L’essentiel des bateaux de plus de 8 m restera à quai dans le golfe de Gascogne à partir de ce mercredi et jusqu’au 20 février pour protéger les dauphins des captures accidentelles. Romain Jouan, marin pêcheur de 33 ans, nous explique l'impact de cette mesure sur son activité.
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00:00J'ai pas envie d'avoir l'étiquette du méchant marin pêcheur quand je suis à terre
00:04parce que je fais mon métier avec passion et avec raison.
00:07Nous on est les premiers justement à s'attrister quand il y a des captures de dauphins.
00:10Je suis le premier à faire des vidéos de dauphins quand j'en croise en mer.
00:12Jusqu'au 20 février, un peu plus de 300 bateaux sont interdits de pêche dans le golfe de Gascogne.
00:18Le but, donner un peu de répit aux cétacés capturés accidentellement dans leur filet.
00:22Les bateaux de plus de 8 mètres utilisant l'une de ces trois techniques de pêche sont concernés.
00:27Romain, lui, pratique le chalupé lagique à la Turballe en Loire-Atlantique.
00:31Le chalupé lagique, c'est un filet qui sert à pêcher entre deux eaux.
00:35On n'est pas au fond, on est soit au milieu, soit en surface.
00:39C'est là où potentiellement on rencontre la route des dauphins.
00:42On va aussi viser les mêmes espèces qu'eux prédatent.
00:47C'est-à-dire ce qu'on appelle le poisson fourrage, l'anchois, la sardine.
00:50Comme c'est un animal qui respire, c'est un animal qui n'est pas au fond de l'eau, qui est en surface.
00:54C'est pour ça que nous, potentiellement, il peut y avoir des captures accidentelles.
00:58Aujourd'hui, il n'existe pas de solution miracle pour éviter les prises accidentelles de dauphins.
01:02Néanmoins, les bateaux sont de plus en plus équipés de ce que l'on appelle des pingers,
01:07des répulsifs acoustiques qui, malheureusement, ne sont pas toujours suffisamment efficaces.
01:12Depuis deux ans et demi que j'ai le bateau et que je suis équipé de ces pingers-là,
01:16on a le sentiment d'en capturer moins qu'auparavant.
01:19Je pense que depuis que j'ai le bateau, ça a dû arriver deux fois, deux ou trois fois.
01:22La suspension de pêche du 22 janvier au 20 février a été mise en place pour la première fois l'année dernière.
01:27Et pour compenser la perte de revenus, le gouvernement indemnise les pêcheurs concernés
01:32à hauteur de 80% de leur chiffre d'affaires.
01:34Moi, l'année dernière, j'ai été payé qu'au mois de juin.
01:36Tout ce qui va être à payer pendant le mois de février, entre autres le prêt du bateau,
01:41les fournisseurs qui ont encore des factures qui doivent être réglées, et puis mon équipage.
01:45Moi, c'est une perte d'aide de salaire pour moi et mon équipage.
01:48C'est pour ça que début janvier, on est partis en mer en ayant bien en tête qu'on allait s'arrêter le 22.
01:52Ça n'a été pas beaucoup de dodo.
01:54Ça a été la mer, la mer, la mer.
01:56Et puis, on a travaillé, on a redoublé d'efforts pour se souvenir à ce mois qui va arriver.
02:00Surtout pour Romain, la suspension d'activité menace directement la filière pêche française.
02:05Nous, pêcheurs, on va s'arrêter, mais les acheteurs de poissons,
02:08eux, ils vont aller chercher du poisson ailleurs.
02:10C'est ce qui s'est passé l'année dernière, parce que le marché a horreur du vide.
02:13Je ne pense pas que la pêche en Namibie ou en Chine est beaucoup plus responsable que notre pêche à nous.
02:18Finalement, on met un peu la poussière sur le tapis.
02:20Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que l'Europe a eu la bonne idée de lever les taxes douanières sur l'importation du poisson.
02:25Importer du poisson venu d'ailleurs, ça coûte moins cher que du poisson pêché en France.
02:30En fait, on est en train d'éteindre une économie locale.
02:33D'autres techniques de pêche plus sélectives, c'est-à-dire qui ne capturent pas des espèces non désirées, existent.
02:39Mais pour Romain, elles ne permettent pas de répondre à la demande de poissons à grande échelle.
02:43Les ONG aiment bien dire qu'il vaut mieux avoir des pêcheurs avec des bateaux de 12 mètres
02:47qui font leur pêche de manière artisanale, avec des lignes, avec des casiers, avec ceci, cela.
02:52Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que ça ne suffira pas.
02:55Quand le ligneur va ramener trois barres, nous, on va peut-être ramener une tonne dans la journée de poissons.
02:59C'est aussi simple que ça. C'est pour ça qu'on ne peut pas arrêter là.
03:02Aujourd'hui, il regrette que le dialogue avec les ONG soit rompu.
03:06Pour lui, des solutions peuvent être trouvées pour limiter les captures accidentelles, tout en préservant l'activité de pêche.
03:12Moi, je ne regarde pas les ONG en disant que ce sont des méchants, qu'ils nous en veulent.
03:16Il y a certains principes où ils peuvent avoir raison.
03:19Oui, il y a un problème, il y a des captures accidentelles de dauphins.
03:23Oui, il y a un problème aussi dans l'écosystème.
03:25On voit qu'il y a des cétacés qui sont désorientés et qui vont s'échouer sur les plages.
03:28Comme on a vu des orques en Baie-de-Seine, etc. Il y a quelque chose qui se passe dans l'eau.
03:32Mais déjà, juste qu'on travaille ensemble.
03:34Pour moi, il faut juste trouver des solutions et qu'on ne peut pas dire à un métier qui est déjà bien malade qu'on s'arrête.
03:39Parce que là, tout simplement, ce qu'on va faire, c'est qu'on va nous tuer.