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00:00Est-ce que Zelensky a le couteau sous la gorge face à Donald Trump ?
00:03Vous l'avez vu, le président ukrainien a subi une forme d'humiliation il y a quelques jours dans le bureau Oval,
00:08et après cette rencontre, Donald Trump a annoncé le gel de toute livraison de munitions et d'armes à l'Ukraine.
00:13Et malgré tout ça, le président américain s'est vanté de ses avancées humanitaires devant les élus du Congrès dans la nuit du 4 au 5 mars.
00:20Il a notamment annoncé que Volodymyr Zelensky lui aurait envoyé une lettre
00:24dans laquelle il se dirait prêt à s'asseoir à la table des négociations dès que possible avec la Russie.
00:30Mais en fait, si on creuse un petit peu cette quête pour la paix,
00:33ça ressemble plus à un chantage avec les minerais ukrainiens comme monnaie d'échange.
00:38Si vous voulez comprendre cette grande trahison de Donald Trump
00:41et ses implications à la fois pour l'Ukraine et pour le monde,
00:45eh bien aujourd'hui, on vous propose de discuter avec Véronika Dorman.
00:48Salut Véronika.
00:49Bonjour.
00:50Véronika, tu es grand reporter à Libération, tu as été correspondante à Moscou.
00:55J'ai lu que Zelensky se disait prêt à négocier sous le leadership de Trump.
01:01Est-ce qu'aujourd'hui, le président ukrainien est obligé de se plier aux exigences américaines ?
01:05Alors c'est une question très intéressante.
01:07Ça dépend en fait de quel point de vue on regarde.
01:10Effectivement, il n'est pas en position de complètement tenir tête à Donald Trump
01:15parce qu'il se trouve que même malgré les efforts de Donald Trump
01:20de déstabiliser y compris son pays par le tourbillon de lois et de décrets
01:25qu'il a pris depuis qu'il est entré à la Maison-Blanche,
01:27l'Amérique reste le pays le plus puissant du monde.
01:31L'Amérique reste le principal partenaire militaire de l'Ukraine.
01:37L'Amérique reste le principal interlocuteur de Moscou, de Vladimir Poutine.
01:45Donc en fait, c'est une question de bon sens.
01:50Vladimir Zelensky n'avait jamais prévu de se brouiller avec Washington.
01:54Ce qui s'est passé dans le bureau Oval est effectivement une humiliation
01:58et une sorte de guet-apens.
02:00Alors il y a eu beaucoup de discussions.
02:01Est-ce que c'était orchestré ?
02:02Est-ce qu'ils avaient prévu de l'humilier comme ça ?
02:04Ou est-ce que c'est monté et c'est parti en sucette
02:08parce que Vladimir Zelensky justement n'a pas plié aussi rapidement
02:12ou de manière aussi télévisuelle que l'aurait espéré un Donald Trump
02:18pour qui le show est très important.
02:20Donc il y a eu cette séquence terrible dans le bureau Oval
02:26mais Vladimir Zelensky était venu avec son...
02:30Il était prêt à signer ce jour-là un accord sur ces minerais.
02:36Il a été chassé du bureau Oval
02:38et ce qu'il redit depuis, en fait il n'a pas dit autre chose
02:42que ce avec quoi j'étais venue vendredi, je suis toujours prêt à le faire.
02:47Cet accord auquel ils étaient parvenus
02:50qui n'était certainement pas totalement finalisé
02:53mais en tout cas ils avaient trouvé un terrain d'entente vendredi
02:55à l'entrée du bureau Oval, cet accord-là existe toujours.
02:58Et si on regarde même les déclarations de Zelensky hier soir
03:02c'était pour montrer sa bonne volonté à lui, sa bonne foi
03:04que ce n'est pas lui qui a voulu le conflit,
03:06ce n'est pas lui qui est monté dans les tours,
03:08ce n'est pas lui qui a créé l'embrouille de vendredi.
03:12Il ne s'est pas excusé, donc il ne s'est pas couché,
03:14il ne s'est pas remis dans une situation de...
03:16Il n'a pas ployé les chines en fait devant Trump,
03:18il a plutôt dit voilà moi je suis là où j'étais,
03:20il est droit dans ses bottes.
03:22Et donc ce qu'il avait proposé,
03:24ce qu'il était prêt à proposer aux Etats-Unis vendredi
03:26tient encore mardi.
