Gérard Araud, ancien ambassadeur aux États-Unis et en Israël, était l'invité du Face à Face ce mardi 25 février. Il a évoqué notamment la guerre en Ukraine et le rôle de l'Europe et des États-Unis.
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00:00Et bonjour Gérard Harraud, merci d'être mon invité ce matin. Ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis
00:05et ancien ambassadeur de France en Israël, ancien représentant de la France également à l'ONU.
00:09Votre dernier livre, Israël, le piège de l'histoire, est paru l'an dernier aux éditions
00:14Talendier et on a beaucoup de sujets à voir avec vous ce matin. Gérard Harraud a commencé évidemment par ce qui s'est joué hier à la Maison-Blanche.
00:21Plusieurs rencontres entre Emmanuel Macron et Donald Trump au terme desquelles
00:25s'est tenue cette conférence de presse très dense que vous allez nous aider à décrypter. Mais d'abord, ce qu'il faut retenir ce matin à l'échelle de l'histoire,
00:33est-ce que depuis trois ans on n'a jamais peut-être été si proche de la fin de la guerre ?
00:39Vous savez trois ans, c'est 1917, pour trois ans de la Première Guerre mondiale, une guerre épuisante.
00:45Les Ukrainiens se défendent courageusement mais leur pays est ravagé et il y a aujourd'hui une évidence,
00:53hélas, mais les Ukrainiens ne récupéreront pas les territoires qu'ils ont perdus et donc le moment est sans doute venu de dire
01:01arrêtons les combats. Et la proposition de Donald Trump en elle-même n'est pas une proposition absurde, une sorte d'armistice
01:09sur les lignes de front et des garanties de sécurité
01:13données à ce qui restera de l'Ukraine pour que l'Ukraine reste un pays indépendant.
01:17On vous évoquait
01:19la guerre de 1914-1918-1917 il y a quelques instants et ça évidemment ça m'amène à ces mots d'Emmanuel Macron hier qui dit
01:24nous avons déjà connu des accords de paix qui n'étaient finalement que des cessez-le-feu,
01:29alors lui c'est en référence aux accords de Minsk, mais à l'issue des échanges d'hier, pour bien comprendre, et vous êtes un diplomate
01:35aguerri, on parle de faire taire les armes, momentanément, on parle bien de paix, d'une paix durable.
01:42Tout le monde parle de paix durable, mais je dois reconnaître que personnellement, en tant que diplomate, je ne vois pas comment on pourrait avoir
01:49un traité de paix, parce que les russes ont annexé quatre provinces de l'Ukraine et ils n'en occupent que deux,
01:54et ils n'accepteront pas de traité de paix sans avoir les deux qui ne l'ont pas occupé,
01:59évidemment les Ukrainiens ne vont pas les céder, donc je pense qu'il est normal que l'on parle,
02:03tout le monde dit la paix, la paix, mais je pense que le vrai objectif ce sera sans doute un armistice,
02:10comme on le connaît en Corée, et l'armistice en Corée y tient depuis 1953.
02:16Vous êtes mesuré ce matin Gérard Arnault, le Président l'était aussi hier, on sentait dans ses propos qu'il était moins
02:24enthousiaste, ou en tout cas qu'il attendait plus de garanties, notamment de garanties de sécurité pour l'Ukraine, pour s'assurer précisément de cette paix
02:31pérenne. Pourquoi autant de prudence ? Est-ce que c'est parce qu'on ne sait pas exactement ce que Donald Trump a en tête,
02:37le détail de ce deal, de cet accord qu'il s'apprête à signer, dit-il,
02:41dans les semaines prochaines avec l'Ukraine, ou est-ce que c'est parce qu'on sait ce qu'il y a dedans et que
02:46les garanties n'y sont pas, les garanties de sécurité, pour s'éviter à l'avenir de nouvelles incursions russes sur le territoire européen ?
