En classe de Terminale, 52 % des filles décident d’arrêter les mathématiques en enseignement de spécialité, contre 31 % des garçons. Un constat qui illustre les inégalités de genre dans l’orientation et contre lesquelles lutte l’association Capital Filles. Mais dans le parcours professionnel, les discriminations entre hommes et femmes continuent dans l’entreprise. L’organisme Cali et Gali agit pour les faire disparaître.
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00:00Le débat de ce Smart Impact, on parle des inégalités de genre avec Claire Angrand,
00:12bonjour. Bonjour. Bienvenue, vous êtes la présidente de Cali et Gali. Laurence
00:16Beldovsky, bonjour. Bonjour. Bienvenue à vous aussi, vous êtes la directrice générale de
00:19Capital Phi. Allez, on présente rapidement vos organisations, entreprises respectives.
00:24Cali et Gali, c'est quoi ? Alors, Cali et Gali, c'est un organisme de formation. Donc,
00:28on est spécialisé sur les sujets d'égalité professionnelle et spécifiquement la lutte
00:32contre le sexisme. On intervient dans les entreprises pour former les équipes
00:35professionnelles sur ce sujet. Et Capital Phi ? Capital Phi, c'est une association d'intérêt
00:40général qui accompagne les filles issues des quartiers populaires de la ville ou en ruralité,
00:46avec le soutien du ministère de l'Éducation nationale, avec un écosystème d'entreprise,
00:52pour leur permettre d'être accompagnées pour choisir leurs études, faire leur plan
00:58d'éducation, d'orientation et d'insertion professionnelle. Les inégalités de genre,
01:03elles ont la vie dure ? Alors, elles ont la vie dure dans le sens où... Où elles sont toujours
01:10là ? Où elles sont toujours là. Elles n'ont pas du tout la vie dure. Mais est-ce qu'elles sont
01:13un peu moins importantes qu'avant ? Alors, en fait, c'est ce qu'on nous dit régulièrement.
01:18Et c'est pas tout à fait vrai ? Non, c'est pas tout à fait vrai. Alors,
01:21bien sûr, il y a plein de sujets différents sur le sujet des égalités ou inégalités de genre. En
01:27matière d'orientation et d'éducation, on est encore bien loin d'un grand progrès. Les filles
01:34sont toujours moins bien orientées sur la totalité des formations. On a encore beaucoup de difficultés
01:43pour envoyer les filles dans la tech, dans l'industrie, dans tous les métiers. On va
01:46détailler tout ça sur les figures scientifiques, etc. Exactement. Et puis, en fait, quand vous êtes
01:50une fille et en plus issue des QPV ou en ruralité, c'est encore plus difficile. Sexisme en entreprise,
01:57est-ce que c'est totalement conscient, assumé ou alors inconscient, inscrit, fabriqué par des siècles
02:07de patriarcat d'une certaine façon ? Oui, c'est surtout ça. En gros, l'entreprise, elle n'est
02:11pas extérieure à la société qui, elle-même, est empreinte de sexisme à plein de niveaux. La famille,
02:17les éléments que vous venez de citer, etc. Donc, bien sûr qu'il y a de l'inconscient. Il y a
02:25beaucoup de choses qui sont ancrées. Et donc, c'est l'enjeu vraiment aujourd'hui dans les
02:28entreprises, c'est de rendre visible tout ce qui est banal. Il faut savoir que 80% des femmes subissent
02:32des agissements sexistes régulièrement dans leur entreprise. Et il y en a beaucoup qui sont
02:37banalisées, c'est-à-dire que ça nous paraît normal. Ça passe par une phrase négative, c'est-à-dire
02:42« c'est pas pour toi » ou « ça, c'est pas ». Vous voyez ce que je veux dire ? Des phrases qui commencent
02:46par ce type de formulation. Oui, tout à fait. Ou « laisse-moi faire, c'est trop lourd pour toi ».
02:52Ça peut être des choses tout à fait comme ça. Et à l'inverse, il y a aussi des formulations qui sont
02:55positives, comme « j'aimerais bien avoir plus de femmes sur ce poste car elles sont plus minutieuses ».
03:00Et même si ça sonne positif, en fait, ça enferme dans un rôle de genre. Et c'est aussi à ce
03:05niveau-là que le sexisme est bien présent, c'est-à-dire qu'il se cache aussi dans des comportements valorisants.
03:10Alors, on va justement faire quelques zooms dans ce débat. On va parler des métiers scientifiques.
03:1652% des filles qui choisissent d'arrêter les maths en enseignement de spécialité, contre eux seulement
03:2231% des garçons. Et puis, si on rentre dans le détail, 22% des femmes de 25-34 ans qui disent avoir
03:29redouté, voire renoncé à s'orienter vers ces filières par peur notamment du harcèlement sexuel.
03:36Laurence Beldovsky, comment on combat ce constat-là ? Comment on fait évoluer ces statistiques ?
03:44Alors, chez Capital Phi, on a vraiment identifié le sujet de la confiance en soi.
