La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet était l’invitée du “Face à face” d’Apolline de Malherbe ce lundi. Elle évoque la levée de boucliers des grands patrons français face aux surtaxes temporaires sur les grandes entreprises prévues dans le budget 2025.
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00:00TV bonjour Sophie Binet, merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions, vous êtes la secrétaire générale de la CGT,
00:07on va évidemment parler budget, impôts, emplois et patrons, parce qu'aujourd'hui c'est l'adoption ou non du budget,
00:13François Bayrou qui engage sa responsabilité à travers le 49.3. Voilà ce que vous avez déclaré des patrons, les grands patrons,
00:19aujourd'hui, coulent le pays, les rats quittent le navire. Est-ce que vous savez combien LVMH a payé d'impôts l'an dernier ?
00:27Oui, ce que je sais aussi c'est que Bernard Arnault a été soumis à un redressement fiscal assez sérieux en 2017,
00:33puisque son nom figurait dans les Paradise Papers et qu'il plaçait son argent dans 7 paradis fiscaux, donc je sais que c'est aussi un fraudeur fiscal.
00:41Combien a-t-il payé d'impôts l'an dernier à LVMH ?
00:44Je crois que c'était 3 milliards, c'est ça ? Quelque chose comme ça ?
00:48Oui, c'est ça, c'est un peu plus de 2 milliards et demi d'euros en 2020.
00:52En réalité, ils ont payé 6 milliards d'euros d'impôts sur les sociétés dans le monde, dont 40% en France.
00:58Est-ce que vous savez combien il y a d'emplois LVMH en France ?
01:02C'est une très bonne question. Il y a 40 000 emplois LVMH en France sur 200 000 emplois en tout, donc le made in France est très relatif,
01:09puisque c'est à peu près 20% des emplois qui sont en France.
01:11En fait, il y a 40 000 salariés directs, vous avez parfaitement raison, et on estime à environ 200 000 emplois indirects d'LVMH en France.
01:20Ce qui m'intéresse, c'est aussi le salaire moyen de ces 40 000, vous le connaissez ?
01:24Écoutez, je pense qu'il est à peu près autour du salaire moyen des Françaises et des Françaises.
01:28Il est à 5 780 euros, sans la prime, qui est de 9 000 euros par an et par salarié, et 95% des salariés d'LVMH sont en CDI.
01:38Est-ce que vous estimez qu'il coule le pays ?
01:41Oui, j'estime que les grands patrons et les multinationales coulent le pays,
01:46parce qu'aujourd'hui, la France est un des pays industrialisés qui a des grandes entreprises qui sont les plus internationalisées
01:52et qui ne jouent plus le jeu de l'emploi en France.
01:55Aujourd'hui, ce ne sont pas les petites entreprises qui délocalisent, ce sont les grandes.
01:59Ce à quoi on assiste, c'est à Michelin qui supprime plus de 1 000 emplois en France pour délocaliser,
02:05c'est Renault qui refuse de s'engager sur les volumes et qui est en train de, par exemple, fermer les Fonderies de Bretagne,
02:12une entreprise de 350 salariés qui s'est diversifiée, modernisée, etc., parce que Renault refuse de s'engager.
02:18Voilà ce que font les multinationales en France.
02:21Le problème, c'est qu'elles n'ont jamais fait autant de profits depuis 15 ans, voilà les chiffres,
02:26les dividendes n'ont jamais été aussi élevés, je m'étonne que vous n'ayez pas interrogé sur ce point,
02:31100 milliards d'euros de dividendes pour les entreprises du 4,40 et qu'aujourd'hui,
02:36dès qu'on parle de les mettre à contribution pour l'intérêt général, elles viennent pleurnicher.
02:40Ça, ça n'est plus possible quand vous dites qu'il coule le pays et quand vous faites référence à Michelin.
02:46Ça m'intéresse particulièrement le cas de Michelin, parce que Michelin a, il y a quelques années,
02:50plaidé au contraire pour un salaire décent.
02:53Ils étaient aux avant-postes d'une sorte d'entrepreneuriat social et aujourd'hui, à l'inverse,
03:00le patron de Michelin, il tient à peu près le même discours que Bernard Arnault,
03:04il estime effectivement que ça devient quasiment un enfer d'employés en France,
03:10il parle d'un cauchemar à propos de la France et des entreprises en France
03:14et on le sait, ils sont en difficulté, y compris sur le front de l'emploi.