02:53Je pense que d'abord, comme tous les Européens, le Président de la République et les Ukrainiens, le Président de la République est quand même inquiet
02:58par les signaux qui sont envoyés par les Etats-Unis. Hier, ce qui est quand même sans précédent dans l'histoire,
03:05à l'Assemblée Générale des Nations Unies, les Etats-Unis, vous vous rendez compte, ont voté avec la Russie, la Corée du Nord, l'Erythrée, le Nicaragua,
03:14contre tous leurs alliés occidentaux, et ont refusé de qualifier
03:20la Russie d'agresseur de l'Ukraine. Et on a tous ces messages qui semblent prouver, en réalité, une sorte d'amitié, de rapprochement
03:29personnel entre Donald Trump et
03:31Poutine. Et donc, l'inquiétude de tous les Européens, c'est que Trump ne livre l'Ukraine pied et main lié à la Russie.
03:39Et donc, d'une certaine manière, vous savez, le voyage d'Emmanuel Macron à Washington était un peu un voyage de la dernière chance.
03:47C'est pour... Les Européens se sont très inquiets,
03:51et il est allé là-bas un petit peu pour éviter le pire. Il était le seul...
03:54Il a réussi à l'éviter, le pire ?
03:56Il était le seul à pouvoir le faire d'abord, parce que, bon, les Allemands sont en élection, les Britanniques ont quitté
04:01l'Union Européenne, et lui a conservé de bonnes relations avec Donald Trump.
04:05J'étais ambassadeur au cours du premier mandat de Donald Trump, et je peux en témoigner. Il a su, et ce qui n'est pas facile,
04:11avec ce personnage un peu versatile et colérique, il a su maintenir une bonne relation de travail. Donc, il est allé...
04:18C'était vraiment mission impossible. C'était un peu mission impossible, et il a essayé de faire de son mieux.
04:24Est-ce qu'il a réussi ? Puisque c'est votre question.
04:27Je crois que nous le verrons dans les jours qui viennent.
04:31Est-ce que le message...
04:33On s'est parlé, mais est-ce que vous êtes sûr ? Vous venez de rappeler qu'effectivement, Gérard Haraud, vous l'avez côtoyé de près, Donald Trump.
04:39Est-ce que vous pensez qu'il a compris ce que veulent les Européens ?
04:42Oui, le problème, c'est que Donald Trump peut-être a compris ce que veulent les Européens,
04:45mais d'une certaine manière, les Européens lui sont profondément indifférents, comme d'ailleurs que le reste du monde.
04:51Pour lui, il n'y a qu'une chose, c'est qu'il veut pouvoir aller sur Fox News pour dire, j'ai rétabli la paix.
04:58Mais d'une certaine manière, le rétablir à n'importe quel prix.
05:00Vous savez, il y a deux exemples de négociations de Donald Trump, qu'on compte de son premier mandat.
05:04Il y a la négociation qu'il avait menée avec la Corée du Nord.
05:08Eh bien, au bout d'un certain temps, les Nord-Coréens étant difficiles, il s'est découragé, il est rentré chez lui.
05:14Il a laissé tomber. Et puis, il y a la seconde, c'est une négociation avec les Talibans, où il a tout lâché.
05:19Je connaissais le négociateur américain qui me disait qu'il appelait la Maison-Blanche en disant, mais ce n'est pas possible, ce n'est pas possible.
05:25Et on lui disait, le président veut un accord, le président veut un accord.
05:29– Il l'a redit hier, il a dit, c'est ce que je fais, je fais des deals, je fais des accords.
05:32– Voilà, et donc, nous sommes menacés de scénarios un peu catastrophes, où il laisse tout, il lâche tout à Poutine.
05:39Ou au contraire, il se dit, puisque les Ukrainiens résistent, eh bien moi, je rentre chez moi en disant que c'est la faute des Européens.
05:46Et nous nous retrouverions seuls face à Poutine.
05:49– Donc, ce que vous nous dites ce matin, Gérard Haraud, c'est que hier,
05:52vous étiez présenté la possibilité d'un accord dans les toutes prochaines semaines, rien n'est fait.
05:57– Rien n'est fait, mais il peut y avoir un accord dans les semaines ou dans les mois qui viennent, tout dépendra de Poutine.
06:04Au fond, la question, et c'est ça qui est terrible, c'est Poutine.
06:06– C'est lui qui a repris la main.
06:07– C'est lui qui a repris la main.
06:08Poutine peut se dire, soit, comme au poker, je prends mes gains,
06:12et donc je profite du fait que Trump, et puis j'obtiens à peu près ce que je veux,
06:16et ce qu'il veut, c'est évidemment une neutralisation de l'Ukraine pour en faire une bielle aux Russies.
