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00:00Bienvenue au Coeur du Crime, un podcast ici des Archives d'Europe 1.
00:08Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la gendarmerie nationale ?
00:18Je m'appelle Jan Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:27Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:42L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:56Je m'appelle Larry Leffinwell, je suis sous-caissier à la Banque Populaire de Hawkingston.
01:08Je suppose que la plupart des gens doivent penser en me voyant, si toutefois ils pensent quelque chose de moi, que je suis un garçon insignifiant et fallot.
01:20Je ne me fais aucune illusion sur moi-même.
01:24À 46 ans, je n'ai plus que quelques cheveux roussâtres, mes yeux sont ridiculement grossis par mes lunettes au verre épais comme des culs de bouteille
01:34et mon nez forme toujours cette proéminence bizarre pour laquelle j'ai engagé bien des combats désespérés dans ma jeunesse.
01:42Mes 53 kilos sont répartis avec plus ou moins de bonheur sur un châssis d'un mètre 62
01:50et mon penchant pour le whisky a eu pour effet de concentrer ce poids vers la ceinture, ce qui me donne une silhouette de qui, de jeu de boule ?
02:02Mais qu'importe le physique de l'homme, n'est-ce pas, c'est l'esprit, l'intelligence, le psychisme qui compte.
02:08Et pour ce qui est de la valeur, moi, Larry Leffinguel, un matin, alors que je suis assis à mon guichet, j'entends dehors le klaxon d'une voiture devant la banque.
02:24Je jette un coup d'œil au dehors et j'aperçois l'oncle Fargo au volant d'une jolie petite voiture de sport qui me fait des signes amicaux.
02:34Blottée à ses côtés, une jolie blonde que j'ai déjà perçue une ou deux fois en s'accompagnant, mais dont le nom m'échappe pour le moment.
02:44Fargo Leffinguel, mon oncle, l'oncle que j'idolâtre depuis mon enfance, voilà au moins un homme qui sait vivre.
02:56Il mène joyeuse vie sans se soucier du qu'en dira-t-on et sans pour autant dilapider sa fortune tant elle est importante.
03:04Certes, j'en ignore et l'origine et le montant exact, mais je constate qu'il peut satisfaire tous ses caprices.
03:12Je ne l'ai jamais vu à cours d'argent. Il ne conduit que des voitures dernier cri, voyage de par le monde, fume les cigares les plus coûteux et boit du scotch de vingt ans d'âge comme d'autres boivent de l'eau du robinet.
03:28Et à plus de soixante-quinze ans, il fait toujours jeune.
03:34L'oncle Fargo ne s'est encore jamais marié. Sa famille se compose de onze neveux et nièces, au nombre desquelles je me compte.
03:42Tous rejetons de ses deux frères décédés depuis Belle-Lurette.
03:46Je reconnais que je fonde beaucoup d'espoir sur le moment où l'oncle quittera cette vallée de larmes en nous léguant tous ses précieux biens terrestres.
03:59J'avoue que je suis parfois un peu impatient de voir arriver ce jour.
04:06Naturellement, il va sans dire que le plus discrètement du monde, je surveille le compte en banque de l'oncle avec le même soin jaloux que s'il s'agissait du mien.
04:18J'en connais le montant à un centime près, et pour cause, je le contrôle tous les jours.
04:24Il tourne en principe autour des dix mille dollars, mais ce n'est là que de l'argent de poche, si l'on peut dire.
04:33Mon oncle possède en outre toute une série d'immeubles, ainsi que celui qui abrite la banque où je travaille.
04:41Il a aussi acheté des terrains. Bref, j'évalue en gros sa fortune à deux ou trois cent mille dollars.
04:49J'ai aussi plus d'une fois divisé cette somme par onze, tenant pour acquis qu'il partagera équitablement ses biens entre ses héritiers,
04:58ce qui est une supposition raisonnable compte tenu du fait qu'il ne semble favoriser aucun de nous en particulier.
05:05Je ne peux donc compter personnellement que sur environ vingt-cinq mille dollars, à quelques dollars près.
05:12J'y compte même fermement, et même si j'aime beaucoup mon oncle,
05:17j'avoue que j'attends le jour de son enterrement avec la même ferveur que le passage du Père Noël lorsque j'étais enfant.
05:27Ma carrière à la banque a atteint son apogée, et je ne risque pas de m'élever bien haut.
05:33Je sais que je ne serai jamais rien de plus que sous-caissier.
05:38Du papier, un crayon et cinq minutes devant moi me suffisent pour calculer le montant total de mes gains jusqu'à l'âge de la retraite.