03:17Ça veut dire qu'il n'était pas de mauvaise volonté, le patron de Michelin,
03:20on ne peut pas dire qu'il était de mauvaise volonté quand il était pour le salaire décent.
03:23Non, en fait, Michelin a toujours eu la même stratégie, ce n'est pas nouveau ce qui se passe.
03:27Michelin, depuis 20 ans, s'internationalise, a créé des doublons avec,
03:31en faisant les mêmes productions que celles qu'il fait en France, en Asie du Sud-Est
03:34et en mettant les ouvriers en concurrence et aujourd'hui, pour maximiser ses profits,
03:38il ferme les sites. Michelin, c'est une entreprise qui va très bien,
03:41qui fait des milliards de bénéfices et qui aujourd'hui organise une casse sociale violente en France.
03:45Demain, les salariés de Michelin seront encore en grève et encore en action à Cholet d'ailleurs.
03:49Et ça veut dire que pour vous, Sophie Binet, ça n'a rien à voir avec le coût du travail ?
03:53Ça n'a à voir qu'avec le profit ?
03:55Oui, c'est que le problème, c'est qu'on nous met en concurrence au plan mondial,
04:00qu'avec l'élection de Donald Trump, les grands patrons se sentent poussés des ailes,
04:03puisque Bernard Arnault tient ses propos juste après être rentré.
04:07C'est ce qu'il a dit, c'est la douche froide quand on arrive en France, après ce qu'il a vu aux Etats-Unis.
04:11Oui, sachant que les mesures fiscales proposées par ce gouvernement
04:14sont en deçà de celles du précédent gouvernement.
04:17Et donc pourquoi est-ce qu'ils se mettent à pleurnicher aujourd'hui ?
04:20Parce qu'ils voient qu'ils pourraient faire davantage de profits en partant aux Etats-Unis.
04:24Et ça pose quand même un problème de patriotisme économique.
04:27Les grandes entreprises, les grands patrons ont une nationalité.
04:30Ils doivent jouer le jeu du « made in France ».
04:32Ils doivent jouer le jeu du « made in France », y compris si, effectivement,
04:35il y a une taxation qui revient à taxer surtout ceux qui produisent en France.
04:38On précise qu'effectivement, ce qui n'est pas produit en France,
04:41ce qui est produit à l'étranger, ne sera pas taxé.
04:43C'est logique, en fait. Malheureusement, c'est la fiscalité de chaque pays qui s'applique.
04:47Il faut bouger là-dessus.
04:49Mais l'effet pervers, vous le comprenez ou vous estimez qu'il n'existe pas du tout ?
04:52Eh bien, ce qu'il faut, c'est protéger nos frontières et protéger notre industrie.
04:57Protéger nos frontières, ça veut dire quoi ?
04:59C'est-à-dire qu'il faut interdire toutes délocalisations ?
05:01Déjà, et puis surtout qu'il faut protéger l'industrie européenne.
05:04Il faut que ces mêmes grands patrons se fassent entendre pour dire
05:06qu'il faut des barrières douanières pour protéger l'industrie européenne
05:10face à l'industrie chinoise ou à l'industrie américaine.
05:12Et là-dessus, on ne les entend pas.
05:13Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un peu utopique de penser
05:15qu'on va réussir à fermer les frontières de délocalisation ?
05:17Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un peu dangereux de nous dire
05:19qu'il faut toujours tirer vers le bas l'impôt, les salaires
05:22et les droits sociaux et environnementaux ?
05:24On va s'aligner sur quoi ? Sur le Bangladesh à la fin ?
05:27Je trouve juste intéressant de savoir quelle est la réalité ensuite concrète.
05:30Quand vous parliez tout à l'heure de la question du coût de l'emploi ou non,
05:33l'argument principal du patron de Michelin, par exemple,
05:37c'est de dire qu'en 2019, la production de pneus coûtait 100 euros en Asie,
05:42127 aux Etats-Unis, 134 en Europe.
05:45En gros, c'était à peu près du même ordre.
05:47En 2024, il dit que pour cette même production,
05:50quand ça coûte 100 euros en Asie, ça coûte 176 euros aux Etats-Unis
05:54et 191 euros en Europe.