03:28Alors ensuite le packaging de la Maison Blanche,
03:31c'est nous avons tenu des conversations secrètes
03:33avec Zelensky qui est prêt...
03:35Non, enfin pour l'instant de toute façon on n'a pas encore...
03:39L'accord n'est pas revenu sur la table,
03:43mais Zelensky n'a pas changé de position
03:45entre vendredi et mardi, c'est ça qu'il faut retenir.
03:47Merci beaucoup de regarder cette vidéo,
03:49j'espère qu'elle vous plaît, si c'est le cas abonnez-vous
03:51à la chaîne YouTube de Libération,
03:53on propose des entretiens comme ça chaque semaine.
03:55Sachez aussi que c'est un entretien qui est mené
03:57en direct sur Twitch, donc rejoignez-nous
03:59si ça vous intéresse,
04:01et d'ici là je vous souhaite un bon visionnage.
04:03Tu parles d'un accord, est-ce qu'on sait un petit peu
04:05concrètement ce qu'est cet accord,
04:07ce que proposait les Etats-Unis
04:09à Volodymyr Zelensky ?
04:11Il était question de créer un fonds d'investissement
04:13pour la reconstruction de l'Ukraine
04:15qui aurait été financé
04:17par les revenus
04:19tirés de ces ressources ukrainiennes,
04:21à moitié par les Américains,
04:23moitié par les Ukrainiens,
04:25et donc
04:27les Ukrainiens
04:29devaient y verser aussi 50%
04:31de leurs revenus, et donc c'était
04:33toutes leurs ressources naturelles, minerais, charbon,
04:35et ce que Trump appelle les terres rares,
04:37la grande question est là-dessus.
04:39Les Ukrainiens avaient réussi, parce qu'il y a eu
04:41un premier deal, si vous vous souvenez,
04:43une première tentative de la Maison Blanche de tordre le bras
04:45à Zelensky en lui demandant
04:47l'accès total à tout
04:49sans contrepartie,
04:51et donc les équipes de Zelensky
04:53avaient une première fois refusé.
04:55Ils sont arrivés à un accord
04:57récemment
04:59qui, aux yeux des Ukrainiens, n'était pas
05:01aussi déshonorant,
05:03et ils avaient réussi à en tenir,
05:05à écarter les ressources de gaz
05:07très importantes pour l'Ukraine.
05:13En revanche, ce qui n'était toujours pas
05:15gagné vendredi, avant la dispute
05:17dans le bureau Oval, c'est les garanties américaines
05:19en échange, parce que ça c'est toujours
05:21le problème.
05:23Trump
05:25ne s'était toujours pas exprimé sur ce qu'il était prêt
05:27réellement à garantir à l'Ukraine en échange.
05:29Et autre grosse question sur ces accords,
05:31c'est que ce que Trump appelle
05:33les terres rares et ce que Zelensky lui dit
05:35auquel il pourra accéder,
05:37ce sont des ressources
05:39qui se trouvent dans le sous-sol ukrainien,
05:41qui ne sont pas exploitées,
05:43qui sont certainement exploitables, mais qui ne sont pas encore
05:45exploitées. Une partie de ces matériaux
05:47ou terres ou ressources
05:49se trouvent en territoire occupé russe,
05:51occupé par la Russie.
05:55Ceux qui se trouvent en territoire
05:57ukrainien, et donc les ressources
05:59sur lesquelles Zelensky a
06:01le pouvoir,
06:03ne sont de toute façon
06:05pas encore exploitées. Pour commencer à les exploiter,
06:07il faudrait faire de la
06:09prospection, il faudrait creuser, il faudrait
06:11construire. On parle en années,
06:13on ne parle même pas en semaines, on parle en années.
06:15Tout ça c'est une histoire au très long cours
06:17qui
06:19est importante pour Trump
06:21dans sa volonté à lui de conquérir
06:23des richesses,
06:25une main mise
06:27sur des territoires aussi. Alors il ne veut pas
06:29annexer l'Ukraine, il n'est pas dans un discours poutinien,
06:31ce n'est pas pour annexer des territoires, mais c'est pour
06:33faire main basse sur des richesses.
06:35Dans sa course aussi
06:37contre la Chine, qui est le
06:39premier détenteur de tous ces matériaux.
06:41On sait très bien
06:43que la plus grosse compète dans la tête
06:45de Trump, c'est quand même
06:47Pékin.