05:46Inutile de préciser que, dans ces conditions, je ne risque guère de pouvoir réaliser mon rêve, qui est de vivre sur le même pied que mon oncle Fargo.
05:57Mais ce qui me fascine réellement, c'est son coffre à la banque.
06:03C'est moi qui m'occupe de ce service, ce qui pique d'autant plus ma curiosité.
06:08À ma connaissance, il n'y a pas touché depuis le jour où il l'a loué, voici bientôt quatre ans.
06:14Alors que contient-il, ce coffre ?
06:17Hein ? Des titres ? Des actions ? Des polices d'assurance ? D'autres documents ?
06:24Je finis un beau jour par avoir la clé de ce mystère, après une suite d'événements assez curieux.
06:31C'est un vendredi, juste avant la fermeture.
06:34L'oncle Fargo passe à la banque pour m'inviter à dîner chez lui.
06:38De toute évidence, il a déjà absorbé plusieurs verres de son whisky préféré et il est, comme toujours, de très très bonne humeur.
06:46J'accepte aussitôt, promettant de venir vers huit heures.
06:50Mon oncle habite une immense maison de style colonial tout près de la rivière.
06:56Quand je garde mon vieux taco derrière la jolie petite voiture de sport, j'entends la stéréo qui braille à plein tube de la musique d'Offenbach.
07:06Cette musique colle parfaitement avec le personnage.
07:10«Entre donc, Larry ! Entre ! Nous allons passer une bonne petite soirée à écouter des disques en buvant du whisky ! »
07:18Mon oncle me reçoit, comme toujours, d'une manière fort charmante.
07:23Quels que soient ses défauts, on ne peut pas accuser cet homme d'avarice.
07:27Sa table est, comme toujours, généreuse.
07:32Mon seul problème, quand il m'invite chez lui, c'est de retrouver ensuite ma petite chambre minable.
07:40Après le repas, fort délicieux, mon oncle débouche une nouvelle bouteille de whisky de vingt ans d'âge
07:47et nous allons nous asseoir sur la véranda qui domine la rivière, où il me régale d'anecdotes sur ses voyages tout en continuant à boire.
07:56Tant et si bien qu'à dix heures et demie, tassé sur son fauteuil en rotin, mon oncle ronfle à grands bruits.
08:05C'est alors que, probablement sous l'effet de l'alcool, je mets pour ma part, sans l'avoir aucunement prémédité, à fouiller la maison.
08:16Et je découvre la clé du coffre de mon oncle à la banque, jetée négligemment au fond d'un tiroir de son bureau.
08:24Mon seul motif, jusque-là, était la curiosité.
08:28Mais il me vient maintenant l'idée qu'avec cette clé, il me sera très simple de jeter un coup d'œil dans le coffre.
08:36Chacun sait que l'ouverture d'un coffre de banque nécessite deux clés,
08:42celle qui reste en possession du propriétaire et l'autre, celle de la banque.
08:47Étant moi-même responsable des coffres, je dispose à présent des deux clés.
08:54J'en mettrai discrètement la clé de mon oncle à sa place lors d'une prochaine visite.
09:00Pour l'heure, j'aide mon bon oncle à gagner son lit. Il ne s'est aperçu de rien.
09:08Le lundi suivant, je guette impatiemment l'instant propice qui se présente en fin de matinée.
09:15Tout le monde est occupé. Mlle Landry, la comptable, s'empresse auprès d'un client.
09:21Le directeur, M. Hotchkiss, est avec un autre client dans son bureau.
09:26Alors je me précipite au sous-sol, et tout en surveillant mes arrières,
09:32je me hâte d'ouvrir le coffre de mon oncle au moyen des deux clés.
09:39Mon Dieu !
09:43Le spectacle qui s'offre à moi fait se dresser sur ma tête le peu de cheveux qui m'en reste.
09:54Mais quel est donc le contenu de ce coffre ? C'est ce que vous saurez dans quelques instants.
10:03Sous-caissier dans une petite banque, Larry Leffingwell, 46 ans, est le neveu d'un oncle richissime, l'oncle Fargo.
10:13Ce dernier, personnage au demeurant fort sympathique, a loué dans la banque un coffre.
10:20Un coffre auquel, fort bizarrement, il ne touche jamais.
10:25L'oncle Fargo invite Larry à dîner chez lui.
10:29Profitant de ce que son oncle est ivre, Larry, poussé par la curiosité, fouille la maison et finit par découvrir la clé de son coffre.
10:39Larry, en tant que responsable de la salle des coffres à la banque, dispose de l'autre clé.
10:45Dès le lendemain, profitant de ce que les autres employés sont occupés,
10:49Larry s'empresse d'ouvrir le coffre de son oncle, dont nous allons découvrir le contenu en même temps.