05:56Donc lui, il fait le constat qu'effectivement, c'est devenu beaucoup plus cher
05:59et que l'écart est devenu trop important.
06:01Oui, malgré cela, les pneus, il les vend beaucoup plus cher
06:04que le coût qu'il le paye en Europe.
06:06Et donc, il peut tout à fait assumer le fait de produire ses pneus en Europe.
06:11C'est tout à fait assumable en termes de modèle.
06:13Je vais vous prendre un autre exemple sur l'automobile.
06:16Vous savez que le problème, c'est que les véhicules électriques sont hors de prix.
06:19La CGT porte depuis 10 ans le projet d'un véhicule électrique produit en France
06:23qui pourrait être vendu autour de 15 000 euros.
06:25Et donc, on voit bien qu'on peut faire de l'environnemental et du social.
06:29Pourquoi est-ce que les constructeurs de véhicules ne le font pas ?
06:32Parce que ça dégage moins de marge, parce que ça serait un petit véhicule
06:35avec beaucoup moins d'options que les gros qui sortent aujourd'hui.
06:37Donc, ce sont des choix stratégiques ?
06:38C'est des choix stratégiques. Le Japon le fait.
06:40Nissan produit au Japon un véhicule électrique entièrement fabriqué au Japon
06:43qu'ils vendent autour de 15 000 euros.
06:44Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas ça en France ?
06:45Quand EDF, quand Total, quand Seb, quand effectivement LVMH ou Michelin
06:50parlent tous d'une sorte de même voix, celle d'ailleurs du Medef est très claire,
06:54ils disent que ceux qui partent ont raison de partir.
06:56Qu'est-ce que vous leur répondez ?
06:58Franchement, je suis atterrée. C'est indécent.
07:01On est dans un contexte en France où les licenciements se multiplient.
07:05La CGT a recensé plus de 300 plans de licenciements.
07:07Et il faut arrêter de raconter n'importe quoi.
07:09Ces plans de licenciements, ils ont commencé depuis 9 mois.
07:12On n'a jamais eu autant d'aide pour nos entreprises.
07:14C'est chaque année 200 milliards qui sont donnés aux entreprises
07:17sans condition ni contrepartie.
07:19Les impôts des entreprises ont été considérablement baissés.
07:22Il y a 7 ans, ils payaient 33% d'impôts sur les sociétés.
07:25Maintenant, c'est 25%.
07:27La fortune des milliardaires a explosé.
07:29Celle de Bernard Arnault a été multipliée par 4.
07:31Tout comme les dividendes qui ne sont plus taxés aujourd'hui.
07:34Donc, il faut arrêter de pleurnicher.
07:36Donc, vous êtes du côté du budget de François Bayrou.
07:38Le problème de ce budget, c'est justement qu'il n'y a pas assez de justice fiscale.
07:43Il faudrait savoir.
07:45Ce que je trouve, c'est que c'est indécent de pleurer sur ce budget
07:49parce que, encore une fois, ce sont les salariés qui sont mis à contribution.
07:53Qu'est-ce qu'il y a dans ce budget ?
07:54D'abord, il y a l'austérité pour les fonctionnaires.
07:57Encore une fois, ça fait depuis 10 ans,
08:00les fonctionnaires ont perdu quasiment 20% de salaire en euros constants.
08:04Et ça, c'est grave, personne ne le dit.
08:06Ces mêmes fonctionnaires, on leur dit que le niveau d'indemnisation
08:10en cas d'arrêt maladie va encore baisser.
08:12Dans ce budget, les salariés du privé vont aussi avoir une baisse
08:15de leur indemnisation en cas d'arrêt maladie.
08:18Et les collectivités territoriales, par exemple,
08:20sont soumises à une cure d'austérité qui a déjà un impact
08:23dans le secteur de la culture, dans le secteur de l'immobilier, etc.
08:25Est-ce que ça veut dire, Sophie Binet,
08:27que vous considérez qu'il faut censurer ce gouvernement ?
08:30La CGT n'a pas à prendre position sur cette question.
08:33On ne l'a jamais fait, on ne le fera pas.
08:35Évidemment, nous avons besoin de stabilité pour le pays,
08:38notamment pour agir sur les licenciements.
08:40Personne ne fait rien.
08:41Mais cette stabilité, elle se fait pour durer.
