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00:00On va passer au sport tout de suite avec Cédric Ferreira qui est un invité ce soir,
00:03l'écrivain Ivan Butel, auteur du livre « De silence et d'or ».
00:06Bonsoir Ivan.
00:07Bonsoir.
00:08Merci d'être avec nous.
00:09« De silence et d'or » aux éditions Globe est votre premier roman.
00:13Vous racontez l'histoire fascinante de l'Espagnol Sebastián Rodríguez.
00:18Tout commence en fait après les Jeux Paralympiques de Sydney en 2000.
00:21Sebastián Rodríguez vient de remporter 5 médailles d'or en natation
00:25et c'est là que l'histoire devient fascinante puisque le journal espagnol El País
00:28révèle alors son passé de terroriste.
00:31En 1986, il avait été condamné à 26 ans de prison
00:34pour avoir participé à un assassinat avec des membres des Grappeaux,
00:38un groupe d'extrême-gauche adepte de la lutte armée.
00:41À la suite d'autres condamnations, sa peine est grimpée jusqu'à 84 années de détention.
00:46Première question, pourquoi vous vous êtes intéressé à son histoire ?
00:51Parce que c'est une histoire extraordinaire, c'est une histoire qui touche beaucoup de choses
00:54et des choses qui m'importent, c'est-à-dire que ça mêle à la fois le sport et puis l'engagement.
01:00Et puis il a eu un engagement radical dans la lutte armée,
01:03il faut remettre un petit peu le contexte de la lutte armée de l'époque du franquisme en Espagne,
01:07donc on est à la fin des années 70.
01:10Voilà, c'est ce mélange un petit peu explosif de choses qui d'habitude ne vont pas tellement ensemble,
01:14le sport et puis la violence politique qui m'a attiré dans cette histoire.
01:19Et qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous ?
01:20Vous avez passé de nombreuses années à côté de Sebastián Rodríguez,
01:23que vous surnommez dans le livre « Cha ».
01:26Comment vous avez fait pour recueillir ces confessions ?
01:28Puisque comme vous le disiez, c'est un contexte politique très difficile à ce moment-là en Espagne.
01:32Alors moi, quand je le rencontre, c'est dans les années 2000,
01:34donc beaucoup de temps s'est écoulé.
01:36Donc à ce moment-là, effectivement, ça facilite les choses,
01:38c'est-à-dire que le passé est passé un petit peu d'une certaine manière.
01:41Le plus difficile, c'était de gagner sa confiance.
01:43C'était le fait qu'il m'autorise à être le dépositeur de son histoire
01:47et à me faire confiance pour me permettre de raconter,
01:51de raconter ce qui lui est arrivé et ce qu'il continuait de vivre au quotidien.
01:54Parce que ce n'est pas simplement aller sur ses traces et sur les traces de son passé politique,
01:58c'est aussi le suivre dans son aventure de champion, de champion paralympique.
02:02Et c'est ça qui était extraordinaire,
02:04c'est de pouvoir l'accompagner dans sa nouvelle vie, en fait.
02:06Puisque Cha, c'est comme un chat qui a plusieurs vies.
02:09Alors malgré ces nombreuses années passées à ses côtés,
02:12et l'amitié qui vous lie au Cha,
02:14vous dites qu'il n'a jamais révélé son rôle précis
02:17dans l'assassinat de l'entrepreneur Raphaël Padoura en 1984.
02:21Pourquoi, votre avis, garde-t-il encore ce secret ?
02:24Je crois que là, ça touche vraiment à quelque chose
02:26qu'on retrouve dans les différents groupes terroristes de ces années-là,
02:29des années de plomb entre guillemets,
02:31c'est-à-dire quelque chose qui est où on ne va pas se dissocier
02:35et on ne va pas dire qui a fait quoi.
02:38Et on va être en même temps responsable de tout ce que le groupe a fait.
02:41C'est-à-dire qu'à la fois, on n'aura pas son rôle précis.