06:49C'est pour ça que pour lui tout ça c'est très important. Et c'est
06:51un truc qu'il a trouvé aussi pour dire, voilà, c'est des
06:53milliards, on va se faire rembourser
06:55pour tout ce qu'on a déjà investi.
06:57En fait, ce dossier-là lui sert vraiment
06:59aussi à faire son show
07:01et à construire son discours
07:03à l'intention de son électorat.
07:05Est-ce que ça montre
07:07que la seule motivation pour la paix
07:09que Trump a
07:11repose uniquement sur des intérêts
07:13économiques et commerciaux ?
07:15Beaucoup des motivations,
07:17on l'a un peu vu, on l'a beaucoup dit,
07:19que Trump est un homme d'affaires,
07:21bon, mauvais,
07:23véreux ou pas, mais en tout cas il voit la vie
07:25comme un grand
07:27salon de business.
07:29Donc, il veut faire des affaires.
07:31Et puis,
07:33il l'a annoncé, c'est
07:35« America First », c'est
07:37« Make America Great Again », c'est
07:39les intérêts de l'Amérique et les intérêts commerciaux
07:41et financiers de l'Amérique. Et donc, tout ce qu'il fait depuis
07:43qu'il est arrivé à la Maison-Blanche est
07:45très clairement orienté sur
07:47cette idée qu'il a,
07:49l'idée qu'il a de la
07:51manière de renflouer
07:53peut-être les caisses américaines, ou en tout cas
07:55de garder les richesses
07:57américaines en Amérique.
07:59Et pour ce qui est de l'Ukraine, en fait, il n'en a
08:01pas grand-chose à faire concrètement. De l'Ukraine,
08:03de la paix,
08:05de l'Europe, tout ça, c'est
08:07effectivement pas un sujet réel
08:09pour lui. Et donc, s'il peut
08:11en tirer des profits de ce
08:13dossier-là, il en tirera des profits.
08:15S'il peut faire la paix,
08:17en tout cas, ce qu'il appelle la paix, une paix
08:19en Ukraine, donc faire cesser cette guerre,
08:21et jouer ainsi
08:23le jeu de Moscou aussi, donc
08:25s'attirer les bonnes grâces, ou en tout cas
08:27améliorer ses relations avec Vladimir Poutine,
08:29qui est la seule personne et le seul dirigeant qui
08:31de ce
08:33côté-là de l'Atlantique l'intéresse, parce que
08:35ni les Européens, ni les Ukrainiens ne
08:37l'intéressent. Il parle lui aussi avec Vladimir
08:39Poutine par-dessus l'Europe.
08:41Donc effectivement, voilà, pour
08:43lui, c'est un deal. Alors, bien sûr,
08:45il ramassera les points
08:47et le crédit d'avoir réussi à mettre
08:49fin à une guerre à laquelle le vieux
08:51Joe n'a pas réussi à mettre fin tout en
08:53dilapidant l'argent de l'Amérique.
08:55C'est la vision
08:57de Trump et qu'il présente à ses électeurs.
08:59Mais ce n'est pas son objectif premier. Ce n'est pas la
09:01paix, ou ce n'est pas la démocratie, ou ce n'est pas
09:03la justice.
09:05En fait, ce n'est pas rendre justice au peuple ukrainien
09:07qui s'est fait attaquer par la Russie.
09:09Lui, il est là, il est vraiment...
09:11C'est du business.
09:13Tout à l'heure, Véronika, tu parlais de ce que
09:15les Etats-Unis pouvaient apporter
09:17à l'Ukraine. Il y a eu
09:19récemment la décision de Trump
09:21de geler l'aide américaine
09:23auprès de l'Ukraine.
09:25Toi, quand tu as découvert
09:27cette information, tu t'y attendais ?
09:29Alors, est-ce que je m'y attendais ?
09:31On s'y attendait un peu parce qu'il avait déjà
09:33brandi la menace. Ça faisait partie
09:35un peu des choses qu'il avait
09:37dites. Et on sentait bien qu'il
09:39était rentré dans une logique
09:41de chantage.
09:43Quand il disait, il l'a répété
09:45à plusieurs reprises, qu'il va falloir
09:47partir si vous n'arrivez pas
09:49à faire affaire avec nous.
09:51De toute façon,
09:53à partir du moment
09:55où il y a eu cette altercation,
09:57je ne sais même pas
09:59comment on peut
10:01qualifier ce qui s'est passé dans le bureau Oval,
10:03mais cette espèce d'exécution publique
10:05humiliante
10:07de Volodymyr Zelensky
10:09par le leadership américain,
10:11on pouvait s'attendre à peu près à tout.
