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Au Pérou, c'est par cette tradition que, chaque année, les habitants de la province de Chumbivilcas se battent à mains nues pour régler les conflits et les problèmes de justice au sein de la communauté.

Simon Ruiz nous raconte son expérience.

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Éducation
Transcription
00:00Je suis le premier Français à avoir été invité à participer à la tradition autochtone du Takanakuy,
00:04qui autorise trois jours par an les membres de la communauté à se battre en main nue
00:07pour régler des problèmes de justice, honorer le clan et prouver son courage.
00:12Le Takanakuy, c'est une tradition qui provient du Pérou, dans la région de Chubilicas.
00:17La communauté accepte le fait que l'être humain peut avoir un instinct violent.
00:20On le cultive en société avec des fêtes, avec des rituels, et on le contient en communauté.
00:25Il y a deux ans, j'ai fait un photoreportage sur le Takanakuy
00:28et j'avais bien sympathisé avec l'un des intellectuels du village.
00:31Je lui ai demandé « est-ce que je peux participer ? Est-ce que je peux me battre ? »
00:33Il m'a dit « non, si tu te bats maintenant, ce sera mal vu. »
00:35Ce n'est pas respecter tous les rituels, ce n'est pas respecter ce que la tradition veut transmettre.
00:39Deux ans plus tard, je reçois un message vocal « on a décidé de t'inviter à participer au Takanakuy ».
00:44J'arrive au Pérou, dans la ville qui s'appelle Santo Toma.
00:47Il n'y a pas de police et il n'y a presque pas de tribunaux.
00:51Du coup, ça a été un moyen, et à l'époque il n'y avait que ce moyen,
00:54de régler des problèmes et des petits litiges.
00:56Aujourd'hui, un combat sur deux, ce sont des femmes qui se battent.
00:59L'adversaire, je l'ai connu 4-5 jours avant.
01:01On a commencé à échanger, je lui ai dit mon projet.
01:03Il m'a dit « moi, ça me plairait de participer à ce film et ça me plairait de me battre contre toi. »
01:10Au final, on a créé de l'amitié pendant 4-5 jours.
01:12La veille de Noël, on a mangé en sable chez sa famille.
01:15Donc lui, il était peut-être habitué à avoir ce lien d'amitié et pouvoir se battre le lendemain.
01:21Moi, dans ma culture, quand il y a ce rapport-là,
01:23c'est très difficile de s'imaginer mettre des coups de poing à quelqu'un.
01:26Je doute et je me dis « non, je ne vais pas y aller, je ne peux pas, je ne peux pas y aller. »
01:29Je n'ai pas ce ressenti de vouloir mettre des coups de poing à quelqu'un avec qui je suis bien.
01:35Donc, j'en parle à mon chef opérateur et il me dit « non, tu n'as pas le choix, tu dois y aller. »
01:40On a averti tout le monde, le village est ici pour toi aussi, donc tu y vas.
01:44Le jour J, on m'habille dans une zone des personnages,
01:47parce qu'il faut savoir que pendant le Takanakui, il y a 5 personnages qui sont représentés.
01:51Et moi, j'ai été le personnage du mineur.
01:54Donc, on m'a habillé en mineur, de la tête aux pieds, avec une cagoule.
01:57Et on est allé de maison en maison, essayer de ramener tout le monde
02:01et essayer de ramener le maximum de monde derrière moi pour m'emmener jusqu'à l'arène.
02:04Et à midi, je rentre à l'arène, c'est vraiment plein.
02:08C'est-à-dire qu'il doit y avoir au moins 6 000 personnes.
02:10Plus d'émotion, plus de peur, même pas de joie, même pas de curiosité.
02:14J'étais là, en fait.
02:15C'est un moment particulier parce que c'est du présent à la seconde.
02:20Pendant qu'on me met les bandes sur les mains et qu'on m'enlève le costume,
02:23je garde ma cagoule, je garde ma cagoule et je rentre au milieu de l'arène
02:26parce que je sens que c'est à nous.
02:27Et quand j'enlève la cagoule, il y a un bruit dans l'arène
02:31où je sens un frémissement.
02:34Vraiment, on se demande, mais qui c'est ce mec-là qui est au milieu de l'arène ?
02:38Même l'arbitre est surpris.
02:39Il nous dit, c'est bon, vous pouvez y aller.
02:41Et là, je crois que les deux, lui comme moi,
02:44on est retourné à une espèce d'instinct animal où c'était lui ou moi.
02:49Du coup, on s'est vraiment battu.
02:51On n'a pas retenu nos coups.
02:53Dès qu'il y en a un qui est dominant sur l'autre,
02:56un arbitre, qu'on appelle un rond d'héros,
02:58vient arrêter à coup de fouet le combat pour dire stop, ça y est, vous êtes exprimé.
03:02Tout le monde l'a vu.
03:03Maintenant, un câlin de l'amitié et chacun chez soi.
03:06Après le combat, c'est fou.
03:08On a fait la fête pendant, je ne sais pas, dix heures d'affilée.
03:11On a bu ensemble, on a partagé à manger.
03:13Tout le monde est venu me voir, m'a fait des accolades, m'ont dit,
03:18ça y est, tu fais partie de la famille, tu es un tubibilcanos.
03:21Un membre de la famille chez qui j'étais, qui m'a pris par le cou et qui m'a dit,
03:24bon, je t'invite à te battre avec moi l'année prochaine
03:28pour le jour de Noël pour le taquin à la couille.
03:29Je l'ai remercié, mais je pense que je ne le ferai plus.
03:31Moi, le projet, c'est vraiment de montrer à travers mes immersions
03:34que chez l'autre, avec un grand A, il y a des notions,
03:38une philosophie qui peut nous bousculer, nous, comme occidentaux.

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