02:44C'est très compliqué de savoir, lui, il y a plusieurs éléments
02:47qui indiquent qu'il était sans doute celui qui faisait le guet,
02:50qui était celui qui se tenait dehors avec une arme
02:52et qui surveillait que l'opération se passe bien.
02:54L'opération, c'était une opération absolument atroce,
02:56c'était l'exécution de quelqu'un.
02:58Mais il y a aussi, il y a quelque chose qui est très compliqué,
03:02c'est mettre des mots sur ce qu'on a fait.
03:04Et c'est tout ce qui est à la fois touchant
03:07et à la fois incompréhensible dans l'histoire de Cha,
03:10c'est cette difficulté à demander pardon,
03:12à être dans le repentir,
03:14à promettre, ça par contre il le fait,
03:16promettre que les choses ne se reproduiront pas,
03:18regretter ce qu'on a fait, oui,
03:20mais demander pardon, là on est au cœur du sujet du livre.
03:23Il y a un épisode marquant dans ce livre qui se passe en prison
03:26et qui fait partie de la vie du Cha en 1989,
03:29avec d'autres ex-membres des Grappeaux.
03:31Il entame une grève de la faim pour protester
03:33contre leur condition de détention.
03:3532 jours qui vont lui provoquer des séquelles irréversibles.
03:38C'est là qu'il devient en fait paralysé des jambes.
03:40Et c'est ensuite seulement qu'il se met à la natation.
03:43Est-ce qu'il nourrit des regrets par rapport à cette grève de la faim
03:46qui finalement n'aura pas permis à ce moment-là
03:48d'obtenir ce qu'il réclamait ?
03:50Les grèves de la faim à l'époque,
03:52c'est comme dans les grèves de la faim de Bobby Sands en Irlande,
03:54toutes ces grèves de la faim politiques,
03:56c'est continuer la lutte en prison en fait.
03:58Eux considéraient que c'était la seule arme qu'ils avaient
04:00pour continuer la lutte,
04:01pour ne pas être dispersé dans différentes prisons.
04:03Donc c'était une grève de la faim politique.
04:05Il n'y a pas vraiment de regrets.
04:07Et d'une manière même un petit peu provocatrice
04:09et d'une manière un peu scandaleuse,
04:11on peut dire que cette grève de la faim lui a finalement permis
04:14en quelque sorte de sortir de prison plus tôt,
04:16puisqu'il était condamné à perpétuité.
04:18Il aurait dû rester en prison jusqu'à la fin de ses jours.
04:21Mais finalement, il y a un article de loi en Espagne
04:23qui fait que quand on souffre d'un handicap incurable,
04:25on peut sortir plus tôt.
04:27Et ça lui a permis finalement d'être dans la rédemption
04:29et d'avoir une seconde vie
04:31et de se lancer dans le sport de haut niveau.
04:33Donc cette grève de la faim, elle est à la fois tragique,
04:35il a perdu l'usage de ses jambes,
04:37il est handicapé à jamais jusqu'à la fin de ses jours.
04:39Et en même temps, ça lui a permis une seconde vie.
04:42Cette seconde vie, c'est 4 Jeux paralympiques,
04:4516 médailles paralympiques récoltées au total
04:47avec Sydney 2000, Athènes 2004, Pékin 2008, Londres 2012.
04:51Est-ce que cela a fait de lui un sportif reconnu en Espagne
04:55malgré son passé ?
04:57Ce que je veux dire, c'est quelle image laisse-t-il
04:59dans l'opinion publique aujourd'hui ?
05:01L'opinion publique, elle est divisée comme tout le pays en Espagne.
05:03Le pays est très polarisé, c'est un pays qui se déchire sur son passé.
05:06Et la question du franquisme, elle n'est pas vraiment réglée en Espagne.
05:09Txa, il est adulé chez lui, à Vigo, dans le nord de l'Espagne,
05:12cette ville qu'il a acceptée.