08:45Un gouvernement doit répondre aux urgences sociales.
08:47Et le problème, c'est que ce gouvernement,
08:49comme le précédent, ne le fait pas,
08:51puisqu'il n'y a toujours rien contre les plans de licenciements,
08:53alors que ça fait neuf mois qu'on alerte.
08:55Il n'y a rien sur les salaires,
08:57alors que c'est la préoccupation numéro un des Françaises et des Français,
09:00et que ce gouvernement a refusé de bloquer la réforme des retraites.
09:03On va revenir sur tout ce que vous avez dit sur les licenciements,
09:05les salaires et les retraites,
09:06avec la question évidemment de votre participation ou non
09:08aux conclaves sur la réforme,
09:10en tout cas la discussion sur une réforme de la réforme des retraites.
09:13Mais si je vous entends bien, vous êtes un peu comme les socialistes.
09:15Vous êtes tiraillés entre le fait de se dire
09:17qu'il faut maintenir un budget,
09:19parce qu'il faut quand même une forme de stabilité,
09:21et en même temps, ce budget-là, tel qu'il est, ne vous satisfait pas.
09:23Écoutez, encore une fois,
09:25ce n'est pas à la CGT de prendre cette décision-là.
09:27Ce qui est sûr, c'est que le gouvernement, pour durer,
09:30doit répondre aux urgences sociales.
09:32Parce que nous, ça nous sert à quoi d'avoir un gouvernement qui dure
09:34et qui ne répond pas aux aspirations des salariés ?
09:36C'est ça la question.
09:37Ça ne veut dire quoi, rien, sur les plans de licenciements ?
09:39Vous auriez voulu qu'il y ait quoi ?
09:40Un moratoire sur les licenciements.
09:42Ça fait six mois que la CGT le demande.
09:44Je me félicite d'ailleurs qu'une proposition de loi a été déposée
09:48et qu'elle va être examinée par l'Assemblée nationale
09:50le 20 février prochain.
09:52Il faut aussi des mesures d'envergure pour défendre notre industrie.
09:55C'est ça que les grands patrons devraient dire.
09:57Par exemple, des mesures pour faire baisser
09:59les prix de l'énergie qui coulent notre industrie.
10:02Des mesures pour protéger les sous-traitants
10:04par rapport aux donneurs d'ordre.
10:06Des mesures pour permettre aux petites entreprises
10:08de se financer plus facilement.
10:10Voilà ce qu'il faut mettre en place.
10:11Sur la question du coût de l'énergie, je fais juste une petite parenthèse.
10:13Mais à propos de ce budget et de la position,
10:15alors on a parlé du PS, mais dans la position du RN,
10:17il y a un point sur lequel ils sont en particulier extrêmement vigilants.
10:20C'est la question de la fabrication du coût de l'énergie.
10:23C'est-à-dire en gros, de comment est-ce qu'on en arrive
10:25à la facture finale pour les Français ?
10:27On le sait, il y a toute cette question.
10:29Ça fait quatre ans que tous les politiques en parlent.
10:31La règle au niveau européen, c'est que quel que soit le prix
10:34auquel vous produisez votre électricité,
10:36c'est-à-dire nous, en l'occurrence, on la produit
10:38plutôt moins cher via les centrales nucléaires.
10:41On la paye finalement quand même plus cher qu'on ne la produit
10:43parce qu'on doit tenir compte du dernier qui produit en Europe.
10:46C'est un peu abscond.
10:47Enfin, ça fait un bout de temps qu'ils se disent
10:49si on veut pouvoir sortir de ça, il faut qu'on fasse
10:51comme l'Espagne, comme Portugal, qui sont sortis de ces règles.
10:54Dans ce budget, il n'y a pas de sortie de ces règles.
10:56Le RN insiste en disant qu'il faut sortir de ces règles.
10:59Vous êtes d'accord ?
11:00On n'est pas d'accord avec le RN, mais en l'occurrence,
11:02cette règle est complètement absurde.
11:04Vous êtes d'accord avec le RN ?
11:05Non, parce que je pense que sur la proposition,
11:08on n'est pas d'accord à la fin.
11:10Ces règles sont absurdes et elles bénéficient d'abord
11:12à des gens comme Total qui se sont énormément enrichis
11:15sur la spéculation sur les prix de l'énergie,
11:17avec en plus l'argent public, avec le bouclier énergétique
11:20qui a coûté un pognon de dingue, si je reprends les termes
11:22d'Emmanuel Macron.