03:50Tant que les filles n'auront pas cette confiance en elles qui leur permettra de dépasser tous ces biais de genre
03:56et tous ces biais sexistes, on n'y arrivera pas. Et puis, la conscientisation.
04:00C'est difficile de se battre contre quelque chose qu'on n'a pas identifié.
04:04Sur lequel on ne met pas les mots.
04:06On a échangé en off tout à l'heure. En fait, c'est vraiment ça. Comment comprendre le sexisme et la place qu'on attribue aux femmes
04:14si on n'a pas conscience qu'effectivement, toute la société est organisée pour que les filles aillent plutôt dans le social
04:20que dans les sciences, par exemple, pour que les filles soient toujours perçues comme indispensables au foyer
04:26et dans un rôle de mère qui doit passer au-dessus du reste.
04:30Donc, il y a de l'autocensure, mais qui s'explique par l'environnement sexiste.
04:34Oui, il y a de l'autocensure. Il y a donc ce manque de confiance en elles. Le « c'est pas pour toi », elles l'entendent régulièrement.
04:41Les maths, c'est pas pour toi, t'es pas assez bonne. Et puis, il y a aussi beaucoup, beaucoup d'interprétations.
04:46Par exemple, les filles ne vont pas dans l'informatique parce que pour elles, l'informatique, c'est lié au sens, c'est lié au maths.
04:51Si on n'est pas bon en maths, on ne peut pas faire d'informatique. C'est faux.
04:54Donc, en fait, l'idée, c'est de déconstruire. Donc, on sensibilise les filles sur ce qu'est le sexisme, sur tous les biais qu'elles vivent dans la société.
05:03Et après, on les accompagne en mentorat avec une professionnelle qui va leur donner confiance et qui va permettre de limiter tous ces biais cognitifs qu'elles peuvent avoir.
05:12Claire Angrand, est-ce que c'est aussi l'objectif ou beaucoup l'objectif des formations que vous proposez ?
05:17De sortir, c'est pas seulement former un métier ou une certification, etc. C'est aussi aller puiser cette confiance dans la formation ?
05:28Alors oui, et c'est aussi donner du coup la légitimité aux professionnels d'agir sur ces sujets.
05:34C'est-à-dire que c'est hyper intéressant cet enjeu de les filles doivent arrêter de s'autocensurer, pour résumer très largement.
05:40Mais si elles passent leur temps en entrée en formation, une fois qu'elles ont fini de s'autocensurer, elles vont en formation, elles vont en entreprise, elles essayent de postuler.
05:48Si elles se prennent à chaque fois des remarques, si on leur fait sentir qu'elles ne sont pas à leur place, si on les recrute à poste égal et on leur file des tâches différentes des hommes,
05:57eh ben en fait, elles vont rester des professionnelles de deuxième rang, même dans ces milieux-là.
06:03Donc ceux que vous formez sont plutôt les responsables d'entreprise, les DRH, ceux qui vont accueillir ces nouvelles salariés, pour justement se débarrasser de leur biais sexiste, c'est ça ?
06:17Par exemple, nous on forme surtout des professionnels engagés, donc qui ont déjà un petit peu commencé à prendre conscience du sujet, mais n'ont pas forcément encore les outils.
06:27Donc ça va être en effet les managers en priorité, ou des professionnels de l'accompagnement.
06:32Donc ça va être les personnes qui accueillent du public, qui forment des gens, les font monter en compétence, etc.
06:39Et du coup, c'est vraiment des acteurs clés, parce que leurs propos vont avoir de la valeur sur le parcours professionnel des personnes, de leurs équipes, etc.
06:48Donc il y a une forme de volontarisme. Est-ce qu'à l'inverse, si vous, vous essayez de démarcher, il y a des secteurs où on vous accueille avec un petit sourire en coin, vous voyez ce que je veux dire ?
06:57Où il y a encore plus de travail que dans d'autres ?
07:00Non, pas spécifiquement, mais il y a des secteurs non mixtes, où on va avoir tendance à penser qu'il y a plus de problèmes qu'ailleurs, et en vrai, il y a des problèmes partout.
07:08Et en fait, c'est plutôt ça.
07:09C'est quoi les secteurs non mixtes ?
07:10Le BTP, par exemple, il y a 12% de femmes. Tous métiers confondus. Sur les métiers ouvriers, on est à 1,6%. Donc typiquement, c'est un univers dans lequel il y a beaucoup de choses à faire.
07:21Mais ce n'est pas pour ça qu'il est plus sexiste qu'ailleurs, c'est juste que souvent, quand on n'a pas ou peu de femmes, on imagine que ce n'est pas un sujet.
07:27Et il ne faut pas oublier que la lutte contre le sexisme, ça bénéficie aux hommes et ça bénéficie à tout le monde dans l'entreprise.
07:32Et justement, sur le secteur informatique dont on parlait, 10% des filles seulement choisissent les études informatiques.
07:39Il n'y a pas plus de raisons de ne pas choisir l'informatique que le BTP, mais c'est quand même surréaliste.
