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L’IA est l’enjeu géopolitique le plus important de l’histoire de l’humanité. C’est en tout cas la thèse défendue par Flavien Chervet, expert en intelligence artificielle et auteur du tout récent ouvrage Hyperarme. Dans celui-ci, il tente d’envisager l’avenir de l’IA et son usage militaire par les puissances à travers le monde.

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Transcription
00:00On termine cette édition avec une rencontre, celle de l'auteur d'Hyper-Arme,
00:09anatomie d'une intranquillité planétaire, parue aux éditions Nullius in Verba.
00:14Dans Hyper-Arme, on oppose notamment ces hyper-armes numériques et l'intelligence artificielle à l'hyper-humain.
00:20Et son auteur, Flavien Chervet, développe cette idée de création d'une industrie de la sécurisation des IA en Europe. On l'écoute.
00:29Flavien Chervet, bonjour. Vous venez de présenter votre nouvel ouvrage qui parle d'intelligence artificielle.
00:35Mais d'ailleurs, ce n'est pas dans le titre. Ça m'a frappé. Votre titre, c'est Hyper-Arme, un titre très guerrier, finalement.
00:42En effet, c'est le point de départ du livre. C'est de parler des enjeux militaires de l'IA qui sont en train de bouillonner actuellement.
00:48Mais l'enjeu global du livre, c'est quand même d'apporter une analyse géopolitique, un regard bien plus large que l'aspect militaire,
00:53même si je prends comme point d'entrée le sujet militaire.
00:56Oui, alors on démarre avec l'exemple de l'Ukraine, la guerre en Ukraine. Mais on termine avec un espoir, finalement.
01:03Il faut que l'Europe ose. On doit oser quoi? Alors ça, c'est mon écriture. Moi, j'ai un optimisme moral.
01:09Je veux apporter des regards positifs, même quand il y a en effet un contexte qui ne l'invite pas forcément à ça.
01:15Après, pour répondre à la question de l'Europe, je crois qu'on a des cartes à jouer qui ne sont pas nécessairement d'essayer de faire compétition
01:22aux États-Unis et aux énormes systèmes d'IA très performants, mais potentiellement de se positionner sur une industrie de ce qu'on appelle l'alignement,
01:29qui est un des domaines de la sécurisation de l'IA pour faire en sorte qu'on sache contrôler des systèmes d'IA beaucoup plus performants.
01:34Et là dessus, c'est une industrie qui est naissante. Et donc l'Europe a, je crois, un coup à jouer sans avoir un besoin capitalistique énorme
01:40pour lancer cette industrie et être parmi les leaders, peut être pas le leader, mais parmi les leaders.
01:47Donc, je crois qu'il y a une opportunité en ce moment.
01:50Finalement, ce serait faire un pont entre cette capacité qu'est l'Europe à réglementer le champ du numérique, en tout cas ces dernières années.
01:59Et là, en l'occurrence avec l'IACT, c'est faire de l'IACT finalement un tremplin vers la création d'une véritable industrie pour sécuriser l'IA.
02:07C'est à ça que vous pensez ?
02:09Alors, c'est à peu près à ça. En effet, plutôt qu'en faire un tremplin, je dirais que ça permet de compléter l'IACT avec une dimension industrielle crédible.
02:16Faire du réglementaire, c'est bien, je ne suis pas du tout contre, mais s'il n'y a pas une dimension industrielle qui permet de rendre crédible la puissance d'une Europe ou d'une France sur le sujet,
02:27la dimension réglementaire sera juste moquée. Donc, on a besoin de cette industrie à côté.
02:31Et je pense qu'en effet, construire une industrie de la sécurisation et de l'alignement des systèmes d'IA, ça permet d'être cohérent avec les valeurs humanistes,
02:37universalistes de l'Europe et puis avec ce qu'on a déjà fait, c'est-à-dire en effet réglementer. Mais ça donne une pointe industrielle plus forte.
02:44Et pour ça, il faut évidemment qu'il y ait une volonté politique de s'impliquer vers ce chemin de l'alignement et de la sécurisation des IA.
02:52Est-ce que vous avez l'impression qu'aujourd'hui, en Europe, on a cette véritable conscience, cette motivation politique d'avancer sur le chemin de l'IA ?
02:59Alors, l'Angleterre a déjà fait des déclarations par la bouche de son ancien Premier ministre dans ce sens-là.
03:05Donc, il commence à y avoir une conscience. Aux Pays-Bas, il y a pas mal d'études sur le sujet qui commencent à être sérieuses.