11:24Donc oui, il faut sortir l'énergie de la spéculation
11:26et revenir sur les tarifs de long terme
11:29pour les particuliers et les entreprises
11:31en matière d'électricité comme en matière de gaz.
11:34Lorsque vous voyez qu'il y a les grands patrons,
11:37on a compris, et vous dites d'ailleurs des grands patrons
11:39et vous maintenez ce propos ce matin,
11:41qu'il coule l'économie française.
11:43Et puis il y a les moyens ou petits patrons,
11:45par la voix de leurs nouveaux représentants,
11:48à la CPME notamment,
11:50ils tiennent exactement le même discours que les grands patrons.
11:52Et quand vous regardez effectivement les chiffres,
11:54notamment des faillites d'entreprises volontaires,
11:56c'est-à-dire des patrons qui, d'eux-mêmes,
11:58finissent par lâcher l'affaire.
12:00Littéralement lâcher l'affaire.
12:02Ces chiffres ont explosé le mois dernier.
12:04Est-ce qu'eux aussi sont comme les grands patrons
12:07en train de couler l'économie française ?
12:09Non, moi ce que je dis aux petits patrons,
12:11et ils le savent d'ailleurs, c'est que le premier motif
12:13de faillite des entreprises, c'est les délais de paiement.
12:15Et donc encore une fois, le comportement
12:17des grandes entreprises vis-à-vis des petites.
12:19Le deuxième motif de difficulté,
12:21c'est l'accès au financement
12:23parce qu'aujourd'hui les banques
12:25spéculent sur l'économie au lieu de la financer.
12:27Et les petites entreprises sont envoyées sur les marchés.
12:29Donc il faut des banques pour financer
12:31notre industrie en France
12:33sur le moyen long terme.
12:35Il y a besoin de mesures massives
12:37pour aider les petites entreprises qui, en France,
12:39vont beaucoup plus mal qu'ailleurs en Europe.
12:41Mais est-ce que ça veut dire que vous estimez
12:43que les moyens ou petits patrons, eux,
12:45ne coulent pas l'économie française en faisant ça ?
12:47En se mettant en faillite ?
12:49La différence entre les petits patrons et les gros,
12:51c'est que les petits patrons ne délocalisent pas.
12:53Les petits patrons, quand ils se mettent en faillite,
12:55c'est qu'ils n'ont pas le choix.
12:57Donc il y a les gentils patrons et les méchants patrons.
12:59Il y a un peu le bon et le mauvais chasseur.
13:01Mais enfin, quand même, à la fin, ça reste des patrons.
13:03Et on a des conflits aussi avec les petits patrons.
13:05Ça, je vous rassure sur ce point.
13:07Mais ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui,
13:09sur la situation de l'économie du pays,
13:11ce sont les grandes entreprises
13:13qui asphyxient les petites
13:15et qui remontent la valeur vers les dividendes
13:17et vers les actionnaires.
13:19Ils captent toutes les aides publiques.
13:21Et c'est cela qu'il faut changer.
13:23La différence entre la France et l'Allemagne,
13:25c'est qu'en Allemagne, il y a une solidarité
13:27sur la chaîne de valeur entre les donneurs d'ordre
13:29et les sous-traitants.
13:31Ce n'est pas du tout le cas en France.
13:33Il suffit de regarder ce qui se passe dans l'automobile,
13:35avec le patron de Renault,
13:37que nous allons interpeller demain
13:39avec une action des salariés de Renault.
13:41Vous allez interpeller demain le patron de Renault ?
13:43Oui, puisqu'il va être entendu à l'Assemblée nationale.
13:45Et nous souhaitons qu'il s'explique
13:47vraiment en direction des sous-traitants,
13:49avec cet exemple particulier des Fonderies de Bretagne,
13:51qui est juste inacceptable,
13:53puisque le patron de Renault s'apprête à faire fermer
13:55une entreprise de 350 salariés,
13:57qui va très bien, tout simplement parce qu'il envoie
13:59ses volumes en Turquie, au Portugal
14:01et en Espagne.
