Avec Myriam Benraad, politologue et spécialiste du Moyen-Orient
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00:00On en parle avec notre invitée Myriam Benraad. Bonjour.
00:04Bonjour.
00:05Soyez la bienvenue sur Sud Radio. On est ravis de vous retrouver en plus au haut des beautés et de si bon matin, je le disais.
00:11Comment régler le problème à Gaza sont les termes de Donald Trump.
00:16Il propose ni plus ni loin que, je cite ces termes, faire le ménage dans la bande de Gaza en déplaçant la population,
00:23on parle de plusieurs centaines de milliers de personnes,
00:26en les déplaçant et leur proposant de vivre à long terme ou de manière temporaire, soit en Jordanie, soit en Égypte.
00:34Comment ne serait-ce que les alliés des Américains dans la région, je pense en particulier à la Jordanie et à l'Égypte,
00:40peuvent réagir à une telle proposition ?
00:43Alors c'est un peu le scénario catastrophe qu'annonce Trump,
00:47parce que ça a toujours été la hantise des Jordaniens et des Égyptiens, comme vous le soulignez,
00:53qu'il y ait en quelque sorte une seconde Nakba et que les Palestiniens quittent leur territoire, qu'on parle de Gaza ou de la Cisjordanie.
01:02On est complètement sur un scénario catastrophe, parce que ça veut dire en tout cas du côté jordanien,
01:08par exemple un effondrement de la Jordanie qui n'est absolument pas capable d'absorber ces populations sans une aide massive
01:15et qui considérait que c'est vraiment la violation finalement du traité de paix qui avait été signé par Israël,
01:21une réaction qui serait identique du côté égyptien.
01:24Et puis surtout ça sonne le glas des espoirs qu'on n'avait pas placés quand même dans l'administration Trump de trouver une issue à ce conflit.
01:31Quelle que soit l'issue, on savait qu'elle serait imparfaite, mais là l'annonce qui est faite est vraiment très inquiétante.
01:37Alors est-ce qu'il faut prendre cette déclaration au sérieux ou est-ce qu'on peut l'envisager comme du bluff ?
01:45Je pense qu'il y a un certain nombre de facteurs à prendre en compte.
01:49La proximité idéologique de Trump avec Netanyahou, le fait qu'on a aussi tout de même un électorat évangélique messianique
01:56qui a largement voté pour Trump, qui est favorable finalement à cette optique d'un grand Israël et à ce type de règlement du conflit.
02:06Donc ça pèse aussi dans les déclarations qui sont faites par Trump,
02:09parce que cette droite évangélique messianique est très puissante aux Etats-Unis et sur la politique étrangère.
02:16Maintenant concrètement, je ne vois pas comment ça pourrait être mis en oeuvre sur le terrain, à moins de créer une nouvelle ère de chaos au Moyen-Orient.
02:27Précisons quand même que Donald Trump n'a pas parlé d'annexion de la bande de Gaza par l'État d'Israël.
02:34Donald Trump a parlé de reloger, j'en prends ce terme très euphémisé, la population de la bande de Gaza,
02:41le temps qu'on pourrait, je le cite à nouveau, faire le ménage et en d'autres termes y détruire le terrorisme et pourquoi pas ce qui reste du Hamas.
02:50Est-ce que ce n'est pas aussi, malgré tout, une reconnaissance du fait que finalement la guerre à Gaza n'a pas permis,
02:57contrairement à l'objectif que s'était fixé de Sahal, de détruire le Hamas ?
03:02Alors reconnaissance en partie parce que le Hamas a quand même été très affaibli.
03:07Il faut prendre des précautions, une certaine distance par rapport aux images qu'on voit,
03:11notamment dans le contexte de la libération des otages, qu'on les voit sur scène, lourdement armés, masqués.
03:18Il faut prendre une certaine distance, c'est un mouvement qui a quand même été très affaibli, qui a perdu ses chefs.
03:23Concernant maintenant l'idée d'un déplacement de la population palestinienne, soyons très clairs,
03:28si cette population quitte la bande de Gaza, qu'il y ait annexion ou pas de la bande de Gaza,
03:33elle, cette population, n'y rentrera pas.
03:36Donc qu'on soit quand même assez clair sur ce qui est proposé ici.
03:40Et les Palestiniens ne voudront pas, dans tous les cas, aussi quitter ces territoires.
03:45Donc c'est une déclaration incendiaire, mais enfin après pour la mise en œuvre.
03:49Mais dans le même temps, je reconnais que c'est très inquiétant parce que ça veut dire
03:53que les États-Unis ont complètement abandonné l'idée d'un État palestinien aujourd'hui.
03:57Et ça veut dire qu'ils s'orientent vers le règlement de ce conflit par la force.
04:01Est-ce que ça signifie encore des mois et des mois de guerre devant nous ?
04:05Si c'est le cas, si c'est le scénario que préfèrent les Américains, c'est dramatique.
04:09Ce qui est important, c'est que cette déclaration arrive en plein pendant un cessez-le-feu.
04:14Accord entre Israël et le Hamas, d'ailleurs négocié grâce en partie à Donald Trump.
04:20Libération des otages israéliens contre libération de prisonniers palestiniens.
04:24Est-ce que cette déclaration peut faire capoter en fait cet accord et ce cessez-le-feu ?
04:30Alors ce qui est certain, c'est que ça envoie un message très très sérieux,
04:36non seulement aux Palestiniens, du côté de la bande de Gaza, mais aussi en Cisjordanie.
04:42Ça envoie un message qui va forcément provoquer la colère de la Jordanie et de l'Égypte,
04:47donc qui va encore raviver les tensions et qui oui, potentiellement,
04:51peut aboutir à une rupture de ce cessez-le-feu et à la reprise des hostilités.
04:55Donc attention quand même, il faut bien prendre en compte que toute déclaration
04:59faite par un dirigeant américain aujourd'hui peut avoir des conséquences catastrophiques.
05:04Et là vraisemblablement, elle en aura parce que ça va encore augmenter le niveau de tension dans la région.
05:10Alors dernier mot qui est important, les États-Unis ont d'autres alliés dans la région,
05:14en particulier l'Arabie Saoudite.
05:17Comment ces pays peuvent réagir à cette déclaration américaine ?
05:23Alors du côté de l'Arabie Saoudite, on n'était pas contre une normalisation des rapports avec Israël,
05:29et puis il y a eu une intervention finalement très faible en faveur des Palestiniens venant de l'Arabie Saoudite.
05:35Là on passe quand même à un scénario différent qui est, comme je l'ai dit, de déplacer des populations,
05:40ce qui va nécessairement poser un certain nombre de problèmes
05:44et qui place l'Arabie Saoudite, en tout cas à l'égard de ses partenaires arabes, dans une position extrêmement sensible.
05:52Donc je ne pense pas que l'Arabie Saoudite va s'exprimer pour autant très fortement contre cette annonce,
05:58mais on peut s'attendre à une suspension des relations en partie avec les Israéliens,
06:06à un refroidissement aussi bien sûr des relations avec les Américains,
06:09parce que les Saoudiens craignent une déstabilisation de la région qui va leur porter un coup d'une manière ou d'une autre.
06:16Merci beaucoup Myriam Benraad d'être intervenue ce matin sur Sud Radio.
06:19Je rappelle que vous êtes politologue, spécialiste du Moyen-Orient et professeure en relations internationales à l'Université internationale Schiller.