• il y a 17 heures
Pour ce nouvel épisode de Chocs du monde, Edouard Chanot reçoit Stanislas Tarnowski, rédacteur en chef de la revue Omerta.
La politique que mène actuellement Trump face à l’Ukraine et face à Moscou était sans doute prévisible mais elle a pourtant pris tous les dirigeants européens de court, Macron le premier. Des pourparlers "pour la paix" doivent avoir lieu ce mardi entre Américains et Ukrainiens en Arabie saoudite. Une rencontre que les Européens ne pourront visiblement que commenter. Pourquoi cette incapacité à suivre la marche du monde ?

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00:00Générique
00:22Bonsoir à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises et de la prospective internationale de TVL.
00:28La politique que mène actuellement Donald Trump face à l'Ukraine et face à Moscou ou même avec Moscou était prévisible.
00:34Elle a pourtant pris de court l'ensemble des dirigeants européens, Macron le premier.
00:39Des pourparlers pour la paix doivent avoir lieu ce mardi entre Américains et Ukrainiens en Arabie Saoudite,
00:44une rencontre que les Européens ne pourront visiblement que commenter.
00:47Alors pourquoi cette incapacité à suivre la marche du monde ?
00:50Et bien pour en parler, je reçois Stanislas Tarnowski.
00:53Stanislas Tarnowski, bonsoir.
00:55Bonsoir Edouard Chaneau.
00:56Merci d'avoir encore répondu présent à l'appel de Choc du Monde.
01:00Vous êtes le rédacteur en chef de la revue Omerta.
01:02Vous venez de publier le numéro La guerre sans fin.
01:05Nous allons revenir sur ce numéro.
01:08C'est un numéro d'ailleurs très critique de la politique des dirigeants européens.
01:12Alors je saute immédiatement sur l'occasion.
01:15Dans ce numéro, Stanislas Tarnowski, vous écrivez, je vous cite, pour Kiev,
01:19il est à craindre que la seule différence entre la paix qui aurait pu être signée en 2022
01:24et celle qui le sera peut-être en 2025 soit l'effroyable bilan humain et matériel.
01:30La partie semble jouer, à vous croire, pour Kiev et pour Zelensky.
01:35Est-ce à ce point tragique ?
01:37Écoutez, à part apparemment quelques dirigeants européens comme Emmanuel Macron,
01:43je pense que tous les observateurs sérieux savent que d'un point de vue militaire,
01:48l'Ukraine peut encore résister un certain temps, mais elle ne peut rien faire d'autre.
01:53Elle accumule les revers, le front est grignoté petit à petit par les Russes,
01:59non pas par incapacité militaire d'aller plus vite, mais parce qu'ils cherchent à économiser leurs hommes.
02:05Maintenant, sur le front diplomatique, la paix est sur la table.
02:09Elle est sur la table des conditions qui seront évidemment favorables à Moscou,
02:14puisque les conditions de négociation partent toujours de la réalité du terrain, n'est-ce pas ?
02:20Et cette réalité du terrain est actuellement tout à fait favorable à Moscou.
02:25Donc non, on ne voit pas tellement ce qui pourrait renverser la donne.
02:29Alors, vous êtes dur à l'égard des Européens, disais-je.
02:32Je vais me jouer un peu l'avocat du diable, Stanislas Stametski.
02:36L'Union européenne a quand même dans la balance la possibilité de gagner un nouvel État membre.
02:40N'est-ce pas là un semblant de succès pour Bruxelles ?
02:44C'est un point de vue.
02:46Ce serait une forme de victoire symbolique.
02:51Ceci dit, une victoire sur qui ?
02:53Puisque Vladimir Poutine a déjà concédé le fait que si elle le souhaitait,
02:57l'Ukraine pourrait rentrer dans l'Union européenne.
03:00Sa ligne rouge, c'est l'OTAN, ce n'est pas l'UE.
