier,
17:13avec ses caprices,
17:15avec sa personnalité, avec sa force,
17:17et parfois, de temps en temps,
17:19avec son mépris envers les Blancs.
17:21Répondant à un questionnaire,
17:23on lui a dit, quel est votre vœu principal ?
17:25Et il répond, j'aurais voulu être blanc.
17:27Ça m'étonne
17:29beaucoup de lui, et je vous crois,
17:31je sais que vous êtes un énorme travailleur,
17:33et si vous le dites, ça doit être vrai. Mais c'est très étonnant.
17:35C'était au second degré, peut-être ?
17:37Oui, je pense. Parce qu'il était très, très,
17:39très fier d'être noir.
17:41Et il a reçu, on l'a un peu oublié,
17:43en années 60, le trophée de l'homme
17:45le mieux habillé de l'année aux Etats-Unis.
17:47Oui, exact.
17:49C'était un type très difficile d'accès,
17:51et je me souviens d'une émission
17:53que j'ai vue sur le site
17:55de l'INA ou sur YouTube,
17:57dans laquelle il y a un jeune prodige
17:59de la trompette, qui doit avoir 12 ans,
18:01ou 10 ans, et qui joue devant Miles Davis.
18:03Et Miles Davis, avec sa voix très éraillée,
18:05que je ne vais pas imiter, lui dit,
18:07tu crois que c'est bien, petit, ce que tu viens de faire ?
18:09C'est assez mauvais.
18:11Tu es limité, il faut que tu travailles.
18:13Et le gamin, il est quasiment
18:15en larmes. Et en fait, Miles Davis a dû lui
18:17faire un magnifique cadeau. Il ne voulait pas humilier le gosse.
18:19Il voulait lui dire, si tu veux devenir comme moi,
18:21il faut que tu travailles
18:23jour et nuit. Parce que si je suis du Miles Davis,
18:25ce n'est pas parce que je suis un génie.
18:27C'est parce que je suis le plus grand travailleur
18:29de trompettes de tous les temps.
18:31Dans ce livre apnée, vous évoquez aussi,
18:33au fil de votre voyage, Rodolphe Nourieff.
18:35Oui.
18:37Je suis fasciné
18:39par Nourieff,
18:41et je me souviens d'un article de Jean Caud
18:43dans Paris Match, éblouissant
18:45sur Nourieff. Et je crois que Nourieff,
18:47qui lui aussi, aujourd'hui, serait considéré
18:49comme l'homme à abattre, à cause de sa
18:51réputation sulfureuse,
18:53était sans doute
18:55un...
18:57Comment vous dire ?
18:59Il avait un corps
19:01qui était
19:03incompatible
19:05avec ce qu'on sait
19:07du corps humain. C'est-à-dire qu'il a
19:09inventé des mouvements
19:11qui n'avaient jamais été exécutés
19:13avant lui.
19:15Il a inventé des manières de se déplacer
19:17inédites depuis l'histoire de l'humanité.
19:19Depuis les débuts de l'humanité.
19:21C'est pas rien, quand même.
19:23Et son saut qui lui a permis de rester en France...
19:25En fait, on sait aujourd'hui qu'il avait été
19:27préparé de longue date,
19:29dans les couilles du Palais des Sports,
19:31pendant qu'il jouait avec la troupe.
19:33C'est-à-dire que Janine Ringuet, qui était la secrétaire,
19:35avait tout prévu pour qu'il saute à ce moment-là
19:37et qu'il reste en France. La police était prévenue, tout le monde était d'accord.
19:39Incroyable. Vous êtes incalable.
19:41Mais je voulais vous dire une chose.
19:43Vous savez, en musique,
19:45c'est pas facile d'inventer un morceau.
19:47C'est pas facile d'inventer
19:49un style.
19:51Mais en chorégraphie,
19:53inventer des mouvements, inventer des
19:55enchaînements, ça me paraît éblouissant.
19:57Quelqu'un d'éblouissant aussi, que vous citez dans ce livre,
19:59c'est dans un genre différent, c'est Björn Borg.
20:01Oui. En fait,
20:03vous voyez que je rends hommage à toutes
20:05les années que j'ai aimées.
20:07Et là encore, ce qui m'intéressait chez Björn Borg,
20:09c'était le duel qu'il avait
20:11entrepris avec John McEnroe.
20:13C'est-à-dire que vous avez la prudence
20:15et l'économie
20:17contre l'imprudence et la dépense.
20:19McEnroe.
20:21Vous avez l'imprudence et l'économie contre l'excès
20:23et, d'une certaine manière,
20:25la dynamite.
20:27La retenue de Björn Borg contre
20:29l'émancipation extrême
20:31de McEnroe. Et en fait, ce duel
20:33de deux personnalités, mais aussi de deux caractères,
20:35ont fait la joie de ma
20:37petite enfance. C'était fantastique.
20:39Aujourd'hui, on ne voit plus
20:41de grandes différences entre les joueurs.
20:43Là, il y avait quelqu'un de filiforme, quelqu'un de tassé,
20:45quelqu'un de nerveux et quelqu'un
20:47de calme. Et, en fait, deux géants
20:49qui sont au même niveau, finalement,
20:51dans le panthéon du tennis.
20:53Et il y avait une femme qui adorait Björn Borg,
20:55elle le considérait comme le plus grand sportif de tous les temps,
20:57c'était Marlène Dietrich.
20:59Elle était chez elle, devant la télévision en permanence,
21:01enfermée, et elle téléphonait à Borg
21:03pour le féliciter après plusieurs matchs.
