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00:00Et c'est le plaisir d'accueillir dans ce studio, comme chaque vendredi soir, Georges Fedech, bonsoir !
00:04Bonsoir Pascale, très bien, heureux de vous retrouver !
00:06Et moi aussi très heureuse, Philippe Guibert est avec nous dans ce studio, bonsoir Philippe !
00:10Et bonsoir Pascale, vous allez bien ?
00:12Oui écoutez, ça va bien, je voulais revenir un instant sur Lili Bell, l'affaire Lili Bell peut-être,
00:17cette jeune fille adolescente donc, qui est décédée.
00:21Parce qu'elle s'était interposée, on en a parlé dans le journal, elle s'était interposée, elle a pris un coup de couteau,
00:2716 ans, et l'auteur des faits qui avait 16 ans au moment du drame, donc, sa peine a été revue à la baisse.
00:37Je voudrais qu'on écoute peut-être la réaction de la mère de Lili Bell tout à l'heure.
00:40J'aimerais péter un câble, mais je peux pas, j'ai envie de dire que c'est dégueulasse !
00:45Il va ressortir à 27 ans, à savoir que s'il demande de sortir avant parce qu'il va bien se tenir en prison,
00:52on va lui donner une image, comme on a fait depuis 3 ans, on l'a laissée en liberté,
00:57on lui a donné un appartement, que l'Etat a payé, et les citoyens.
01:01Il a loupé son CAP, il a fait la fête dans l'appartement, il a été expulsé de l'appartement,
01:07il n'a pas été à ses contrôles judiciaires, il n'a pas écouté l'éducateur, il n'en pouvait plus l'éducateur,
01:13et on lui avait donné une première chance, et là on lui redonne une deuxième chance.
01:17Jusqu'à quand ça va durer ?
01:20Alors, voilà les mots de la maman, donc 18 ans requis, 10 ans finalement, il n'a que 10 ans puisque les faits ont été requalifiés,
01:2910 ans, il a déjà fait 3 ans de prison, donc il n'aura que 7 ans, Lili Bell avait 14 ans,
01:33elle a été tuée d'un coup de couteau parce qu'elle s'était interposée dans une RICS en Essonne,
01:38c'est l'avocat de général qui demandait 18 ans de réclusion criminelle pour meurtre,
01:41et la cour d'Axis qui a requalifié les faits en coup mortel et condamné donc l'accusée à 10 ans de prison,
01:48peut-être, Georges Fenech, ancien juge d'instruction.
01:50Pourquoi on parle de cette affaire ? Parce que d'abord elle est terrible, il y a eu l'affaire d'Elias également,
01:56c'est-à-dire qu'aujourd'hui, et on avait Mathieu Vallée qui est un ancien policier,
01:58et là c'est très intéressant, les adolescents maintenant ils vont à coup de couteau,
02:02on tue à coup de couteau aujourd'hui, et on peut s'interroger peut-être des décisions de justice, s'interroger à Georges Fenech.
02:13Oui, alors si j'ai bien compris, parce que je n'ai pas tout à fait le souvenir complètement sur le plan judiciaire de cette affaire,
02:19mais ça a donc été disqualifié.
02:21Donc on est passé d'un homicide volontaire à des coups volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
02:28Donc ce n'est plus la même peine, la peine maximale pour les coups mortels c'est 15 ans,
02:34et lui en plus bénéficiait donc de l'excuse atténuante de minorité.
02:38Donc vous tombez effectivement dans la zone des 10 ans qui est déjà, pour un mineur, une peine très forte pour des coups mortels.
02:45Mais au final il aura fait 7 ans, ce qui dans la pratique judiciaire de l'application des peines n'a rien de choquant, si vous voulez.
02:54Mais moi je me mets à la place de la mère qui avait entendu 18 ans, dont la fille est décédée,
03:00et que ce jeune il retrouve une vie à peu près normale maintenant, au bout de quelques petites années finalement.
03:06Je le comprends, mais je ne comprends pas la décision de le disqualifier.
03:11En tout cas c'est la cour d'assises souveraine qui a décidé.
03:14Bien sûr. Alors Philippe Guibert, comment on a écouté les mots de la mère,
03:18et c'est un phénomène qui se multiplie, c'est vraiment pour ça, est-ce que l'excuse de minorité pose un problème ?
03:24Est-ce que l'excuse de minorité doit être aménagée peut-être ?
03:29La proposition de réforme qui va être discutée, ce n'est pas de la supprimer,
03:33moi je trouve qu'il ne faut pas la supprimer, il y a des cas où il peut y avoir des excuses de minorité,
03:38mais sur un acte aussi grave, il faudrait que les juges la motivent.