10:13Plus rien ne devenait surprenant.
10:15Là, on était dans un summum
10:17de délire.
10:21Parmi les leviers que Trump a
10:23immédiatement, c'est
10:25la livraison des armes. Il se trouve
10:27en attendant que le
10:29dernier paquet qui avait été promis par Joe Biden,
10:31ce que Trump a suspendu,
10:33a été déjà livré à 90%.
10:37Certaines parties sont
10:39peut-être encore coincées en transit, mais il a déjà été
10:41principalement livré.
10:43Il s'agit
10:45des futurs stocks plutôt que de ce qui a
10:47déjà été promis. Pour l'instant,
10:49ce que disent les Ukrainiens
10:51et ce que semblent confirmer
10:53les experts, c'est que
10:55l'Ukraine
10:57peut tenir jusqu'au printemps avec ce qui a déjà
10:59été livré.
11:01Ensuite,
11:03de toute façon, elle a besoin de commencer à remplacer
11:05l'aide américaine.
11:07Il faut juste préciser que l'aide américaine
11:09est énorme, mais qu'elle est
11:11inférieure à l'aide européenne
11:13dans son ensemble.
11:15Les États-Unis sont à 48%
11:17d'aide totale et l'Union
11:19européenne et le reste
11:21du monde sont pour le reste
11:23de l'aide.
11:25L'aide américaine
11:27vaut pour moitié,
11:29l'aide militaire américaine vaut pour moitié de tout ce que
11:31l'Ukraine reçoit. L'Ukraine reçoit
11:33énormément
11:35d'armes et
11:37d'obus et
11:39de matériel. Il y a aussi
11:41beaucoup de projets conjoints de développement
11:43sur le terrain en Ukraine
11:45de drones, de matériel
11:47qui est très important.
11:49Mais ce qui serait encore plus dramatique
11:51et ce qui n'a pas encore été fait, et je ne sais pas si
11:53c'est une question à laquelle tu voulais qu'on revienne un peu plus tard,
11:55mais c'est que les Ukrainiens ont
11:57davantage même besoin aujourd'hui
11:59de la part des Américains, de Starlink
12:01et du renseignement américain qui leur
12:03permet d'avoir une vision
12:05de surveiller l'ennemi. Et ça,
12:07c'est vraiment ce qui est crucial. Starlink, juste pour préciser,
12:09corrige-moi si je me trompe, mais c'est le réseau
12:11de satellites proposé par Elon Musk
12:13qui permet, je crois, aux Ukrainiens
12:15de rester connectés
12:17à Internet. Parce que les Russes ont détruit
12:19leurs infrastructures et donc
12:21toute l'armée
12:23ukrainienne
12:25repose, enfin,
12:27les communications pour l'armée ukrainienne sur le front reposent
12:29sur Starlink.
12:31Et ensuite, leur
12:33visibilité en territoire russe
12:35et leur visibilité des lignes ennemies,
12:37tient aussi sur le renseignement américain. Et donc ça, c'est vraiment
12:39les deux points qui sont essentiels.
12:41Et si l'Ukraine est privée de ça,
12:43là, la situation deviendra vraiment catastrophique.
12:45Ça veut dire que le gel
12:47de l'aide militaire, c'est très symbolique,
12:49c'est très fort comme déclaration.
12:51C'est effectivement un coup de poignard
12:53dans le dos, parce que c'est ce que
12:55Joe Biden n'avait jamais osé faire, même quand Joe Biden disait
12:57« L'OTAN, on ne sait pas trop, ça ne va pas être possible »,
12:59mais « Tenez encore 2 milliards
13:01d'aide, parce qu'on
13:03ne vous laissera pas tomber ».
13:05Et puis, dans toute
13:07notre histoire, c'est ce que fait
13:09un pays allié avec un autre pays allié, qui est en
13:11difficulté. Donc normalement,
13:13les États-Unis, jusqu'à il y a peu,
13:15étaient les alliés de l'Ukraine dans cette guerre
13:17entre l'Ukraine et la Russie,
13:19et donc fournissaient
13:21et soutenaient leurs alliés en armes.
13:23Donc,
13:25c'est...
13:27Les Ukrainiens ont réagi en disant
13:29que cet arrêt de l'aide militaire, c'était choquant,
13:31mais pas une surprise.
13:33C'est toujours un peu...
