• avant-hier

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Europe 1 Soir, 19h21, Stéphanie Demureux.
00:04Et j'accueille nos chroniqueurs de la première heure, Joseph Massé-Scarron, essayiste et écrivain.
00:10Bonsoir Joseph.
00:11Bonsoir.
00:12Victor Hérault, journaliste politique à Valeurs Actuelles.
00:15Bonsoir Victor Hérault.
00:16Bonsoir Stéphanie.
00:17Alors on va parler de l'Europe qui tente de reprendre désespérément la main.
00:20Il n'y a pas d'autre mot dans le dossier ukrainien.
00:22Une dizaine de dirigeants de pays européens, de l'Union Européenne et le chef de l'OTAN
00:26sont à l'Elysée à Paris pour une réunion d'urgence sur l'Ukraine et la défense européenne.
00:31Alors que vous le savez, Donald Trump entend lui négocier directement avec Vladimir Poutine
00:37la paix en Ukraine.
00:38On accueille Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po, spécialiste des questions
00:43européennes et internationales, auteur de L'Europe a-t-elle un avenir ? aux éditions
00:48Studirama.
00:49Bonsoir Patrick Martin-Genier.
00:52Bonsoir.
00:53Alors on sent une forme de panique ou tout de moins une fébrilité au sein de l'Union
00:58Européenne.
00:59La sécurité de l'Europe est un tournant, c'est ce qu'a dit Ursula von der Leyen
01:03tout à l'heure quand elle est arrivée à Paris.
01:05Nous avons besoin d'un état d'esprit d'urgence, dit-elle, et d'un sursaut dans notre défense.
01:11Il était temps, non, d'avoir un sursaut quand même, Patrick Martin-Genier ?
01:15Ben oui, il était temps absolument.
01:18L'Europe est prise de cours.
01:20Ça fait des années et des années qu'il est demandé un effort en matière de défense
01:24européenne.
01:25On n'osait plus parler de défense européenne pour le coup.
01:29Effectivement, c'est un appel au secours, c'était une réunion d'urgence.
01:33Ursula von der Leyen, effectivement, dit qu'il faut qu'il y ait un sursaut, mais la Commission
01:39Européenne n'a strictement aucune compétence en matière de défense européenne.
01:42Elle peut promouvoir l'industrie de défense, donc c'est effectivement salutaire.
01:48Au final, que Donald Trump nous dise, l'Europe, on va s'en passer, on va se passer également
01:52de l'Ukraine.
01:53Il faut que nous puissions nous réveiller.
01:55C'est une réunion ad hoc, en urgence, effectivement, qui est réunie.
01:59Oui, les chefs d'État et de gouvernement sont affonnés parce que le président des
02:03États-Unis est en train de dire à l'Union européenne qu'il ne comptera pas sur eux,
02:07qu'ils ne compteront que pour du beurre, au final, dans la résolution du conflit avec l'Ukraine.
02:12Patrick Martin-Genier, on se demande ce qu'a fait l'Europe quand même en trois ans,
02:17parce que vous dites, voilà, il est temps qu'elle se réveille, mais enfin, il y avait
02:20quand même la guerre à ses portes, on n'aurait pas pu justement se réveiller plutôt, avoir
02:25ce sursaut et trouver les solutions un petit peu plus en amont ?
02:28Oui, bien sûr, mais l'Europe a hésité, l'a procrastiné même, en ce sens que les
02:3427 n'ont pas été en situation de se mettre d'accord.
02:37Rappelez-vous, au début de la guerre, c'était Emmanuel Macron qui se rend au Kremlin pour
02:42dire qu'il faut éviter toute avancée escalatoire avec la Russie, il parle du président
02:48Poutine, il y va une fois, et donc il a tenté effectivement d'entamer un dialogue, ce
02:54qui n'était pas, disons, de l'avis favorable de tout le monde.
02:57On sait très bien que parmi d'autres pays, certains étaient hostiles, également à
03:01des sanctions contre la Russie, je ne parle pas uniquement de Vitan Orban, mais d'autres,
03:06mais finalement, on a dit beaucoup de choses, comme le Royaume-Uni qui n'est plus dans
03:09l'Union Européenne, mais nous n'avons pas été capables d'avoir une unité de
03:13façade face à l'Ukraine, même si, globalement, nous avons avancé des crédits, on a proposé
03:20à l'Ukraine de devenir candidat officiel à l'Union Européenne, non, il n'y a pas
03:24eu d'unité européenne, nous avons été incapables d'avoir, disons, une position
03:30unanime sur l'Ukraine, et bien évidemment, Donald Trump en tire toutes les conséquences.