03:42C'est ça le projet de réforme que pour ma part je partage,
03:45qui consiste à dire que lorsque les juges veulent appliquer l'excuse de minorité,
03:51ils doivent la motiver. Aujourd'hui c'est l'inverse, c'est-à-dire que s'ils veulent lever l'excuse de minorité,
03:56ils doivent expliquer pourquoi ils veulent lever l'excuse de minorité.
04:00Je pense que cette réforme va dans le bon sens, et que peut-être dans le cas d'espèces dont nous parlons,
04:07Georges a très bien expliqué que la Cour d'Assise a décidé, j'imagine, après avoir entendu,
04:12enfin ce n'est pas j'imagine, forcément, après avoir entendu tous les acteurs, témoins, enquêteurs de cette tragédie,
04:20et donc elle a décidé que ce n'était pas un homicide volontaire.
04:24Mais ce qui peut être discutable dans le jugement, c'est l'excuse de minorité,
04:30parce qu'un gamin, je ne sais pas à quel âge il avait à ce moment-là, 16 ans,
04:35porte un coup de couteau, même en admettant qu'il n'ait pas voulu tuer et donner un coup de couteau.
04:40Je suis d'accord, on ne veut pas tuer avec un coup de couteau,
04:43on donne des coups de couteau et on ne veut pas tuer, il y a quand même un risque.
04:46C'est atroce, non mais c'est atroce ces histoires de couteau.
04:48Juste pour finir, je ne vois pas en quoi le fait de donner un coup de couteau,
04:52qui peut être mortel, on le sait quand même, n'importe qui le sait,
04:56justifie une excuse de minorité en l'occurrence.
04:59Il faut rappeler le droit, le droit c'est moins de 13 ans, il n'en court pas de peine.
05:0313-16 ans, on ne peut pas l'exclure, l'excuse de minorité,
05:07elle est obligatoirement prononcée et retenue.
05:10Mais 16-18 ans, effectivement, le juge a la possibilité de l'écarter en disant
05:14qu'il avait suffisamment de maturité pour comprendre ce qu'il faisait,
05:17il avait déjà la maturité d'un jeune adulte,
05:20et donc on va exclure l'excuse de minorité.
05:23Là, Philippe a raison, il faut inverser la démarche intellectuelle,
05:27c'est-à-dire qu'aujourd'hui elle est de droit,
05:30et il faudrait qu'au contraire, il faudrait que les juges,
05:33des cours d'assises des mineurs notamment,
05:35motivent pourquoi ils retiennent l'excuse de minorité.
05:41On inverse, on inverse la démarche.
05:43Aujourd'hui elle s'applique, on l'enlève que si.
05:46Et l'exception c'est lorsque le juge vraiment décide de l'enlever.
05:50De toute façon, on est dans tel contexte aujourd'hui,
05:52quand on voit encore la mort d'Elias récemment par des jeunes de 16-17 ans,
05:56je crois que le pays ne peut plus comprendre,
05:59surtout pour des récidivistes en plus,
06:01ce sont des jeunes qui avaient agressé déjà,
06:03qu'on puisse avoir autant de bienveillance.
06:06Et le fléau effectivement de ces couteaux de port d'armes.
06:10Là il y a des flyers qui ont été distribués notamment par la mairie de Paris,
06:14mais on stoppe le couteau, enfin voilà, c'est pas suffisant.
06:18C'est pas les flyers qui vont empêcher.
06:20Écoutez, moi je suis très frappé, je trouve que c'est un sujet essentiel.
06:24J'ai la chance d'habiter dans un beau quartier parisien, comme on dit.
06:29J'ai des beaux-fils qui sont au lycée,
06:34et j'étais surpris de voir que dans des beaux quartiers il y a des couteaux qui circulaient.
06:39Vous vous rendez compte ? C'est terrible Philippe Guibert.
06:42Qu'on ne se dise pas que la circulation des couteaux
06:45et la fascination pour le couteau soient réservées aux quartiers populaires.
06:49C'est pas vrai. C'est devenu une sorte de rite,
06:53de passage pour des jeunes garçons qui ont 15, 16, 17 ans.
06:58Et le couteau est devenu banal.
07:01Et ça c'est un problème très profond.
07:04Il est devenu banal parce qu'on ne le sanctionne plus.
07:06Oui, mais...
07:07La loi prévoit de le sanctionner Georges Ménec.
07:09Georges pense que c'est un problème de décivilisation.
07:12Il y a un rapport à la violence qui a profondément changé.
07:15Mais je pense que la répression ne fait pas de mal non plus.
07:17Je n'ai pas dit le contraire.
07:18En termes de dissuasion, aujourd'hui se transporter avec un couteau,
07:23théoriquement c'est un an de prison ferme.
