La France vit au-dessus de ses moyens. Ou, comme l’analyse l’économiste Philippe Weachter : « le modèle social français a besoin d’une création de richesse supérieure à celle que le système productif est capable actuellement de fournir ». C’est le résultat du divorce entre la productivité et le pouvoir d’achat. Car, si les gains de productivité — cette capacité à produire davantage avec moins — progressent plus lentement que les rémunérations ou la diminution du temps de travail, c'est tout le modèle social qui vacille. [...]
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00:00La France vit au-dessus de ses moyens, ou comme l'analyse l'économiste Philippe Wechter,
00:15le modèle social français a besoin d'une création de richesse supérieure à celle
00:20que le système productif est capable actuellement de fournir.
00:25C'est le résultat du divorce entre la productivité et le pouvoir d'achat.
00:30Car si les gains de productivité, cette capacité à produire davantage avec moins,
00:36progressent plus lentement que les rémunérations ou la diminution de son travail,
00:41c'est tout le modèle social qui vacille.
00:44Après avoir longtemps connu des trajectoires assez proches, le tandem s'est brisé en 2020.
00:50Le pouvoir d'achat continue sa progression,
00:52quand la productivité n'a toujours pas restauré son niveau d'avant-pandémie.
00:57Autofoivantée pour son exceptionnelle productivité horaire, la France est aujourd'hui engluée.
01:02Les raisons ?
01:04Une mosaïque de causes, plutôt qu'un phénomène isolé.
01:07Les conséquences de la crise sanitaire ne sont notamment pas encore totalement digérées.
01:12Les aides d'urgence ont empêché la disparition d'entreprises peu performantes,
01:16créant une zombification de l'économie.
01:19Ces structures sous-productives ont contribué à tirer les chiffres vers le bas.
01:23Ensuite, les difficultés de recrutement exacerbées après la crise ont ajouté à cette complexité.
01:30Faute de candidats adaptés, les employeurs ont accepté des profils sous-qualifiés
01:36ou conservé des salariés en sous-activité, sacrifiant leur efficacité.
01:41La vague montante des défaillances, le retournement du marché du travail,
01:44de eux puis, vont progressivement gommer ces facteurs.
01:48Mais des changements structurels plus profonds persistent.
01:51D'abord, le déclin continu de l'industrie au profit de services peu sophistiqués,
01:57tels que la distribution des loisirs et services au ménage, intrinsèquement moins productifs,
02:03modifient la composition de l'économie.
02:05Ensuite, l'adoption croissante d'un modèle anglo-saxon accentue le phénomène.
02:11Multiplication des emplois non directement productifs,
02:14externalisation des services mal rémunérés à travail dégradé et financiarisation des stratégies
02:20qui privilégient les effets de levier par la croissance externe
02:24au détriment du développement organique des entreprises.
02:28Ces choix amplifient les coûts fixes sans renforcer l'efficacité globale.
02:33Un autre facteur spécifique à la France est l'explosion de l'alternance.
02:36Si ce système est bénéfique pour la formation, il pèse sur les statistiques de productivité.
02:42Les alternants, comptabilisés comme salariés à temps plein malgré leur temps en cours,
02:46affichent une productivité horaire inférieure aux autres employés.
02:51Enfin, l'absentéisme chronique lié à l'explosion des arrêts maladie amplifie ce déclin.
02:57Ces absences répétées grèvent en effet les capacités de production des entreprises.
03:02Si certains de ces facteurs vont s'effacer, d'autres vont persister et peser encore sur la productivité.
03:08Dans ce contexte, pour continuer d'assurer des revenus en progression, pour se le permettre,
03:13il faudrait un sursaut de l'investissement des entreprises.
03:17Un effort beaucoup plus intense pour relever la productivité,
03:21car en attendant, c'est l'État qui joue les pompiers de services
03:24et qui se place en compensation pour préserver le niveau de vie de la population et acheter la paix sociale.
03:29Les transferts nets de l'État aux ménages, autrement dit les transferts sociaux reçus,
03:34diminuer des prélèvements versés à l'État par les ménages ne cessent de croître dans les revenus de ces derniers,
03:40au prix d'une dette prise sur les générations futures.
03:43Dans un pays où la pression fiscale atteint déjà des sommets, le financement par l'impôt semble difficilement envisageable.
03:52Tant que le problème de la productivité ne sera pas résolu,
03:55nul espoir de faire disparaître le déficit public ou de réduire significativement l'endettement du pays.