03:03Maintenant, du point de vue de l'Union européenne,
03:06quel serait le gain autre que symbolique d'un point de vue économique,
03:10notamment pour le secteur agricole, entre autres ?
03:13On sait que ce serait une catastrophe, en fait.
03:16Vous pensez aux agriculteurs français qui ont souvent protesté
03:19à l'égard des produits agricoles ukrainiens, semble-t-il ?
03:23Absolument. On se souvient des poulets ukrainiens, le blé, enfin voilà.
03:28Mais même pour un secteur, même pour d'autres secteurs,
03:31pour des secteurs industriels, il suffit de voir le salaire moyen en Ukraine.
03:36Alors, je ne veux pas vous dire de bêtises, mais il me semble que c'est moins de 400 euros par mois
03:41par rapport au salaire moyen au sein de l'UE.
03:44Et on se rend compte qu'il y a un énorme déséquilibre.
03:48Je ne parle même pas des fonds structurels qui devraient être engagés par l'Union européenne
03:52si l'Ukraine adhérait à l'UE pour reconstruire le pays
03:58et pour le faire rejoindre le niveau de vie moyen, les standards de l'Union européenne.
04:04Donc, ce sera un gouffre financier absolument énorme et un choc économique considérable.
04:09Choc économique considérable.
04:10Alors, Volodymyr Zelensky a déclaré le 4 mars,
04:13regretter sa vive altercation avec le président américain Donald Trump à la Maison Blanche.
04:17Depuis dix jours, évidemment, quoi que l'on dise, quoi que l'on observe,
04:21on revient toujours à cette altercation dans le bureau ovale.
04:25Zelensky a déclaré vouloir arranger les choses avec les États-Unis.
04:28Il a également proposé une trêve en mer et dans les airs
04:31et s'est dit déterminé à sceller l'accord sur les minerais ukrainiens réclamé par Donald Trump.
04:35Nous en avions parlé dans Choc du monde.
04:38Trump a-t-il mis au pas le dirigeant ukrainien
04:41depuis donc, encore une fois, cette altercation le 28 février dernier ?
04:46Ça paraît évident.
04:47Si vous me permettez, je voudrais faire un tout petit flashback qui va être très rapide.
04:53C'est, je voudrais évoquer le discours de G.Divens,
04:57qui lui aussi, d'une certaine manière, a remis au pas les dirigeants européens.
05:03On a retenu un discours sur les valeurs, sur la liberté d'expression,
05:07sur la démocratie, sur le danger de l'immigration.
05:10Il y avait quand même une phrase très importante qui était
05:12« il y a un nouveau shérif en ville »
05:14et maintenant, il va falloir suivre le modèle, la nouvelle politique,
05:18la nouvelle idéologie prônée par le suzerain américain.
05:23Ça a évidemment mal passé pour les dirigeants européens.
05:29Il en a été, en fait, un petit peu de même en ce qui concerne Volodymyr Zelensky
05:34dans cette fameuse altercation dans le bureau Oval.
05:39Je rappelle rapidement aussi que c'est une rencontre qui a duré environ 50 minutes.
05:44Sur les 50 minutes, il y en a 40 qui se sont passées de manière extrêmement courtoise.
05:48Le but du jeu pour Donald Trump était de montrer devant les caméras du monde entier
05:54Zelensky signant le fameux accord sur les minerais.
05:57Et ça a un petit peu dérapé sur la fin.
06:01Il semblerait quand même, à l'examen des images,
06:03que ce soit l'attitude de Zelensky qui ait suscité la colère, disons,
06:12de G.Divens et de Donald Trump.
06:14Vous retenez l'hypothèse de la colère en raison du nombre de menaces
06:20sur la possibilité que les États-Unis connaissent la Troisième Guerre mondiale sur leur sol ?
06:25Voilà, alors il y a eu effectivement ça, ça a été un gros déclencheur.
06:30Il a commencé à critiquer le soutien américain à l'Ukraine en disant que vraiment
06:37personne n'avait rien fait, que les pauvres Ukrainiens étaient tout seuls.