07:25C'est vrai, c'est ce que dit la loi.
07:27Un an de prison ferme, c'est incroyable.
07:30Si vous êtes dans la catégorie D, c'est un an d'emprison.
07:33Mais l'idée, c'était il y a 2 ou 3 ans,
07:36comme c'est jamais poursuivi ou tellement peu poursuivi,
07:40on en a fait une amende forfaitaire de 1500 euros.
07:43Qui n'est jamais appliquée non plus.
07:45Qui n'est jamais recouvrée en tout cas.
07:47Donc vous voyez bien qu'il y a un problème.
07:49C'est toujours un problème.
07:50La loi, elle existe, mais il faut l'appliquer.
07:52Si on apprend, les jeunes dans les quartiers apprennent
07:55que s'ils se font arrêter avec un couteau,
07:57ils vont directement en casse-prison,
07:59ils vont y rester un an,
08:00vous verrez qu'ils vont y regarder à deux fois
08:02avant de sortir avec des couteaux.
08:03Oui, bien sûr, il y aura des quartiers...
08:05Mais alors, qui n'applique pas ?
08:07Les juges.
08:08Pourquoi les juges n'appliquent pas ?
08:10Demandez-leur.
08:11Il doit y avoir une mobilisation.
08:12Vous êtes un ancien juge.
08:13Vous pouvez nous donner des pieds, Georges Fenech.
08:15Vous connaissez ma réponse.
08:16Ce sont des juges qui considèrent que la prison n'est pas adaptée
08:19pour les mineurs,
08:20donc il ne faut surtout pas les incarcérer.
08:22C'est une erreur.
08:23C'est une erreur parce que les courtes peines d'emprisonnement,
08:26on l'a assez dit,
08:27on voit aujourd'hui l'expérience des Pays-Bas notamment,
08:30les courtes peines d'emprisonnement,
08:32c'est-à-dire 15 jours, un mois,
08:34elles sont dissuasives.
08:35Elles empêchent.
08:37Elles luttent contre la récidive.
08:38Si vous ne sanctionnez jamais,
08:40le mineur se trouve encouragé et passe au stade supérieur.
08:44Je suis d'accord, Georges,
08:45mais j'ajouterais un point,
08:46c'est qu'il faut qu'il y ait une vraie mobilisation de la société.
08:49Quand je dis la société,
08:50ce n'est pas une entité abstraite.
08:52Ça veut dire les parents,
08:53ça veut dire les écoles et les lycées en particulier,
08:56voire les collèges.
08:57Ça veut dire les municipalités.
08:59Ça veut dire qu'il faut qu'il y ait une pression sociale
09:02pour que les gamins qui jouent avec ça
09:04et qui ont un beau jour vont finir par l'utiliser.
09:07Ils sachent que la pression pénale, tu as raison,
09:11mais la pression sociale va être sur eux.
09:14Parce que sinon, on va multiplier les drames.
09:16C'est là ce qu'on vit.
09:20Et surtout les histoires,
09:21c'est-à-dire qu'il y a des coups de couteau qui sont donnés,
09:23mortels pour la plupart.
09:24J'ai l'impression qu'on en parle tous les jours.
09:26J'ai rêvé dans le métro à Lyon.
09:27Mais oui, exactement,
09:28on en parlait,
09:29une bousculade, on sort un couteau.
09:30Mais pardonnez-moi,
09:31je recite un cas personnel,
09:33dans mon même beau quartier de l'Ouest parisien.
09:36Dans un collège,
09:38tout près de la porte d'Autoil,
09:40pour être précis.
09:41Il y a un gamin qui s'est fait menacer
09:43par un autre gamin du même collège,
09:45avec un couteau, il y a 15 jours.
09:47On n'en a pas parlé,
09:48il n'y a pas eu de drame.
09:50Mais c'est quand même extrêmement,
09:52si j'ose dire, frappant,
09:54de voir que,
09:56dans un collège,
09:57pour des gamins de 4ème, 3ème...
09:59Mais attendez, faut quoi ?
10:00Faut mettre des portiques de sécurité ?
10:01Faire passer les gamins ?
10:03Ça s'est passé à 200 mètres du dit collège.
10:06C'est incroyable.
10:08C'est pas un fantasme de sécurité ?
10:12En région Auvergne-Rhône-Alpes,
10:13Laurent Wauquiez, dans certains lycées,
10:15a fait installer des portiques.
10:17On en est là aujourd'hui.
10:18Mais ça coûte extrêmement cher.
10:19Ça a coûté très cher.
10:21Mais ça a été fait.
10:22Mais ça a été fait et ça fonctionne.
