Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 7 février 2025 : la comédienne, Victoria Abril. Elle sera sur la scène du Théâtre de la Madeleine du 13 février au 27 avril dans la pièce "Marinella" de Franck Buirod.
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00:00Bonjour Victoria Abril.
00:01Hola, ¿qué tal?
00:02Oui, vous êtes définitivement la plus espagnole des actrices en France,
00:05une source même d'inspiration et d'imagination pour certains réalisateurs.
00:09Votre carrière a commencé, vous aviez quoi, 16 ans ?
00:1114 ans.
00:1214 ans, après avoir raccroché vos chansons dans Danse,
00:16en donnant la réplique à Audrey Hepburn ou encore à Shane Connery.
00:19On pense à La Rose et à la Flèche de Richard Lester.
00:23C'est votre rôle de transgenre très, très fort, en émotion, en 77,
00:28dans le film Je veux être une femme, qui a braqué des projecteurs sur vous.
00:31Et les films Attache-moi, Talons aiguilles, Kika, Pedro et Moldovar,
00:34évidemment, qui ont assis votre renommée internationale.
00:37L'une de vos spécialités, ça reste quand même le théâtre de boulevard,
00:41ce qui vous vaut d'ailleurs d'être sur scène.
00:43Actuellement, au théâtre de la Madeleine, avec la pièce Marinella,
00:46il y a un rôle de peintre incorruptible, enfin, d'apparence, dévoué,
00:51corps et âme à son art.
00:52Ça me prend trois actes.
00:55Écrit pour vous, donc, sur mesure par Franck Buiraud.
00:59Tout va bien. Votre mari est follement amoureux de vous et il vous entretient,
01:03d'ailleurs, jusqu'au jour où une entreprise de sardines vous drague
01:06pour se servir de vos peintures comme image de marque.
01:09Là, c'est la catastrophe. C'est le dilemme qui s'installe.
01:12Acceptez de vendre son âme au diable ou restez...
01:15Claudia ne peut pas vendre son âme en industriel.
01:18Son art en industriel, ce n'est pas possible.
01:21C'est une puriste. Elle veut laisser un témoignage.
01:26C'est toi, elle, sans sa vision du monde.
01:28Elle est très exigeante, évidemment, parce qu'il y a son Béni-Benoît,
01:32Christophe Canard, qui la soutient et qui l'entretient
01:36dans cette adolescence éternelle, parce qu'il a l'espoir
01:40d'un jour, la chance va frapper à sa porte
01:44et que Claudia vient l'ouvrir.
01:47C'est dans ça que je vous dis, ça me prend quand même
01:50trois actes complets à accepter que l'argent,
01:54toujours l'argent, maître roi,
01:57n'est fait pas mon bonheur.
01:59Vous parlez justement de l'adolescence en disant
02:01elle est restée dans l'adolescence.
02:03Vous avez toujours eu ce côté adulescente,
02:05à la fois adulte et à la fois adolescente.
02:07Voilà, c'est vrai. C'est vrai.
02:11Oui, en fait, j'étais une adolescente très adulte
02:17et après, j'étais une adulte qui n'a pas quitté ses 14 ans.
02:22Voilà, c'est pathétique, mais c'est comme ça.
02:27Au début, c'était effectivement la danse qui vous attirait,
02:30mais la comédie est rentrée dans votre vie finalement
02:33par une prof de danse qui vous a dit, fais ça.
02:35Oui, son mari était le métier en scène et il cherchait
02:39une fille de 14 ans pour faire une histoire blanche d'amour.
02:43Et moi, j'ai commencé à travailler comme secrétaire en septembre
02:48pour amener de l'argent à la maison.
02:50Et donc, je suis allée parce que je ne voulais pas être secrétaire en septembre.
02:55Donc, je suis devenue actrice en avril.
02:57Ça a été une évidence tout de suite ou pas ?
03:00Non, l'évidence que je voulais être actrice et que c'est
03:03le plus beau métier du monde auquel je dédierais ma vie entière.
03:08C'est venu qu'avec Cambio de sexe, avec la rencontre avec Vicente Aranda,
03:12qui est mon maître phare, ami, directeur, le plus fidèle.