21:05Comment vous savez ça ? Parce que Marlène Dietrich m'appelait
21:07et me racontait ça. Je savais que vous aviez connu Marlène Dietrich.
21:09Elle,
21:11elle ne devait pas se laisser faire. Ah non, mais
21:13elle vous appelait au téléphone,
21:15c'est Mme Marlène Dietrich, comme ça,
21:17parce qu'elle avait lu un article, mais quand on la rappelait,
21:19elle disait, c'est pas moi. Et elle a vécu pendant
21:2115 ans enfermée. Oui, oui, je sais, je sais.
21:23Elle appelait même la reine d'Angleterre pour l'engueuler,
21:25parce que Charles n'avait pas été gentil avec Diana. Je sais, je sais.
21:27C'était un personnage incroyable. Incroyable.
21:29Alors, d'autres personnages incroyables que vous évoquez
21:31dans ce livre Apnée, eh bien, on va les évoquer
21:33nous aussi à travers la date du 9 octobre
21:351925.
21:37A tout de suite sur Sud Radio avec Yann Moix.
21:39Sud Radio, les clés d'une vie.
21:41Jacques Pessis. Sud Radio,
21:43les clés d'une vie. Mon invité Yann Moix,
21:45notre fil conducteur, c'est un livre, Apnée,
21:47un livre étonnant, une histoire subaquatique
21:49du XXe siècle. C'est-à-dire que vous racontez
21:51l'histoire sous la mer
21:53en alexandrin.
21:55Il a fallu choisir chaque sujet,
21:57c'était pas évident de trouver. Non, mais c'était très agréable à faire.
21:59Mais il fallait se documenter aussi,
22:01non, sur chaque sujet ?
22:03Enfin, sur le débarquement, par exemple,
22:05il a fallu que je lise parce que je ne connaissais pas grand-chose
22:07sur les détails du débarquement.
22:09C'est un événement
22:11de l'histoire qui est très mal connu
22:13et qui est infiniment complexe. Faut pas imaginer
22:15que ce sont juste des gens qui sont sortis des bateaux
22:17pour courir vers la plage.
22:19C'est quelque chose de très complexe, le débarquement.
22:21Alors, il y a aussi d'autres sujets qui vous tiennent à cœur
22:23comme le cinéma. Et si je parle
22:25de la date du 9 octobre 1925,
22:27c'est celle de la sortie de ce film.
22:39La ruée vers l'or.
22:41La ruée vers l'or de Charlie Chaplin
22:43qui est un film qui a marqué une époque.
22:45Il mange une chaussure.
22:47Il a fallu 3 jours de tournage et 63
22:49prises pour tourner.
22:51Il avait des chaussures en réglisses
22:53et il a fallu l'hospitaliser ensuite
22:55parce qu'il était malade.
22:57Vous connaissez dans ce film
22:59la fameuse danse des petits pains.
23:01Vous retrouvez l'origine
23:03de la danse des petits pains dans un film
23:05de Fatih Arbuckle
23:07avec Keaton.
23:09Ils formaient alors un duo.
23:11Chaplin avait trouvé
23:13que la scène des petits pains
23:15n'était pas suffisamment bien interprétée
23:17par Fatih Arbuckle.
23:19Il l'a reprise à son compte et l'a réinventée.
23:21C'est vrai que l'original
23:23est émouvant parce qu'on voit la genèse
23:25mais c'est beaucoup moins génial
23:27que Chaplin.
23:29Le génie ce n'est pas forcément toujours
23:31d'inventer quelque chose mais c'est de refaire
23:33en mieux quelque chose qui avait été fait
23:35médiocrement.
23:37Chaplin, bien sûr, vous l'évoquez dans ce livre.
23:39Oui, c'est un génie.
23:41Pour vous, c'est un génie.
23:43Si on devait classer les gens de cette époque
23:45dans les altitudes qui sont les leurs,
23:47les classements n'ont pas beaucoup de sens,
23:49à titre personnel, je mets Keaton devant.
23:51Il me semble plus fort
23:53parce qu'il fait moins
23:55de concessions
23:57et je trouve qu'il est
23:59plus inventif dans sa mise en scène.
24:01Les cascades de Keaton
24:03m'ont toujours ravi. Il y a moins de cascades dans Chaplin
24:05mais là, c'est comme si on comparait
24:07Newton et Einstein.
24:09Je chipote un peu mais c'est vrai que je préfère
24:11Keaton à titre individuel.
24:13Keaton qui avait un visage toujours extrêmement sérieux.
24:15L'homme qui ne sourit jamais.
24:17Chaplin le considérait comme son idole aussi
24:19qui s'approchait un jour de s'être compromis
24:21en passant à la télévision.
24:23Exact. Vous savez, la fin de Keaton est terrible.
24:25Il a même fait des publicités pour Kodak, etc.
24:27En couleur.
24:29Keaton n'a pas supporté, comme beaucoup d'acteurs
24:31de sa génération, le passage
24:33du muet au sonore.
24:35Et c'est vrai que
24:37le sonore a tué des générations
24:39d'acteurs géniaux.
24:41Ça a sauvé Loreley Hardy que vous évoquez aussi dans ce livre.
24:43Oui, j'aime beaucoup Loreley Hardy.
24:45J'en ai regardé beaucoup dans ma vie. Je continue à en regarder de temps en temps.
24:47Ils me font moins rire que lorsque
24:49j'étais enfant.
24:51Je trouve que leur humour est un petit peu
24:53plus limité et moins inventif.