06:21Soit il se dit, puisque Trump lâchera l'Ukraine, je continue la guerre, et comme ça, j'obtiendrai tout ce que je veux.
06:28– Gérard Haraud, ce qui est incroyable et qui nous surprend, vu de ce côté-ci de l'Atlantique,
06:33mais qui ne vous surprend peut-être pas vous, qui effectivement connaissez bien Donald Trump,
06:37c'est à quel point l'argent est au cœur du discours américain, le nerf de la guerre,
06:40au sens premier du terme, ce que dit Donald Trump hier,
06:44c'est qu'on a beaucoup donné et on n'a rien reçu en retour.
06:47Est-ce que ce n'est que déclamatoire ou est-ce que c'est une donnée qu'il faut avoir en tête ?
06:49Est-ce que c'est une donnée structurante de la prise de décision de Donald Trump ?
06:52– Oui, Donald Trump est un homme d'affaires, et donc c'est pas du tout du discours,
06:58c'est un véritable racket, il faut se mettre à la place des Ukrainiens.
07:02Les Ukrainiens qui se battent depuis trois ans, et là, d'un seul coup,
07:05un de leur soutien, leur soutien principal, leur met le couteau sous la gorge.
07:09– Vous dites ça parce que Donald Trump dit, il faudra nous payer en retour,
07:12à travers les terres rares dont dispose l'Ukraine,
07:15un certain nombre de minerais qui sont utiles, notamment pour la tech.
07:19– Et non seulement il dit ça, mais en plus il dit ça en donnant un chiffre 500 milliards,
07:22c'est quand même trois fois l'aide effective qui a été versée par les États-Unis.
07:27Et donc vous avez des Ukrainiens pris à la gorge,
07:29et donc Zelensky essaye de tirer quelque chose de positif de ça en disant,
07:36d'accord, d'abord pas pour 500 milliards évidemment,
07:39je ne vais pas, dit-il très justement, endetter les Ukrainiens pour 10 générations,
07:43mais nous voudrions avoir en échange une garantie de sécurité de la part des États-Unis.
07:48Et je ne suis pas sûr qu'ils l'obtiennent.
07:50– Vous évoquez l'intégrité territoriale, Gérard Haraud,
07:52vous dites, il faut se résoudre à ce que l'Ukraine ne récupère ni la Crimée,
07:57ni peut-être le Donbass, et vous évoquez les deux autres provinces
08:00qui n'étaient pas administrées, occupées par les Russes.
08:05Pourquoi est-ce que ce point-là précisément est si peu important aussi pour les Américains ?
08:11Il l'est pour les Européens, Emmanuel Macron,
08:13on l'a entendu plusieurs fois hier parler de la souveraineté ukrainienne,
08:16de l'intégrité ukrainienne.
08:18Effectivement, vous rappeliez ce vote à l'ONU
08:20où les États-Unis mettent complètement de côté cette donnée-là,
08:23pourquoi c'est si peu important ?
08:25– Vous savez, je dirais d'abord que c'est l'Ukraine qui est peu importante en soi,
08:28c'est-à-dire que vous avez ce conflit,
08:30et Trump finalement veut mettre un terme à tous les conflits
08:33où les États-Unis sont engagés.
08:35Mais il veut mettre un terme à tous les conflits,
08:38l'Ukraine en soi lui est indifférente,
08:40il veut simplement que les États-Unis s'en tirent plutôt bien.
08:44Donc s'en tirent plutôt bien financièrement avec, je dirais,
08:47ce racket organisé aux dépenses de l'Ukraine,
08:50puis lâcher des provinces ukrainiennes, il n'en a vraiment rien à faire.
08:54– Et les Européens, on les a entendus à plusieurs reprises dire
08:58que cela faisait partie des critères de discussion de la paix
09:03que Kiev décidera de ce qui est acceptable,
09:07enfin on a entendu Emmanuel Macron,
09:09on a entendu les Allemands à plusieurs reprises
09:11dire que c'était une donnée importante.
09:14– Ils étaient obligés pour des questions de principe,
09:16ils ne vont pas céder des territoires qui ne leur appartiennent pas,
09:19l'intégrité territoriale, le droit international.
09:21– Mais l'Europe peut se dédier sur ce point ?