14:03Plus globalement d'ailleurs,
14:05tout le secteur de l'automobile crie l'alerte,
14:07en disant qu'aujourd'hui,
14:09la baisse du nombre de ventes
14:11et en particulier
14:13le non-décollage des ventes d'électriques,
14:15alors qu'ils ne produisent de plus en plus
14:17que de l'électrique, avec cette règle
14:19de 2035 et de la fin de la voiture thermique.
14:21Est-ce que de ce point de vue-là, vous êtes plutôt
14:23solidaire de l'industrie automobile, en disant peut-être
14:25qu'il faut revoir cette règle de 2035,
14:27en tout cas réfléchir à un assouplissement
14:29autour de, tout simplement,
14:31le nombre de voitures électriques
14:33qui ne trouvent pas preneur aujourd'hui ?
14:35En fait, il y a deux problèmes. Le premier, c'est un déficit
14:37d'anticipation. C'est que quand même,
14:39la question environnementale, on ne la découvre pas.
14:41Ça fait des années qu'on aurait dû anticiper
14:43là-dessus, et ces grands patrons ont refusé.
14:45Donc, ils ont voulu s'adapter.
14:47Oui, mais c'est comme sur le diesel, où on nous a enfermés
14:49en France sur le diesel, c'est les mêmes
14:51qui ont empêché l'apparition d'études
14:53sur la pollution du diesel, etc.
14:55Et le deuxième problème, ce sont leurs choix stratégiques,
14:57où ils ont fait le choix de prioriser
14:59des gros véhicules très chers
15:01qui, effectivement, ne se vendent pas, puisque
15:03qui peut acheter un véhicule à
15:0540 000 euros, voire beaucoup plus ?
15:07Personne ! Alors que des véhicules
15:09à bas coût électrique, on sait faire
15:11et on sait faire en France.
15:13C'est leurs choix stratégiques qui sont problématiques.
15:15Sophie Binet, sur la question des retraites,
15:17est-ce que vous participerez
15:19au conclave, au lieu de
15:21discussion avec vos autres partenaires sociaux
15:23pour réformer la réforme des retraites ?
15:25Alors, il n'y a pas de conclave.
15:27C'est le Premier ministre qui nous l'a
15:29confirmé. Il va y avoir des concertations
15:31sur la question des retraites.
15:33Et donc, la CGT, évidemment,
15:35va utiliser cette brèche pour
15:37exiger la brogation de cette réforme
15:39qui est extrêmement violente, qui fait des ravages
15:41puisqu'aujourd'hui, on est maintenant
15:43à 62 ans et demi.
15:45Pour partir en retraite, il faut attendre 62 ans
15:47et demi. Et le nombre de chômeurs
15:49de plus de 62 ans explose déjà.
15:51Donc, cette réforme, elle est déjà extrêmement
15:53nuisible. Il faut la bloquer immédiatement.
15:55Je n'ai pas tout à fait compris. Vous avez dit
15:57« on va utiliser cette faille ».
15:59Est-ce que ça veut dire que vous participerez
16:01à ces négociations ?
16:03Oui, c'est la stratégie du pied dans la porte.
16:05Nous participerons pour exiger la brogation
16:07de cette réforme des retraites.
16:09Pour exiger la brogation, si les discussions
16:11permettent, au fond,
16:13de gagner peut-être 6 mois,
16:15vous dites 62 ans et demi,
16:17de revenir un peu en dessous,
16:19d'améliorer la question de la retraite
16:21pour les femmes, l'égalité hommes-femmes,
16:23la question de la pénibilité,
16:25est-ce que vous estimerez que c'est déjà mieux que rien ?
16:27Eh bien, tout dépend de
16:29ce qui va venir dans ces discussions.
16:31Notre objectif, encore une fois, c'est
16:33d'abroger cette réforme parce que c'est ce que
16:35porte l'ensemble des organisations syndicales.
16:37Et, je le dis,
16:39si le compromis
16:41sur lequel on voulait
16:43nous faire accoucher était, par exemple,
16:4563 ans, ça veut dire
16:47défaire seulement un tiers de la réforme.
16:4963 ans, c'est un recul
16:51par rapport à aujourd'hui parce qu'on est à 62 ans
16:53et demi aujourd'hui et que c'est déjà une catastrophe.