24:55Mais ça reste quand même deux
24:57extraordinaires acteurs.
24:59Mais les enfants d'aujourd'hui, dans les écoles,
25:01aujourd'hui, notamment en primaire,
25:03on projette des films de Loreley Hardy.
25:05Oui, il fera Diavolo, c'est un chef-d'oeuvre.
25:07Les enfants sont
25:09fascinés, alors qu'on est à l'époque de Star Wars,
25:11par des films de Charlot
25:13ou par des films de Loreley Hardy.
25:15À la Cinémathèque française, certaines années,
25:17je me souviens qu'ils avaient passé
25:19le matin avec un pianiste
25:21des films de Méliès et ça avait cartonné.
25:23Donc en fait, les enfants aiment
25:25tout ce qui est bien fait, tout ce qui est drôle.
25:27Pour vous, le cinéma muet, ça a été un tournant
25:29presque aussi important que le cinéma parlant ?
25:31Je ne suis pas sûr, pour vous dire la vérité,
25:33que le parlant ait apporté grand-chose
25:35au cinéma. Alors je suis content d'ouvrir
25:37des films parlants. Je ne veux pas faire le malin.
25:39Mais le cinéma n'avait pas forcément besoin de parlants.
25:41C'est-à-dire qu'on est capable de regarder des grands
25:43chefs-d'oeuvre. Par exemple, je regarde
25:45souvent les films d'Eric Von Streim.
25:47Il n'y a pas besoin de mots, en fait.
25:49L'image, des panneaux pour dire les dialogues
25:51régulièrement. L'Aurore de Murnau,
25:53qui est le plus grand film de tous les temps,
25:55il n'y a pas besoin vraiment de dialogues. Je suis content que le son existe.
25:57On ne va pas se faire croire que c'est...
25:59Mais je veux dire, le cinéma n'avait pas forcément
26:01besoin du son. Tant mieux qu'on ait le son.
26:03Mais on aurait pu continuer
26:05à faire du cinéma sans.
26:07En même temps, il y avait à une époque le cinéma chocolat.
26:09On gagnait des places de cinéma
26:11dans les années 1920
26:13avec des tablettes de chocolat.
26:15Et on allait voir un cinéma feuilleton où,
26:17toutes les semaines, il y avait un épisode d'un film
26:19et on allait le voir sur 4 semaines.
26:21Ah ça, j'ignorais. C'est incroyable.
26:23Mystinguette détective, par exemple, a duré 4 semaines.
26:25C'est des séries de l'époque, en fait.
26:27Les mini-séries de l'époque, mais en muet.
26:29Le parlance est arrivé avec Al Jolson,
26:31que vous évoquez, bien sûr.
26:33Ça, ça aussi, c'est un tournant.
26:35C'est un tournant. Et Al Jolson, le chanteur de jazz,
26:37c'est aussi un film qui vous a marqué
26:39son temps ou qui a marqué le XXe siècle ?
26:41Ça a marqué le XXe siècle.
26:43Ça ne m'a pas marqué au sens où c'est un film que j'ai découvert
26:45quand j'avais déjà 40 ans. Je ne l'ai pas vu enfant.
26:47Ce ne sont pas des choses qui font partie de mon ADN
26:49d'enfant ni d'adolescent.
26:51En revanche, je l'ai découvert avec intérêt
26:53à titre historique quand j'ai eu une foi adulte.
26:55Pour enfin voir
26:57ce qu'était ce film.
26:59Mais ce n'est pas quelque chose qui fait partie
27:01de mon histoire personnelle.
27:03Al Jolson, on ne le sait pas, c'était une star à Broadway.
27:05Absolument, bien sûr.
27:07Quand il s'est donné dans la salle pendant un spectacle,
27:09ça a provoqué des émeutes.
27:11C'est fou. On ne peut pas imaginer ça aujourd'hui.
27:13Comme il y avait des émeutes
27:15à Moscou
27:17lorsqu'on passait les films de Douglas Fairbanks.
27:19Douglas Fairbanks,
27:21c'était à l'époque l'équivalent de ce qu'a été
27:23Sylvester Stallone dans les années 80.
27:25Il y a quelqu'un qui est très présent dans ce livre
27:27apnée, Yann Moix, c'est James Dean.
27:29Oui, j'aime beaucoup cet acteur.
27:31Pour moi, c'est un géant,
27:33sans jeu de mots, parce que vous savez qu'il a joué dans un film
27:35comme ça. Je le dis pour nos auditeurs
27:37qui voudraient le découvrir, parce qu'il est un peu oublié aujourd'hui.
27:39James Dean a été
27:41fauché dans sa
27:43carrière par un accident de voiture
27:45terrible et il est mort à 25 ans, James Dean.
27:47Il avait devant lui une carrière à la Brando.
27:49Et un jour, il avait
27:51rendez-vous...
27:53Il avait été conduit par Ursula Andrés
27:55qui lui avait fait des malheurs
27:57et il a poussé
27:59un petit peu fort sur le champignon
28:01pour se refaire un mental
28:03et malheureusement, il a
28:05trouvé la mort auprès d'un carrefour.
28:07Et on sait très peu d'ailleurs cette liaison
28:09avec Ursula Andrés. Oui, personne ne la connaît vraiment
28:11mais c'est vrai que James Dean
28:13à qui on a prêté des mœurs
28:15autres et qu'il avait sans doute été
28:17passionnément amoureux
28:19d'Ursula Andrés. Et puis, vous aimez le rock
28:21Yann Moix et bien sûr Presley
28:23qui considérait James Dean comme un maître
28:25est présent largement dans ce livre.