13:35On attend toujours peut-être que le pire n'arrivera pas,
13:37et donc je répète que
13:39pour l'instant, le pire est arrivé, c'est un gel.
13:41Est-ce qu'une fois que
13:43l'accord sera signé,
13:45comme ils prétendent maintenant qu'il sera signé
13:47dans les jours à venir, est-ce que
13:49l'aide sera de nouveau débloquée ?
13:51Est-ce qu'il en rajoutera ?
13:55On a vu que Donald Trump est assez imprévisible,
13:57et donc tout change très vite.
13:59Tu parlais de l'importance
14:01de l'aide américaine pour l'Ukraine,
14:03notamment des armes.
14:05Est-ce que là, aujourd'hui,
14:07l'Ukraine a besoin de renouveler son stock d'armes
14:09pour tenir dans ce conflit ? Et si oui,
14:11vers qui il peut se tourner, et qui le soutient ?
14:13Alors, l'Ukraine a besoin
14:15d'un soutien permanent, ça veut dire que l'Ukraine
14:17a appris à fabriquer, a commencé à fabriquer
14:19elle-même beaucoup de choses, et effectivement
14:21des choses qui sont faites sur le terrain,
14:23et notamment
14:25les drones qui sont vraiment
14:27la nouvelle arme dans cette
14:29guerre, et qui sont très nocifs,
14:31qui permettent en partie
14:33de tenir le front.
14:35Ce qu'il ne faut pas oublier, que moi,
14:37j'insiste pour rappeler à chaque fois,
14:39c'est que l'armée russe est
14:41une armée très puissante
14:43en matériel, en hommes,
14:45en investissement,
14:47en volonté, en stratégie de la chair
14:49à canon, donc les Russes ne comptent
14:51pas leurs soldats qu'ils envoient
14:53au front,
14:55et l'Ukraine,
14:57plus petite,
14:59moins équipée,
15:01et moins préparée
15:03au départ, arrive à tenir
15:05un front de 1000 kilomètres, et vraiment
15:07à le tenir depuis 3 ans, ça veut dire qu'effectivement
15:09il y a des avancées, des reculades, mais c'est un front
15:11qui frétille, le front ne s'est jamais
15:13écroulé.
15:15Et l'Ukraine a besoin, et ce que les
15:17Européens et les Américains ont fait jusque-là,
15:19c'est de permettre à l'Ukraine de tenir, justement,
15:21ils n'ont jamais donné la possibilité de complètement
15:23prendre le dessus, et c'est un des grands reproches que
15:25Kyiv peut faire à l'Occident.
15:27En revanche,
15:29les livraisons d'armes ont été suffisantes
15:31pour tenir ce front. Il faut que ça continue.
15:33Il faut à l'Ukraine au moins autant d'armes
15:35que ce qu'elle a reçu jusqu'à présent pour tenir
15:37le front, voire plus pour
15:39pouvoir renverser la tendance sur le front.
15:41C'est-à-dire que si l'aide américaine se retire,
15:43il faut pouvoir la remplacer par quelque chose,
15:45c'est-à-dire presque la moitié.
15:47Ce n'est pas
15:49la majorité de l'aide, mais c'est presque la moitié.
15:51Et l'Europe, qui a des forces,
15:53et qui a des capacités de production,
15:55ne peut pas se retourner en deux semaines.
15:57Ça veut dire que c'est vraiment quelque chose qui
15:59peut être fait, mais à
16:01moyen, long terme.
16:03Ce chantage que fait un petit peu Trump
16:05par rapport à l'Ukraine,
16:07dans quelle mesure est-ce qu'il
16:09existe un petit peu pour faire plaisir
16:11à Poutine et à la Russie ?
16:13Je ne le dirai pas exactement comme ça, mais on a bien
16:15vu que, de toute façon, depuis
16:17que Trump est revenu
16:19à la Maison-Blanche, et surtout sur le dossier
16:21ukrainien, il est plutôt
16:23du côté du Kremlin.
16:25Donc il y a un réalignement très clair
16:27qui a culminé
16:29même avant
16:31le bureau Oval avec le vote à l'ONU,
16:33où les États-Unis votent
16:35avec la Russie, pour la première fois,
16:37contre l'Ukraine.
16:39Ce qui a aussi été un moment
16:41historique, parce que c'est vraiment
16:43une nouvelle ligne de fracture.