03:34Joseph Macé-Scaron.
03:36Oui, alors, votre réquisitoire est parfait, rigoureux et implacable, malheureusement,
03:41pour l'Union Européenne, est-ce qu'on peut ne pas ajouter le fait que Donald Trump,
03:49depuis six mois, dit très clairement ce qu'il va faire, et qu'on a l'impression que là
03:54aussi, il n'y a aucune préparation ?
03:56Oui, il n'y a pas eu de préparation, j'ai la sensation qu'il n'a pas été pris au
04:01sérieux, on pensait qu'il n'était pas sérieux lorsqu'il disait, moi je vais régler
04:04cette affaire en 48 heures, bien sûr qu'il ne va pas le faire en 48 heures, ni même
04:08en quelques mois, mais regardez, on nous dit désormais qu'il y a une réunion entre une
04:12délégation américaine et une délégation russe, de surcroît avec Sergei Lavrov, tout
04:17de même le ministre des Affaires étrangères, qui a justifié toutes les atrocités en Russie,
04:22et avec Marco Rubio, qui est quand même le secrétaire d'État américain, donc oui,
04:26on ne s'est pas préparé du tout, on ne s'attendait pas du tout à ce que Donald Trump mette en
04:31oeuvre les promesses électorales, aujourd'hui c'est chose faite, tout le monde est pris du
04:36cours, également les Ukrainiens... Excusez-moi, je vous interromps, on ne l'imaginait pas,
04:40et l'une aussi ! Oui, c'était une erreur... Il y a beaucoup de choses qu'on n'a pas imaginées,
04:46ça fait quand même beaucoup de choses ! Oui, bien sûr, disons qu'il y avait beaucoup en Europe
04:52de gens qui étaient contre, évidemment Kamala Harris, pour des raisons idéologiques, on n'a pas
04:57vu qu'elle était l'étape profonde de l'électorat américain, moi je suis allé aux Etats-Unis au
05:01moment des élections, je peux vous assurer que finalement j'avais senti ce qui allait se passer,
05:06et en Europe nous avons été aveugles. Absolument, Patrick, Martin, Jeunier,
05:11vous dites tous les deux d'ailleurs, l'Europe n'était pas prête, mais enfin, elle était
05:15surtout divisée, et elle l'est toujours, parce que même au pied du mur, on ne sait toujours pas ce
05:19qu'il faut faire, et on n'arrive toujours pas à parler d'une même voie, la Suède, le Royaume-Uni,
05:24imagine envoyer des troupes pour la Hongrie, c'est pas question, est-ce que c'est pas là,
05:29justement, le point d'achoppement ? C'est un point d'achoppement très important,
05:33naturellement le Président de la République s'est entretien avec Donald Trump, on a, il n'est pas dans
05:38l'Union Européenne, mais Kirsten Hammer du Royaume-Uni, lui il vient à cette réunion,
05:42et il va se rendre à Washington, est-ce qu'il va suivre la position de Donald Trump ? Est-ce
05:48qu'il s'adrène un trait d'union ? J'en doute, et même cette réunion à l'Elysée cet après-midi,
05:53je peux vous le dire, suscite la colère de certains états qui considèrent qu'ils sont des
05:58états de seconde zone dans l'Union Européenne, tels que des pays comme la Roumanie par exemple,
06:04la Slovénie considère qu'ils ne sont pas associés du tout et donc qu'ils ne comptent pas dans cette
06:09Union Européenne, donc ça suscite un certain nombre de réserves, même une certaine colère
06:14de certains pays, sans compter la Hongrie qui dit que nous sommes des faiseurs de guerre, et enfin
06:19l'Allemagne. Pardonnez-moi, mais Viktor Orban a eu un mot assez cruel, il a dit que cette réunion
06:26était une réunion de pays frustrés. Oui, des bêtes en guerre, des pays frustrés. On n'est pas
06:33gentil de rire quand même. Est-ce qu'il y a un fond de vérité ? Non, je ne pense pas, je crois
06:40que l'Europe n'a pas été en situation de se préparer, on sait que Viktor Orban pour différentes
06:46raisons, à la fois idéologique en réalité, il est proche de Vladimir Poutine pour des raisons
06:52liées à l'énergie, à son économie, mais sur le plan idéologique, il est proche de Donald Trump,
06:58des néoconservateurs américains, donc on voit effectivement qu'il ne dépousse pas du tout l'idée
07:03d'Emmanuel Macron de renforcer l'Europe, et c'est un des maillons faibles, mais ce n'est pas le seul.