28:27J'ai longtemps détesté Elvis
28:29et contrairement à Georges Brassens, j'ai changé d'avis
28:31parce que je l'ai vraiment écouté. Elvis
28:33en fait, vous l'enlevez de l'histoire du rock
28:35et il n'y a plus les Beatles, il n'y a plus John Lennon
28:37il n'y a plus personne. Elvis, c'est le patron
28:39c'est le king, c'est le roi.
28:41En fait, Elvis a rencontré les Beatles
28:43lorsqu'ils sont arrivés et il a dû évoluer
28:45parce que les Beatles arrivaient aux Etats-Unis.
28:47Exactement, mais je vais vous dire
28:49un peu aussi comme certains joueurs de blues
28:51ont senti les Stones arriver et ils auraient été obligés
28:53de se réinventer parce que les petits jeunes blancs
28:55arrivaient derrière. Mais Elvis
28:57était un personnage hors du commun.
28:59Vous évoquez le cinéma aussi
29:01parce qu'il a fait aussi quelques films qui étaient
29:03des prétextes à des chansons. Oui, c'était des navets
29:05mais
29:07je préfère un navet avec
29:09un génie à l'intérieur qu'un
29:11chef-d'oeuvre avec que des toccards
29:13en tout cas pour les comédies musicales, j'entends.
29:15J'aime Elvis et j'aime le voir
29:17dans ses films, même les plus mauvais parce qu'on le voit
29:19physiquement et il avait une allure quand même
29:21inégalable.
29:23Il ressemblait à quelque chose, c'est le moins qu'on puisse dire.
29:25Et il avait une culture cinématographique qu'on n'imagine pas
29:27comme celle de Johnny Hallyday
29:29parce qu'il avait installé, c'était un des premiers
29:31à avoir un écran dans sa
29:33maison de Graceland et tous les soirs
29:35il projetait des films d'Hollywood à Priscillia, sa femme.
29:37Il y a beaucoup de gens qui n'aiment pas
29:39lire dans l'histoire du rock et de
29:41la chanson et qui sont
29:43des passionnés de cinéma. On en connaît,
29:45dit Mitchell par exemple, c'est quelqu'un qui regarde
29:47The Western par jour depuis 50 ou 60 ans.
29:49Il y a beaucoup de cinéphiles chez les chanteurs,
29:51surtout chez les chanteurs de blues, de rock
29:53et de rock'n'roll comme on disait avant. Des types
29:55sans tiagues, mais en général, les westerns.
29:57Et puis il y a Marilyn Monroe, que vous évoquez
29:59bien sûr aussi, qui elle a marqué
30:01aussi son époque. Marilyn qui était pour moi une
30:03femme, une victime en fait, qui a été
30:05brincbalée entre différents bourreaux
30:07qui ont abusé d'elle.
30:09C'est une femme qui
30:11était d'une grande pudeur
30:13et qui a été détruite
30:15comme objet sexuel en fait par
30:17les
30:19prédateurs de son époque, des grands prédateurs.
30:21Elle se laissait faire.
30:23Elle avait peu de
30:25finalement, peu de résistance
30:27à l'agression et c'est une
30:29femme, quand on voit les films,
30:31dont on s'aperçoit qu'elle était
30:33la lumière incarnée et que
30:35comme Brigitte Bardot, elle ne s'est jamais prise
30:37pour la star qu'elle était.
30:39Brigitte Bardot ne s'est jamais prise pour Brigitte Bardot
30:41et je pense que Marilyn Monroe ne s'est
30:43jamais prise une fraction de seconde pour Marilyn Monroe.
30:45C'était Norma Jean Baker
30:47et elle n'en revenait pas
30:49d'être elle-même et elle en a souffert toute sa vie.
30:51Et puis, si aujourd'hui
30:53elle était parmi nous, ça ne serait pas passé comme ça.
30:55Non. Heureusement, vous voyez,
30:57mon cher Jacques, il y a
30:59des choses qui évoluent dans nos sociétés
31:01et souvent dans le bon sens.
31:03Parce qu'il y a quand même eu des femmes qui sont mortes
31:05de la violence
31:07que les hommes leur ont fait endurer. Il faut être
31:09très honnête là-dessus. C'est la vérité.
31:11Et l'image de Marilyn, c'est sa
31:13robe qui se soulève pendant le tournage de
31:157 ans de réflexion mais ce qu'on ne sait pas, c'est qu'il y avait une centaine
31:17de personnes devant pendant le tournage
31:19qui ont assisté à la scène et qui ont pris la photo
31:21mais qui l'ont gardée pour eux.
31:23Ah ça, vous m'apprenez quelque chose. Moi, je pensais que c'était juste des techniciens.
31:25Non, non, non. Le public était là
31:27devant la bouche du métro.
31:29Et puis, vous évoquez aussi quelqu'un d'important, c'est Sacha Guitry.
31:31Oui. Notamment le film Napoléon.
31:33Ah, je savais que vous alliez m'en parler. Je sais que c'est une de vos idoles.
31:35Oui. Et c'est vrai que
31:37Napoléon est un film.
31:39Ce qui est étonnant, c'est que la première de Napoléon, on avait
31:41construit un bivouac à l'opéra
31:43et René Coty, président de la République, est arrivé
31:45salué par les soldats d'empereur.
31:47Ça, c'est très Guitry. Voilà.
31:49C'est extrêmement Guitry et je trouve que Sacha
31:51je l'appelle Sacha,
31:53est quelqu'un qui, malheureusement, aujourd'hui
31:55est trop peu joué.