16:55L'objectif de la CGT,
16:57au moyen terme, c'est 60 ans. Nous pensons
16:59qu'il faut le droit à la retraite
17:01à 60 ans. Et donc, ce que nous allons chercher
17:03dans ces discussions, c'est l'abrogation
17:05de la réforme des retraites et des mesures pour la pénibilité.
17:07Est-ce que vous considérez aujourd'hui
17:09que le dialogue social est de retour ?
17:11Écoutez,
17:13on attend de voir le résultat. Pour l'instant,
17:15tout cela reste très nébuleux. Il y a
17:17beaucoup d'affichages,
17:19mais pour le résultat, pour l'instant,
17:21on n'en a pas les fruits. Quand vous voyez que le patron
17:23du Medef dit
17:25que ceux qui partent, à propos des patrons qui délocalisent,
17:27ont raison de partir, est-ce que vous vous dites,
17:29avec quelqu'un comme ça, Patrick Martin,
17:31qu'on va pouvoir vraiment discuter ?
17:33Évidemment que c'est une déclaration très inquiétante.
17:37Mais voilà, la CGT, de toutes les manières,
17:39sait que nous avons des intérêts contradictoires
17:41avec les patrons,
17:43notamment les plus grands d'entre eux.
17:45Et c'est le rapport de force qui fait changer les choses.
17:47Donc, ce qu'il faut, c'est que les salariés continuent
17:49à se mobiliser pour se faire entendre.
17:51Quand vous dites que c'est le rapport de force qui va finalement
17:53faire bouger ou non les choses, est-ce qu'au-delà des salariés,
17:55vous appelleriez à nouveau
17:57les Français à descendre dans la rue ?
17:59Oui, il y a déjà des initiatives de mobilisation
18:01qui sont prévues.
18:03Par exemple, le 8 mars,
18:05une grande journée de manifestation pour
18:07les droits des femmes, lors de laquelle nous exigerons
18:09l'égalité salariale, puisque je rappelle que
18:11les femmes sont toujours payées un quart en moins
18:13que les hommes. Et que si on daignait
18:15payer les femmes autant que les hommes,
18:17il n'y aurait pas de déficit en matière de retraite.
18:19Donc, il y aura
18:21des initiatives de mobilisation, c'est sûr.
18:23Je repense à un mot que vous avez prononcé tout à l'heure,
18:25vous avez demandé le moratoire sur les licenciements.
18:27Je vous repose la question parce que je n'ai pas tout à fait bien compris.
18:29Est-ce que ça veut dire que pour vous, ça doit être un gel
18:31des licenciements pendant six mois ?
18:33Oui, tout à fait. C'est un gel des licenciements pendant six mois.
18:35Et nous serons d'ailleurs après-demain
18:37à Bruxelles avec tous les syndicats européens
18:39pour exiger ce
18:41moratoire des licenciements au plan européen
18:43parce que c'est une revendication qui est portée
18:45par les autres organisations syndicales européennes.
18:47Donc, ça veut dire que vous considérez qu'il faudrait
18:49stopper net, interdire tout licenciement
18:51pendant six mois. Il faut l'interdire
18:53le temps de chercher un repreneur et de trouver
18:55une solution pour ces entreprises. Parce qu'en fait,
18:57si on laisse faire aujourd'hui ces 300 plans de licenciement
18:59que la CGT a recensés, c'est notre
19:01tissu industriel qui s'en va
19:03et reconstruire le tissu industriel,
19:05c'est des dizaines d'années de travail.
19:07Notre industrie aujourd'hui est à un
19:09niveau critique et donc
19:11on ne peut pas laisser notre industrie partir.
19:13Je vais vous prendre un dernier exemple.
19:15Vancorex en Isère, c'est une plateforme
19:17chimique. C'est une entreprise de 450 salariés.
19:19Si elle ferme, c'est 5000 emplois
19:21qui sont supprimés. C'est un coût environnemental
19:23de dépollution du site d'un milliard d'euros.
19:25Eh bien nous, notre revendication,
19:27c'est d'avoir une nationalisation temporaire
19:29de l'entreprise parce que c'est un enjeu
19:31stratégique au vu des productions de l'entreprise.
19:33Il faut que le gouvernement réponde.
19:35Merci Sophie Binet, secrétaire générale
19:37de la CGT d'avoir répondu à mes questions.
19:39Il est 8h52 sur RMC
19:41et BFM TV.