05:14Dès qu'il gagne, il se fait tatouer le nom de la ville sur son torse.
05:17Il a un héros là-bas, c'est une ville qui est très isolée,
05:19c'est une ville ouvrière qui a subi des crises économiques.
05:22Et lui, il est une manière pour les gens de donner un espoir, une visibilité.
05:26Et à la fois, son passé continue à faire débat.
05:29À chaque fois qu'il allait nager aux Jeux paralympiques,
05:31je le suivais, à chaque fois de nouveau,
05:33il y avait des articles, souvent dans une presse à scandale,
05:35où on rappelait son passé de manière un peu sulfureuse.
05:38Donc la question, elle n'est pas complètement tranchée.
05:40Je crois que les choses finissent par être acceptées.
05:43On a accepté sa trajectoire, mais il n'est pas à l'abri
05:46que régulièrement son passé lui revienne en pleine face.
05:48– Et lui, est-ce qu'il comprend ce débat ?
05:50Est-ce que ça le touche ou il reste indifférent finalement ?
05:53– Non, il est très touché par ça, il le comprend complètement, il l'accepte.
05:56Quelle que soit la vision qu'on a de son histoire,
05:58il va l'accepter avec beaucoup de respect.
06:00Il ne va pas essayer de se battre pour dire
06:02« il faut que vous voyez ma vie comme ça ».
06:04C'est à chacun de se faire une opinion en fait.
06:06Il est comme une espèce de… il se livre à cœur ouvert.
06:09Et puis maintenant, c'est à chacun de se faire son opinion.
06:11On peut tout à fait le détester
06:13et on peut tout à fait penser que son acte était incompréhensible.
06:18– Alors Sébastien Rodriguez rêvait même des Jeux Olympiques de Paris 2024.
06:22Vous avez même acheté des billets avec l'espoir de le voir à l'œuvre.
06:25Mais un contrôle antidopage positif à la testostérone
06:27a mis fin à ses ambitions.
06:29Vous avez dit notamment dans le journal l'Équipe
06:31que ce n'était pas un moment heureux pour lui Paris 2024.
06:34Qu'est-ce que vous vouliez dire exactement ?
06:36– Il y a plusieurs choses.
06:37D'abord le fait qu'il ait dû mettre une sorte de retraite
06:40à sa carrière sportive de manière non voulue.
06:42Il n'a pas choisi le moment où sa carrière s'est arrêtée.
06:45Il a eu effectivement un problème avec de contrôle antidopage
06:49où lui-même dit que c'était une erreur de complément alimentaire.
06:52Il n'a pas voulu faire la contre-expertise et il a dit
06:54« j'accepte la sanction et je mets fin à ma carrière
06:57et donc c'est ma retraite et donc je n'irai pas aux Jeux ».
07:00À ce moment-là, ça ne se termine pas comme un « happy end ».
07:04C'est-à-dire que ce n'est pas une histoire qui se termine bien.
07:06C'est ce qu'il y a sans doute de pire pour un sportif,
07:08cette histoire de « soupçon de triche ».
07:11Cette histoire, elle se termine mal d'une certaine façon.
07:14En même temps, c'est comme une nouvelle épreuve dans sa vie.
07:16Dans sa vie, il a traversé 50 000 épreuves,
07:18des épreuves beaucoup plus difficiles que celle-là.
07:21Et il faut renaître.
07:23Et Echa, il doit se réinventer une nouvelle vie
07:25après avoir été terroriste, après avoir été champion.
07:29Qu'est-ce que va être sa nouvelle vie ?
07:30Il doit trouver une manière aussi de renaître.
07:32Merci Yvan Butel d'être venu sur notre plateau.
07:35Je rappelle votre livre « De silence et d'or » aux éditions Globe.
07:40Merci d'être venu raconter l'histoire fascinante de Sébastien Rodriguez.
07:44Merci.