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00:00Europe Un Soir. 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:05Dernière partie d'Europe Un Soir avec Alexandre Malafaie et Raphaël Stainville.
00:09Écoutez Emmanuel Macron. Hier soir, lors de son adresse aux Français,
00:12il a dénoncé l'ingérence de Moscou dans les affaires de la France et de nos voisins européens.
00:17La Russie du Président Poutine viole nos frontières pour assassiner des opposants,
00:21manipule les élections en Roumanie, en Moldavie.
00:24Elle organise des attaques numériques contre nos hôpitaux pour en bloquer le fonctionnement.
00:28La Russie tente de manipuler nos opinions avec des mensonges diffusés sur les réseaux sociaux.
00:33Et au fond, elle teste nos limites.
00:35Elle le fait dans les airs, en mer, dans l'espace et derrière nos écrans.
00:39Cette agressivité ne semble pas connaître de frontières.
00:42Qui peut donc croire, dans ce contexte, que la Russie d'aujourd'hui s'arrêtera à l'Ukraine ?
00:47La Russie est devenue, au moment où je vous parle et pour les années à venir,
00:51une menace pour la France et pour l'Europe.
00:54Réaction chez CNews, chez Pascal Praud, ce matin de l'ancien ministre de la Défense Hervé Morin.
01:00J'ai trouvé le discours du président de la République excessivement inquiétant,
01:05excessivement anxiogène.
01:07On ne peut pas se permettre d'avoir un discours qui devienne un discours belliqueux.
01:11On doit tout de même avoir en tête que les Russes, dont on disait qu'en 3 jours,
01:15ils seraient en capacité d'arriver à Kiev, ont été incapables de faire tomber l'armée ukrainienne,
01:20qui était une armée sans équipement et peu entraînée.
01:23Est-ce qu'on peut imaginer un seul instant que la Russie menaçait nos frontières ?
01:27Enfin, très franchement, quel serait l'intérêt des Russes d'aller vers l'Occident ?
01:31Que les Russes se préoccupent éventuellement des pays baltes
01:34ou des volontés hégémoniques sur d'anciens espaces, la Moldavie, etc.
01:39On peut l'entendre.
01:40Mais de là à considérer que nous sommes nous-mêmes menacés, c'est autre chose.
01:45Qui a tort, qui a raison, Raphaël Stainville ?
01:47Ce qui est certain, c'est que la menace russe, elle existe.
01:51La dramatisation qu'en fait Emmanuel Macron, elle est probablement très théâtrale,
01:59probablement très politique, et d'une certaine manière, ça fonctionne.
02:03Les Français ont peur.
02:05C'était censé rassurer les Français.
02:07Je vous donne un exemple. Je reviens chez moi hier soir.
02:11Professionnellement, j'étais contraint d'écouter le président.
02:16Et l'un de mes enfants qui, à 9 ans, écoute le président,
02:20entend son ton dramatique, entend parler de guerre, il se met à pleurer.
02:24Il s'est mis à pleurer votre fils ?
02:26La manière dont le président a installé une tension a provoqué cet effet.
02:34Votre enfant pensait qu'on était en guerre ?
02:36Oui, mais on peut le comprendre.
02:38On a l'impression que les Russes sont quasiment aux portes de Paris à entendre le président.
02:42Les attaques sont déjà bien réelles et menaceraient la France dans son intégrité presque demain.
02:52On peut comprendre qu'un certain nombre de personnes réagissent comme ça,
02:56et se disent et adhèrent finalement au discours du président.
03:02C'est l'effet recherché, de la même manière qu'il avait employé cette méthode
03:06pendant la crise du Covid.
03:10Il réemploie les mêmes artifices.
03:14C'est là où c'est tellement piégeux.
03:18Critiquer la position du président, c'est presque jouer contre son camp, contre la France.
03:26Bien évidemment qu'il faut se réarmer,
03:28mais ce n'est pas seulement parce qu'il y a une menace russe lointaine ou pas lointaine.
03:32Je pense qu'on en parle parce qu'il y a l'épisode Trump.
03:36L'épisode Trump, il y a eu ce qui s'est passé à la Maison Blanche vendredi dernier, Alexandre Malafaille.
03:42Les constats qu'on a entendus, l'extrait que vous avez passé du président,
03:46ces constats-là, ils n'ont rien apporté de nouveau.
03:48C'était ça il y a deux ans, il y a trois ans, c'était même ça avant que la guerre...
03:52Est-ce qu'on ne l'a pas oublié ?
03:54Est-ce que ce n'était pas une façon de dire...
03:56Non, vous refaites la séquence des trois dernières années,
03:58les discours belliqueux, les mises en garde,
04:02la montée en pression de l'anti-Russie, de l'anti-Poutine, etc.
04:06Les débats sur la longueur de temps là-dessus,
04:08on n'a pas perdu de vue qu'il y avait une menace qui n'était peut-être pas à nos portes, mais qui était là.
04:12Et puis les séquences-là, sur un plan technique et militaire,
04:14ils sont parfaitement faits, il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
04:16C'est juste que c'est mis dans une forme théâtrale.
04:18Et ce qui est terrible, c'est qu'il y a une incohérence de temporalité.
04:22Cette espèce d'intensité du discours, maintenant, ça ne sert à rien.
04:28Il aurait fallu le faire vraiment il y a trois ans, avec les mêmes mots et avec des vraies décisions.
04:32Ou alors il faut le faire dans trois ou quatre ans,
04:34quand on aura vu les effets du cessez-le-feu,
04:36parce que cessez-le-feu, il y aura.