06:40Et c'est là où ça a commencé à déraper en fait, où Donald Trump a dit
06:44« Mais pas du tout, vous ne pouvez pas dire ça dans le bureau Oval,
06:47c'est très peu respectueux vis-à-vis du peuple américain, etc. »
06:53Ensuite, il y a eu effectivement cette espèce de menace sur la Troisième Guerre mondiale.
06:56Il y a eu le juron que Zelensky a laissé échapper et qui en quelque sorte a mis fin à l'entretien.
07:04Voilà, il s'est fait sortir de la Maison-Blanche par la porte de service.
07:12Il n'avait pas l'habitude d'être éconduit, il avait plutôt l'habitude qu'on lui déroule le tapis rouge,
07:18donc il était un petit peu déstabilisé.
07:20Mais clairement, les Américains ont expliqué qu'ils allaient suspendre l'aide,
07:24qu'ils allaient suspendre leur aide en termes de renseignements militaires,
07:29ce qui a été effectif immédiatement.
07:31Les Anglais ont confirmé qu'ils avaient reçu interdiction de Washington
07:34de fournir du renseignement aux Ukrainiens.
07:37Et on a vu le résultat, je pense de manière assez tangible, dès le week-end dernier,
07:41avec plusieurs avancées sur le front, notamment dans le secteur de Kursk,
07:45enfin dans l'enclave encore tenue par les troupes ukrainiennes en territoire russe,
07:51et également dans le Donbass.
07:53Alors, il y a aussi le 6 mars, Politico indiquait que quatre membres de l'étoile de Donald Trump
07:58avaient rencontré des opposants à Zelensky.
08:01Alors rappelons que le président américain a depuis plusieurs semaines,
08:03donc comme vous le dites, estimé qu'il faudrait des élections à un moment ou à un autre.
08:07En Ukraine, il a même qualifié Zelensky de dictateur sans élection.
08:12Là, on se retrouve vraiment face à la situation la plus dramatique possible pour Zelensky,
08:19à savoir, ces jours semblent compter si un jour ou l'un d'eux,
08:22si Trump décide de faire plus dur encore et clairement de le remplacer.
08:26Est-ce une hypothèse selon vous crédible ?
08:28Alors, il me semble que de toute façon, Zelensky est dans une situation pile-je-gagne-fasse-tu-perds.
08:36En tout cas, il perd dans toutes les situations.
08:38Soit il essaye de se maintenir au pouvoir coûte que coûte,
08:41et il va devoir assumer la défaite militaire.
08:46Soit effectivement, il accepte des élections et il a toutes les chances d'être battu
08:51et donc de devoir faire face également à toutes les accusations de corruption
08:58qui pèsent sur lui et sur son entourage.
09:02Il est clair par ailleurs que pour Donald Trump, il est important,
09:06d'une part en termes d'image, après tout, on se bat pour la démocratie.
09:11M. Zelensky n'a plus de poste officiel depuis mai dernier.
09:16Donc là, on s'approche d'une année quasiment.
09:19Donc voilà, ça fait un peu tâche.
09:25Et par ailleurs, il y a un vrai problème juridique,
09:28qui est que si Zelensky signe des documents, un traité de paix, l'accord sur les minéraux ou quoi que ce soit,
09:36ces documents n'ont qu'une valeur légale puisqu'il n'est pas le représentant légal de son pays.
09:40En tout cas, c'est aussi un argument que l'on entend de Moscou.
09:42Est-ce que vous acceptez l'argument visant souvent Trump sur le fait que l'argumentaire de Washington,
09:49désormais, s'aligne de plus en plus sur Moscou ?
09:52Alors forcément, Donald Trump cherche à faire la paix et prêt à faire un certain nombre de concessions,
09:59en tout cas sur le terrain ukrainien.
10:01On reviendra peut-être sur un contexte un petit peu plus large de ces négociations.
10:05Donc, il va forcément y avoir des points de convergence.
10:08Quand on veut faire des négociations, on doit concéder des points à l'adversaire.