31:57Oui. Et
31:59je signale à vos éditeurs, c'est pas pour
32:01faire de la publicité pour ma personne,
32:03j'ai sorti une revue qui s'appelle Année Zéro
32:05il y a déjà quelques mois, dont le numéro 3
32:07est intégralement consacré à Sacha Guitry.
32:09On a fait des très gros dossiers.
32:11Si vous voulez tout savoir sur Sacha Guitry,
32:13vous pouvez vous y référer. Et vous dites dans ce livre
32:15qu'on lui fiche la paix. Je lui demande à ce qu'on lui fiche
32:17la paix, oui. Pourquoi ? Parce que
32:19Guitry a été empoisonné
32:21pendant les dernières années de sa vie,
32:23les dix dernières années
32:25qui lui ont resté à vivre après la guerre
32:27par des miasmes
32:29extrêmement pernicieux
32:31laissant augurer
32:33qu'il avait collaboré et non seulement Guitry
32:35n'a pas collaboré, mais je persiste
32:37et je signe, Guitry a résisté.
32:39Oui. Guitry était un grand
32:41résistant. Ce n'était pas
32:43un petit collabo, mais un grand
32:45résistant. Il a sauvé des Juifs
32:47Juifs, il a sauvé des vies
32:49On sait aujourd'hui qu'il a écrit une pièce en décembre
32:511943 qui a été refusée par la commandante
32:53Tour
32:55qui s'appelle Mon Auguste Grand-Père
32:57où il insulte les Allemands
32:59où il fait l'apologie de la liberté
33:01et des Juifs. Et je trouve que
33:03Guitry a payé très cher
33:05sa supériorité artistique et intellectuelle
33:07là encore mon cher Jacques
33:09Aujourd'hui, comme hier, comme de tout temps
33:11on ne supporte pas
33:13les génies et dès qu'on trouve
33:15un prétexte pour leur couper la tête
33:17on se jette sur ce prétexte. Quelqu'un
33:19qui en parlait beaucoup c'était Alain Decaux, qu'il avait connu
33:21à 13 ans. Je sais. Et Alain Decaux a gardé
33:23sa maison pendant que Guitry... Non pas à 13 ans
33:25il a connu à 13 ans
33:27pour jouer une pièce et après à 18 ans
33:29il est revenu à 18 ans pendant la guerre
33:31il a gardé sa maison
33:33Pendant que les Féfis ont barqué
33:35Sacha Guitry pour éviter qu'elle soit pillée
33:37et Guitry a donné
33:39une photo à Alain Decaux
33:41qu'il a conservé toute sa vie encadrée
33:43une photo dédicacée. J'ai beaucoup
33:45beaucoup d'estime et d'admiration
33:47pour Alain Decaux. C'est quelqu'un que
33:49j'aurais aimé rêver. J'ai connu sa fille
33:51j'ai rencontré sa fille qui était
33:53sympathique mais si on peut en une seconde
33:55mon cher Jacques, rendre hommage
33:57à l'antenne de Sud Radio à Alain Decaux
33:59j'en serais ravi. C'était un homme
34:01exquis, supérieurement
34:03intelligent, très populaire
34:05très cultivé et je pense
34:07vraiment un honnête homme, j'aurais vraiment donné
34:09cher pour pouvoir le connaître.
34:11Je l'ai connu, non seulement c'était ça
34:13un homme honnête, un honnête homme
34:15mais un homme qui avait beaucoup d'humour
34:17et qui était un travailleur fou
34:19il travaillait chaque émission
34:21pendant trois jours enfermé pour tout savoir
34:23Et vous savez qu'il faisait ça sans notes
34:25face caméra, en direct
34:27pendant une heure. Exactement
34:29J'ai revu qui a assassiné
34:31Darland il y a quelques jours
34:33Prodigieux, prodigieux
34:35Il y a des gens comme ça que j'aurais adoré connaître
34:37J'aurais adoré mieux connaître, je l'ai rencontré
34:39une fois dans ma vie mais j'aurais adoré connaître Jean Dutour
34:41Je suis passé à côté de Jean Dutour
34:43J'aurais pu parce qu'il était encore vivant
34:45jusqu'en 2011. Il y a comme ça des
34:47grands académiciens français
34:49on pense que ce sont des momies
34:51qui sont formolisées
34:53ou formolées
34:55mais c'était des grands vivants et je regrette de pas les avoir
34:57mis à être intéressés
34:59alors qu'il était encore tant.