16:45Donc,
16:47pour l'Ukraine et pour l'Europe,
16:49les États-Unis ont voté avec l'ennemi,
16:51parce que l'ennemi dans cette guerre, c'est
16:53la Russie.
16:55Donc, clairement, Trump se range
16:57de ce côté-là. Donc, le chantage
16:59à Zelensky, c'est
17:01plus, alors je dirais, d'abord
17:03parce qu'il veut ces terres rares,
17:05il veut que le deal
17:07soit fait selon ses propres conditions,
17:09et par ailleurs,
17:11ça fait partie de la manière dont il pense qu'il va
17:13régler cette guerre, et puis ça fait partie de la manière
17:15dont il règle les problèmes. Trump est
17:17un type qui arrive avec la force brute,
17:19qui considère que c'est la force brute qui gagne.
17:21Et il fait, il met des coups de
17:23pression, pas seulement à Zelensky,
17:25mais il a mis un coup de pression au Panama,
17:27il met un coup de pression avec les taxes douanières
17:29au Mexique et au Canada, il va mettre un coup de pression
17:31à l'Europe. Il n'arrive pas
17:33en négociateur, il n'arrive pas en diplomate,
17:35il arrive en plus fort,
17:37qui va faire ployer le plus faible.
17:39Et alors, ça plaît à Poutine,
17:41parce que c'est aussi la manière dont Poutine fonctionne.
17:43Donc, je ne dirais pas
17:45que Trump le fait pour faire plaisir à Poutine,
17:47il se trouve qu'il se ressemble là-dessus. Il se trouve que c'est
17:49leur manière de faire affaire, et c'est leur
17:51manière de diriger, enfin,
17:53c'est la vision qu'ils ont des relations
17:55internationales, et que
17:57par ailleurs, le résultat,
17:59c'est que Moscou se félicite
18:01de la tournure qu'ont
18:03pris les choses, se félicite
18:05de la stratégie, comme ils appellent
18:07ça, de Donald Trump envers l'Ukraine,
18:09il trouve que c'est formidable.
18:11Hier,
18:13les mots du Kremlin étaient que
18:15ils étaient très satisfaits par
18:17l'arrêt de la livraison d'armes.
18:19Ils disaient que c'était un pas très constructif,
18:21un apport très constructif pour se rapprocher
18:23de la paix. Donc, on marche un peu quand même
18:25sur la tête, parce que ce qui serait constructif
18:27pour se rapprocher de la paix, ce serait par exemple d'arrêter
18:29de bombarder les villes
18:31ukrainiennes et de
18:33tirer sur le front.
18:35Donc, tout ça, évidemment,
18:37ça plaît à Moscou et
18:39joue son jeu.
18:41À ce propos, j'ai lu que le Kremlin voulait
18:43forcer l'Ukraine à faire la paix.
18:45C'est un peu une drôle conception
18:47d'un accord de paix dans le cadre d'une guerre.
18:49De toute façon, pour le Kremlin,
18:51on est toujours dans ce rapport de force,
18:53ça veut dire que le Kremlin considère, malgré
18:55la réalité,
18:57parce que la réalité, c'est que le Kremlin
18:59devait prendre TKF en 3 jours,
19:01faire tomber Zelensky, le remplacer
19:03par un
19:05pantin et soumettre toute l'Ukraine
19:07et la démilitariser, la dénazifier.
19:09Tout ça, ça devait arriver il y a 3 ans, ça n'est toujours pas
19:11arrivé, mais malgré tout, le Kremlin
19:13considère qu'il est en position de force et que
19:15la force est de son côté, d'autant plus
19:17depuis que Donald Trump s'est rangé
19:19aux côtés de Vladimir Poutine.
19:21Donc, le Kremlin se sent très bien
19:23et considère que
19:25cette paix sera
19:27faite selon ses conditions.
19:29C'est ça que ça veut dire. Et les conditions du
19:31Kremlin sont absolument inacceptables, évidemment,
19:33pour Zelensky, parce que les conditions du
19:35Kremlin, elles n'ont pas changé.
19:37C'est un autre sujet, encore,
19:39mais on est en train de dire que Poutine
19:41est en train de gagner, mais Trump n'a jamais signé,
19:43en réalité, pour les conditions du Kremlin. Les conditions du
19:45Kremlin, c'est la
19:47destruction de la souveraineté ukrainienne,
19:49c'est la fin,
19:51non seulement de Zelensky, mais de l'indépendance
19:53ukrainienne, c'est la vassalisation de l'Ukraine,
19:55c'est le fait de transformer
19:57l'Ukraine en satellite
19:59recouvert d'un glacier qui
20:01ne deviendra jamais une menace
20:03stratégique
20:05et géopolitique pour la Russie.