10:12Ça paraît logique.
10:14Bon, sur le point sur lequel vous rebondissiez, le problème juridique, c'est un problème juridique assez factuel en fait.
10:21Alors évidemment, Moscou en profite pour faire pression sur Zelensky sur son départ,
10:29puisque par ailleurs, Zelensky était très jusqu'au boutiste dans son refus jusqu'à présent,
10:36en tout cas dans son refus de négocier avec Moscou.
10:38Il avait même édicté, je ne sais plus exactement si c'est une loi ou un décret,
10:44mais déclarant hors la loi toute personne qui prendrait langue avec Moscou.
10:50Voilà, donc forcément, il va y avoir des points de convergence.
10:55Il est par ailleurs clair à mes yeux que Donald Trump et Vladimir Poutine
11:02ont également des points de convergence, je dirais, au-delà de leur possible sympathie personnelle.
11:09Peut-être d'un point de vue également un petit peu idéologique,
11:12ce sont des conservateurs, ils considèrent que tout ce qui est wauquisme, etc.
11:16c'est plus une plaie qu'autre chose.
11:19Donc oui, on peut tout à fait assumer, je pense que Trump le fait,
11:24d'avoir un discours qui n'est pas radicalement différent de celui de Moscou.
11:27Alors les Européens, eux, évidemment, veulent faire de la résistance.
11:30Nous l'avons évoqué il y a quelques minutes, ne pas céder à Trump.
11:34Alors sans l'Europe, l'Amérique serait moins forte, moins sûre et moins prospère,
11:37à tempêter Jean-Noël Barreau, le ministre français des Affaires étrangères.
11:40Donald Tusk déclarait le 8 mars, après des frappes russes en Ukraine,
11:43c'est ce qui arrive quand on apaise les barbares, plus de bombes, plus d'agressions, plus de victimes.
11:47Et évidemment, Emmanuel Macron, la Russie est devenue une menace pour la France et l'Europe.
11:51Il a donc regretté ça à la télévision le 6 mars.
11:54Il se refuse, évidemment, de rester spectateur, ce qui serait, selon lui, une folie.
12:00Le dirigeant français a ouvert la voie à un parapluie nucléaire,
12:02et tendu à l'Union Européenne, la Pologne a jugé l'idée intéressante.
12:07La dissuasion nucléaire française doit-elle, selon vous, défendre l'Union Européenne ?
12:11Et puis j'ai quand même envie d'ajouter mon petit grain de sel à Stanislas Tarabowski.
12:15On a le sentiment que les dirigeants européens sont incapables de résoudre un problème sans en créer de nouveau.
12:21C'est pas faux, c'est pas faux.
12:23Alors, il y a plusieurs questions dans votre question.
12:25Je vais les reprendre un petit peu dans l'ordre chronologique.
12:28Est-ce que les Européens peuvent encore jouer un rôle ?
12:32J'ai presque envie de dire que la réponse est dans la question.
12:35Actuellement, ils ne sont pas à la table des négociations puisqu'ils sont au menu.
12:39Donald Trump a clairement exprimé le fait que ce serait à eux de reconstruire,
12:43de payer pour la reconstruction de l'Ukraine, de payer pour une juste part dans l'OTAN.
12:50Ça, c'est une de ses vieilles marottes.
12:53Mais ni lui ni Vladimir Poutine ne souhaitent avoir des pays ou des instances,
13:04comme la Commission européenne, qui sont de plus en plus bellicistes, en tout cas dans leur discours,
13:09ne souhaitent les avoir à la table des négociations de paix.
13:12Donc, je ne vois pas tellement, à part passer les cafés et les petits fours, ce qu'il viendrait y faire.
13:18Les choses sont allées très vite depuis quelques semaines.
13:21Vous l'avez constaté d'ailleurs, Stanislas Tarnowski, vous l'écrivez dans Omerta.
13:27Désormais, entre Washington et Moscou, les plans de paix sont encore inconciliables,
13:31mais la paix n'est plus un tabou.