09:23– Mais c'est fait, le président de la République,
09:25je pense dans l'émission TikTok qu'il a organisée,
09:29dit à un moment que l'Ukraine ne récupérera pas tous ses territoires.
09:35Non, là c'est du réalisme, vous avez un Ukraine,
09:38la disproportion des moyens militaires entre l'Ukraine et la Russie
09:41est telle que dès 2023, le chef d'état-major de l'armée américaine,
09:45sous Biden, disait que l'Ukraine ne récupérera pas les territoires perdus.
09:50– Vous parlez parfaitement la langue de la diplomate Schiraro
09:53et je voulais savoir, également parmi les inconnus
09:55de ce qui peut se passer dans les prochains jours,
09:57dans les prochaines semaines, il y a des questions en suspens,
10:00Vladimir Poutine est poursuivi sous le coup d'un mandat d'arrêt
10:04de la Cour pénale internationale, il y a des sanctions européennes
10:07et américaines avec des avoirs russes qui sont gelés,
10:12il y a le coup de la reconstruction à venir en Ukraine,
10:15comment ça se passe la paix ? On efface tout ?
10:16C'est-à-dire la Cour pénale internationale, on met de côté les avoirs,
10:20ils retournent aux oligarques, la reconstruction,
10:23on essaye de voir ce qui est possible de le faire sans que ça coûte trop cher ?
10:25– La Cour pénale internationale, ça nous échappe, c'est à la Cour,
10:28la Cour est un tribunal indépendant et donc ce sera la Cour qui décidera.
10:35Le Conseil de sécurité peut simplement suspendre pendant un an
10:39un acte d'accusation de la Cour pénale internationale si je ne me trompe pas.
10:43En ce qui concerne les sanctions contre la Russie,
10:46sanctions américaines et sanctions de l'Union européenne,
10:49elles seront à l'évidence une partie du deal,
10:52voilà, tu me donnes ça, je te donne ça, c'est ça une négociation,
10:56et donc évidemment les Russes vont demander la levée…
10:59– C'est-à-dire que Donald Trump pourrait dire aux Russes,
11:00il n'y aura plus de sanctions et je lève les sanctions et je dégèle les avoirs.
11:03– Et le problème auquel nous nous heurtons,
11:05c'est qu'on a un peu l'impression que, comme je le disais,
11:07comme avec les talibans, il donne tout,
11:09il a déjà donné l'intégrité territoriale de l'Ukraine,
11:13il peut en effet, du jour au lendemain, donner également les sanctions.
11:20Et du côté européen, les sanctions, on les renouvelle à l'unanimité,
11:24tous les six mois ou tous les un an, et donc si les Américains lèvent les sanctions,
11:30est-ce que les Européens, il y aura l'unanimité pour maintenir les sanctions,
11:34avec des pays comme la Slovaquie, la Hongrie, et maintenant…
11:39alors l'Italie reste très anti-russe, donc là il n'y a pas de problème,
11:44mais à l'évidence, il y aura de plus en plus de pays européens qui vont dire,
11:48et notamment peut-être l'Allemagne, qui vont dire,
11:50arrêtons, ça nous coûte assez cher, les Américains ont lâché, lâchons nous aussi.
11:55– Ces pays-là, pour autant, ils pourraient se retrouver dans cette force commune
12:01qui serait déployée en Ukraine pour garantir les conditions de la paix,
12:06Emmanuel Macron en a parlé à plusieurs reprises,
12:08les garanties de sécurité, c'est de cela dont on parle,
12:10c'est une force pacifique déployée sur le sol ukrainien.
12:13– Alors c'est l'essentiel de la négociation,
12:15comme le territorial, comme je le disais, plus ou moins lâché,
12:17il reste que si les russes vont dire, le reste de l'Ukraine doit être neutre,
12:23c'est-à-dire que ce serait un moyen pour la Russie, évidemment,
12:26d'imposer, de mettre l'Ukraine dans sa sphère d'influence,
12:30de la transformer en une sorte de Belarus bis,
12:33et donc à garantie de sécurité, et l'idée serait d'une force européenne,
12:40qui d'ailleurs est organisée autour de la France et du Royaume-Uni,
12:43qui s'installerait en Ukraine, pas sur les lignes de front,
12:46mais derrière les lignes de front, prête à intervenir,
12:49si le conflit reprenait aux côtés des Ukrainiens.