10:57Le coffre est plein de liasses de billets soigneusement empilés.
11:02Il ne reste pas un centimètre cube de vide et il n'y a que des billets de cent dollars.
11:08En banquier expérimenté, j'évalue rapidement l'ensemble.
11:12Il y a là au moins un demi-million de dollars en billets de cinquante et cent dollars.
11:17Mon Dieu ! Un demi-million de dollars !
11:23Je suis obnubilé par le contenu du coffre et je ne peux m'empêcher d'essayer de diviser mentalement.
11:30Cinq-cent-mille par onze.
11:33Mais au fait, pourquoi devrait-on partager ?
11:38Les comptes en banque et les biens immobiliers doivent être partagés, mais le contenu de ce coffre secret,
11:46n'y a-t-il pas un moyen ?
11:49Ce coffre est le secret d'Oncle Fargaut et seule une fiche dans mon classeur prouve qu'il l'a loué.
11:55Une fois par an, il m'en paie la location comptant.
11:58Faire disparaître de la banque tout document prouvant cette location me serait très facile.
12:06Le cœur battant, je cours me réfugier dans mon bureau où je me prends la tête dans les mains.
12:11Bon sang, bon sang, bon sang ! Nous serons les seuls à l'avoir.
12:16Bon sang, bon sang, bon sang ! Nous serons les seuls, absolument les seuls, l'oncle et moi,
12:22à connaître l'existence de ce coffre si je fais disparaître cette fiche.
12:29C'est à cet instant précis que l'idée du meurtre s'impose à mon esprit.
12:37Meurtre.
12:39Le terme en soi est assez déplaisant, mais si je n'agis pas,
12:43je ne récolterai que le onzième de sa fortune à la mort de mon oncle.
12:48En outre, il est probable que ce dernier, apparemment éternel, en dépensera une bonne partie
12:53ou peut-être même bien la totalité avant de disparaître.
12:57Et puis je ne rajeunis pas.
13:01Et si je veux avoir le plaisir de dépenser de l'argent un jour, il me faut me dépêcher de devenir riche.
13:08Naturellement, je n'ai pas la moindre animosité contre l'oncle Farko,
13:12mais il faut aussi que je pense à moi et que je prenne toutes les précautions
13:16pour qu'on ne puisse pas m'accuser de sa mort.
13:19Naturellement, je veillerai à ce que tout se passe au mieux pour lui.
13:26Dès le lendemain, je mets à exécution la première phase de mon projet.
13:30Je commence par retirer l'argent du coffre petit à petit
13:33et je découvre à ma grande joie que j'en ai sous-estimé le montant.
13:37Je m'enrichis ainsi de six cent mille dollars.
13:41Avec la plus grande prudence, j'emporte les billets chez moi
13:44ou je les glisse sous mon lit, dans un carton.
13:48Le jour suivant, je détruis la fiche indiquant que l'oncle Farko a loué un coffre.
13:55Pour exécuter mon plan jusqu'au bout, il ne me reste plus qu'à tuer mon oncle Farko.
14:05Pour un homme un peu astucieux, un meurtre est chose facile.
14:09L'oncle Farko a la passion des voitures de sport.
14:12D'autre part, il a plus de soixante-quinze ans.
14:14Qui s'étonnera qu'il trouve la mort dans un accident de la route ?
14:18Personne.
14:21Je lui téléphone le jeudi pour lui demander si je peux lui rendre visite le soir
14:24en lui expliquant que j'ai besoin d'un conseil.
14:28Aimable comme toujours, il me répond de venir quand je veux.
14:33Et le soir même, il m'accueille sur le seuil, un verre à la main.
14:37« Qui est-il, mon garçon ? Tu n'as pas d'ennui, j'espère ? »
14:42Je traverse le salon.
14:44Je m'approche de la cheminée où je saisis le tisonnier d'un air apparemment détaché
14:48avant de répondre « Non, non, mon oncle Farko, non, non ».
14:53Déjà, je me retourne pour lui faire face.
14:56À quelques centimètres de moi, il lève son verre et boit une gorgée
15:00attendant mes explications.
15:02D'un geste vif, je lève le tisonnier et, lui faisant décrire un cercle rapide,
15:07le frappe à la tente.
15:10Le verre s'écrase sur le parquet et l'oncle Farko tombe à terre.
15:14Ses yeux sont remplis de peine et d'étonnement et se rivent sur les miens.
15:20Je lui accède un second coup, non par plaisir, mais il le faut.
15:26Cette fois, c'est le bon.