13:33C'est la grande avancée en quelques semaines.
13:34Vous l'avez vu venir entre votre numéro sur l'empire contre-attaque de Donald Trump et ce dernier.
13:41En quelques mois, les choses ont évolué très vite.
13:44Oui, les choses ont évolué très vite.
13:46En plus de ça, le magazine hors série « La guerre sans fin » est en kiosque depuis une semaine.
13:54C'est-à-dire que nous avons bouclé, il y a maintenant trois semaines,
14:01avant le déclenchement de cette séquence accélérée de processus de paix.
14:06Mais effectivement, de toute façon, on voyait venir ce processus.
14:12Ce n'est pas exactement une surprise, puisque Trump l'avait annoncé et martelé durant sa campagne.
14:18Alors évidemment, on n'est pas sur un règlement en 24 heures, comme il s'en vantait à l'époque.
14:24Mais par rapport à un rythme diplomatique, on est quand même sur un rythme extrêmement rapide.
14:29C'est visiblement la technique de Trump depuis qu'il est en fonction, quel que soit le sujet d'ailleurs,
14:35que ce soit la lutte contre l'État profond, le dégraissage de l'État, le Moyen-Orient ou l'Ukraine.
14:42C'est d'aller extrêmement vite, de bousculer ses adversaires, de sortir dix idées à la minute.
14:50De sidérer les médias et l'opinion, et surtout ses adversaires.
14:53Clairement, le temps que ses adversaires réagissent à une proposition, il est déjà passé à la suivante.
14:59Et donc, ça avance très vite. Effectivement, on l'avait vu venir dans le numéro.
15:05À l'époque où on a mis sous presse les positions des uns et des autres étaient inconciliables,
15:11on ne concevait même pas, au moment où on a mis sous presse, officiellement en tout cas,
15:16que Russie et États-Unis puissent rétablir leurs relations diplomatiques.
15:21Donc voilà, on voit que ça va très vite.
15:24En un mois, Moscou et Washington ont rétabli leurs relations diplomatiques,
15:29se sont mis d'accord sur le principe de négocier cette paix,
15:33ont commencé à avancer, ils ont commencé à poser des jalons.
15:37Alors, la route sera certainement longue, mais elle existe, contrairement à ce que semblent souhaiter
15:45ou regretter un certain nombre de dirigeants européens.
15:48Alors, depuis le début du conflit, en tout cas depuis le début d'Omerta,
15:52votre média apporte un regard, principalement de terrain, sur un conflit qui est complexe à bien des égards.
15:58Le narratif occidental s'est fracassé sur la réalité du terrain.
16:02Écrivez-vous, à qui la faute, selon vous, Stanislas Tarnowski ?
16:07Au réel, pour commencer.
16:10Le narratif, on a un papier qui est très intéressant, justement,
16:14sur cette question du narratif dans leur série.
16:18On se rend compte que les Occidentaux semblent avoir, en tout cas comme but de guerre,
16:25des buts essentiellement de communication, des buts communicationnels.
16:29Il faut parler, il faut occuper le terrain médiatique, il faut convaincre par un discours.
16:35Et invariablement, alors on ne va pas être cruel, on ne va pas citer nos concurrents de LCI
16:40et leurs généraux de plateau qui se sont trompés avec une constance absolument remarquable,
16:45mais malgré tout, le réel finit toujours par reprendre ses droits.
16:52On essaye de contribuer à cette émergence du réel dans le débat public,
16:57puisque, Omerta s'appuie, vous l'avez dit, sur le reportage de terrain.
17:01On est allé sept fois, huit fois sur le terrain depuis le début de la guerre en Ukraine.
17:10On s'appuie également sur des experts tout à fait sérieux et je dirais dépassionnés,
17:18ce qui n'est pas toujours le cas des experts de plateau.
17:20Ce numéro hors série a été réalisé en collaboration avec le CFDR,
17:27donc le Centre Français de Recherche sur le Enseignement.