10:24Et ça fonctionne.
10:25Il n'y a pas que ça.
10:26Il y a les caméras de vidéosurveillance,
10:28il y a des agents de sécurité,
10:30mais il y a aussi, dans certains établissements,
10:32des portiques de sécurité aujourd'hui.
10:34Comme pour les aéroports.
10:35Mais ça coûte beaucoup d'argent.
10:36Ça coûte de l'argent.
10:37Il y a eu un programme
10:38de plusieurs centaines de millions d'euros.
10:40Je ne suis pas sûr que ça suffise.
10:42Je vous reprends cet exemple.
10:46Les coups de couteau ne sont pas donnés
10:48dans les enceintes scolaires.
10:49Ça peut arriver, bien sûr.
10:51Mais dans tous les exemples dont on parle,
10:54parfois tragiques,
10:55ou celui que je citais
10:56qui n'a pas fait l'œil des journaux,
10:57ça se passe à l'extérieur.
10:59Je ne dis pas que c'est inutile.
11:02Mais je crois qu'il faut
11:03qu'il y ait cette pression
11:04de tous les acteurs élus locaux.
11:07Mais d'où vient cette ultra-violence des jeunes ?
11:09Je me pose une question.
11:10Le phénomène de décivilisation.
11:12De décivilisation ?
11:13Parce que, pardon,
11:14je n'ai pas de souvenirs.
11:15J'ai une quarantaine d'années.
11:16Mais d'où vient la décivilisation ?
11:17C'est la décivilisation.
11:19Mais d'où vient la décivilisation ?
11:20Il faut aller à la source.
11:21Qu'est-ce qui se passe ?
11:22Pourquoi ces jeunes aujourd'hui
11:24sortent un couteau
11:25alors qu'à notre âge,
11:26quand on avait des chimailleries
11:28avec des jeunes,
11:30ça se terminait par des petits coups de poing
11:32et on n'en parlait plus ?
11:33Pourquoi aujourd'hui,
11:34le couteau est la mort ?
11:35Pourquoi la Kalachnikov dès 14 ans ?
11:38C'est la question.
11:40Vous dites que c'est un problème
11:41de décivilisation.
11:42Mais la décivilisation
11:43n'est pas tombée comme ça.
11:44C'est la libération.
11:45Parce qu'en réalité,
11:48comme il y a eu un recul de l'autorité,
11:50que la sanction,
11:51on a oublié que ça fait plusieurs décennies
11:53que les jeunes se sentent
11:54en totale impunité.
11:55Qu'est-ce que vous voulez ?
11:57Il n'y a pas que la sanction pénale.
11:59Franchement,
12:00dans la crise de l'autorité,
12:02il y a l'éducation,
12:04il y a le rapport des familles aux gamins,
12:07il y a l'accès à des tas d'écrans.
12:10Vous qui connaissez le Maroc,
12:13moi je connais le Maroc,
12:14je connais l'Afrique du Nord assez bien.
12:17Ces jeunes qui sont issus de l'immigration,
12:20dont on dit que c'est la culture,
12:21le couteau, etc.
12:22Vous allez dans ces pays là-bas ?
12:24Ça ne se passe pas comme ça.
12:25Il n'y en a pas.
12:26Il n'y en a pas.
12:27Alors, interrogez-vous.
12:28Pourtant c'est la même religion.
12:30Pourquoi chez nous ces jeunes,
12:33pour la plupart,
12:34pas tous évidemment,
12:35mais on voit bien ce qui s'est passé
12:37avec Elias encore.
12:38Pourquoi ?
12:40Parce qu'il y a un déni de justice.
12:44Parce que la justice n'est pas sévère.
12:46On est resté à l'ordonnance de 45,
12:48le primat de l'éducatif.
12:50Jamais de prison.
12:52Ça ne concerne pas que les jeunes d'origine immigrée.
12:56Vraiment.
12:57Je n'ai pas dit ça.
12:58Vraiment pas.
12:59Je n'ai pas dit ça,
13:00mais c'est un phénomène plus général.
13:02C'est un phénomène plus général.
13:04Vraiment.
13:05Elias, il n'avait pas de couteau.
13:07Ben non.
13:08Voilà.
13:09C'est terrible.
13:11Oui.
13:12Vraiment, je reprends des civilisations.
13:14Je suis d'accord sur la crise de l'autorité,
13:16mais elle est beaucoup plus large
13:18que la question de la sanction pénale
13:20qui existe par ailleurs.
13:22Messieurs, il est 20h44 dans un instant.
13:25Ange, Dan Calderon, le cousin d'Ophère Calderon,
13:27sera avec nous en direct.
13:28À tout de suite sur Europe 1.