20:07Et c'est ça,
20:09l'ambition de Poutine. Ce n'est pas
20:11un peu de territoire qu'on va garder
20:13parce qu'on a un peu envie d'agrandir la Russie.
20:15Il n'a pas besoin des 18%
20:17de l'Ukraine qui sont occupés par
20:19la Russie aujourd'hui.
20:21La Russie, c'est le plus grand pays du monde,
20:23territorialement. Ce n'est pas ça qui va changer. Ce n'est pas
20:25vraiment les kilomètres carrés qui l'intéressent.
20:27Ce qui l'intéresse, c'est la fin de l'Ukraine en tant que
20:29état souverain indépendant.
20:31Et ça, c'est
20:33ces conditions. Et c'est les conditions
20:35qui avaient été fixées il y a trois ans,
20:37qui n'ont toujours pas été remplies, mais
20:39qui sont cette paix
20:41que veut Poutine. Ce n'est pas une paix, c'est ça qu'il veut.
20:43C'est la capitulation de l'Ukraine.
20:45Est-ce qu'on peut,
20:47avant de terminer cette discussion,
20:49se poser sur
20:51l'état du conflit concrètement
20:53aujourd'hui ? Le front,
20:55maintenant, il ressemble à quoi ?
20:57Le front, il est toujours très tendu.
20:59La situation est très compliquée et les
21:01Ukrainiens le disent eux-mêmes. On est toujours dans
21:03une situation incandescente.
21:05Quand je dis qu'il frétille,
21:07c'est pour dire que
21:09vraiment les avancées
21:11des Russes ne sont pas impressionnantes.
21:13Elles sont peut-être permanentes,
21:15mais de mètre en mètre, de kilomètre en kilomètre.
21:17Je crois qu'hier ou avant-hier,
21:21le centre
21:23Institute of War
21:25qui surveille vraiment,
21:27qui fait une veille du front, disait que
21:29l'avancée russe, en fait,
21:31s'était même arrêtée à un moment donné.
21:33Ça veut dire qu'elle a pu s'arrêter pour 24 heures
21:35ou pour 48 heures, mais c'est quand même
21:37significatif.
21:39Le front est totalement tendu,
21:41mais il ne s'écroule pas. Les Ukrainiens
21:43tiennent le front.
21:45Le problème avec cette suspension
21:47de l'aide militaire et ce qu'on a
21:49écrit dans Libération, c'est qu'on craint
21:51que les Russes en profitent
21:53pour épuiser les réserves
21:55ukrainiennes en bombardant Kiev
21:59de manière très violente pour
22:01épuiser la protection antiaérienne.
22:05Pour l'instant, en l'état actuel,
22:07le front tient.
22:09Il tient comme il tient depuis des mois.
22:11Il y a eu un coup
22:13peut-être d'enthousiasme quand même
22:15parce que les Ukrainiens
22:17qui sont très fatigués,
22:19qui sont épuisés par trois ans de guerre,
22:21qui sont épuisés par le fait que rien ne semble bouger,
22:23qui n'envoient plus
22:25le bout et veulent la paix
22:27mais ne comprennent pas comment elle peut arriver
22:29dans les conditions actuelles, ont été reboostés
22:31par la séquence dans le bureau Oval
22:33parce qu'ils ont vu que leur président
22:35a tenu bon, n'a pas plié,
22:37ne s'est pas humilié, ne s'est pas roulé
22:39au pied du tyran
22:41ou du terrible Trump.
22:43Pour eux, c'est très important parce que
22:45dans une guerre, on a aussi besoin d'un leader,
22:47on a aussi besoin d'un visage,
22:49on a aussi besoin de savoir
22:51qu'on a besoin d'être porté.
22:53Le facteur humain est très important
22:55et donc ça, ça a redonné
22:57un peu d'énergie
22:59mais ça ne suffira pas.
23:01En réalité,
23:03rien n'a vraiment changé.