12:53Mais ça, encore faut-il que les russes l'acceptent,
12:55dans l'accord qui va être signé, et les russes ont déjà dit…
12:58– D'après Donald Trump, Vladimir Poutine lui aurait assuré
13:01qu'il ne voyait aucune difficulté à cela.
13:02– En tout cas, non, Poutine a dit qu'il n'avait aucune objection
13:08à ce que les Européens participent à la négociation,
13:11mais Vlavrov, le ministre des Affaires étrangères russe,
13:13a dit très clairement, nous n'accepterons pas
13:16la présence de troupes européennes en Ukraine.
13:19– Donc à ce stade, ce n'est pas…
13:21– Alors à ce stade, il y a une autre hypothèse qui était de dire
13:23de faire une force européenne qui serait aux frontières de l'Ukraine,
13:27qui serait en Pologne et en Roumanie, prête, une force prête à intervenir.
13:32– Et ça éventuellement, ce serait un scénario plus acceptable pour…
13:34– Les russes ne pourraient rien dire, ça ne regarderait que la Russie.
13:38– Les élections allemandes, le nouveau chancelier Friedrich Merz,
13:44est-ce que sa nomination là-dessus, dans ce contexte,
13:49est un atout pour l'Europe ?
13:52Est-ce qu'il est davantage aligné avec Emmanuel Macron
13:54sur ce qu'il faut faire sur le dossier ukrainien,
13:56là où on avait pu voir par le passé des divisions
13:59au sein du couple franco-allemand ?
14:00– Alors d'abord, si on s'en tient aux déclarations,
14:03les déclarations du nouveau chancelier,
14:05du futur chancelier allemand Friedrich Merz
14:07sont absolument révolutionnaires.
14:09L'Allemagne était le pays le plus atlantiste, le plus lié aux États-Unis,
14:14c'est parmi tous nos partenaires.
14:17Vous savez, pendant 30 ans, quand j'étais au Quai d'Orsay,
14:19je me battais pour la défense européenne,
14:21j'avais en face de moi l'Allemagne qui n'en voulait pas,
14:24parce que pour elle, la défense européenne, c'est l'OTAN.
14:27Eh bien là, avec Merz, on est dans une toute autre logique,
14:30il affirme qu'il faut une organisation de défense européenne,
14:34il dit qu'on ne peut plus faire confiance aux États-Unis,
14:37donc maintenant, il faudra voir,
14:38il va falloir qu'il négocie un accord de coalition
14:41avec d'autres partis allemands, et notamment le SPD, peut-être les Verts,
14:45et on verra ce qu'il en sortira,
14:47mais c'est vraiment, ne mégotons pas notre plaisir,
14:50nous avons attendu ça des Allemands pendant 30 ans,
14:53ça a l'air d'arriver, youpi !
14:56– Donc si j'apportais une note d'optimisme, je dirais,
14:58l'Europe est fragilisée, mais elle a quelques atouts
14:59pour aborder les semaines à venir.
15:01– Mais naturellement, nous avons un PIB
15:04qui doit être dix fois le PIB de la Russie,
15:07nous sommes 450 millions, nous avons de nombreux atouts,
15:11mais encore faut-il avoir confiance en nous-mêmes.
15:13– D'un mot Gérard Arnault, pour clôturer ce chapitre important
15:16de cette possible paix armistice entre l'Ukraine et la Russie,
15:23hier, il n'a pas été question de l'OTAN, de l'organisation transatlantique,
15:29ce parapluie de protection des Américains sur l'Europe,
15:34il fut un temps évoqué l'idée que l'Ukraine puisse rejoindre l'OTAN.
15:38Vladimir Zelensky a même déclaré ces derniers jours,
15:40je suis prêt à démissionner si cela permettait à l'Ukraine d'intégrer l'OTAN.
15:45Ça, Gérard Arnault, on est d'accord, c'est une idée
15:47qui est complètement enterrée aujourd'hui, qui n'existe plus.