03:19On a fait 14 films, des 14 ans à 44.
03:23Et parce qu'il est mort, sinon, on serait encore en train de faire...
03:27C'est lui qui m'a tout appris.
03:28Tout ce que je sais et que j'ai pu donner aux autres métiers en scène,
03:33c'est Vicente Aranda qui me l'a offert.
03:37Est-ce que ce qui vous définit pas le plus,
03:39c'est le fait que vous soyez une amoureuse de la vie ?
03:43Tu sais, quand t'as vécu enfermée des zéros à 10 ans,
03:50les jours où tu sors, la vie est merveilleuse.
03:55La vie est merveilleuse.
03:56Vous regardez quoi de cette enfance, alors, Victoria ?
04:00Je regarde rien, j'ai tout oublié, sauf les choses importantes.
04:05Par exemple, Oliver Twist.
04:07C'était le premier film qui m'a aidée à supporter les internats,
04:10en sachant qu'un jour, ma mère allait venir me prendre, à moi et à ma sœur.
04:18Et c'est ça ce qui s'est passé.
04:20Ça a pris du temps, mais c'est ça ce qui s'est passé.
04:22Et c'est grâce à Oliver Twist que j'ai tenu...
04:25Je savais que j'étais comme Oliver Twist.
04:27En plus, j'étais amoureuse, donc tu imagines.
04:30En plus, les filles, ils m'ont fait la blague de m'envoyer des lettres
04:33qu'ils me répondaient, en espagnol, bien sûr.
04:38Et moi, j'y croyais.
04:39Donc, tu sais, l'amour et le cinéma m'ont aidée à supporter l'enfance terrible.
04:46Et puis, à partir de 14 ans, que j'ai commencé à être autonome
04:51et que le cinéma a continué pendant 20 ans à me former,
04:56à me former comme actrice, comme être humain,
04:59de la main de Vicente Aranda, bien sûr.
05:02Vous avez pris des risques incroyables très tôt.
05:06On parle du film, par exemple, Je veux être une femme.
05:09Vous jouez un rôle de transgenre.
05:11Il faut quand même remettre dans le contexte, on est en 1977.
05:14Franco venait de mourir, c'est pour ça qu'on pouvait...
05:16C'est incroyable parce qu'effectivement,
05:21peu de temps avant, vous auriez été condamné.
05:23Vous auriez eu des gros, gros soucis et la prison vous aurait évidemment enfermé.
05:28Mais vous prenez ce risque-là.
05:31Qu'est-ce qui fait que vous disiez oui à ce rôle ?
05:34Qui va changer votre vie, finalement ?
05:36Après 40 ans de dictature, de ferme ta gueule,
05:41quand les mecs meurent et ça s'ouvre,
05:44ça s'appelle la movida, il est venu plus tard.
05:46Tu vois, c'est un peuple entier qui finalement arrive à respirer,
05:49arrive à être libre, arrive à être comme il est,
05:53arrive à penser, dire, faire ce qu'il veut.
05:56C'était important.
05:58Après 40 ans en apnée,
06:01tu sors dehors et c'est pas des bouffées d'air.
06:03Est-ce que tu te la manges l'atmosphère, la couche d'ozone ?
06:08En 50 ans, est-ce que la passion, la fameuse passion qui vous habite,
06:13a été altérée ou au contraire, elle est toujours aussi vive ?
06:16Non, elle est toujours aussi vive.
06:18Parce qu'en plus, je ne m'assois pas à regarder les lauriers du passé.
06:23Je suis toujours un an ou même 45 ans en avance.
06:28Tu vois, par rapport au changement de sexe, 45 ans en avance.
06:33Ghazoum Modi, 25 ans avant le mariage pour tous.
06:38Donc j'ai toujours, je ne sais pas pourquoi,
06:40une très belle vue de loin.
06:43Et je vois toujours, ou en tout cas c'est les choses qui me touchent.
06:46Je n'ai choisi pas, j'ai choisi qu'est-ce qui me touche.
06:49Je n'ai choisi de faire un film ou une pièce de théâtre que j'irais voir.
06:54Si c'est un truc que je n'irais pas voir, je ne la ferais pas.