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00:00Nicolas Tenzer, spécialiste des questions géostratégiques, enseignant à Sciences Po, bonjour.
00:05Bonjour.
00:05La France, et par extension l'Europe, sont-elles en dehors du coup désormais sur la guerre entre l'Ukraine et la Russie ?
00:12Écoutez, oui, effectivement, elle se sent complètement négligée par les États-Unis.
00:17On a l'impression que Donald Trump a conclu déjà depuis un certain temps une sorte d'accord implicite avec Vladimir Poutine.
00:26Il a oublié complètement d'ailleurs de mentionner les crimes de guerre contre l'humanité massif que celui-ci a commis.
00:32Et il semble prêt à jeter l'Ukraine sous le bus, il n'y a pas d'autre terme.
00:37Et donc, aujourd'hui, pour les Européens, il est très important que d'une seule voix, ils disent que c'est inacceptable.
00:44D'ailleurs, Donald Trump ne peut pas conclure seul un accord avec Vladimir Poutine.
00:49Il faut rappeler quand même que les Européens prient globalement, avec aussi le Royaume-Uni et la Norvège,
00:54donc pas seulement l'Union Européenne, à aider jusqu'à présent plus l'Ukraine que les États-Unis ne l'ont fait.
01:00Donc, nous devons rentrer par la porte, même si Trump essaye de la fermer.
01:04Ça veut dire que l'Europe a toujours les moyens de continuer également à armer l'Ukraine ?
01:10Oui, bien sûr, l'Europe a les moyens, alors elle doit faire plus, beaucoup plus.
01:13Il faut absolument que nous passions vraiment en économie de guerre.
01:16Nous devons consacrer beaucoup plus d'argent pour notre défense.
01:20L'objectif de 3 ou 4 % du PIB doit vraiment être atteint le plus vite possible.
01:24C'est un effort considérable qui va supposer évidemment des arbitrages,
01:28parce qu'en admettant que l'Ukraine soit d'une manière ou d'une autre sacrifiée,
01:33c'est-à-dire que même si une partie de son territoire reste occupée par la Russie,
01:38ça veut dire que la Russie va continuer à se réarmer, beaucoup plus,
01:42et qu'ensuite, c'est ce que disent d'ailleurs les renseignements de plusieurs pays occidentaux,
01:47nous, Européens, nous serions sur la liste des agressions futures du régime russe.
01:51Mais alors justement, Nicolas Tensor, quand Donald Trump dit qu'il veut en finir vite, ce sera à quel prix ?
01:57C'est-à-dire que Trump dit qu'il veut en finir vite avec la guerre,
02:01mais en fait, il est en train de préparer la guerre suivante.
02:03C'est-à-dire qu'aujourd'hui, une sorte d'accord de paix,
02:06en fait, signifierait que la guerre reprendrait dans 2 ans, 3 ans ou 4 ans.
02:10Donc c'est ça qui est très dangereux et qui inquiète beaucoup les Européens,
02:14c'est de voir une Russie qui fait une pause parce qu'elle est lourdement atteinte
02:19dans son économie et dans son effort de guerre,
02:22profite de ce moment pour se reconstruire, en quelque sorte,
02:25et puis continue à attaquer de plus belles.
02:28C'est pour ça, effectivement, que le défi pour les Européens,
02:31c'est vraiment, aujourd'hui, de faire plus et surtout de refuser
02:35une sorte d'accord de paix qui ne serait pas un accord de paix.
02:38Alors, on est dans une situation néanmoins, Nicolas Tensor, extrêmement ambiguë.
02:41La guerre dure depuis quasiment 3 ans avec, vous l'avez rappelé, des pertes colossales.
02:46Comment ne pas vouloir que cela se termine ?
02:49Disons, vouloir que ça se termine, les Ukrainiens sont les premiers à le vouloir.
02:53D'ailleurs, ils le disent, le président Zelensky l'affirme tout simplement
02:56parce que c'est une agression russe caractérisée, en fait, depuis bientôt 11 ans,
03:01même si la guerre totale dure bientôt depuis 3 ans.
03:04Et donc, vouloir que ça se termine, oui.
03:07Mais, vous savez, il y avait une ancienne députée ukrainienne qui disait
03:10si nous continuons à combattre, nous allons perdre des milliers des nôtres.
03:14Si nous cessons le combat, nous en perdrons des millions.
03:17Je crois que c'est comme ça qu'il faut aussi résumer la situation.
03:20Les Ukrainiens veulent évidemment la paix, mais ils ne veulent pas une paix
03:24qui signifierait une disparition de leur pays.
03:27Et quand le président Zelensky dit, voilà, l'Ukraine peut disparaître,
03:31c'est malheureusement une réalité s'il cesse aujourd'hui les combats.
03:36Donc, la main est à l'Europe désormais ?
03:39Plus il faut récupérer, reprendre la main plus précisément, Nicolas Tenzer.
03:42Oui, reprendre la main, continuer, ne pas dire que les choses peuvent être réglées.
03:49Parce que, encore une fois, Poutine est parfaitement convaincu
03:53que lui, il a le temps pour lui, qu'il peut reprendre le combat,
03:57un jour occuper le reste de l'Ukraine et aller évidemment beaucoup plus loin.
04:02C'est-à-dire qu'en termes de dissuasion et de crédibilité de cette dissuasion,
04:06si nous montrons de la faiblesse, cela va encourager Poutine.
04:09Ce sera d'ailleurs un très mauvais signe aussi donné à d'autres États révisionnistes,
04:14la Chine, l'Iran, la Corée du Nord, etc.
04:18Parce que quand nous faisons prendre de faiblesse, nous encourageons évidemment l'adversaire.
04:23Merci pour vos précisions, Nicolas Tenzer.
04:25On peut vous lire notre guerre, le crime et l'oubli.
04:28Pour une pensée stratégique, c'est à l'Observatoire,
04:31vous qui êtes spécialiste des questions géostratégiques et enseignant à Sciences Po.