07:46Donc vous dites quoi ? Vous dites que c'est un manque d'information au départ ?
07:49En fait, on identifie clairement qu'on ne donne pas le goût des matières scientifiques, de l'informatique, de tout ce qui rejoint la tech, dès le plus jeune âge aux filles.
08:02En fait, c'est vraiment un sujet d'éducation qui s'identifie dès le primaire, même voire dès la maternelle.
08:11On constate que, par exemple, les filles qui sont en école d'ingénieurs, quand vous les interrogez, elles ont des familles qui les ont tout de suite mises en éveil sur des problèmes, sur des sujets scientifiques, sur de l'informatique.
08:23Mais quand on n'a pas cet accompagnement, l'enseignement et l'éducation dès le plus jeune âge ne jouent pas ce rôle de donner le goût aux filles de tous ces sujets de la tech et des sciences.
08:35Parce qu'on a conditionné notre société avec des filles qui ne répondent pas, qui n'ont pas les qualités ou les compétences pour aller dans ces métiers, ce qui est complètement faux.
08:45Oui, il y a quand même toujours une première, parce qu'on fait peser beaucoup de poids sur l'éducation nationale, mais il y a toujours une première responsabilité qui est celle des parents.
08:51C'est-à-dire, nous, parents, disons à nos enfants, oui, toutes les filières sont pour toi, nos filles, ne t'interdis rien. Il y a déjà ce premier biais à contrer.
09:02Oui, mais encore faut-il en être conscient ou consciente. C'est-à-dire que, c'est ce que vous disiez en introduction, on a un système patriarcal qui est tellement ancré dans la société depuis toujours.
09:14On est dans une phase, évidemment, où les choses avancent et on déconstruit et on essaie de comprendre d'où ça vient.
09:20Mais au sein d'une famille, la plus informée qu'elle soit, on peut avoir tendance à répéter ce système.
09:28Et même au sein des professeurs. On a une fille, là, qu'on accompagne dans un lycée. Sa professeure de maths lui a dit, non, mais ne va pas dans les métiers de la banque, tu n'es pas assez bonne en mathématiques.
09:38Quel rapport, en fait ? Aucun. Donc, on a ces biais-là qui disent que certains secteurs sont encore réservés aujourd'hui aux garçons, alors que pas du tout.
09:47Donc, nous, on travaille vraiment sur ce sujet, en one-to-one ou vraiment en collectif, pour leur dire tout aujourd'hui est possible.
09:57Et l'action que vous menez dans les entreprises, elle est essentielle, parce que nous, on aura beau accompagner les filles toute la période du lycée et dans les études supérieures,
10:05si quand elles arrivent, elles se retrouvent de nouveau dans une société ou une entreprise qui ne les accompagne pas sur cette ouverture, le travail y restera.
10:14Alors, elles auront pris confiance, elles auront pris conscience en elles, mais elles seront plus amenées à se battre pour passer ces limites.
10:22Mais si les portes des entreprises ne s'ouvrent pas, les choses n'évolueront pas.
10:27Alors, ce sont des thèmes dont on parle ici toute l'année. Il se trouve qu'on est autour de cette journée internationale du droit des femmes.
10:36Est-ce qu'il y a des entreprises, vous voyez faire des entreprises, faire peut-être, partant d'un bon sentiment, mais des erreurs majeures à cette occasion du 8 mars ?
10:42Oui, complètement. Déjà, on en parlait tout à l'heure, ce n'est pas la journée de la femme, ce n'est pas la fête de la femme, on arrête de célébrer, mais c'est une journée de lutte.
10:50Et ensuite, il faut vraiment garder à l'esprit que les actions en faveur de l'égalité professionnelle et de la lutte contre le sexisme, elles ne marchent que si elles sont pérennes, si elles durent dans le temps.
11:00Et en fait, les grandes erreurs du 8 mars, c'est de faire de l'événementiel, une table ronde, distribuer des stickers, des fleurs, des cadeaux, ça c'est catastrophique.
11:11Ou une soirée dédiée aux femmes, ok, mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a derrière ?
11:15Et qu'est-ce qu'on fait le reste de l'année ?
11:17Voilà, exactement. Et en fait, on peut s'appuyer sur le 8 mars pour lancer le sujet.
11:20Oui, parce qu'on a commencé en disant qu'il y a une prise de conscience nécessaire, donc ça peut être l'occasion.
11:24Voilà, et une des grandes erreurs que je trouve assez grave, c'est qu'on a tendance à inviter des femmes rôle-modèle, influenceuses, etc.
11:32Leur demander d'intervenir gratuitement dans son entreprise.
11:35Et du coup, ça perpétue aussi ce truc du travail des femmes qui est sous-valorisé, etc.
11:41Et voilà, donc si vous faites venir des influenceuses féministes, payez-les.
11:45C'est notre dernier message et j'aime beaucoup ce message.
11:48Merci beaucoup à toutes les deux et à bientôt sur Be Smart For Change.
11:51On passe tout de suite à notre rubrique consacrée aux startups.