35:01Ce livre est passionnant et intéressant
35:03et on va continuer à en parler
35:05à travers une autre date qui là est liée
35:07à un autre événement le 10 décembre 2021
35:09A tout de suite sur Sud Radio avec Yann Moix
35:11Sud Radio
35:13Les clés d'une vie, Jacques Pessis
35:15Sud Radio, Les clés d'une vie, mon invité
35:17Yann Moix
35:19Ce livre apnée qu'on évoque depuis le début
35:21de l'émission, c'est une histoire subaquatique
35:23du XXe siècle chez Grasset
35:25et à travers ce livre en alexandrin
35:27vous évoquez les personnages qui ont marqué
35:29le XXe siècle, le choix en littérature
35:31a pas dû être simple non plus
35:33Non, mais en fait si, pardon
35:35je suis contradictoire, c'est que j'ai des maîtres
35:37j'ai des admirations et je suis fidèle à ces admirations
35:39j'ai pas vraiment évolué
35:41depuis l'âge de 20 ans
35:43à 20 ans mes goûts littéraires
35:45étaient un peu fixes
35:47et ils le sont restés, alors j'en ai eu des nouveaux entre temps
35:49mais je suis toujours fidèle à mes premiers amours en littérature
35:51Alors justement, si j'ai choisi
35:53la date du 10 décembre 2021
35:55c'est une vente parmi d'autres à Drouot
35:57où on met en vente de l'eau de Jules Renard
35:59et dans votre livre vous évoquez
36:01l'hôtel Drouot
36:03Oui, et j'aurais peut-être dû évoquer
36:05Jules Renard, je ne sais plus si j'en parle
36:07Ah bon, ça me rassure
36:09parce que c'est un de mes dieux lui aussi
36:11je conseille à nos auditeurs, et vous vous connaissez bien ça
36:13j'en suis certain Jacques, vous connaissant un petit peu
36:15c'est le journal de Jules Renard
36:17qui est un classique absolu, et les auditeurs
36:19peut-être plus jeunes, si vous voulez
36:21lire un livre qui vous tombera jamais des mains
36:23et qui vous accompagnera toute votre vie
36:25c'est le journal de Jules Renard
36:27qui est paru 10 ans après sa mort
36:29mais c'est un grand journal et un grand écrivain
36:31alors il se trouve qu'on vend
36:33des lots de Jules Renard régulièrement
36:35à Drouot, et Drouot, pourquoi l'évoquez-vous
36:37dans ce livre Yann Moix ?
36:39J'aime beaucoup Drouot, même si
36:41j'y ai connu de grandes frustrations
36:43notamment la main moulée
36:45de Sacha Guitry
36:47qui m'est passée sous le nez parce qu'elle commençait à s'envoler
36:49à des tarifs qui n'étaient pas
36:51praticables pour
36:53l'écrivain que je suis
36:55et j'ai vu quelqu'un qui impassiblement levait
36:57la main à chaque fois que la main de Guitry
36:59surenchérissait, était surenchérie
37:01plutôt. Et vous avez pu acheter quand même des choses particulières ?
37:03Oui, j'ai acheté de modestes photos
37:05des dessins érotiques
37:07des dessins pornographiques de Guitry
37:09Je crois que vous avez aussi acheté des livres
37:11de Philippe Bouvard quand il a vendu sa bibliothèque
37:13Oui, alors c'est pas des livres de Philippe Bouvard
37:15c'est des livres ayant... j'ai acheté
37:17l'intégrale de Hugo
37:19édition 1885
37:21des livres complètes de Bouvard
37:23ça m'a coûté 5000 euros
37:25Il trouve qu'il avait une bibliothèque énorme chez lui
37:27avec des livres extraordinaires
37:29et il m'a un jour expliqué
37:31que ses livres c'était pour lui, sa protection
37:33Oui, il les lisait pas
37:35C'était pour éviter les cons
37:37Il savait qu'il était entouré par des génies
37:39mais il les ouvrait pas forcément
37:41Oui, j'ai les Hugo de Bouvard
37:43Raymond Roussel justement
37:45est présent
37:47Vous êtes incalables, c'est incroyable
37:49Vous êtes sans doute
37:51le maître des maîtres de la préparation des émissions
37:53parce que c'est pointu, c'est précis
37:55Je peux pas faire autrement
37:57avec vous qui êtes aussi pointu
37:59Non mais je suis obsessionnel, c'est pas la même chose
38:01Alors Raymond Roussel vous l'avez évoqué
38:03et il est lui aussi très présent dans votre livre
38:05parce que c'est quelque chose
38:07qui a compté pour vous depuis son premier roman
38:09La doublure
38:11Raymond Roussel publie en 1897
38:13un livre qui s'appelle La doublure et il pense qu'il va
38:15non seulement se faire un nom
38:17pour l'éternité
38:19dans l'histoire de la littérature
38:21et deux, qu'il va connaître un succès phénoménal
38:23ni l'un ni l'autre
38:25c'est à dire que Raymond Roussel perd sur les deux tableaux
38:27il en est resté amer toute sa vie
38:29et prenant la mouche
38:31pour ne pas avoir été considéré
38:33comme le nouveau Victor Hugo à l'époque
38:35il décide d'écrire
38:37une oeuvre pour lui
38:39que pour lui
38:41et il décide même d'écrire des pièces
38:43qu'il ne représentera finalement que pour lui
38:45en payant les acteurs
38:47et en s'offrant une scène
38:49c'est un auteur, pour cela
38:51j'allais dire un auteur dramatique
38:53mais au sens propre du terme
38:55dramatiquement accueilli à l'époque
38:57qui n'a jamais connu le moindre lecteur
38:59ni le moindre succès
39:01que les snobs aiment beaucoup aujourd'hui
39:03surtout quand ils ne l'ont pas lu
39:05mais que les gens qui le connaissent intimement
39:07comme c'est mon cas
39:09revisitent régulièrement
39:11restant à chaque fois époustouflé
39:13en même temps
39:15ces livres sont traduits dans le monde entier
39:17alors ça, ça m'étonne beaucoup
39:19parce que j'imagine mal qu'on puisse
39:21traduire
39:23quelqu'un dont
39:25la prose mais surtout
39:27la poésie obéissent
39:29à tant de contraintes
39:31mais en même temps c'est après sa mort
39:33qu'on l'a découvert et le premier biographe
39:35à avoir écrit quelque chose sur lui c'était François Caradette
39:37François Caradette qui est un homme
39:39qu'on a un peu oublié qui a écrit à la fois
39:41l'Encyclopédie de Bruxelles et l'Encyclopédie des Pharséatrapes
39:43François Caradette
39:45a écrit également une biographie
39:47de Rachilde, une biographie
39:49d'Alfred Jarry, une biographie
39:51de Pujol le pétomane
39:53une biographie d'Alphonse Allais
39:55François Caradette était
39:57je crois quelqu'un d'assez ronchon
39:59un petit peu désagréable mais il a
40:01beaucoup fait pour les littératures transversales
40:03Exactement, et ça vous les appréciez
40:05ces littératures transversales ?