07:08Si vous regardez l'Allemagne... On a l'impression que toute l'Europe, pardonnez-moi de vous couper,
07:12on a l'impression que toute l'Europe est un maillon faible aujourd'hui, Patrick Martin-Jeunier.
07:16C'est-à-dire qu'il n'y a pas de politique étrangère européenne, il n'y a pas... Rappelez-vous
07:22l'expression de Kissinger qui disait « Bruxelles, quel numéro de téléphone ? » En réalité,
07:28il n'y a pas de politique étrangère européenne, il n'y a pas de défense européenne, ce qui ne veut
07:32pas dire qu'il ne faut pas avoir une certaine réflexion. Les seuls pays qui peuvent compter
07:36aujourd'hui, c'est les pays qui ont une armée, qui ont une puissance nucléaire, il n'y en a que deux,
07:40la France et le Royaume-Uni, qui n'est pas dans l'Union européenne.
07:43Victor Heraud.
07:44Bonsoir, monsieur. Vous parlez justement... Enfin, ce que vous dites mène tout droit à ma question,
07:48j'en suis très heureux. Vous parlez d'un côté d'idéologie et de l'autre côté de Kissinger.
07:52Et on voit effectivement dans le monde, de façon plus ou moins surprenante, la réelle politique
07:58donc de Kissinger revenir devant la scène. Donald Trump d'un côté, Vladimir Poutine de l'autre,
08:03de façon plus guerrière. Et on a l'impression qu'en Europe, il y a, comment dire, plus de
08:08principes et d'idéologies que de réelles politiques, justement. Est-ce que ça fait partie du problème ?
08:11Oui, je crois en effet qu'on peut le dire. L'Europe, à juste titre, s'accroche à ses valeurs. On a
08:20beaucoup dénoncé l'agression russe, ce qui est vrai. Néanmoins, quand on fait de la réelle politique,
08:26c'est-à-dire qu'on est vraiment le nez dans le guidon, si j'ose dire, et bien il faut accepter
08:32de dialoguer même avec des États qui sont des États agresseurs et en l'espèce. En effet,
08:38je crois qu'on ne peut pas continuer cette guerre. Et c'est ça la réalité. L'Europe discute avec
08:44d'autres dictateurs sans aucun état d'âme, par exemple la Chine, la Chine qui est une véritable
08:50dictature, qui est une menace existentielle pour l'Europe. Et bien tout le monde défile à Pékin
08:54pour tenter d'avoir des contrats. Donc à un moment donné, effectivement, en se rendant compte aussi de
09:00la volonté des peuples européens qui ne veulent plus de cette guerre, ni même des Ukrainiens,
09:04je rencontre des Ukrainiens qui me disent, eh bien ça suffit, il faut mettre un terme à cette
09:07guerre. La réelle politique consiste sans, je veux dire, abandonner ses valeurs, eh bien tenter
09:14effectivement de trouver des solutions à des contrats. Mais que de temps perdu, Patrick-Martin
09:17Genier, ça fait trois ans, on aurait pu l'arrêter en 2022 cette guerre, tout ça pour ça, pour pas
09:22grand-chose, un million de morts plus tard et 150 milliards d'euros de dépenses perdues ? Oui,
09:27voilà, je crois qu'on aurait peut-être pu la régler plus rapidement, mais vous savez,
09:31c'était extrêmement difficile. Le monde a été pris par stupeur, a été choqué par cette agression,
09:36qui est aussi une violation du droit international. Mais nous n'avons pas été courageux il y a dix
09:43ans. Si on avait voulu régler le problème de l'Ukraine, il aurait fallu prendre position
09:47contre l'occupation de fait de la Crimée. Je remarquerais qu'aujourd'hui, on ne parle même
09:52plus de la Crimée, ce qui veut dire qu'elle va sans doute passer par pertes et profits lors des
09:56futures négociations. Nous n'avons pas été courageux il y a dix ans. Malheureusement, on
10:00aurait dû l'être plus tôt. Merci beaucoup Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po. Je
10:04rappelle le nom de votre livre, intitulé « L'Europe a-t-elle un avenir ? », c'est plus que jamais
10:10d'actualité aux éditions Studirama. Merci d'avoir été avec nous.

Recommandations