03:10En France, on a encore, je pense, au niveau de l'Europe, un peu de retard là-dessus. Pourquoi ?
03:14Parce qu'on est dans un pays qui a beaucoup de mal à assumer... Il y a une espèce de pudeur. On a beaucoup de mal à assumer qu'il y ait un gros sujet.
03:22On a l'impression que parler de systèmes d'intelligence artificielle très puissants, plus intelligents que l'humain, de super-intelligence,
03:27c'est des sujets de science-fiction. On a l'impression que ça fait peur, donc il ne faut pas en parler, etc.
03:31Alors que c'est devant nous et que c'est des sujets qu'il faut prendre à bras-le-corps aujourd'hui.
03:34Et sécuriser les systèmes d'IA, souvent, on le ramène à la science-fiction. C'est les lois d'Asimov.
03:39On va mettre des lois dans un robot pour qu'il évite de tuer tout le monde.
03:42Alors, c'est la version très simpliste, mais aujourd'hui, c'est des vrais sujets, des systèmes d'IA dont on perd le contrôle dans les labos,
03:47ou en tout cas qui font des choses auxquelles on ne s'attendait pas.
03:49Et donc, on a besoin de construire un savoir-faire scientifique et technologique, industriel, très rapidement là-dessus.
03:57Donc, la France n'a pas encore vraiment avancé, mais on voit bouillonner des signaux et je pense que cette année, le politique peut prendre ça en compte.
04:05Quelles sont les conditions ? Alors, il y a la volonté politique, il y a évidemment le capital, la capacité d'investissement aujourd'hui en Europe.
04:12Quelle autre condition, selon vous, est nécessaire pour que l'Europe ait quelque chose à dire dans le domaine de l'IA ?
04:18Alors, la priorité, pour moi, elle est capitalistique pour qu'on ait quelque chose à dire.
04:21C'est qu'on arrive à structurer une force capitalistique qui ne sera pas du niveau des Américains, mais qui soit bien supérieure à celle qu'on a aujourd'hui.
04:27Donc, il y a plein de leviers pour faire ça, mais le problème, ça va être qu'il faut aller vite.
04:31Après, un élément supplémentaire, c'est de structurer un écosystème de recherche.
04:36Aujourd'hui, on a un super écosystème de recherche mathématique et mathématiques appliquées sur l'IA, mais on a encore assez peu, par exemple, de chaires de recherche dédiées à la question de l'alignement, de la sécurisation des systèmes d'IA.
04:46Là, aux États-Unis, il commence à y avoir une recherche qui se développe, aux Pays-Bas aussi.
04:49Donc, je pense qu'il y a des chaires à créer et ça va être le troisième pilier capitalistique, politique et puis au niveau de la recherche fondamentale.
04:57Alors, au départ, quand on commence la lecture de votre ouvrage, on se dit que vous êtes plutôt technocritique.
05:03À la fin, on s'interroge finalement, est-ce que vous êtes un technosolutionniste ? Vous vous situez où ?
05:08Évidemment, aucun des deux, sinon ça serait trop facile.
05:11Je pense que la technologie, un phénomène monde, c'est une part de l'humain.
05:15Penser l'humain sans la technologie, ça n'existe pas.
05:19Bergson disait qu'on est homo faber, l'homme qui fabrique.
05:22Et c'est les deux faces d'une même pièce, l'humain, la technique.
05:25Donc, pour moi, ça serait ridicule d'être technocritique au sens où on voudrait enlever de la technologie.
05:30Notre avenir, c'est plus de technologie.
05:32Je ne crois pas l'inverse.
05:33Par contre, le technosolutionniste ne me va pas parce qu'il supposerait que la technologie est tout notre avenir.
05:39Alors qu'il y a des voies à prendre, en effet.
05:42Et donc, ma position, elle est technopolitique.
05:45C'est d'essayer d'apporter un regard sur la technologie qui soit plus sensible.
05:50Et donc, ça veut dire ne pas mettre au rebut la dimension capitalistique, industrielle pour être concret et prendre le sujet à bras-le-corps.
05:58Mais ça veut dire garder cette part d'idéalisme qui permet de construire des visions d'avenir qui soient belles.
06:02Merci beaucoup.
06:03C'était Flavien Chervet, l'auteur de Hyper-Âme, que vous pouvez d'ores et déjà commander sur le site Nullius Inverba, son éditeur.
06:11Merci à tous de nous suivre.
06:12C'était Smartech, que vous suivez sur la chaîne Bsmart4Challenge, mais aussi en podcast.
06:17A très bientôt pour de nouvelles discussions sur la tech.

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