17:30Ce sont d'anciens officiers, d'anciens officiers de renseignement,
17:34des gens un petit peu capés si vous voulez, des géopolitologues, des spécialistes des armements,
17:40qui nous apportent un éclairage pour le coup vraiment factuel sur les enjeux de ce conflit.
17:47Et donc les deux se complètent très bien si vous voulez,
17:49puisque pour comprendre le réel, il faut à la fois avoir les pieds dans la gadoue
17:54et quand même savoir avoir un regard qui porte un petit peu haut.
17:57Alors vous le soulignez, Stanislas Stanowski, dans vos colonnes,
18:01d'un point de vue médiatique, cette guerre a vu aussi le retour de la propagande de guerre,
18:06peut-être davantage que les conflits précédents ou la passion que vous décrivez a été omniprésente.
18:12Donc qui dit propagande de guerre dit propagandiste de guerre.
18:15Vous en listez un certain nombre, la majorité plutôt qui penche pour Kiev,
18:20mais quelques-uns pour la Russie.
18:21Pourquoi avoir voulu comme ça les lister ?
18:24Alors c'était un exercice un petit peu léger, on aurait pu faire une liste beaucoup plus longue.
18:30Il nous semblait intéressant de mettre des visages sur ces concepts de propagande de guerre,
18:36des visages et des faits naturellement,
18:38puisque avec chaque personnage on a une petite biographie et une ou deux citations amusantes.
18:45La question que vous posiez, pourquoi est-ce qu'il y en a en majorité des propagandistes pro-Ukraine ?
18:51Pour une raison très simple, c'est que ces propagandes de guerre fonctionnent en cercle quasiment fermé.
18:57C'est-à-dire qu'en accident, on a une propagande de guerre pro-Ukraine vraiment à fond.
19:03Vous vous souvenez qu'on a fermé les chaînes de télévision RT et Spoutnik,
19:08qui étaient des chaînes de télévision publiques russes.
19:12On ferme régulièrement des canaux Telegram, on bannit des chaînes Youtube,
19:17des influenceurs qui sont considérés comme avoir un discours trop pro-russe.
19:21On peut remarquer un phénomène assez symétrique du côté de la Russie,
19:25où la propagande occidentale pénètre assez peu.
19:29La propagande fonctionne en circuit fermé pour convaincre plus ses opinions publiques
19:35que d'essayer de démoraliser l'adversaire ou de convaincre l'adversaire.
19:39La situation aura-t-elle été différente, fondamentalement, si RT et Spoutnik avaient continué,
19:44s'il n'y avait pas autant de généraux de plateau sur LCI ?
19:49Fondamentalement, non. Malgré tout, il me semble important, dans un pays dit démocratique,
19:55dans un pays qui affirme respecter la liberté d'expression et le débat public,
20:02que justement ce débat puisse s'installer.
20:04Et le débat, c'est avec des gens avec qui on n'est pas d'accord.
20:07Donc, même si on peut tout à fait et à bon droit critiquer l'invasion russe,
20:13critiquer les positions russes, critiquer la propagande de guerre russe,
20:17parce qu'elle existe, il y a évidemment des opérations d'influence,
20:21il y a évidemment un discours de Moscou qui passe de manière un peu plus limitée,
20:24mais qui passe quand même en Occident.
20:26Mais malgré tout, il faut entendre ce discours et y répondre,
20:29et y répondre éventuellement par des arguments plutôt que par la censure.
20:34Alors, ce conflit a eu aussi un impact considérable sur l'Europe, sa situation dans le monde.
20:40Les conséquences sont criantes, elles sont évidentes évidemment pour ceux qui suivent Choc du Monde.
20:45Peut-être pas par tous, la guerre en Ukraine a chamboulé l'ordre mondial,
20:48vous le décrivez dans Omerta.
20:50L'Europe, pour vous, Stanislas Tarowski, est devenue une périphérie du monde,
20:55peut-être davantage aussi en quelques années.