23:05Nous, on est dans une espèce
23:07de surenchère et d'hystérie
23:09de l'actu et des déclarations
23:11des uns et des autres
23:13mais le front est le même,
23:15la situation est la même et les Russes
23:17continuent de taper les villes ukrainiennes,
23:19il y a des civils qui continuent de mourir,
23:21il y a des soldats qui continuent d'être blessés
23:23et tout ce qu'on a écrit
23:25et si vous reprenez les reportages
23:27qu'on a publiés dans Libération ces derniers mois
23:29et à Pokrovsk et dans
23:31le Donbass plus généralement,
23:33ça c'est la situation sur le front.
23:35C'est toujours d'actualité.
23:37Je voudrais prendre une dernière question avant de te libérer.
23:39Asrar nous demande dans le chat
23:41comment Poutine justifie auprès des Russes
23:43l'échec de son attaque
23:45face à la résistance ukrainienne ?
23:47Ce n'est pas un échec
23:49parce qu'il y a eu
23:51ces déclarations, on va prendre Kiev en 3 jours,
23:53c'est une opération spéciale et puis en fait
23:55comme c'est la propagande qui décide
23:57du narratif
23:59et ce narratif est fabriqué,
24:01il n'a aucun lien
24:03avec la réalité,
24:05pour les Russes on leur présente tout ça
24:07comme une opération spéciale qui a muté,
24:09qui avait des objectifs
24:11mais qui...
24:13En fait on dit aux Russes que tout va bien,
24:15on dit aux Russes que tout suit exactement
24:17le plan prévu et que tout est sous contrôle
24:19et que c'est exactement ça que le Kremlin
24:21comptait faire et puis on s'adapte avec le terrain
24:23et puis de toute façon, évidemment que c'est plus compliqué
24:25que prévu parce que ce n'est pas Kiev qu'on combat,
24:27c'est tout l'Occident qui est derrière l'Ukraine
24:29et que vraiment tout l'Occident c'est beaucoup plus difficile
24:31à vaincre
24:33en 3 jours que
24:35simplement l'Ukraine.
24:37En fait la propagande
24:39entretient les Russes dans l'idée
24:41que ce n'est pas une opération ratée.
24:43Ce qui a plein d'effets en Russie,
24:45par exemple des gens qui
24:47acceptent d'aller combattre
24:49en pensant que ce n'est pas une
24:51guerre dans laquelle ils vont mourir, c'est-à-dire qu'il y a des tas de Russes
24:53qui pensent que la Russie est victorieuse sur le terrain,
24:55que la Russie
24:57est effectivement en train de gagner,
24:59on ne sait pas exactement quoi mais c'est pas grave
25:01et donc
25:03évidemment en ayant des très gros salaires
25:05parce que
25:07il y a deux manières de mobiliser
25:09en Russie pour enflouer le front,
25:11ils ont sorti les prisonniers de prison
25:13comme on l'a vu l'année dernière,
25:15beaucoup de droits communs se sont retrouvés sur le front
25:17parce qu'on leur a promis
25:19de les libérer ou de les pardonner
25:21après avoir combattu et par ailleurs
25:23les salaires sont mis au bolant, ça veut dire
25:25qu'on promet aux hommes russes
25:27des salaires 10 fois supérieurs
25:29à ce qu'ils toucheraient chez eux.
25:31Et ces hommes partent
25:33au front en se disant
25:35je vais y passer 6 mois et je vais
25:37revenir et j'aurai gagné de l'argent et de toute façon
25:39on est vainqueur dans cette guerre.
25:41Ce n'est qu'une fois arrivé sur le front qu'ils se rendent compte
25:43du désastre parce que l'armée russe prend
25:45très très cher et ça la propagande
25:47ne le dit pas.
25:49Et les vétérans qui rentrent,
25:51les soldats qui arrivent à
25:53rentrer du front, il y en a très peu parce qu'on essaie de ne pas
25:55les laisser rentrer et qui commencent à
25:57raconter que tout ne va pas
25:59si bien, n'ont pas le droit vraiment de le raconter.
26:01Et donc
26:03ça ne rentre pas
26:05dans le discours officiel.
26:07Et après la dernière chose c'est qu'il n'a pas besoin
26:09de justifier au sud des russes ce qu'il est en train de faire
26:11et c'est un peu le problème d'un régime autoritaire
26:13c'est que les russes n'ont pas trop leur mot à dire
26:15et qu'ils soient pour ou contre cette guerre, qu'ils y voient
26:17clair ou pas, qu'ils soient conscients ou pas
26:19de la réalité du terrain
26:21ça ne changera pas grand chose
26:23parce que ce n'est pas les russes qui décident
26:25c'est Poutine.