04:38On peut imaginer que Donald Trump va faire un deal,
04:40parce qu'on peut imaginer qu'il a déjà parlé à Poutine,
04:42et qu'ils savent ce sur quoi ils vont réussir à s'entendre les uns et les autres,
04:46en tordant le bras des Ukrainiens et en faisant le deal avec les Russes.
04:48Donc une fois qu'on aura cette situation,
04:50qui va profiter à tout le monde ?
04:52Les Russes sont à bout de souffle, les Européens ne sont pas en état de se défendre,
04:54et les Américains veulent se retirer.
04:56Donc on va prendre du temps.
04:58Après, que le meilleur qui réussira à se préparer
05:00sera en mesure, le cas échéant, de dicter sa loi la prochaine fois.
05:02Donc on a trois, quatre, cinq ans pour se préparer,
05:04et pendant ces cinq ans, on fait quoi ?
05:06On continue à être belliqueux avec les Russes ?
05:08Ou est-ce qu'on se met à avoir une position astucieuse
05:10de rétablissement d'un dialogue,
05:12pour éviter, comme à la fin, de se foutre sur la gueule, pardonnez-moi pour l'extression,
05:14parce que ce n'est pas le but.
05:16L'art de la paix, ou l'art de la guerre,
05:18ce n'est pas de faire la guerre, c'est d'essayer de ne pas la gagner
05:20en envoyant des chars ou des missiles nucléaires.
05:22Donc très sincèrement, cette stratégie-là,
05:24cette temporalité-là du discours,
05:26je ne la comprends pas.
05:28Vous vouliez rajouter quelque chose, Raphaël ?
05:30Oui, mais j'entendais, il y a quelques minutes,
05:32François Ruffin réagir,
05:34et il disait, il était
05:36abasourdi, parce que le match réel,
05:38la vérité, il se joue entre les Etats-Unis
05:40et la Russie, certes,
05:42Emmanuel Macron
05:44fait un grand théâtre,
05:46ça s'est passé à la télévision hier soir,
05:48ça se passe à Bruxelles aujourd'hui,
05:50mais on parle de paix, la paix est en train de se faire
05:52entre les Russes et les Américains,
05:54sur le dos peut-être des Ukrainiens,
05:56mais elle est en train de se sceller.
05:58Et nous, on essaye d'apparaître
06:00dans le jeu, mais finalement
06:02à contretemps
06:04de tout ce qui se passe.
06:06Je voudrais rajouter, parce qu'il y a quelque chose
06:08qui me fascine depuis toutes ces années,
06:10on a voulu remplacer
06:12la force par la morale,
06:14les valeurs, les principes,
06:16en oubliant tout le reste.
06:18Aujourd'hui, on a ce qu'on mérite, on n'est pas dans le jeu.
06:20La morale, ça ne suffit pas, les valeurs, ça ne suffit pas.
06:22C'est comme aujourd'hui, on met des barrières
06:24avec des textes, des règlements dans le domaine industriel,
06:26ça tue notre industrie,
06:28ça empêche un peu les autres de rentrer, mais ça ne fait pas de nous
06:30un continent européen industriel.
06:32On est en train toujours de se gaver de mots,
06:34le jour où on aura compris
06:36qu'il faut des actes, et être capable
06:38d'avoir véritablement...
06:40C'est comme le monde, ce que vous dites.
06:42Sauf qu'on l'a perdu de vue, parce qu'on a fait une espèce de fuite
06:44sur tellement de sujets, qu'aujourd'hui on découvre
06:46qu'on a retiré la mer, qu'on est tout nu.
06:48Bah oui, on est tout nu, on n'a pas les moyens de se défendre.
06:50Donc il faut profiter de cette séquence,
06:52pour véritablement, j'entendais l'expression
06:54refaire du muscle, oui, il faut refaire du muscle.
06:56Mais là, pour le coup, il ne faut pas faire semblant.
06:58C'était une question
07:00abordée dès le début
07:02de la guerre en Ukraine.
07:04Je me souviens des chefs d'état-major
07:06qui nous disaient tous,
07:08en cas de conflit de haute intensité,
07:10on tient une dizaine de jours.
07:12Mais Pierre, devinez-nous,
07:14elle est où l'économie de guerre ? On l'avait décrétée il y a 3 ans.
07:16C'est un fait semblant de faire la mer.
07:18Ce que vous dites, c'est qu'en 2022,
07:20lorsqu'il y a eu le début de la guerre en Ukraine,
07:22est-ce qu'on aurait dû passer en économie de guerre ?
07:24Est-ce qu'on fait les Russes ? Est-ce qu'on fait les Polonais ?
07:26Bien sûr qu'il aurait fallu le faire.
07:28Et en plus, à ce moment-là, Emmanuel Macron avait encore
07:30un début de majorité, ou encore une fin de majorité
07:32à l'Assemblée Nationale.
07:34On n'avait pas encore passé dans le deuxième quinquennat.
07:36On aurait pu imaginer une mobilisation
07:38et prendre des décisions et essayer de les tenir.
07:40Mais ce que vous dites est crucial.
07:42On n'était pas dans un timing
07:44politique favorable
07:46et ça n'aurait pas été un élément
07:48positif électoral pour Emmanuel Macron
07:50de dire, vous savez quoi, on va passer
07:52dans une économie de guerre. Il n'aurait jamais été réélu.
07:54Il aurait peut-être été élu
07:56s'il avait su présenter ça aux Français astucieusement
07:58et en en faisant un plan stratégique qui allait bien au-delà
08:00de la confrontation militaire.
08:02Merci, mon cher Alexandre.
08:04Et merci à vous, Raphaël.

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