20:58C'est un phénomène très frappant, oui, en effet.
21:01L'Europe est une périphérie du monde, alors elle l'est de plus en plus
21:05d'un point de vue économique, avec la crise qui la frappe.
21:07Elle l'est d'un point de vue démographique,
21:09ce qui a évidemment une incidence majeure sur sa puissance à long terme.
21:13D'un point de vue géopolitique, on voit que maintenant,
21:18les États-Unis passent par-dessus l'Europe allègrement
21:21pour discuter directement avec Moscou.
21:24Pourquoi discutent-ils avec Moscou ?
21:26Parce que pour Washington, le principal danger, c'est Pékin.
21:30Et le but ultime de ces négociations de paix, c'est peut-être,
21:37alors Donald Trump rêve de détacher Moscou de Pékin,
21:41mais au moins de distendre ces liens, de les rééquilibrer.
21:45On voit que dans ces rapports de force, dans ce basculement
21:47de la zone atlantique à la zone pacifique,
21:50l'Europe a un rôle de plus en plus périphérique.
21:53Si on prend le cas de chaque pays individuellement,
21:55alors parlons de la France, qui est sans doute celui que je connais le mieux en Europe,
21:59on a vu la dégringolade spectaculaire de l'influence française en Afrique,
22:04qui à mon sens est très révélatrice de cette perte d'influence
22:10et de pouvoir européenne.
22:12Et malheureusement, nos dirigeants, qu'ils soient nationaux ou européens,
22:16semblent absolument tout faire pour continuer.
22:20Enfin, ils ont commencé la sortie de route,
22:22mais ils ont décidé de continuer la sortie de route et d'aller droit dans le mur.
22:25Alors, vous allez jusqu'à poser la question de la survie de l'Union européenne à l'horizon 2030.
22:292030, c'est demain.
22:31Oui, 2030, c'est demain.
22:34En même temps, il peut encore se passer bien des choses d'ici là.
22:38L'Union européenne est économiquement malade.
22:41Elle s'enfonce dans la crise.
22:43Elle est gangrénée par une surrégulation des contrôles et des normes absolument monstrueux
22:54qui plombent l'économie, qui plombent l'initiative.
22:57D'un point de vue économique, c'est catastrophique.
22:59D'un point de vue géopolitique, on l'a déjà évoqué.
23:02Actuellement, l'Europe est plus au menu qu'à la table des négociations.
23:06D'un point de vue politique, on sent que nos dirigeants européens ne sont pas en phase avec le mouvement du monde.
23:15Comment est-ce que cette Europe va pouvoir tenir ?
23:18Elle tient beaucoup par l'économie.
23:20L'économie est en train de se casser la figure totalement.
23:22Il est tout à fait possible, ne serait-ce que sur ce plan, que l'économie européenne s'effondre
23:33et qu'elle entraîne avec elle la construction européenne telle que nous la connaissons actuellement.
23:37Le continent européen en tant que tel ne va pas couler, mais on sent que ces structures sont à bout de souffle.
23:45Il y a des cycles d'environ 70-80 ans pour ce gros type de structure.
23:49On arrive au bout d'un cycle, il va falloir passer à autre chose.
23:52Au bout d'un cycle, il va falloir passer à autre chose.
23:55L'Europe est au menu plus qu'à la table des négociations.
23:58Ce sera le mot de la fin.
23:59Stanislas Tarnowski, merci beaucoup d'avoir répondu à l'appel de Choc du Monde.
24:02Je rappelle que vous êtes le rédacteur en chef du magazine Omerta et que vous venez de publier le numéro La Guerre sans fin.
24:08Merci beaucoup, Stanislas Tarnowski.
24:09Merci, Édouard Charleau.
24:10Et puis surtout, merci à tous d'avoir suivi cet épisode de Choc du Monde,
24:13le magazine des crises de la prospective internationale de TVL.
24:16Surtout, n'oubliez pas de commenter et de partager cet épisode.
24:19Merci à tous.

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