OUTRE-MER - Ce sont trois lettres qui concentrent la colère de la vie chère aux Antilles : GBH. Si cette entreprise est presque inconnue en France hexagonale, il est impossible de lui échapper, en Martinique ou en Guadeloupe puisque GBH détient plusieurs enseignes comme Carrefour, M. Bricolage ou encore Decathlon, mais est aussi très présent dans le secteur automobile.
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00:00Ce sont trois lettres qui concentrent la colère de la vie chère aux Antilles.
00:03G. B. H.
00:21Si cette entreprise est presque inconnue en France hexagonale,
00:24il est impossible de lui échapper en Martinique comme en Guadeloupe.
00:28Car G. B. H. détient plusieurs enseignes,
00:29dont Carrefour, Monsieur Bricolage ou encore Décathlon,
00:33mais est également très présent dans le secteur automobile.
00:35Et si le groupe est désormais dans le viseur de la justice,
00:37c'est à cause du mouvement contre la vie chère en Martinique
00:40et d'une enquête de libération qui démontre que G. B. H.,
00:43derrière un fonctionnement opaque,
00:45fait des marges énormes au détriment des habitants.
00:48G. B. H., c'est l'acronyme de groupe Bernard Ayotte,
00:51du nom de son fondateur.
00:52Bernard Ayotte est un béquet, c'est-à-dire un blanc créole,
00:55descendant d'une famille de colons esclavagistes.
00:58Il a commencé à monter son empire en Martinique dans les années 1960,
01:01avant de s'attaquer à d'autres territoires ultramarins
01:04comme la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie.
01:07Puis il s'est exporté à l'international,
01:09dans plusieurs pays d'Afrique francophone, d'Amérique centrale,
01:12aux États-Unis et allant même jusqu'en Chine.
01:15Pour vous donner une idée, le chiffre d'affaires du groupe
01:17est estimé à 4,5 milliards d'euros.
01:20G. B. H. est aujourd'hui le leader de la grande distribution aux Antilles
01:23et il fait partie d'un petit nombre de grands groupes
01:25qui ont la main mise sur le secteur dans les Outre-mer.
01:29S'ils sont au cœur des revendications du mouvement
01:31contre la vie chère en Martinique et G. B. H. en premier,
01:34c'est à cause des prix exorbitants que l'on retrouve dans les supermarchés.
01:37Quand je passe au supermarché, ça fait mal et ça n'est plus possible.
01:41On n'arrive plus à... Les prix sont exagérés
01:45et donc il y a un moment où il faut que ça s'arrête.
01:49Depuis le mois de novembre, le patron de G. B. H. est assigné
01:52devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France
01:54pour que le groupe publisse ses comptes annuels, comme le veut la loi.
01:57Jusqu'à maintenant, l'entreprise refusait de le faire
02:00et préférait s'acquitter d'une amende allant de 1 500 à 3 000 euros en cas de récidive.
02:05Autant vous dire que ce n'est rien quand on a un chiffre d'affaires de 4,5 milliards d'euros.
02:09L'argument invoqué par G. B. H. lors d'une audition à l'Assemblée nationale,
02:12c'est le secret des affaires.
02:13En Outre-mer, très peu d'entreprises déposent leurs comptes.
02:17La seule raison, c'est qu'elles essayent de se protéger
02:21et de ne pas confier à leurs concurrents des informations sensibles et importantes.
02:26Sauf que cette opacité sur ses comptes permet notamment une chose,
02:29c'est qu'il est très compliqué de connaître les marges pratiquées sur ses produits
02:33qui peuvent être jusqu'à 40% plus chères qu'en Hexagone.
02:36Pour tenter de lever le voile sur cette opacité,
02:38Johnny Hajar, alors député en 2023,
02:41a mené un rapport parlementaire sur le coût de la vie en Outre-mer.
02:44En France, quand il y a trois intermédiaires,
02:47dans nos territoires, il y a 14 intermédiaires.
02:49Chaque intermédiaire faisant sa marge.
02:52Donc quand les grands groupes s'organisent pour maîtriser ce qu'on appelle la chaîne d'approvisionnement,
02:57donc plus de la moitié des 14 intermédiaires qui appartiennent aux mêmes grands groupes,
03:02on découpe les marges par des myriades de petites entreprises
03:06pour donner à l'extérieur l'image de marge raisonnable,
03:10sauf qu'elle s'accumule et l'accumulation des marges fait des prix de sortie exorbitants
03:16alors qu'il devrait pouvoir bénéficier aux usagers
03:21en faisant en sorte que ces marges-là soient regroupées dans le même grand groupe.
03:24Ce système de concentration verticale dont parle Johnny Hajar
03:28permet des prix largement surévalués, comme le montre cette enquête de libération.
03:32Ces marges, elles sont exorbitantes.
03:34Les documents en notre possession démontrent que dans le secteur automobile,
03:38ces marges sont trois à quatre fois supérieures à celles pratiquées en métropole.
03:43La justification par GBA de ces marges, elle est un petit peu toujours la même.
03:48Ils expliquent en gros que les produits sont plus chers
03:52en raison de l'insularité, de l'éloignement des territoires d'outre-mer,
03:56et notamment en raison de ce qu'on appelle communément les frais d'approche,
03:59qui sont en gros tous les frais liés à l'acheminement des produits
04:04depuis la métropole jusqu'à l'outre-mer.
04:06À nouveau, les documents qu'on a révélés démontrent que ce n'est pas le cas.
04:10Mais ce que montre aussi l'enquête, c'est que dans le secteur automobile,
04:13il y a aussi une concentration dite horizontale.
04:15Ils détiennent une grande partie du secteur de la vente automobile,
04:20mais ils détiennent également, en lien avec l'automobile,
04:23tout un tas d'activités annexes, par exemple des centres auto,
04:26de la pneumatique ou de la vente de pièces détachées.
04:30Ce qui veut dire que si quelqu'un veut acheter une voiture de la marque Renault par exemple,
04:33il devra passer par un concessionnaire détenu par GBH.
04:37Et si cette personne a un problème avec sa voiture
04:38et doit la faire réparer ou juste même changer ses pneus,
04:41elle sera contrainte de passer par un centre auto également détenu par GBH.
04:45Donc là aussi, les marges réalisées sur ces services reviennent au groupe.
04:49Le problème dans tout ça est que GBH ne publiant pas ses comptes,
04:52on ne connaît pas le nombre d'entreprises exactes qu'ils détiennent
04:55ni les marges réalisées grâce à elles.
04:57Mais en bout de chaîne, c'est le consommateur qui en paye le prix.
05:00De son côté, GBH réfute les accusations de position dominante dans la grande distribution
05:05et déclare que les marges sont très comparables à celles pratiquées dans l'hexagone.