40:07Bien sûr, j'aime toute la littérature, j'aime la littérature classique
40:09je vénère Flaubert, je vénère Baudelaire
40:11je vénère Stendhal
40:13mais je vénère aussi
40:15Alfred Jarry, Alphonse Allais et les auteurs
40:17moins connus comme Léon Blois aussi
40:19Bien sûr, et Alphonse Allais pendant des décennies
40:21on l'a pas connu alors qu'il a été un des maîtres
40:23de l'humour. Oui, il disait par exemple
40:25c'est pas pour me vanter mais il fait beau ce matin
40:27Exactement, il se trouve aussi que la folie de Raymond Roussel
40:29vous a marqué parce qu'à la fin
40:31il est mort fou, suicidé
40:33Raymond Roussel a fait le tour du monde dans une
40:35roulotte aménagée, très luxueuse
40:37puis il avait beaucoup d'argent
40:39et il demandait aux sbires
40:41qui l'accompagnaient de ne jamais ouvrir le rideau
40:43c'est-à-dire qu'en Chine il voulait pas savoir où il était
40:45il a aussi une particularité
40:47c'est qu'il prenait son petit déjeuner
40:49son déjeuner et son dîner
40:51d'un coup, le matin, pour plus avoir à y revenir
40:53pour trier ses
40:55vallées de pieds, il demandait
40:57à ce qu'il parcourt sa cour à minuit
40:59comme il y avait des graviers
41:01s'il entendait le bruit du gravier
41:03il n'employait pas la personne, etc.
41:05Mais un jour il prend un taxi
41:07il ne reviendra plus et on le retrouve suicidé
41:09dans un hôtel. Oui,
41:11il s'est donné la mort à Palerme
41:13il s'est suicidé dans une chambre d'hôtel à Palerme
41:15en 1935. Quelqu'un a
41:17écrit Jean Ferry sur lui, on en
41:19sait plus sur Virgile que sur Raymond
41:21Roussel. Oui, c'est très juste
41:23c'est...
41:25Jean Ferry a écrit
41:27une magnifique étude
41:29sur les nouvelles impressions d'Afrique
41:31les nouvelles impressions d'Afrique c'est une phrase
41:33mais une phrase qui dure 120 pages
41:35dans laquelle il y a des parenthèses
41:37de parenthèses de parenthèses de parenthèses
41:39à l'infini quoi. Et ça tient la route.
41:41Et parmi les missions
41:43de l'écrivain que vous êtes, Yann Moix,
41:45il a réhabilité ses auteurs pour les faire
41:47découvrir à la nouvelle génération.
41:49J'aime tous les auteurs géniaux
41:51indépendamment de leur réputation
41:53de leurs actes, du souffre
41:55qu'ils peuvent encore transbahuter
41:57avec eux. J'aime Jean Genet
41:59j'aime Jean-Paul Sartre, j'aime le Marquis
42:01de Lissade, j'aime Paul Morand
42:03j'aime Philippe Solers
42:05j'aime Stendhal
42:07j'aime Saint-Jean Perse
42:09j'aime Proust, j'aime Céline
42:11Il y a un côté Prévert dans votre livre
42:13J'aime Prévert
42:15La différence entre Houellebecq et moi
42:17c'est lui déteste Prévert
42:19moi j'adore Prévert. Il y a un côté
42:21inventaire de Prévert dans votre livre
42:23J'aime les listes
42:25comme Georges Pérec, j'aime les listes
42:27Je suis
42:29pas loin de Louis Lippo parfois
42:31l'ouvraire de littérature potentielle
42:33j'aime la contrainte, j'aime les listes, j'aime la littérature
42:35parfois un peu expérimentale
42:37j'aime prendre des risques en littérature
42:39j'aime la littérature, c'est tout, la littérature fait ce qu'elle veut
42:41Mais la littérature peut être populaire
42:43Prévert est aujourd'hui encore très populaire dans les écoles
42:45Bien sûr, je suis très heureux que
42:47un auteur
42:49comme lui puisse continuer à être
42:51enseigné à l'école et appris par coeur par les élèves
42:53comme La Fontaine par exemple
42:55Et c'est vrai aussi que des films comme
42:57Ils sont devenus des classiques, je sais pas si vous le savez
42:59mais au départ il avait écrit « T'as de belles jambes, tu sais »
43:01Ah non, je le savais pas
43:03Il va sur le tournage, il voit les yeux de Michel Morgan et il a changé la phrase
43:05C'est extraordinaire
43:07Si c'est vrai, c'est extraordinaire
43:09Et puis il y avait aussi la peinture qui vous intéresse
43:11et il y a une chanson qui fait penser
43:13à la peinture
43:15Avec ta robe blanche, tu ressemblais à une aquarelle de Marie-Laurent Saint
43:17Et je me souviens
43:19L'été indien
43:21Je suis pas un fan de Marie-Laurent Saint
43:23L'été indien c'est extraordinaire
43:25C'est un immense succès
43:27Et au départ Dassin ne voulait pas le chanter
43:29C'est Clo-Clo qui devait le faire au début
43:31Oui, et il disait « je ne chanterai pas cette chanson parce que personne ne sait qui est Marie-Laurent Saint »
43:33Ah je savais pas ça
43:35C'est ça la vérité
43:37Ah vous êtes vraiment impressionnant
43:39Moi je sais que Clo-Clo l'a refusé
43:41Et après il ne supportait pas de l'entendre à la radio
43:43Parce que ça lui était passé sous le nez
43:45Et effectivement Joe Dassin ça a été son plus gros succès
43:47Mais en même temps
43:49Marie-Laurent Saint fait penser à Polinaire
43:51Oui je sais
43:53J'aime quand même pas
43:55Mais ça me fait penser aussi
43:57Vous vous souvenez de « L'été sera chaud »
43:59Oui absolument
44:01Ah non alors
44:03Il y a un autre morceau de Chardin
44:05Où il parle de Félicien Marceau
44:07Exactement
44:09C'est pas « L'été sera chaud » c'est un autre
44:11Et je pense qu'il ne savait pas du tout qui était Félicien Marceau non plus
44:13Mais aujourd'hui est-ce qu'on connait ces auteurs du passé ?