15:29Ensuite, je conduis la voiture de mon oncle dans le chemin,
15:32je braque le volant en direction du bosquet qui borde la route,
15:36j'embraille en desserrant le frein à main et saute au dernier moment.
15:41L'accident est spectaculaire.
15:44Puis, je retourne à la maison, balaie les morceaux de verre,
15:48je nettoie les traces de sang sur le tisonnier et j'appelle la police
15:52pour signaler ce que j'ai découvert en venant rendre visite à mon cher oncle Farko.
15:59Pour être tout à fait franc, je dois avouer que je ne me sens pas très bien
16:04en rentrant chez moi ce soir-là.
16:06Pourtant, la police n'a aucun soupçon, du moins à ma connaissance.
16:12J'ai bien sûr quelques regrets, car j'aimais énormément mon oncle Farko,
16:18mais j'ai maintenant tout ce que je désirais.
16:24Il faudra évidemment que je laisse passer un peu de temps
16:27avant de profiter de ma nouvelle fortune,
16:29parce que même si j'hérite du onzième des biens de mon oncle,
16:33ça ne suffira pas pour justifier le train de vie que j'ai l'intention
16:38de m'offrir avec le contenu du coffre.
16:42Un voyage en Europe, la côte d'Azur française, par exemple.
16:48Constatant que je n'ai plus de cigarette, je décide de descendre en acheter,
16:52mais je voudrais d'abord boire un verre.
16:55J'utilise ma bouteille de whisky passée sur l'étagère.
16:58Je l'attrape, mais au lieu de me servir, je la vide aussitôt dans l'évier,
17:02jusqu'au dernier glouglou, un homme qui, à les moyens, ne boit pas de la bibine.
17:07Je puise dans la boîte en carton glissée sous mon lit un billet de cent dollars
17:12et je descends chez l'épicier.
17:15« La vente vous a augmenté, Larry ? »
17:18me demande ce dernier au moment où je le paie.
17:22Put ! j'ai pas prévu ce coup-là.
17:24Mais au lieu de m'affoler, en homme intelligent que je suis,
17:28je murmure quelque chose au sujet d'un pari que j'aurais gagné.
17:33L'épicier me rend la monnaie et je quitte le magasin avec mon achat.
17:38C'est le début de la belle vie.
17:41Il me semble avoir des ailes au moment où je regagne mon appartement.
17:46Le lendemain, je donne ma démission à la banque.
17:50Oh ! le bonheur d'être riche !
17:53La divine satisfaction de pouvoir faire des pieds de nez à qui on veut !
17:59Mais en rentrant chez moi, je découvre un inconnu sur le palier.
18:05Il n'est d'ailleurs pas seul.
18:07À ses côtés se tient un autre homme.
18:11L'angoisse me saisit à la gorge.
18:14Le mot « cambriolage » surgit aussitôt à mon esprit.
18:18Quelle absurdité ! Personne ne connaît l'existence de cette fortune sous mon lit.
18:22Qui songerait à venir me cambrioler ?
18:25Je me détends.
18:27Je viens de découvrir que la richesse rend peureux.
18:31Je glisse la clé dans ma serrure et, comme s'il n'attendait que cela,
18:36l'homme à ma gauche m'interpelle.
18:39— M. Leffingwell, je suppose ?
18:42— Oui, c'est moi, monsieur.
18:46Dites-moi, vous avez bien payé une bouteille de whisky avec un billet de cent dollars hier ?
18:52— Pourquoi, monsieur ?
18:55— Le propriétaire du magasin prétend que vous avez été le seul client hier à lui donner un billet de cent dollars.
19:01— Ah oui ? C'est vrai, oui ?
19:04— Ça fait quatre ans qu'on espère voir réapparaître un de ces billets, M. Leffingwell.
19:09Pourriez-vous nous dire où vous l'avez eu ?
19:13Mon dos ruisselle de soeur.
19:16— Je ne me souviens plus, monsieur. Pardonnez-moi, il est tard, il faut que je rentre.
19:22Soudain, il porte la main à sa poche.
19:25Instantanément, j'imagine qu'il veut saisir son revolver pour m'abattre.
19:29— Nous allons fouiller votre appartement. Voici le mandat de perquisition, M. Leffingwell.
19:34Le billet avec lequel vous avez payé l'épicier hier provient de la banque express d'Atlanta, pillée il y a quatre ans.
19:43Dans mon esprit, la vision paradisiaque de la côte d'azur française s'estompe.
19:50À sa place, surgit un paysage imprécis qui semble sentir la fumée et le soufre en fusion.
19:58Au milieu, une petite fourche dans une main et un verre de whisky dans l'autre trônent l'oncle Fargo qui se tord de rire.
20:11D'un rire démoniaque.
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