15:49– Non, elle n'a à vrai dire jamais vraiment existé,
15:53nul n'a jamais pensé que l'Ukraine rejoindrait l'OTAN
15:56à part Georges de Liouboubouche il y a 15 ans,
15:58et donc autant envahir l'Ukraine à cause de ça
16:02était un prétexte russe, mais aujourd'hui il est évident,
16:06l'Ukraine ne rejoindra pas l'OTAN au moins dans les 20 ans qui viennent.
16:10– Gérard Arnault, je rappelle que vous étiez l'ambassadeur à Washington
16:14sur les deux premières années et demie,
16:15notamment sur les deux premières années et demie
16:17de Donald Trump à la Maison Blanche jusqu'en juillet 2019,
16:19qu'est-ce qui vous étonne le plus dans le début de ce second mandat ?
16:22On a l'impression que c'est un président américain plus débridé
16:26que lors de sa première élection.
16:27– Lorsqu'il a été élu en 2017,
16:29d'abord il a été surpris lui-même de sa propre élection,
16:32puis il ne connaissait rien, il ne savait rien,
16:33il n'avait jamais fait de politique, il n'avait personne autour de lui,
16:38et donc il est arrivé un peu en hésitant,
16:41il s'est entouré finalement de politiciens conservateurs traditionnels,
16:46il a pris le PDG d'Exxon comme secrétaire d'État,
16:51il a pris des généraux un peu partout, et puis là c'est fini,
16:55parce que là il pense qu'il connaît bien ce que ça veut dire gouverner,
16:59il s'est entouré de gens aussi extrémistes que lui,
17:02il a visiblement préparé un programme,
17:06et il met son programme à exécution,
17:10et je dirais en plus dans une réalité, une logique de radicalisation,
17:15radicalisation personnelle et aussi radicalisation du parti républicain
17:20qui est définitivement Trumpifié.
17:22– Avec des déclarations très étonnantes,
17:25et c'est un euphémisme côté européen,
17:27lorsque l'on entend dire par exemple Donald Trump
17:30qu'il compte transformer Gaza en station balnéaire,
17:35on se demande, parce que par parallélisme des formes,
17:37tout le monde s'était moqué de Donald Trump qui disait
17:39je vais arrêter la guerre en Ukraine en arrivant en 48 heures,
17:43quand il dévoile ses plans pour Gaza, on peut le prendre au sérieux ?
17:48– C'est très compliqué parce que je ne connais pas une déclaration de Trump
17:52qui n'ait pas été démentie, corrigée ou oubliée le lendemain,
17:56c'est-à-dire il y a d'un côté cette manière qu'a Trump d'occuper le terrain,
18:01c'est lui qui dicte l'agenda des médias,
18:03et donc tout le monde réagit à ces déclarations,
18:06et puis ensuite il y a les actions,
18:08et l'action de Trump, et ces actions sont souvent assez différentes,
18:13parce qu'au fond c'est aussi un pragmatique,
18:15vous voyez c'est un homme d'affaires, un pragmatique,
18:17et il sait faire marche arrière quand il faut le faire,
18:22et donc pour vous les journalistes c'est quand même différent,
18:26évidemment qu'on réagit aux déclarations,
18:28surtout spectaculaires du président des États-Unis,
18:31– On se demande à quoi il faut s'attendre pendant les 4 ans et demi.
18:33– Voilà, à peu près pendant 4 ans,
18:34tous les jours vous allez avoir du Trump au petit-déjeuner,
18:37au déjeuner, au dîner, c'est hélas,
18:39mais il faut peut-être aussi prendre du recul
18:42et de regarder effectivement ce qu'il fait,
18:45alors là il n'est là que depuis un mois et 5 jours,
18:48donc c'est un peu tôt pour prendre du recul.
18:51– Et je retiens ce matin Gérard Haraud,
18:53votre tempérance face à ce qui a pu être annoncé hier,
18:57prudence, il faudra voir ce que contient l'accord proposé par Donald Trump,
19:02est-ce qu'il ne cède pas tout à Vladimir Poutine ?
19:04J'entends le langage de la diplomatie,
19:07et je rappelle que vous avez été ambassadeur de France aux États-Unis,
19:10en Israël et ancien représentant également de la France à l'ONU, aux Nations Unies,
19:15merci beaucoup à vous d'être venu ce matin sur ce plateau Gérard Haraud,
19:19il est bientôt 8h52, il est 8h52 sur BFMTV et RMC.