44:15Est-ce qu'on a pas encore un travail de fond à refaire ?
44:17Alors ça dépend de quel passé vous parlez
44:19Le passé récent ils ont tous été engloutis
44:21Jean Dutour c'est fini
44:23Félicien Marceau c'est fini
44:25Jean Dutour c'est fini
44:27Tout ces gens-là
44:29Cette génération-là on ne les lit plus
44:31Michel Déon
44:33Maurice Druon
44:35Tous ces gens-là ne sont plus lus
44:37Les auteurs des années 50, 60, 70
44:3980
44:41On ne les lit plus
44:43Par contre la génération d'avant on les lit encore un peu
44:45Boris Vian on le lit encore
44:47Malraux on le lit encore un peu
44:49Gide a été au purgatoire pendant des années
44:51Proust a connu des années de purgatoire
44:53Et Céline n'a pas connu de purgatoire du tout
44:55Sauf de son vivant bien sûr
44:57Mais une fois mort
44:59Il est devenu immédiatement un classique
45:01Il y a des classiques qui disparaissent et qui reviennent
45:03Ca existe, c'est des modes
45:05Ca a été aussi tout le travail de ce livre
45:07Avec le recul vous imaginez tout le travail que vous avez fait
45:09Oui je me suis embarqué dans quelque chose
45:11Je suis content de l'avoir fait
45:13Avant que l'intelligence artificielle puisse faire mieux que ça
45:15Vous pensez vraiment ?
45:17Non je ne pense pas ça
45:19Mais je suis très fier de ce livre
45:21Ca m'arrive rarement d'être fier d'un de mes livres
45:23En général je suis très très critique
45:25Celui-là j'en suis très fier
45:27Parce qu'il a été éprouvant mais passionnant
45:29C'est vertigieux
45:31C'est jouissif d'écrire un livre en alexandrin
45:33Ca fait plaisir à faire
45:35Je ne sais pas si ça fait plaisir à lire
45:37Mais à écrire c'est extraordinaire
45:39Et vous allez continuer comme ça ?
45:41Là je prépare un très très gros livre
45:43Qui va s'appeler Soleil sur la guerre de 1870
45:45Pourquoi ?
45:47Parce que c'est une guerre qui est complètement oubliée
45:49C'est une guerre qui n'est jamais commémorée
45:53On connait tout de 14-18
45:55On connait presque tout de 39-45
45:57Mais on ne connait presque rien de 1870
46:01Une guerre quand même assez rare
46:03Qui est déclenchée par un régime
46:05Et qui est continuée par un autre régime
46:07C'est quand même assez rare
46:09Cette histoire subaquatique
46:11Les amoureux de la littérature vont s'y pencher
46:13Il y a quand même encore quelques amoureux de la littérature
46:15Et je pense aussi que
46:17C'est un livre qui est fait pour durer
46:19Il sera peut-être enseigné
46:21Il y a peut-être des passages qui seront appris par coeur
46:23Par les élèves un jour
46:25Moi je mise sur le long terme
46:27Je m'inscris dans quelque chose
46:29Qui est de l'ordre de la postérité
46:31Je fais ce pari là
46:33A mes risques et périls bien sûr
46:35Mais enfin c'est le pari que je fais
46:37J'écris pour mes contemporains
46:39Et aussi pour des gens qui viendront
46:41Longtemps après
46:43Je suis obligé de faire ce pari là
46:45Si je le fais pas
46:47Ça me rend moins fort
46:49Au moment où j'écris
46:51J'écris pour le plaisir d'écrire
46:53Mais j'aime bien savoir que je serai lu dans quelques années
46:55En tout cas vous serez lu à mon avis très très vite
46:57Par nombreux lecteurs à travers ce livre apnée
46:59Parce que même celles et ceux qui connaissent l'histoire du XXe siècle
47:01Ils découvriront une autre façon
47:03De le percevoir
47:05Merci vraiment de votre gentillesse et de votre invitation
47:07J'imagine que l'émission est terminée
47:09C'est terminé
47:11Mais on se reverra bientôt
47:13Parce qu'il y aura d'autres occasions
47:15Merci mon cher Jacques
47:17Merci les clés du lycée
47:19C'est terminé pour aujourd'hui
47:21On se retrouve bientôt
47:23Restez fidèle à l'écoute de Sud Radio